Animal 0 Posté(e) le 4 janvier 2008 Le livre de l'historien Charles Patterson, Éternel Treblinka : Notre Traitement des Animaux et l'Holocauste, est sorti le 3 janvier (aux éditions Calmann-Lévy). Il s'agit d'un livre important sur la condition animale. Si vous voulez en savoir plus voici : http://www.veganimal.info/article.php3?id_article=484 http://www.excellenteditor.com/ http://www.amazon.fr/Un-éternel-Treblinka-Charles-Patterson/dp/2702138454 Je vous fais suivre ci-dessous la traduction d'un entretien (quelque peu publicitaire) avec Charles Patterson, (http://www.veganimal.info/article.php3?id_article=484) ============================================= Charles Patterson , historien social et auteur du livre "Éternel Treblinka : Notre traitement des animaux et l'Holocauste", a accepté de répondre aux questions de l'équipe du site VegAnimal.info. L'entretien a été réalisé en octobre 2005 - Traduction par Isabelle Rineau Charles Patterson, pourriez-vous présenter votre livre "Éternel Treblinka : Notre traitement des animaux et l'Holocauste" au public francophone ? La thèse de mon livre est que l'exploitation et le massacre des animaux est l'oppression centrale et originelle, à partir de laquelle toutes les autres oppressions découlent. La cruauté et l'injustice envers les animaux se retrouve inévitablement chez les humains. Isaac Bashevis Singer, écrivain yiddish détenteur du prix Nobel est à l'origine du titre de mon livre, qui lui est dédié. Il fut le premier auteur moderne qui ait vraiment utilisé le terme holocauste pour décrire l'exploitation et le massacre des animaux. Il a écrit : "Par rapport à eux, tous les humains sont des nazis. Pour les animaux c'est l'éternel Treblinka." (Treblinka était un camp de la mort nazi au nord de Varsovie.) Le livre examine les racines communes de l'oppression animale et de l'oppression humaine et les similarités entre la façon dont les nazis traitaient leurs victimes et la façon dont la société moderne traite les animaux qu'elle massacre pour la nourriture. La dernière partie du livre fait le portrait de défenseurs d'animaux juifs et allemands d'un bord et de l'autre de l'Holocauste, parmi lesquels Isaac Bashevis Singer lui-même. De nombreuses personnalités internationales dans le milieu associatif, politique, intellectuel etc., ont réagi à votre livre (1) et l'on suppose que des lecteurs issus du grand public ont dû également vous contacter pour vous donner leur impression. Quels sont les commentaires qui vous ont le plus touché ? J'ai été surtout touché par les commentaires et les critiques des gens qui ont reconnu l'importance et l'originalité de mon livre. Par exemple, le journal israélien Maariv a écrit : "Le défi moral posé par Eternel Treblinka en fait un livre indispensable pour celui qui cherche à explorer la leçon universelle de l'Holocauste" et la très respectée Midwest Book Review (US) a décrit le livre comme étant "captivant, controversé, iconoclaste... vivement recommandé... une contribution unique." Dr Jane Goodall, célèbre dans le monde entier, a dit de mon livre qu'il "contribuera énormément à corriger les traitements épouvantables que les êtres humains ont infligé aux animaux à travers l'histoire. Je vous recommande vivement de lire ce livre et de bien réfléchir au message important qu'il contient". Le magazine new-yorkais Satya écrivit, "Il y a les bons livres... divertissants, utiles, éducatifs ; les livres excellents... dont le message révèle une vérité fondamentale encore inconnue ou ignorée ; et il y a les livres importants... qui peuvent sauver des vies et réduire la souffrance : Eternel Treblinka est les trois à la fois ". Helen Weaver, l'auteur de The Daisy Sutra est peut-être la personne qui m'a le mieux compris : "Il est rare qu'une oeuvre d'un tel savoir jaillisse d'un c¦ur compatissant au service d'une cause noble et nécessaire. Tous les ingrédients de votre thèse - le fait que l'oppression des animaux serve de modèle à toutes les autres formes d'oppression - sont à la disposition des gens capables de penser depuis des générations, mais il ne manquait plus que vous pour les rassembler." J'ai eu droit à des ronchonnements de la part de certains critiques juifs et autres qui n'avaient évidemment pas lu mon livre mais en rejetaient le titre ou le concept en lui-même, mais en général, la réaction juive m'a beaucoup encouragé. Deux exemples : National Jewish Post & Opinion : "Eternel Treblinka devrait figurer sur toutes les listes de livres à lire absolument pour une citoyenneté avisée en raison du caractère complet et captivant de l'histoire de vie et de mort qu'il raconte." Martyrdom and Resistance (publication sur l'Holocauste) : "Important et opportun... écrit avec beaucoup d'émotion et de compassion... j' espère qu'Eternel Treblinka sera lu par beaucoup de monde." The Freethinker (RU) a dit qu'Eternel Treblinka "captive comme un roman à suspens" et j'aime beaucoup la réaction du Dr. Karen Davis, présidente de United Poultry Concerns (US) qui a dit de mon livre qu'il "promet d'être l'un des livres les plus influents du 21ème siècle". J'espère qu'elle a raison et pour l'instant tout porte à y croire. Votre livre, commenté par beaucoup de lecteurs comme étant "une grande contribution à l'humanité", a déjà été publié dans plusieurs langues européennes comme l'Italien, l'Allemand, le Tchèque, le Polonais, le Croate mais toujours pas en Français. Comment expliquez-vous que la France - le pays des droits de l'Homme - soit en retard par rapport à ses voisins allemands et italiens ? Je ne doute pas que, sous peu, un éditeur français courageux et prévoyant se présentera. Eternel Treblinka ne sera pas tout de suite un best-seller, mais c'est un livre que le temps rattrapera et qui durera longtemps après que les best-sellers actuels aient été lus et oubliés. Sur la toute première page de mon livre, je parle de Michel Montaigne (1533-92), un grand essayiste français qui a écrit sur "ces privilèges excessifs qu'il (l'homme) suppose avoir sur les autres espèces vivantes." Il pensait que la présomption était "le mal naturel et originel" de l'homme. "L'être vivant le plus fragile et le plus voué au désastre c'est l'homme. Pourtant, c'est aussi le plus arrogant... Comment peut-on imaginer une chose aussi ridicule telle que le fait que cette malheureuse créature pitoyable, qui n'est même pas maître d'elle-même, puisse se nommer maître et seigneur de l'univers ?" La conclusion de Montaigne était la suivante : "Il semble que ce n'est pas par jugement réel, mais par fierté et entêtement stupide que nous nous plaçons avant les animaux et que nous nous isolons de leur condition et de leur société." Donc vous voyez, c'est en France avant tout autre pays que l'idée de droit des animaux a commencé. Beaucoup de lecteurs considèrent également votre ouvrage comme "le plus important livre sur les droits des animaux". Comment définiriez-vous : "les droits des animaux" ? Quels droits les animaux doivent-ils avoir ? .../2 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Animal 0 Posté(e) le 4 janvier 2008 Les animaux devraient avoir le droit de vivre leur vie sans avoir à subir les cruautés de l'espèce humaine supérieure. Comme dit l'écrivaine américaine Alice Walker, "Les animaux du monde existent pour leurs propres raisons. Ils n'ont pas été crées pour les humains, pas plus que les noirs n'ont été crées pour les blancs ou les femmes pour les hommes". Depuis la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les humains ne sont (en théorie) "plus" considérés comme des marchandises, pourtant, ils sont toujours plus exploités et traités comme telles (2). Comment briser cette chaîne infernale de l'oppression et de la marchandisation des humains ? Le message de mon livre est que, parce que nous marchandisons et exploitons les animaux, nous sommes d'autant plus enclins à faire la même chose aux humains. L'exploitation animale est le berceau de la cruauté humaine. La meilleure façon de prendre le mal à la racine de ce comportement et cette façon de penser fasciste et sans fondement envers les autres, est de protéger les êtres les plus vulnérables au monde - les animaux. Faire du monde un endroit plus sûr pour les animaux en fera un endroit plus sûr pour les humains aussi. Si les gens apprennent à être plus compatissants envers les animaux, ils agiront de la même façon envers les êtres humains. L'oppression animale forme le terrain propice d'où naissent les persécutions, le racisme, les génocides, les guerres, le terrorisme, le colonialisme, l'esclavage, et toute autre atrocité dans laquelle nous, en tant qu'espèce supérieure, nous engageons avec insistance. Dans la première partie du livre : "A Fundamental Debacle", vous donnez des exemples historiques de groupes d'humains (les premiers habitants d'Amérique, les noirs d'Afrique, les juifs sous le régime nazi, etc.) qui furent traités "comme des animaux" ou assimilés comme tels pour "légitimer" leur esclavagisme et leur génocide. Quels autres exemples issus, cette fois-ci, de l'actualité récente utiliserez-vous pour illustrer des similitudes d'oppression, de violence et de massacre d'animaux humains et non-humains ? Tout d'abord, les victimes étaient désignées et appelées animaux. Puis, elles furent exploitées (esclavage humain) et massacrées (holocauste) comme les animaux. Le chapitre 2 de mon livre ("Wolves, Apes, Pigs, Rats, Vermin : Vilifying Others as Animals") explique en détail comment la pratique d'appeler les gens des animaux sert de prélude à leur persécution, leur exploitation et leur massacre. C'est pourquoi appeler des gens des "animaux" est toujours un signe inquiétant. Tous les génocides ont été précédés par ce genre de dénigrement, et dans mon livre j'en parle plus en détail. Il convient de citer un exemple : pendant les années précédant le génocide arménien, les Turcs Ottomans appelaient les Arméniens rajah (bétail). "L'utilisation de l'image animale laisse tout à fait présager l'avenir", écrivit un des spécialistes en science politique dont je parle dans mon livre, "comme la description nazie des Juifs qu'ils appellent rats, et la référence hutu des Tutsis qu'ils appellent insectes. De telles allusions à la sous-humanité de l'ennemi peut laisser présager la possibilité d'un carnage en masse. Selon la définition du dictionnaire, le mot génocide est utilisé pour qualifier une extermination méthodique d'un groupe HUMAIN, pourtant, certains protecteurs des animaux l'emploient également pour définir un massacre animal. Est-ce banaliser ou vider ce terme de son sens que de l'étendre à la tuerie d'une espèce animale ? Il y a t-il un "génocide des bébés phoques" comme il y a un génocide de l'ethnie Tutsis ? Le terme génocide se rapporte aux êtres humains et je ne vois aucune raison d'en changer la définition. Peut-être faut-il trouver un nouveau mot pour remplacer le "génocide" des animaux. Beaucoup de personnes considèrent que l'on ne peut pas s'occuper et défendre en même temps les humains et les animaux. Selon eux, c'est se disperser et perdre de son efficacité. Qu'en pensez-vous ? Mon livre est censé remettre en question ce genre de pensée superficielle. Elle présume que l'espèce humaine est la seule espèce qui compte et que les animaux ne méritent pas d'être protégés parce qu'ils sont "inférieurs". Cette façon de penser est typique de la façon de penser fasciste et hiérarchique qui pervertit notre société. Dans la préface de mon livre, je cite Steven Simmons, activiste contre le sida et pour les animaux, qui décrit bien ce genre de pensée : "Les animaux sont les victimes innocentes de la vision du monde qui soutient que certaines vies ont plus de valeur que d'autres, que les tout-puissants ont le droit d'exploiter les impuissants, et que les faibles doivent être sacrifiés pour les plus forts." Ceux qui défendent, protègent et se battent contre l'oppression des animaux agissent au c¦ur du problème ; les autres font partie du problème, pas de la solution. Que pensez-vous du mode de vie vegan (mode de vie qui exclut toute forme d'exploitation animale dans son alimentation, vêtement, loisir etc.) ? Selon vous, quel type de mode de vie serait le plus respectueux envers les hommes, les animaux et la planète ? Bien qu'étant moi-même végétalien, ma conscience de l'envergure de l'exploitation et du massacre des animaux par notre société est un développement relativement récent. J'ai grandi et ai passé la plupart de ma vie adulte à manger des animaux sans être conscient du fait que notre société soit autant construite sur la violence institutionnalisée envers les animaux. Pendant longtemps, je n'avais jamais pensé à contester ou simplement remettre cela en question. Les recherches et l'écriture de ce livre m'ont fait changées de régime (de carnivore à végétalien - j'ai sauté la phase végétarienne), et j'ai appris par la suite que le livre a eu un effet similaire sur d'autres lecteurs. Il y a d'autres bonnes raisons de passer à un régime à base de végétaux : la santé, l'environnement, la faim dans le monde, etc., mais pour moi la violence envers des êtres vivants innocents est la raison la plus importante. Il y a déjà beaucoup trop de violence dans le monde. Le moins que je puisse faire, c'est de ne pas y rajouter. Le veganisme est souvent décrit par ses détracteurs comme une "utopie naïve en totale contradiction avec la vraie nature de l'Homme : un prédateur, en haut de l'échelle alimentaire, supérieur aux autres animaux en intelligence et émotion". Que répondrez-vous à cette opinion commune ? Cette affirmation de la suprématie humaine et le droit de tuer les plus faibles, c'est la pensée fasciste à l'état pur. Adolf Hitler résuma au mieux cette pensée sans fondement lorsqu'il déclara : "Celui qui ne possède pas la puissance perd le droit à la vie." Jamais les croyances d'Hitler n'ont trouvé de terrain plus fertile que dans notre monde moderne industrialisé, où chaque jour, des millions d'agneaux, de veaux, de cochons, de poulets, de vaches, de chevaux, et autres animaux innocents, sont transportés dans des centres d'abattages pour être massacrés pour les tables de l'espèce supérieure. Pourquoi ? Parce qu'ils ne peuvent pas protester et se défendre face à ceux qui ont décidé de les tuer pour les manger. Finalement, en tant qu'historien social, comment prévoyez-vous l'évolution de la société humaine ? L' Eternel Treblinka pour les humains et les animaux cessera-t-il ? Je conclus cette interview de la même façon que je termine mon livre : Combien de temps est-ce que ces atrocités continueront sans que nous élevions la voix pour protester ? Renforcé par notre refus, notre indifférence, nos coutumes stupides qui remontent aussi loin que nos origines primitives, notre oppression et notre exploitation des animaux semble éternelle et sans espoir. La bonne nouvelle c'est que puisque de plus en plus de gens disent "non" aux abattoirs et tout ce que cela représente, on peut espérer qu'un jour ces abominations prendront fin. Mais en attendant, que faire pour le massacre en masse de tous ces jeunes animaux innocents qui a lieu impitoyablement, jour après jour ? Pour conclure, je pense que plus tôt on arrêtera cet holocauste des animaux, mieux ce sera pour nous tous - que l'on soit auteurs, spectateurs ou victimes. Merci, Charles Patterson. Merci de m'avoir donné l'opportunité de parler de mon livre. (1). Les commentaires de différentes personnalités peuvent être lus en cliquant sur ce lien : http://www.powerfulbook.com/reactio.... (2). Chaque année, le Bureau de la Surveillance et la Lutte contre le Trafic Humain (Office to Monitor and Combat Trafficking in Persons) du Département d'Etat Américain (U.S. Department of State) publie un rapport détaillé sur le trafic des êtres humains. Pour accéder à la totalité du rapport, cliquez ICI. Pour en savoir plus sur Charles Patterson et son livre, lisez également les interviews en anglais qu'il a donné à : - Richard Schwartz . - Biman Basu . - Le site Booksandauthors.net . Visitez également le site officiel du livre et de son auteur : www.powerfulbook.com Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Caro18 0 Posté(e) le 14 janvier 2008 Charles Patterson : l'abattage, un laboratoire de la barbarie LE MONDE DES LIVRES | 10.01.08 | 13h00 Les Etats-Unis nous vient un livre qui semble arriver à point nommé pour conforter tous ceux qui dénoncent le principe même d'un droit des animaux et pensent que les thèses de la "libération animale" devaient immanquablement conduire à des dérapages scandaleux. Comment ne pas être en effet choqué par ce titre, Un éternel Treblinka, que l'historien américain Charles Patterson a osé donner à un livre sur la condition animale ? Pourtant, chapitre après chapitre, on comprend qu'il ne s'agit pas là d'une outrance irresponsable : sans nous faire grâce du moindre détail, l'auteur nous oblige à accompagner l'effroyable parcours qui aboutit à la tuerie des animaux de boucherie, ce processus qui s'effectue à la fois en marge et au coeur des sociétés industrielles. Il veut obliger nos contemporains à prendre connaissance de cette violence banale, légale que des directives encadrent, certes, mais que sa technicité industrielle et son obnubilation par le profit rendent doublement inhumaine : vis-à-vis des bêtes qu'on transporte, qu'on parque, puis qu'on abat, et vis-à-vis des hommes qu'on exerce à l'insensibilité. COMMENCEMENT DU PIRE De ce processus industriel, Patterson propose une genèse surprenante qu'étayent quelques rappels historiques. C'est dans les Union Stock Yards, gigantesque réseau de parcs à bestiaux et d'abattoirs, installés au sud de Chicago, reliés par des centaines de kilomètres de voies ferrées, qu'Henry Ford en 1922 eut la révélation de la chaîne de production dont il fit le modèle d'organisation du travail, auquel il a attaché son nom. Or c'est le même homme qui fut à l'époque l'instigateur de textes antijuifs virulents et le propagateur du pamphlet antisémite Les Protocoles des sages de Sion. Au commencement du pire, il y aurait donc eu comme une connexion entre l'antisémitisme génocidaire et la division du travail d'abattage. De Chicago à Treblinka, la conséquence serait implacable. Patterson dénonce en outre la mise en pratique par les Américains, dans l'entre-deux-guerres, de l'hygiène raciale et de ce qu'on nommait "l'eugénisme des familles", qui reproduisait les techniques de sélection ayant cours dans l'élevage des animaux, et qui fit de féroces disciples chez les nazis. En un mot, la rationalisation de la zootechnie et de l'abattage devait nécessairement aboutir à une "anthropotechnie" exterminatrice, celle-là même que les hitlériens menèrent à bien. Entre les procédés mis en oeuvre dans le traitement des animaux et celui d'hommes préalablement animalisés, il y aurait une rigoureuse similitude. Si l'argumentation peut sembler forcée, c'est qu'elle prétend à la scientificité et qu'elle pèche le plus souvent par naïveté conceptuelle. La lecture de descriptions atroces, inoubliables, aurait pu suffire : ces récits pèsent plus lourd que toute démonstration, ils parlent d'eux-mêmes et emportent une sorte d'intime conviction, celle dont Patterson a recueilli le témoignage auprès de nombreux juifs marqués par l'extermination. Tous disent qu'ils ont un jour ressenti la certitude d'une communauté de sort entre les victimes de ce génocide et les animaux de boucherie conduits à la mort. On peut ne pas être d'accord avec cette manière emphatiquement analogique de dénoncer les pratiques de transport et d'abattage. Et pourtant, on aurait tort de reprocher à Patterson de banaliser la destruction des juifs d'Europe. Il s'est instruit à Yad Vashem et il ne cesse d'affirmer l'unicité de ce meurtre de masse. Sa dénonciation s'ancre dans l'oeuvre d'Isaac Bashevis Singer, dont les livres, entièrement consacrés à décrire la singularité juive d'Europe centrale, sont en même temps hantés par le calvaire infligé aux bêtes destinées à l'alimentation. "Pour ces créatures, tous les humains sont des nazis ; pour les animaux, c'est un éternel Treblinka", écrit I.B. Singer : c'est donc une partie de cette phrase qui constitue le titre du livre de Patterson. Et il ne faudrait pas oublier que beaucoup d'auteurs juifs d'après 1945 ont osé la comparaison : Adorno et Horkheimer, Derrida, Canetti, Grossman, Gary, entre autres, ont été obsédés par la douleur animale et par sa proximité avec la souffrance des persécutions par les nazis. Que faut-il faire pour que nous devenions moins inhumains avec les bêtes ? Le radicalisme de la réponse végétarienne préconisée par Patterson ne saurait convenir à tous. Mais il nous appartient à tous d'inventer une politique humaniste du vivant non humain. UN ÉTERNEL TREBLINKA (ETERNAL TREBLINKA) de Charles Patterson. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Dominique Letellier. Calmann-Lévy , 334 p., 20,50 €. http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3260,36-997729@51-997776,0.html Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites