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Animal

Un «village gaulois» dans l'industrie porcine

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24-25 novembre 2007


L'industrie porcine, qui fait face à une crise importante depuis deux ans, a fait surgir au grand jour l'existence d'un «village gaulois» parmi les 4300 producteurs québécois, lequel propose rien de moins que l'abandon de la politique de la conquête des marchés et une baisse de la production de 25 % pour ramener celle-ci à son niveau d'avant 1996, c'est-à-dire à 5,2 millions de porcs par année au lieu des sept millions qui auront été produits cette année.


C'est la première fois qu'une instance dûment reconnue au sein de la Fédération des producteurs de porcs du Québec (FPPQ) prend d'assaut l'objectif de doubler la production dont le gouvernement, dirigé par Lucien Bouchard, avait convenu avec l'ensemble de la filière porcine. Cette instance est le Syndicat des producteurs de porcs de Lanaudière, l'une des régions à forte concentration de production porcine. Jacques Clermont, président de ce syndicat qui compte 220 producteurs, est un militant dans le syndicalisme agricole depuis 25 ans. Installé à Saint-Jacques-de-Montcalm, il produit environ 6000 porcs par année, mais sa plus grande fierté est d'être un producteur indépendant.

En fait, 95 % des membres de son syndicat sont des producteurs indépendants, et Lanaudière est la seule région au Québec où la majorité des producteurs porcins sont des indépendants et non des intégrés, c'est-à-dire des producteurs qui ne possèdent que leurs bâtisses, alors qu'ils travaillent à contrat pour les intégrateurs qui eux sont propriétaires des animaux et sont aussi généralement des fournisseurs d'intrants et des propriétaires d'abattoirs. «La croissance de la production des dernières années s'est principalement réalisée par la voie du réseau de l'intégration et ce sont les exploitations porcines indépendantes qui en ont davantage subi les impacts négatifs», soutient ce syndicat. Cette prise de position fait ressortir de façon spectaculaire un certain malaise qui existe depuis assez longtemps au sein de la FPPQ entre les producteurs indépendants et les intégrateurs.

Solidement appuyé par son syndicat et même par la Fédération des producteurs de la région de Lanaudière, qui représente toutes les productions et pas seulement celle du porc, M. Clermont entend mener la bataille jusqu'à la victoire finale, tant au sein de la FPPQ qu'au congrès général de l'Union des producteurs agricoles (UPA) dans deux semaines. Et en cas de refus, où ira-t-il? Il promet d'aller plaider sa cause devant le monde politique et Guy Coulombe, mandaté par le gouvernement pour mettre tous les intervenants de la filière porcine d'accord sur un plan d'action. M. Coulombe doit présenter son rapport au plus tard le 3 mars prochain.

Pour l'instant, M. Clermont cherche des tribunes pour expliquer son projet. Il souhaite être invité à le faire devant les membres de la FPPQ, qui tiendra une assemblée semi-annuelle la semaine prochaine. «Plus on explique notre position, plus on a des appuis», affirme avec assurance ce président, qui ne vise rien de moins que d'entraîner dans son sillage l'ensemble des producteurs agricoles du Québec.

La Fédération prépare son propre plan

Jeudi soir, le syndicat de Lanaudière tenait une assemblée de ses membres et recevait la visite de Jean-Guy Vincent, président de la FPPQ, dans le cadre de sa tournée de toutes les régions. Tous les efforts ont été faits pour obtenir son appui à la désescalade de la production porcine. M. Vincent a refusé complètement de prendre parti. On le soupçonne quand même de pencher du côté des intégrateurs. Il a refusé de garantir à M. Clermont qu'il pourra expliquer son plan devant le conseil d'administration de la FPPQ la semaine prochaine, laissant à ses 16 administrateurs le soin de décider s'il y aura ou non une présentation du plan de Lanaudière. En revanche, la FPPQ, qui prépare de son côté son propre plan, demande des changements à ses règlements en vue d'ajouter un siège à son conseil d'administration pour un producteur intégrateur, lequel serait nommé par l'Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière (AQINAC). Le syndicat de M. Clermont s'oppose catégoriquement à un tel ajout.

Cette question a d'ailleurs rebondi cette semaine au conseil général de l'UPA, alors que celui-ci faisait le point sur la crise porcine. Dans une résolution de soutien aux producteurs porcins, il y a un point spécifique concernant cette proposition de la FPPQ qui se lit comme suit: «les membres du conseil général de l'UPA ont unanimement résolu de mettre en garde la Fédération du précédent dangereux que pourrait créer, pour notre démocratie syndicale et la mise en marché collective, la présence d'un autre intervenant de la filière, comme l'AQINAC, dans la gestion de nos instances syndicales et de nos plans conjoints». Il ne s'agit pas d'une interdiction, mais bien d'une mise en garde, ce qui a permis à M. Vincent et sans doute à d'autres membres du conseil général de voter en faveur de la résolution. Néanmoins, une certaine ambiguïté demeure. Environ 60 % des producteurs de porcs au Québec ont des contrats avec les intégrateurs.

Comment se fait-il que Lanaudière soit devenue ce village gaulois? Il y a eu dans les années 1980 l'imposition d'un moratoire dans la région, à la suite de nombreuses plaintes de pollution de la rivière L'Assomption. Il y a eu alors un programme de réduction volontaire de la production porcine, qui a bien fonctionné et qui a coûté environ 12 millions. Le moratoire a eu aussi pour effet qu'il n'y a eu aucune intégration de la production dans la région.

Cette expérience a bien sûr inspiré M. Clermont à concevoir son projet, à le faire examiner par un comité de ses producteurs, à en faire une proposition formelle adoptée par son syndicat. Dans la foulée d'une agriculture de plus en plus industrielle, Lanaudière semble faire un virage à 180 degrés, ce qui n'est pas tout à fait le cas puisque M. Clermont veut assurer la pérennité de la production porcine à son niveau de 5,2 millions de porcs par année. Il pense pouvoir obtenir l'appui de l'ensemble des agriculteurs, du monde politique et bien sûr des milieux environnementaux. Il rejoint M. Vincent sur la nécessité d'avoir des fermes rentables et il insiste sur la nécessité d'un équilibre entre la production et la capacité d'abattage des usines.

Des droits compensatoires à l'horizon

Il y a présentement plus de 40 000 porcs en surplus, qu'on essaie de vendre ailleurs au Canada et aux États-Unis. Malheureusement, il y a pratiquement autant de porcs de l'Ontario qui viennent se faire abattre au Québec. Personne ne parle de bloquer l'autoroute 20, comme cela a été fait dans le passé, mais plusieurs songent à empêcher les porcs d'ailleurs d'entrer dans les abattoirs du Québec, tout en voulant exporter plus de porcs québécois aux États-Unis.

Un instant, répond M. Vincent, en expliquant que le Conseil canadien du porc vient de mettre 10 millions à son budget en prévision de droits compensatoires que le gouvernement américain va bientôt imposer, comme il l'a fait pour le bois d'oeuvre. Qu'à cela ne tienne, certains parlent d'une grève du porc, c'est-à-dire refuser de livrer des porcs aux abattoirs pendant une semaine ou un mois. Bref, la nervosité est grande et de nombreux producteurs se sentent démunis.

Selon le plan de M. Clermont, on pourrait, avec un programme de rachat des fermes détenues par des indépendants, diminuer la production de 25 % en moins d'un an. Le coût des rachats, effectués selon des conditions précises pour éviter les abus, se situerait à près de 750 millions. Toutefois, les baisses des sommes versées par le gouvernement en assurance stabilisation du revenu diminueraient ce coût de 445 millions sur une période de 20 ans, ce qui ramènerait le coût net à 300 millions. Mais, en supposant que la production de porcs aurait continué d'augmenter jusqu'à neuf millions de porcs par année en 10 ans, il y aurait eu des coûts d'assurance additionnels de 175 millions et d'autres pertes reliées à la production, Bref, en tenant compte de tout cela, on arriverait à un gain net de 27 millions pour le gouvernement.

Peu importe la crédibilité accordée à ces chiffres, il y a des producteurs qui avouent craindre que, si la tendance actuelle se maintient, le gouvernement puisse décider de laisser complètement tomber son aide financière. «Il se pose des questions, c'est certain. C'est pour ça qu'il a nommé M. Coulombe», rappelle M. Clermont. Pour ceux qui sont en difficulté et qui préféreraient demeurer en production, M. Clermont propose un programme de prêts sans intérêts pendant cinq ans et amortis sur 25 ans avec un maximum de 200 000 $ par entreprise.

Selon M. Vincent, environ 40 % des producteurs ont des arrérages de paiements à la Financière agricole ou à des fournisseurs. La Financière précise que, dans son cas, 12 % ont des arrérages de paiement, en comparaison de 17 % en mars. La moyenne habituelle est de 5 %. Les paiements de la Financière dans le cadre de l'assurance stabilisation du revenu seront cette année de 300 millions, en comparaison de 254 millions en 2006, de 31 millions en 2005 et de zéro en 2004. La réglementation prévoit qu'un déficit doit être remboursé dans un délai de cinq ans. Ce régime d'assurance est payé aux deux tiers par le gouvernement et au tiers par le producteur, qui se voit imposer une surprime de 20 % à défaut de payer dans les délais prévus. Actuellement, le porc se vend entre 76 et 88 $, alors que le coût de production se situerait à 145 $.

http://www.ledevoir.com/2007/11/24/165819.html

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