Animal 0 Posté(e) le 28 février 2010 Publié le 28 février 2010 à 08h00 | Mis à jour à 08h00 AnalyseLa mer, un patrimoine à préserver!Les compagnies Loblaw et leurs filiales viennent d'annoncer qu'elles retirent de leurs marchés d'alimentation cinq produits de la pêche dont le requin, le thon rouge et le bar du Chili. Il s'agit d'un geste très positif en vue d'éviter l'extinction de ces espèces. De plus, l'entreprise est maintenant en mesure d'offrir 17 produits de la pêche certifiés selon les normes de Marine Stewardship Council, un organisme mondial indépendant voué au maintien de la santé des océans. Il faut féliciter les compagnies Loblaw pour la décision prise en vue de contribuer, d'une façon non négligeable, à la mise en place de la pêche responsable au niveau mondial. C'est un fait indéniable que beaucoup d'espèces (surtout les gros poissons tels la morue, le thon, l'espadon et le requin) ont vu leurs stocks diminuer dans des proportions très inquiétantes, jusqu'à 90% dans certains cas. Pourquoi en sommes-nous arrivés là? Plusieurs croient que la faute en revient exclusivement aux chalutiers qui ont ratissé le fond des océans depuis plusieurs dizaines d'années. Cela est vrai en grande partie. Il existe cependant beaucoup d'autres raisons qui ne relèvent pas directement des moyens modernes de capture. Il faut d'abord rappeler que le danger de surexploitation a été signalé depuis très longtemps, soit par exemple du temps des Grecs il y a plus de 2 000 ans. Ou encore au 17e siècle dans la mer du Nord. Plus près de nous, on doit mentionner la disparition du bar rayé dans le fleuve St-Laurent, possiblement par une trop forte pêche sportive ou une détérioration de la qualité des eaux. Est-il nécessaire de mentionner que la diminution drastique du saumon de l'Atlantique est en grande partie due aux multiples barrages érigés sur nos rivières il y a déjà de très nombreuses années. Il faut mentionner également que le homard serait disparu de nos eaux depuis déjà longtemps si les responsables de la pêche n'avaient pas établi des règles très sévères très tôt au 20e siècle. La même chose pour le flétan du Pacifique. Ajoutons à cela la détérioration des zones côtières, soit par de multiples agents polluants, métaux lourds, pesticides, résidus industriels, ou encore par l'arrivée de résidus de sol en provenance des terres agricoles ou des forêts mal gérées. Toutes ces régions côtières sont pourtant le site de pas moins de 80% des activités de reproduction de beaucoup d'espèces. Tout cela pour dire que le milieu marin est fragile et que sa capacité de production d'organismes vivants comestibles est limitée. En d'autres termes, la mer n'est pas inépuisable, comme on l'a longtemps cru; malheureusement on le croit encore dans certaines régions du monde. L'arrivée de l'aquaculture constitue-t-elle une alternative valable? La réponse n'est pas aussi évidente qu'on pourrait le croire. En ce qui concerne les poissons d'élevage carnivores, tel le saumon, leur alimentation dépend en grande partie de l'approvisionnement en farine de poisson préparée à partir de millions de tonnes de hareng, de capelan ou d'anchois. Des experts de renommée mondiale, tel Daniel Pauly de l'Université de Colombie Britannique, pensent que cette façon de faire doit être sérieusement remise en question. Le geste que viennent de poser les compagnies Loblaw et que poseront sans doute d'autres compagnies canadiennes du domaine alimentaire donne un signal aux consommateurs à l'effet que l'industrie de la pêche est grandement menacée. Devant cette situation très précaire des océans, les gestionnaires de la pêche au niveau local, régional, national ou international doivent intensifier leur collaboration et mettre tout en oeuvre pour arriver à pratiquer une pêche responsable. Une grande responsabilité relève aussi des chercheurs en biologie et océanographie, mais il est indispensable que ces derniers reçoivent tout le support nécessaire pour en arriver à mieux comprendre la complexité et la fragilité du milieu aquatique et en assurer la productivité à long terme. En réalité, la conservation de ce patrimoine mondial que constituent les océans nous concerne tous, non seulement parce que nous en dépendons pour une partie de notre alimentation mais aussi parce que nous sommes tous un peu responsables de la production et le propagation de très nombreux polluants qui, par le biais des rivières, des fleuves et même de l'atmosphère, finissent par atteindre la mer et en modifier sa capacité à supporter la vie. Gérard-B. Martin, ancien doyen de la Faculté des Sciences de l'Agriculture et de l'Alimentation de l'Université Lavalet auteur d'un volume sur la pêche et l'aquaculture paru aux Presses de l'université Laval en 2009 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites