Caro18 0 Posté(e) le 13 novembre 2007 Jacques Lanctôt La faim Canoë 09/11/2007 04h00 Le 16 octobre dernier, on célébrait la Journée mondiale de l’alimentation. On a certes abordé cette question sous différents angles. On a évoqué le problème des mannequins anorexiques, qu’il faudrait absolument bannir des défilés de mode, de la mal bouffe dans les écoles et des mesures à prendre pour faire en sorte que les établissements scolaires ne soient plus un endroit où s’initier à manger mal. On a aussi annoncé que dans quelques mois, tous les produits alimentaires vendus dans les endroits publics devront afficher un tableau de leur valeur nutritive. On ne peut être contre la vertu et toutes ces mesures sont, en général, très bien accueillies. Laissez-moi maintenant vous raconter une histoire, je l’ai trouvée sur le site web de la BBC et elle concerne une girafe. Ce n’est pas une histoire de girafe qui a faim, mais d’une girafe qui a soif. Ladite girafe vivait heureuse dans une réserve naturelle du Zimbabwe, en Afrique, jusqu’à ce que l’extrême sécheresse qui sévit actuellement dans cette région la force à sortir de sa réserve à la recherche d’eau afin d’étancher sa soif. Mais la population des alentours avait, elle, énormément faim et la sécheresse, bien évidemment, l’affectait tout autant. En effet, les habitants de la banlieue de Harare, la capitale du Zimbabwe, étaient rendus au bout du rouleau et ils n’avaient sûrement pas le cœur à tirer à la courte paille «pour savoir qui qui qui serait mangé, ohé ohé». Ils ont aperçu cette girafe toute pimpante et un peu hautaine qui courait dans les champs asséchés et ils se sont mis à la pourchasser pour l’attraper, jusqu’à ce que la police, alertée par quelqu’un qui ne voyait pas ce festin appréhendé d’un bon œil, intervienne pour protéger l’animal en cavale. Celle-ci l’a remise ensuite aux agents protecteurs de la faune, qui l’ont emmenée dans un endroit plus sécuritaire. Et les gens sont restés sur leur faim, malheureusement. Que penser de cette histoire? Est-ce une bonne chose qu’on ait sauvé la vie de cette girafe? Les âmes sensibles répondront sûrement oui. Mais a-t-on pensé que cette girafe aurait pu nourrir la population affamée de ce village? Comme on dit souvent, la girafe aurait permis d’en boucher un coin, en attendant des jours meilleurs. Cette histoire ressemble fort à ce qui se passe avec la chasse aux phoques aux Îles de la Madeleine. De nombreux militants pour la libération animale crient chaque année au massacre alors que cette récolte est tout à fait contrôlée et bien encadrée, et elle permet aux Madelinots de s’en sortir un peu mieux. J’ai un ami, grand voyageur, qui un jour avait décidé de s’installer à la campagne. Il croyait énormément aux vertus de l’autosuffisance, à tel point qu’il avait construit lui-même sa maison, au sommet d’une petite montagne, dans la belle région de Gatineau. Il voulait également vivre en harmonie avec tout ce qui l’entourait dans la nature, et il s’était promis de goûter à tous les animaux sauvages, à quatre pattes et à deux pattes, qu’il réussirait à capturer, non pas par pur plaisir ou par méchanceté, mais bien pour s’alimenter et apprendre à vivre en autarcie et en harmonie avec son milieu. C’est ainsi qu’il a goûté à tous ces petits animaux qui vivent près des fermes, de l’écureuil au renard, en passant par plusieurs variétés d’oiseaux. Il n’a jamais manqué de nourriture, croyez-moi. J’imagine que nos ancêtres amérindiens vivaient ainsi, sans se plaindre, avant l’arrivée des colons blancs. Uniquement à Montréal, il existe 500 organismes qui œuvrent dans le domaine de l’aide alimentaire. Ils distribuent des «paniers de Noël» chaque semaine à des centaines de familles dans le besoin. Triste constat pour une société pourtant riche. Moi, je n’aime pas la viande de cheval, d’autruche, d’ours, ni celle de tortue et de crocodile (que j’ai déjà mangées à Cuba), ni celle de requin, ni celle de loup-marin que j’ai déjà goûtée aux Îles de la Madeleine. Je n’ai jamais croqué d’insectes à l’insectarium de Montréal, mais peut-être en ai-je déjà avalé en marchant, courant, pédalant. Mais de la girafe?... Bref, si jamais vous voyez une girafe un peu hautaine gambadant dans votre cour, avisez-moi, j’ai un ami boucher qui se fera un plaisir de la capturer et de la dépecer et on ira faire la distribution ensemble à toutes ces familles qui n’ont pas eu la possibilité de manger de la dinde à la fête des récoltes ou à l’Action de grâces. La Journée mondiale de l’alimentation, c’est aussi un temps pour réfléchir, à nos méthodes de culture, à notre autonomie alimentaire, au gaspillage immense. Vous imaginez tout ce qu’on aurait pu faire, dans le seul domaine de l’alimentation (mais aussi de la santé et de l’éducation, rêvons un peu) avec les 615 milliards de dollars qu’a coûtés à ce jour la guerre en Irak? http://www2.canoe.com/infos/chroniques/jacqueslanctot/archives/2007/11/20071108-091646.html Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites