Animal 0 Posté(e) le 10 janvier 2010 Chronique de Hubert Reeves Les cerfs d'Anticosti 10/01/2010 09h45 Anticosti est cette île boisée située dans le golfe Saint- Laurent qui s'étend sur 220 km de long et sur une largeur maximale de 56 km. Avant l'arrivée des Européens, le cerf de Virginie n'existait pas sur l'île. Tout a changé lorsqu'à la fin du 19e siècle, M. Menier, un riche Français, acheta l'île pour en faire un domaine de chasse et, dans cet objectif, il y introduisit plusieurs espèces, dont le cerf de Virginie, qui a connu une expansion rapide. Depuis 1974, le gouvernement du Québec est devenu propriétaire de l'île. Aujourd'hui, l'espèce la plus abondante est, de très loin, le cerf de Virginie. Entre 3000 et 4000 chasseurs viennent chaque année sur l'île et le tableau de chasse atteindrait 9000 cerfs. L'exploitation forestière gérée dans le passé sans l'actuel souci de durabilité - l'était en fait à petite échelle -, conjuguée à la prolifération du cerf, gênant la reconstitution d'une strate arbustive, a généré une situation qu'il faut redresser ; à savoir, la multiplication de l'épinette blanche qui remplace le plus sou-vent les sapinières d'origine, victimes de la présence du cerf de Virginie et, épisodiquement, d'épidémies d'insectes. Et cette évolution n'est favorable ni à la ressource en bois ni au cerf. C'est sur la technique utilisée qu'un lecteur a attiré mon attention. Sa vision du programme en cours le laissait sceptique sur le résultat à en attendre. Chasseur, il s'inquiétait de la pérennité de l'activité de chasse. INTERVENTION HUMAINE L'objectif est pourtant de favoriser une mosaïque d'habitats dont le cerf profitera. Ce mammifère n'a pas de prédateur et son impact sur la forêt insulaire pourrait être désastreux sans une régulation adéquate. Sans intervention humaine la forêt pourrait ne pas se régénérer et donc compromettre à long terme la survie du cerf lui-même. Il appartient donc aux humains d'intervenir pour sauvegarder la forêt et son hôte introduit dont nul ne souhaite l'extinction, mais dont l'habitat naturel se dégrade. La technique des exclos utilisée consiste à délimiter et enclore de grandes aires où les coupes d'arbres laissent des îlots de forêt résiduelle. On y fait décroître la densité de cerfs par une chasse de régulation permettant à la forêt de se régénérer naturellement à la suite de la diminution de la pression antérieure de broutement.Le cerf n'est pas exclu des exclos. Il y est maintenu dans une densité permettant aux sapins de reconquérir une place. À défaut de régénération naturelle satisfaisante, on plante du sapin baumier, l'espèce la plus importante pour le cerf. Les clôtures durent une dizaine d'années et sont vouées à disparaître. TOUT EST LIÉ... Une conséquence inattendue de la prolifération du cerf et de son impact sur la végétation est vraisemblablement la disparition de l'île de l'ours noir d'Amérique. L'ours noir était autrefois abondant. Il a de grands besoins alimentaires à la veille de son hibernation pour accumuler des réserves permettant sa survie hivernale. Les ponctions des cerfs sur la végétation arbustive (framboisiers, ronces pubescentes, cornouiller, etc.) sont si fortes que sa disparition nuit aux espèces qui en dépendent sans alternative, car, en automne, leur principale source de nourriture, ce sont les petits fruits. L'île d'Anticosti est le lieu où semble se démontrer la réalité de ce phénomène : une prolifération des herbivores en arrive à l'élimination de leurs prédateurs. (Article aimablement relu par le Professeur Steeve Côté, titulaire de la Chaire de recherche CRSNG-Produits forestiers Anticosti, Université Laval) http://fr.canoe.ca/infos/chroniques/hubertreeves/archives/2010/01/20100110-094541.html Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites