Cath10 0 Posté(e) le 5 février 2009 Olivier Descamps 03/02/2009Fabriquer du plastique à partir de blé ou de pommes de terre ? Spécialistes des bioplastiques et pétroliers s'y sont résolus : les solutions existent, mais l'offre doit se structurer. Plastique : les industriels préparent l'après pétrole Ouf, le cours du baril de brut est au plus bas. L'industrie plastique ne s'y trompe pas néanmoins, et anticipe l'inexorable augmentation des prix. Elle développe de nouvelles techniques de polymérisation permettant de se passer du pétrole. Les plus impatients sont les spécialistes des bioplastiques, dont on annonce l'avènement depuis plusieurs années. Côté grands pétroliers, la reconversion est également de mise. Ou plus exactement la diversification. « La production de pétrole devrait encore augmenter un peu. Il ne s'agit donc pas pour le moment de le remplacer », explique Eric Duchesne, chef de projet MTO/OCP (Methanol-To-Olefins et Olefins Cracking Process) chez Total. « Mais nous devons accompagner la croissance de la consommation de matière plastique en nous diversifiant ».OléfinesLes oléfines sont un produit carboné, CnH2nDepuis octobre, Total teste à Feluy (Belgique) la technologie développée par la société UOP pour fabriquer des oléfines puis de la matière plastique à base de méthanol. Quarante-cinq millions d'euros seront investis dans l'unité de démonstration. L'année 2009 pourrait suffire à valider la qualité de différents méthanols, corriger les impuretés des oléfines... et à prouver la faisabilité technique et économique d'un projet à l'échelle industrielle. La suite devrait dépendre du prix du pétrole. « A trente dollars le baril, ce n'est pas rentable, calcule Eric Duchesne. A quatre-vingts ou cent oui ! »La biomasse : première ou deuxième génération ?MéthanolLe plus simple des alcools : on peut le produire à partir de biomasse ou d'hydrocarbures.Reste à choisir le type de méthanol à travailler. Pour produire cet alcool, le pétrolier préfère miser sur des valeurs sûres : le gaz naturel et le charbon... donc d'autres matières fossiles. Le recours à la biomasse est étudié, mais « pour un stade ultérieur ». Raison invoquée : « la problématique de compétition avec la chaîne alimentaire. Nous préférons travailler sur la biomasse dite de deuxième génération en misant sur les tiges plutôt que sur le fruit ! ». Chez Sphere, spécialiste des bioplastiques, c'est le genre de critiques que l'on n'a pas peur d'affronter. « Attention à ne pas confondre bioplastiques et biocarburants ! Si la totalité des emballages plastiques français avaient recours aux matières naturelles, il faudrait y consacrer 4 % de la surface agricole. Il y en a aujourd'hui 10 % en jachère » insiste John Persenda, le pdg de la société.Bioplastiques et écologie : un mariage complexe !Remplacer une ressource fossile par une matière naturelle et renouvelable est a priori positif pour l'environnement. Pourtant, les écologistes ne sont pas toujours tendres avec les bioplastiques. D'abord parce que, comme pour les biocarburants, le préfixe « bio » prête à confusion. Si les matières premières sont des OGM ou des végétaux arrosés de pesticides, l'équation écologique devient vite complexe.Ensuite parce que l'origine naturelle des plastiques peut justifier un retour en grâce des emballages condamnés par ailleurs. « La prolifération de sacs biodégradables signifierait un retour en arrière, un retour en force du jetable » lançait en octobre dernier Bruno Genty, responsable consommation déchets de France Nature Environnement, lors d'un débat sur la taxation des sacs de caisse de supermarché non biodégradables.Enfin, parce que bioplastique n'est pas toujours synonyme de biodégradable. Les procédés chimiques introduits dans les procédés de fabrication changent la nature des matériaux. Plus que la matière première, c'est la composition du polymère du plastique qui prime en termes de biodégradabilité. Pour s'y retrouver, des normes très précises décrivent les caractéristiques de chaque emballage. Ceux qui portent la référence EN 13432 sont valorisables par compostage et