Animal 0 Posté(e) le 26 janvier 2009 Publié le 25 janvier 2009 à 10h04 | Mis à jour à 10h07 Les escrocs de l'alimentation Stéphanie Bérubé La Presse Du saumon sauvage qui n'a rien de sauvage. Une escalope de porc servie au lieu d'une escalope de veau. Un plat de pétoncles sans pétoncles. On n'a pas encore parlé de l'huile d'olive supposément extravierge, qui contient parfois de l'huile à... moteur! On pense connaître la qualité des aliments qu'on mange parce que des inspecteurs sont payés pour veiller au grain. Mais, dans la vraie vie, des commerçants véreux arrivent facilement à déjouer le système. Une bouteille d'huile d'olive sur trois vendues au Canada n'est pas conforme. On y a ajouté de l'huile de canola ou une autre huile moins chère pour la diluer et tout de même la vendre sous l'appellation huile d'olive extravierge. Le consommateur n'y verra que du feu. Et à moins que l'auteur de cette arnaque soit très malchanceux, il s'en sortira indemne puisque les contrôles sont rares. Très rares. C'est ainsi que des légumes importés changent subtilement d'emballage pour devenir des produits du Canada, plus chers. Que du sirop de poteau devient du sirop d'érable. Ou qu'une escalope de veau servie au restaurant est en fait du porc que l'on a attendri. La fraude alimentaire est un phénomène largement répandu, mais néanmoins méconnu. Dans notre système basé sur le lien de confiance entre celui qui produit l'aliment et celui qui l'achète, l'occasion fait parfois le larron. L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), qui file les filous, en voit des vertes et des pas mûres: du caviar béluga qui n'a rien à voir avec l'esturgeon, de la peau de concombre de mer vendue comme du vivaneau, des saucisses avariées recyclées en nourriture pour chiens. L'ACIA fait peu de contrôle sur des aliments choisis au hasard. «On ne fait pas de chasse aux sorcières. Les inspecteurs agissent surtout lorsqu'ils reçoivent des plaintes», explique Daniel Aubry, gestionnaire du service des enquêtes et de l'application de la loi à l'ACIA. Une plainte portée, par exemple, par un concurrent choqué par les pratiques qu'il soupçonne chez le voisin. Pour l'exercice 2006-2007, 2646 inspections dont le but était de déceler les «pratiques déloyales» ont mené à 12 386 constats d'infraction. Il y avait donc une surprenante moyenne de cinq infractions pour chacun des produits inspectés. Les fautes ne sont pas toutes également répréhensibles. Un manque d'information dans l'une des deux langues officielles, par exemple, est considéré comme une infraction. On est loin de la mélamine dans le lait pour fausser le résultat des analyses en contenu protéinique. «Tout le monde a déjà eu entre les mains un aliment contrefait», explique John Spink, professeur à l'Université du Michigan et directeur d'un groupe de protection contre les pratiques déloyales en alimentation. Faux saumon Le poisson, par exemple, est un secteur vulnérable parce qu'on peut facilement substituer une espèce à une autre. Il y a quatre ans, la revue américaine Consumer Report a testé 23 morceaux de saumon sauvage. Après l'étude au labo, on a révélé que seulement 10 des échantillons étaient effectivement du saumon sauvage. On avait même parfois coloré le poisson pour qu'il ait un aspect plus «sauvage». Au Canada, un restaurant de Colombie-Britannique a été reconnu coupable de servir un «plat de pétoncles à la japonaise» dans lequel il n'y avait pas un seul pétoncle. On avait habilement utilisé un mélange de goberge, d'amidon, de blanc d'oeuf et de soya. Dans cet établissement, on servait aussi des escalopes de veau qui étaient, en fait, du porc. «Selon le FBI, la contrefaçon sera le crime le plus important au XXIe siècle, explique John Spink. Toutes les formes de contrefaçon, y compris dans l'alimentation.» Impossible de s'en protéger, elles sont partout. Mais elles se trouvent surtout aux deux extrémités du commerce, explique John Spink. Il faut se méfier des produits alimentaires vendus à des prix ridiculement bas, dit-il. Parce qu'il y a peut-être eu substitution dans les ingrédients. À l'inverse, on peut facilement faire passer des produits quelconques pour des produits haut de gamme avec un emballage attrayant. «De tels comportements jettent le discrédit sur l'ensemble de l'industrie alimentaire qui a de bonnes intentions», déplore Charles Tanguay, d'Option consommateurs. Manque d'inspecteurs Si les filous de l'alimentation ont la vie si facile, c'est qu'on leur laisse le champ libre. L'ACIA a 800 inspecteurs au Québec. Seulement une trentaine travaille à démasquer les fraudes dans le programme de salubrité des aliments et de protection des consommateurs. «L'Agence va allouer ses ressources et son personnel en fonction des risques, explique son porte-parole, Jean-François Bolduc. Ce n'est pas que la fraude alimentaire n'est pas une priorité, mais nous devons établir un ordre d'importance.» Les risques pour la santé humaine sont effectivement beaucoup plus élevés dans un abattoir qu'au commerce. D'ailleurs, le but premier des fraudeurs en alimentation n'est pas de rendre les gens malades, mais de faire de l'argent. «Il y a une certaine ignorance dans ce domaine, explique John Spink. Les gens pensent que ce n'est qu'un crime financier, mais il y a un réel risque pour la santé humaine. Le cas de la mélamine dans le lait maternisé en est le meilleur exemple. En Chine, des enfants sont morts après avoir bu ce lait.» Il y a aussi un risque réel lorsque des personnes ayant des allergies alimentaires achètent en toute confiance un aliment qui contient des ingrédients non mentionnés sur l'étiquette. Au Québec, des inspecteurs du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation visitent chaque année une centaine d'établissements choisis au hasard pour s'assurer que les ingrédients et la quantité soient bien conformes à ce qui est prétendu. Pour démasquer les malfaiteurs, le groupe de John Spink veut être plus rusé qu'eux. «Nous voulons cibler les endroits où l'on peut facilement faire des substitutions», explique le professeur. Il est facile, explique-t-il, d'utiliser un ingrédient qui n'est pas certifié biologique dans des céréales bio. Il y a peu de risque de se faire pincer. Des amendes peu dissuasives Un constat d'infraction ne mène pas nécessairement à une condamnation. Pour l'année 2006-2007, 18 contrevenants canadiens ont été contraints de payer des amendes totalisant... 12 000$! C'est une moyenne de 666$ par condamnation. «J'appellerais plutôt ça une taxe à la fraude, dit Charles Tanguay, d'Option consommateurs. Et encore, une taxe pas chère. Si nous avions des amendes d'un million de dollars, nous pourrions utiliser ces fonds pour augmenter le nombre d'inspections.» Selon la Loi canadienne sur les aliments et drogues, la peine maximale est de 50 000$, une peine rarement atteinte. Ottawa a toutefois le projet de hausser la note. «Les sanctions actuelles sont trop légères pour avoir un effet dissuasif», peut-on lire dans le Plan d'action pour assurer la sécurité des produits alimentaires, présenté à l'automne 2007. Aux États-Unis, les amendes peuvent effectivement s'élever à un million de dollars et, dans l'Union européenne, elles peuvent atteindre jusqu'à l'équivalent de 5% des revenus annuels de l'entreprise fautive. Autre détail qui pourrait avoir un effet dissuasif, dit Charles Tanguay: la publication des noms des contrevenants. En fait, l'ACIA dévoile le nom des entreprises qui sont condamnées. Par exemple, en 2007, la compagnie Tucom, de Mirabel, a reconnu sa culpabilité dans un cas d'huile d'olive altérée, mais la compagnie, qui importe l'huile en vrac et la met en bouteille ici, ne vend pas son huile sous son nom d'entreprise. Elle a comme clients des marques privées, ou elle vend de grosses quantités aux restaurants. L'ACIA ne peut pas publier la liste des clients de l'importateur, qui n'ont rien à se reprocher. Tucom s'en sort donc avec son amende de 4000$ et poursuit ses activités. Ni vu ni connu. http://www.cyberpresse.ca/vivre/consommation/200901/25/01-820675-les-escrocs-de-lalimentation.php -------------------------------------------------- 25 janvier 2009 à 09h58 | Mis à jour à 10h01 Le cas de l'huile d'olive Photo: David Boily, La Presse Stéphanie Bérubé La Presse Oubliez l'oliveraie bucolique, sur le flanc d'une colline en bordure de la Méditerranée. L'huile d'olive est devenue une industrie gigantesque, très rentable et infestée de commerçants malhonnêtes qui ne demandent pas mieux que de multiplier leurs profits sur le dos des consommateurs, lesquels se trouvent bien souvent à l'autre bout du monde. «Les analyses de l'Agence canadienne d'inspection des aliments ont mis en évidence une augmentation de l'altération de l'huile d'olive par rapport aux exercices précédents», indique le dernier rapport de l'organisme de contrôle. L'Agence note l'utilisation de l'huile de canola, de tournesol ou alors la fabrication de l'huile avec des résidus d'olives plutôt qu'avec la pulpe. En 2002-2003, les inspecteurs de l'Agence avaient testé 49 échantillons d'huile. Seulement deux étaient falsifiés. Pour 2006-2007, 15 des 45 échantillons passés au laboratoire avaient été altérés. Seulement les deux tiers étaient conformes. Dans l'industrie, tout le monde est au courant de ce fléau. «C'est un sujet tabou», estime toutefois la Québécoise Michèle Ricard, propriétaire de La Belle Excuse, qui embouteille ici des huiles de l'oliveraie familiale de son conjoint, en Grèce. «Juste entre notre propriété dans le Péloponnèse et Athènes, notre huile risque d'être coupée deux fois», déplore-t-elle. L'huile d'olive est le produit idéal pour les fraudeurs, explique Claudia Pharand, propriétaire des boutiques Olives&Olives. D'abord, elle est passée d'un luxe réservé aux connaisseurs à produit de grande consommation en quelques années. Au Canada, depuis le début des années 90, la consommation d'huile d'olive a triplé, selon les chiffres du Conseil oléicole international, l'organisme de référence en la matière. «Ça coûte très cher de produire de l'huile d'olive», explique Claudia Pharand. On ne peut pas s'attendre à payer le même prix pour un gallon d'huile d'olive que pour un gallon d'huile de canola. Des industriels sont donc tentés d'offrir des huiles «extravierge» aux mêmes bas prix que n'importe quelle autre pour attirer une nouvelle clientèle. Le phénomène est largement répandu, partout dans le monde. En 2007, les autorités italiennes ont testé les huiles de 757 producteurs, pour découvrir que 205 d'entre eux avaient coupé leurs huiles d'olive. Les fraudeurs trichent aussi sur l'origine de l'huile. De l'huile africaine devient italienne, explique Michèle Ricard. «On a même déjà trouvé de l'huile à moteur dans de l'huile d'olive, dit-elle. On recycle aussi de l'huile rance avec de la plus fraîche. Pour changer la couleur, ils ajoutent parfois de la chlorophylle.» Shit !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Contrairement à ce que l'on pourrait croire, on ne reconnaît pas toujours facilement une huile trafiquée, à l'oeil et même au nez. Les laboratoires qui testent les huiles doivent calculer le taux d'acide oléique dans l'huile pour découvrir le pot aux roses. En Amérique du Nord, un seul laboratoire est accrédité par le Conseil oléicole international, celui de l'ACIA. Le consommateur pris en otage Alors comment les consommateurs peuvent-ils se prémunir contre de telles fraudes? Il n'y a pas de formule magique, mais Claudia Pharand conseille de se méfier des huiles d'olives extravierge qui sont vendes à des prix dérisoires. «Il ne faut jamais acheter une huile qui n'est pas datée», conseille-t-elle également. Elle recommande aussi à ceux qui veulent s'assurer d'acheter de la véritable huile d'olive extravierge de chercher des huiles qui proviennent directement du producteur. «Le nom du producteur sera écrit sur la bouteille», dit-elle. Plus il y a d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur, plus les risques de fraudes se multiplient, rappelle aussi le professeur John Spink, de l'Université du Michigan, qui note que les contrebandiers sont extrêmement rusés et brouillent les cartes des inspecteurs. Ce qui explique le peu de condamnations. Pour se protéger de la contrefaçon en général, John Spink croit qu'on risque moins de tomber sur de faux produits dans de grandes chaînes d'alimentation, parce qu'elles ont les ressources pour vraiment contrôler l'origine des produits qui se trouvent sur leurs tablettes. La fraude alimentaire est une épée de Damoclès pour les commerçants. «Personne ne veut voir son nom entaché par le rappel d'un produit contrefait», dit John Spink. Le groupe Loblaws, par exemple, a quelques huiles d'olive sous sa marque maison. «Nous envoyons nos développeurs de produits en Europe afin de faire des visites d'entreprises et nous faisons tester nos huiles d'olive par une tierce partie», explique Josée Bédard, porte-parole du groupe d'épiceries. Les petits commerces spécialisés, où chaque bouteille est méticuleusement choisie, sont aussi plus scrupuleux quant à l'origine des huiles. Mais personne n'est à l'abri d'une fraude alimentaire. Au Canada, l'huile d'olive est l'un des deux secteurs sensibles ciblés par l'ACIA. L'autre vise les produits de boulangerie, où il y a également un bon nombre d'irrégularités. Les 209 entreprises de boulangerie visitées par les inspecteurs canadiens en 2006-2007 ont reçu 1109 constats d'infractions. Plus d'un millier de fautes décelées. Certaines étant d'innocentes erreurs, d'autres, des tentatives délibérées de flouer le consommateur dans notre système alimentaire qui est basé sur la confiance. http://www.cyberpresse.ca/vivre/consommation/200901/25/01-820674-le-cas-de-lhuile-dolive.php Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites