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Foie gras: le père Noël est une ordure

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Je poste le texte car tout le monde n'arrive pas à le voir en entier

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Noël et le 1er de l’an ne sont-ils pas d’abord synonymes de «bonne
chère», en particulier du sacro-saint foie gras sans lequel, semble-t-
il, la fête serait triste ? La France est le premier producteur (76%)
et le premier consommateur (68%) de foie gras. Le Parlement a jugé
bon d’ériger le foie gras en «patrimoine culturel et gastronomique
protégé en France» (Art. L. 645-27-1 du code rural), encourageant
ainsi une demande déposée auprès de l’Unesco pour obtenir qu’elle
classe la gastronomie française dans le «patrimoine immatériel de
l’humanité» !

Comment choisir un bon foie gras ? Telle est la préoccupation qui
balaye actuellement toutes les autres et occupe tous les esprits :
silence, on mange du foie gras ! L’affaire est sérieuse, car c’est à
cela que l’on juge votre capacité à «jouir des plaisirs de la vie», à
«savoir ce qui est bon». Mais pour en jouir tranquillement, mieux
vaut ne pas en savoir trop long sur le processus qui transforme le
foie malade en ce «mets délicieux», et plus généralement les animaux
en viande.

Cette matière semble étrangère à l’individualité : la logique de la
série prend le pas sur celle du propre, aucune biographie ne précède
ce devenir-viande des animaux, de sorte que nous n’avons aucun
imaginaire de ceux dont la chair équarrie nous est donnée à manger :
du poulet, du veau, du porc… Nés pour cela, leur identité est celle
de la chair à l’étal. N’en faisons pas une histoire, à tous les sens
du terme. L’habitude de voir ces pièces plus ou moins informes est
entrée dans la banalité de notre paysage. Aucune violence ne se
dégage de l'artifice des morceaux «dont la forme, l'aspect nous sont
depuis longtemps assez familiers pour avoir acquis, à nos yeux, une
autonomie, une réalité indépendante de l'ensemble dans lesquels ils
étaient inclus. (...). La boucherie est un lieu d'innocence». (Pierre
Gascar, Les Bouchers).

Comment voir ce que l’on ne voit plus, ce à propos de quoi aucun
étonnement, aucune question, aucune inquiétude ne surviennent ?
Comment troubler le calme de la viande ? Certains étals le devraient
pourtant, si l’on voulait bien les voir. Volaille, lapins, «gibier»
ne sont-ils pas présentés de la manière la moins abstraite qui soit ?
Oiseaux entiers, parfois partiellement plumés, lapins écorchés mais
jamais décapités, carcasses ouvertes, exhibant dans une pornographie
trop évidente, le plus intime du corps. Faisans, lièvres, biches…
alignés à l’état de cadavres non encore «préparés» par la main
experte, flattant ainsi le goût de la traque (il s’agit en réalité
d’animaux d’élevage et d’un abattage par balle pratiqué dans un enclos).
Les abats ne rappellent-ils pas sans détour l’individu : ce n’est
plus à de la viande que l’on a affaire, mais à la tête, aux oreilles,
à la langue de tel animal ? Le particulier est bien là. Mais rien n’y
fait : tout cela appartient à l’ordinaire de la perception, révélant
un ordre où chaque chose semble à sa place, puisque chaque jour, de
la viande remplace indéfiniment de la viande…

Particulièrement importuns sont donc ceux qui se mêlent de faire la
lumière sur ces plaisirs dont il s’agit d’ignorer la fabrique. La
promotion s’y emploie du reste à merveille : tout brille, tout
pétille ! Tandis que de l’autre côté du miroir, quelque 90 millions
de naissances de canards et d’oies sont nécessaires aux 45,7 millions
de canetons mâles mis à l’accouvage. La moitié des oiseaux (les
femelles) est éliminée à la naissance ; ils sont généralement jetés
au broyeur, car bons à rien (la race n’a pas été sélectionnée pour la
viande) : les femelles présentent en effet un foie trop veineux. 39
millions de canards sont gavés, et 34,5 y survivent et sont donc
abattus pour la collecte de leur précieux foie hypertrophié. On fait
naître 710 000 oisons pour fabriquer le foie gras d’oie (chiffres
2007, source : rapport annuel du CIFOG, Centre Interprofessionnel des
Palmipèdes à Foie Gras). Il y a ensuite la contention dans des
batteries de cages, le geste réitéré à la pompe introduite jusqu’à
l’estomac, blessant l’animal, pour y introduire d’énormes quantités
de nourriture…

(Attention, les images en fin de vidéo peuvent choquer les personnes
sensibles).

La vue du matériel, que seuls les professionnels connaissent, nous
fait peut-être mieux pénétrer cette réalité que les étals auxquels
notre œil est accoutumé : la «gaveuse super» monovitesse, permettant
de gaver 90 canards ou 70 oies par heure, «maniable, légère, sûre,
grâce à sa commande par gâchette et à ses entonnoirs en matière
plastique non agressifs», la plumeuse, l’extracteur de poumon, la
broche perforante, le saignoir rotatif… Le gavage, qui dure une
douzaine de jours, laisse les animaux haletants, exténués, atteints
de maladies qui entraînent une mortalité environ six fois plus élevée
que dans des conditions d’élevage ne comportant pas de gavage.
Le témoignage de gaveurs est aussi révélateur d'un malaise ressenti
par les acteurs mêmes de cette industrie. Le gavage fait l’objet
d’une contestation internationale : interdit dans des pays qui en
étaient récemment producteurs comme l’Italie et Israël, il l’est de
fait dans bien d’autres pays européens du simple fait qu’il est
incompatible avec les textes de protection des animaux. En 2004, la
Californie a décidé d’interdire la production et la consommation de
foie gras (l’interdiction entrera en vigueur en 2012).

Une fête où l’on découvre derrière la fine porcelaine, le champagne
millésimé, le bruissement des robes et les rires légers, les ateliers
de gavage, les batteries de cages qui ne laissent que passer la tête
des canards, les pompes hydrauliques qui s’enfoncent dans la gorge de
millions d’oiseaux, les salles d’abattage… Vous reprendrez bien
encore un peu de foie gras ?

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