biodégradation, c'est-à-dire qu'ils se dégradent au contact de bactéries et ne produisent aucun résidu qui détériorerait la qualité d'un compost. Reste à savoir si chaque emballage plastique peut terminer sa vie dans un compost !Toyota entend équiper rapidement l'habitacle de ses véhicules de bioplastiques. Après avoir prouvé leur résistance aux chocs et à la chaleur, le constructeur automobile a testé sa propre capacité à fabriquer des pièces bioplastiques en série. Et estime que d'ici la fin de l'année, il amènera à 60 % la proportion de plastiques d'origine végétale dans les composants intérieurs de plusieurs de ses modèles. Plus étonnant, l'entreprise a choisi d'investir directement dans une usine qui fabrique du bioplastique à partir de canne à sucre, de blé ou de pommes de terre. Et la société finance même des cultures indonésiennes de patates douces ! Le constructeur estime qu'en 2020, plus de 20 % de tous les plastiques seront d'origine végétale... et qu'il pourrait en produire une partie non négligeable.Cette implication des utilisateurs de plastique prouve une chose : l'offre a besoin de se structurer. Les entreprises sont nombreuses sur le secteur. Elles s'appuient sur des matières naturelles différentes comme l'huile de ricin, le maïs, les pommes de terre, le soja ou le bois. Elles ne développent pas toutes les mêmes techniques de polymérisation... Mais aucune n'a atteint la taille critique qui lui permettrait de concurrencer les entreprises pétrochimiques. « L'enjeu est bien de réussir à changer d'échelle pour faire baisser les prix de la production » martèle John Persenda. Chez Toyota, on estime que le prix de revient de certains bioplastiques est encore cinq fois plus élevé que celui du plastique ordinaire dérivé du pétrole !Un retour aux sources pour la matière plastique« Lorsqu'on parle de bioplastiques, on peut penser à des choses très différentes » prévient toutefois Marie-Pierre Béatrix, responsable de l'information du Pôle Européen de Plasturgie. Le programme biomatériaux du centre de recherche intègre deux enjeux bien distincts : l'introduction de fibres naturelles dans des thermoplastiques constitués de polymères classiques à base de pétrole, et la création de nouveaux polymères à base de végétaux.Des fibres, comme le chanvre, permettent d'améliorer la résistance des matières plastiques et de diminuer leur poids grâce à une meilleure densité. Par rapport aux fibres de verre parfois injectées dans le plastique, les fibres naturelles facilitent notamment le recyclage. L'enjeu des recherches est d'améliorer la compatibilité des matériaux et de favoriser l'émergence de produits standards. Aujourd'hui, les industriels qui souhaitent utiliser une matière plastique avec fibres naturelles ne la trouvent pas chez leurs fournisseurs classiques que sont les grands spécialistes de la chimie. Ils sont donc contraints d'avoir recours à l'offre sur mesure d'acteurs plus spécialisés baptisés « mélangeurs ».Le deuxième axe de recherche qui consiste à se passer complètement des matières fossiles peut lui-même emprunter différents chemins. Certains fournisseurs tentent de reproduire les polymères qui existent déjà avec le pétrole. C'est le cas de la société Braskem qui, au Brésil, va entrer dans une phase de production industrielle des très classiques polyéthylènes, en utilisant de la canne à sucre. Mais les végétaux servent aussi à créer de nouveaux polymères (comme l'acide poly lactique ou PLA à base d'amidon). « Ca n'a rien de révolutionnaire », souligne Marie-Pierre Béatrix. « On fabriquait déjà des matières plastiques naturelles avant qu'elles ne soient effacées par la pétrochimie du XXème siècle ! » Il aura fallu attendre la fin programmée du pétrole pour que la chimie verte soit à nouveau crédible. « Il faut saisir l'opportunité car le recours au bioplastiques permettra de relocaliser la production avec des produits protégés par des brevets » estime John Persenda. La matière végétale est partout. Y compris en France.http://www.usinenouvelle.com/article/pl ... ole.157523 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites