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Préparation de protéines thérapeutiques à partir des animaux

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zutPréparation de protéines thérapeutiques à partir des animaux

Résumé : L’utilisation des protéines comme médicament a commencé avec l’administration d’insuline de porc aux diabétiques. D’autres protéines également obtenues par extraction ont suivi. Le passage aux protéines recombinantes a eu lieu au début des années 1980 avec la préparation d’insuline humaine par des bactéries. Ce succès a été suivi d’autres mais il est vite apparu que les bactéries étaient incapables de procéder à certaines des modifications post-traductionnelles qui sont indispensables pour que nombre de protéines soient biologiquement actives. C’est le cas en particulier des glycosylations. Il a donc fallu avoir recours à des cellules animales et même à celles de mammifères pour obtenir certaines protéines. Ce sont des cellules en culture qui ont été tout d’abord sollicitées. Dès 1987, il a pu être montré que les animaux transgéniques, et plus précisément leur lait, pouvaient être une source industrielle de protéines thérapeutiques humaines biologiquement actives. Quelques entreprises dédiées à cette nouvelle branche de l’industrie pharmaceutique ont alors été créées et, en 2006, la première protéine thérapeutique extraite du lait de chèvres transgéniques a reçu l’autorisation de mise sur le marché par l’EMEA. Cet article se propose de faire le point sur l’utilisation actuelle et future des animaux transgéniques pour préparer industriellement des protéines thérapeutiques, en comparaison avec les autres systèmes en cours d’étude ou de développement.

Auteur(s) : Louis-Marie Houdebine

Biologie du développement et reproduction, Institut National de la Recherche Agronomique, 78350 Jouy en Josas, France


Malgré leurs rôles majeurs dans le fonctionnement des organismes vivants, les protéines sont restées hors du champ thérapeutique jusqu’à la première partie du XXe siècle. Les protéines sont en effet pour la plupart inactives par voie orale et elles ne pouvaient exercer d’action, même si elles étaient présentes dans les extraits de plantes qui constituaient l’essentiel des médicaments de nos ancêtres. La découverte de l’insuline a permis aux diabétiques de se soigner pendant plusieurs décennies en s’administrant de l’insuline extraite des pancréas de porc. D’autres protéines comme l’hormone de croissance humaine ont suivi le même schéma.

Les limites de cette approche sont rapidement apparues. Certaines protéines ne peuvent être obtenues en quantités suffisantes à partir du sang ou des organes humains ou animaux. C’est le cas de l’érythropoïétine mais aussi de l’hormone de croissance bovine utilisée pour augmenter la production de lait. Les protéines humaines obtenues par extraction peuvent être contaminées par des agents pathogènes comme le VIH ou les prions. La collecte de sang humain pose par ailleurs des problèmes techniques et éthiques, dans certains pays tout au moins. La synthèse chimique des protéines à l’échelle industrielle est et reste prohibitive et elle n’est envisageable que pour des peptides. Le recours au génie génétique est donc apparu comme la seule possibilité pour obtenir des protéines thérapeutiques en masse à des coûts acceptables. L’universalité du code génétique permet, en principe, de produire des protéines humaines, moyennant quelques adaptations des gènes, à partir de n’importe quel organisme génétiquement modifié à cet effet. C’est ainsi que l’insuline humaine a pu être préparée industriellement à partir de bactéries recombinantes dès le début des années 1980. Les bactéries sont ainsi sollicitées à chaque fois qu’elles s’avèrent capables de synthétiser une protéine biologiquement active. Ces situations sont en pratique assez restreintes, car beaucoup de protéines thérapeutiques doivent subir des modifications post-traductionnelles pour être biologiquement actives. Ces modifications sont notamment des repliements, la formation de ponts disulfures, des clivages incluant l’élimination des peptides signaux et des peptides des pro-protéines, des N- et O- glycosylations, des γ−carboxylations, etc. Les bactéries sont pour ces raisons incapables de synthétiser des anticorps fonctionnels. Il est par ailleurs parfois très difficile d’extraire les protéines recombinantes des bactéries car elles sont agrégées et forment des corps d’inclusion. De plus, certaines protéines sont toxiques pour les bactéries, rendant leur utilisation impossible.

Il a donc fallu recourir à d’autres systèmes moins performants sur le plan quantitatif mais permettant l’obtention de protéines parfaitement maturées et fonctionnelles.

Les systèmes de production de protéines
Il existe différents systèmes de production de protéines recombinantes qui sont en cours d’étude ou de développement. Chacun de ces systèmes a ses avantages et ses inconvénients qui peuvent se résumer comme suit.
Bien qu’appartenant aux eucaryotes, les levures présentent en pratique essentiellement les mêmes limites que les bactéries. Certaines sont capables de glycosyler les protéines mais de manière inappropriée parfois propre à induire des réponses immunitaires chez les patients.

Les cellules d’insectes infectées par le baculovirus portant le gène d’intérêt sont couramment utilisées dans les laboratoires pour préparer rapidement des quantités limitées de protéines. Les avantages de ces cellules du point de vue industriel par rapport aux cellules de mammifères comme les cellules CHO (chinese hamster ovary) sont minces. Ces dernières ont même l’avantage de pouvoir procéder à des glycosylations très ressemblantes à celles des protéines humaines. Les inconvénients des cellules en culture sont leur capacité limitée de production et de ce fait, le coût élevé des protéines. A cela, il convient d’ajouter leur manque de souplesse. Il faut en effet cinq ans et 400 millions de dollars pour construire un fermenteur de 100. 000 litres qui ne produit le plus souvent que quelques dizaines ou centaines de microgrammes de protéines par millilitre de milieu.

Les plantes offrent incontestablement l’avantage de la puissance et de la souplesse. Leurs inconvénients restent les taux de production mal maîtrisés, les glycosylations différentes de celles des mammifères et en particulier la présence de xylose qui induit des réactions immunitaires indésirables chez les patients. La purification des protéines à partir des feuilles est relativement difficile car il est nécessaire de bien éliminer les polyphénols végétaux qui induisent des réactions inflammatoires chez les patients. La dissémination des plantes génétiquement modifiées ne pose de problème que pour certaines d’entre elles lorsqu’il s’agit d’agriculture. Il peut ne pas en être de même lorsque les plantes sont utilisées comme source de protéines thérapeutiques. L’action de telles protéines thérapeutiques ingérées ou absorbées fortuitement par les voies respiratoires a peu de chance de s’exercer. Ce qui est plutôt à craindre est l’induction d’une réponse immunitaire contre les protéines en question, qui serait susceptible d’inactiver ces mêmes protéines présentes naturellement chez les personnes qui sont, d’une manière ou d’une autre, au contact avec ces plantes [1]. La culture de ces plantes dans des serres ferait perdre l’avantage compétitif des plantes. Des alternatives consistent à n’utiliser que des plantes stériles et ne faisant pas partie de l’alimentation humaine, à utiliser du tabac cultivé dans des champs isolés et infecté massivement et très transitoirement par un virus porteur du gène d’intérêt ou encore à utiliser des lentilles d’eau cultivées dans des bassins clos. Plusieurs protéines recombinantes extraites de plantes sont commercialisées mais il s’agit dans tous les cas de réactifs et non de molécules thérapeutiques. Les animaux transgéniques sont plus avancés dans ce domaine.

Les animaux producteurs de protéines
Les avantages comparatifs des animaux sont résumés dans le tableau 1. Le sang peut être une source de protéines recombinantes mais seulement pour celles qui sont stables et n’exercent pas d’actions biologiques délétères chez les animaux producteurs [2]. La glande séricigène présente l’avantage unique de pouvoir sécréter des fils de soie potentiellement utilisables comme support pour accélérer la guérison de plaies. Les larves de drosophile se présentent comme un système peu coûteux mais produisant des protéines imparfaitement glycosylées car provenant de cellules d’insectes.
Le lait est le système animal de production le plus avancé techniquement et probablement le plus performant. La glande mammaire synthétise en effet des quantités considérables de protéines qui sont sécrétées en dehors du corps de la femelle réduisant ainsi leurs effets intempestifs potentiels chez l’animal. La démonstration faite en 1985 qu’il était possible d’obtenir des lapins, des porcs et des moutons par la technique établie cinq ans plus tôt chez la souris, a été rapidement suivie par une autre montrant que le lait de souris transgéniques pouvait contenir une protéine humaine, l’inhibiteur de plasminogène (tPA), possédant les propriétés biologiques de la protéine native [3]. Quelques entreprises ont été alors créées pour exploiter ce nouveau procédé très prometteur. Plusieurs animaux ont été et sont encore sollicités à cet effet. La souris est utilisée pour améliorer les vecteurs d’expression des constructions de gènes et les valider. Le lapin, le porc, la chèvre, le mouton et la vache sont effectivement exploités dans le but de produire industriellement des protéines dans leur lait. Chez ces différents mammifères, les quantités de protéines recombinantes sont de l’ordre de quelques centaines de milligrammes à quelques grammes par litre de lait. Ceci place d’emblée le coût brut de production des protéines dans le lait à un niveau 5 à 100 fois plus faible que celui actuellement en vigueur pour les cellules CHO.

Chacune de ces espèces présente ses avantages et ses inconvénients. Le lapin est de plus en plus apprécié car la transgenèse par micro-injection de gène est relativement aisée chez cette espèce. Une durée de 7 mois entre la micro-injection de gène dans les embryons est suffisante pour obtenir les premiers laits contenant la protéine recombinante. De plus, le lapin se reproduit rapidement et les lignées d’intérêt peuvent être conservées sous forme d’embryons ou de semence congelés offrant ainsi une grande souplesse d’exploitation. Le lapin peut, aisément et à des coûts réduits, être élevé dans des animaleries sans germe. Le lapin est par ailleurs naturellement résistant aux maladies à prions et il ne transmet pas de maladies majeures à l’homme. Chaque lapine peut fournir 15 litres de lait par an par une traite mécanique qui ne pose pas de problème particulier. Un troupeau de quelques centaines de lapins permet donc de préparer annuellement plusieurs kilogrammes de protéines thérapeutiques, ce qui correspond à la plupart des marchés actuels de protéines recombinantes.

Le porc, le mouton, la chèvre et la vache sont plus appropriés pour produire des quantités de protéines atteignant des centaines de kilogrammes voire des tonnes par an. Il faut ainsi 60 chèvres pour préparer 100 kg d’un anticorps monoclonal, 4 300 brebis pour préparer les 5 000 tonnes d’α-antitrypsine attendues et 5 400 vaches pour produire les 100 000 tonnes d’albumine dont on a besoin. Il faut 16, 18, et 33 mois pour pouvoir disposer des premiers laits contenant les protéines recombinantes respectivement chez ces trois espèces. Le transfert de gène est plus laborieux chez le porc que chez le lapin ou la souris et il est très peu efficace chez les ruminants par la micro-injection classique d’ADN dans les embryons. Il est donc nécessaire pour ces espèces de transférer la construction contenant le gène d’intérêt dans des cellules somatiques utilisées ensuite pour engendrer des animaux clonés transgéniques selon la méthode de transfert de noyau qui a donné naissance à la brebis Dolly [4, 5].

Un système de production de protéines qui était attendu est le blanc d’œuf de poule. Ce système possède en effet la plupart des avantages du lait. Ce procédé ne s’est imposé que très récemment car l’obtention de poules transgéniques s’est heurtée pendant 15 ans à des problèmes techniques difficilement maîtrisables. L’utilisation de vecteurs lentiviraux [6] et de cellules pluripotentes EG provenant des gonades fœtales et permettant l’obtention de chimères transgéniques [7] a brusquement placé le blanc d’œuf au milieu de la scène. Des anticorps et un interféron ont été récemment obtenus dans le blanc d’œuf [6, 12]. Ce système n’est pas fondamentalement plus performant que le lait mais il a l’avantage d’échapper aux brevets portant sur la production de protéines dans le lait. Il permet virtuellement d’obtenir sans problème des protéines qui exercent des effets délétères chez les mammifères, et donc chez les animaux producteurs, comme l’érythropoïétine [8] et la FSH [9].


Poursuivre la lecture: http://www.john-libbey-eurotext.fr/fr/revues/medecine/stv/e-docs/00/04/39/E2/article.md?type=text.html

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