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critiques de nos critiques

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« Un bon écologiste, c'est un type qui voit loin et qui a peu de foi dans le progrès, la science et la technique. »
Jacques-Yves Cousteau

« Les idées ne sont pas faites pour être pensées mais pour être vécues. »
André Malraux

« Nous en avons assez d’être les partisans de causes plus petites que celle de l’Univers. »
Henry Grouès, dit l’Abbé Pierre

« Depuis une quinzaine d'années, l'ethnologue prend davantage conscience que les problèmes posés par les préjugés raciaux reflètent à l'échelle humaine un problème beaucoup plus vaste et dont la solution est encore plus urgente : celui des rapports entre l'homme et les autres espèces vivantes ; et il ne servirait à rien de prétendre le résoudre sur le premier plan si on ne s'attaquait pas aussi à lui sur l'autre, tant il est vrai que le respect que nous souhaitons obtenir de l'homme envers ses pareils n'est qu'un cas particulier du respect qu'il devrait ressentir pour toutes les formes de la vie. »
Claude Levi-Straus

La présente perte planétaire de biodiversité par le saccage des habitats et l’érosion des espèces qui en sont tributaires, revêt le scénario d'un épisode d'extinction massive. Certains analystes fondés comparent le phénomène à une glaciation ou à une catastrophe égale à celle de la fin du Crétacé (65 millions d’années). Rappelons qu’il s'est produit entre le Crétacé et le Tertiaire, période où la vie proliférait, un phénomène d'origine cosmique (la collision planétaire d’un astéroïde étant l’hypothèse la plus souvent avancée) ayant rendu le milieu totalement anoxique. La rupture de nombreuses chaînes alimentaires engendra alors une apocalypse écologique qui fut fatale à un très grand nombre d’espèces, parmi lesquelles les dinosaures. Un tel scénario à solution finale se produirait présentement, mais cette fois sous forme d’un écocide lent provoqué par les égarements d’une fourmilière humaine rendue maîtresse tyrannique de la planète à force d’« intelligence ». Ce n’est peut-être pas un postulat trop osé... Bien des preuves irréfutables sont engrangées pour étayer cette théorie extrême. Vivre en catastrophe n’empêche pourtant pas certains de continuer impassiblement à vaquer à leurs occupations, à consommer, à stocker. Fatalisme suicidaire ? Incrédulité face à l’énormité d’une prophétie jugée affabulatrice ? Égoïsme d’une extrême inconscience ? Réponse presque unanime par un « Seul je ne peux de toute façon rien changer... ! » D’autres s’en inquiètent, un peu, beaucoup, passionnément.

L’écoconscience est-elle un écocentrisme ? Les Verts sont-ils les écofascistes d’un nouveau type ? L’écologisme est-il un romantisme aux tendances autoritaires et contradictoires ? Les écolos sont-ils en proie à une exaltation et à une fétichisation naturaliste ? Les protectionnistes sont-ils des prophètes de la panique, de l’alarmisme, du catastrophisme ? Le développement durable est-il une imposture, une démagogie verte ? Etc. Autant de questions qui surgissent des critiques de certains, du principe de défiance de quelques autres, voire de railleries communes. Ces objections à nos critiques et au salutaire combat pour le respect du Vivant proviennent généralement d’un tissu social dont l’univers de proximité n’est pas encore menacé par la politique de la terre brûlée et qui, dans une indifférence de marbre, cherche à protéger quelques privilèges en mal de caducité. Il est donc intéressant de noter que les blâmes trouvent toutes leurs résonances dans la classe la plus responsable du cynisme ambiant et de la disparité sociale, que les diatribes sont le fait de détracteurs n’opposant pas la moindre objection aux exactions des compagnies qui tendent à scalper l’Amazonie, à trouer l’Alaska ou à dénaturer l’Afrique.

Plutôt que de répondre à ces questions, à ces doutes, à ces critiques, par « La bonne parole de l’homme de bonne volonté », les écologistes ont eu trop longtemps la manifeste tendance à former des cercles, à se replier en clans, à se réunir en chapelles, à recourir à un code ésotérique, à une rhétorique amphigourique dont l’usage se résume à ne convaincre que des convaincus. L’humanisme naturaliste était alors force politique à effet nul, avec le risque sectaire de se mentir à lui-même pour la seule autosatisfaction, quand ce n’était pas de l’autoflagellation. C’était une dérive propre aux balbutiements d’une force novatrice.

Qu’il soit taxé de naïf ou d’extrémiste, d’idéaliste ou d’intolérant, d’exalté ou de réactionnaire, ce qu’on reproche finalement à l’écologiste serait une ingratitude aveugle. On lui fait le procès d’intention d’être insensible aux problèmes de grande pauvreté et de s’émouvoir sur l’éradication d’un végétal, d’évaluer le degré de naturalité bien au-delà de la valeur humanitaire.

Il n’a pourtant jamais été du propos d’aucun écolo-conservationniste d’extraire l’homme de la biosphère, de tomber en pâmoison devant une espèce rare dont un dictat conservatoire engendrerait une famine. C’est prétendre à une perverse esthétique qui confinerait au romantisme nazi de quelques « khmers Verts ». Que l’on prenne garde, il peut en exister en ces temps de djihads bellicistes à 360 degrés ! Mais jeter l’anathème sur l’écologiste ordinaire en estimant que sa préoccupation serait doublée du dédain pour la misère humaine est d’autant un mauvais procès que cette pauvreté est étroitement corrélée à la détérioration de l’environnement. Ce sont les plus démunis qui subissent de plein fouet les effets de la dégradation du capital naturel, de l’épuisement des ressources et bientôt d’une mondialisation néolibérale dont ils seront la cinquième roue de la charrette. Pas plus que le Quart-Monde n’a le moindre contrôle de ce que les transnationales mettent dans son assiette occidentale (autre débat...), le Tiers-Monde n’a pas toujours les moyens de s’abstenir d’une moindre prédation pour sa survie journalière. Pauvreté et dégradation de l'environnement sont des phénomènes à rétroaction positive, à savoir que les conséquences de l'une rendent l'autre inévitable. Quand on parle de sauvegarder le biopatrimoine, le souci humanitaire est toujours en contrepoint. Aucune déontologie verte ne peut nous faire négliger l'éthique envers notre propre espèce, particulièrement envers ceux qui n’ont voix au chapitre. Il n’est nulle question de soustraire cette dernière pousse comestible que coupe la mère s’il s’agit de nourrir son enfant. Même si nous faisons l’éloge de la Nature et condamnons la civilisation, même si nous mettons une majuscule à « Nature » et une minuscule à « humain » parce que le second est champion dans l’art de décevoir mais que la première tient toujours ses promesses et ses floraisons... La précarité sans cesse plus nombreuse, sans cesse marginalisée davantage et rejetée en périphérie des métropoles, exerce une pression sans commun rapport avec la capacité du support naturel. Ce dont les classes privilégiées peuvent le plus souvent s’épargner, ayant d’ailleurs pour la plupart de leurs représentants perdus tout contact avec le moindre écosystème puisque survivant luxueusement bunkérisés en système calfeutré. On court l’inévitable risque de voir détruire des milieux fragiles parce qu'on n'a pas su assurer le nécessaire à des populations démunies, démunies parce que pillées.

Non, l’écologisme – même maladroit – n’est pas un démon à exorciser. L’accusation de se détourner de l’humanité en cherchant à sauvegarder une biocénose ou à ralentir le dépérissement d’une forêt est ainsi fallacieuse. Si elle s’avérait exacte, ce serait un reproche fait à l’endroit d’une idéologie, d’un dogmatisme. Mais l’écologisme est un humanisme naturaliste, non une révélation ! Et l’écologie qui ne se préoccupe que de comprendre les écosystèmes est une science. Point.

Michel Tarrier

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