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CHASER, L’ANIMAL LE PLUS INTELLIGENT DU MONDE

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ette petite border collie connaît plus de mille mots, le résultat de trois ans d’études, cinq heures par jour.
De notre correspondant aux Etats-Unis Olivier O’Mahony - Paris Match


Chaser vient de débouler dans la cuisine avec, dans sa gueule, une balle
aux couleurs du drapeau américain. Elle est mignonne, parfaitement
proportionnée, pas très grande. Elle a de longs poils blancs et noirs
plutôt doux. Mais ce sont d’abord ses yeux qui surprennent. Bruns, si
luisants qu’ils lancent des éclairs, si grands ouverts qu’ils paraissent
dilatés. Le regard de Chaser est bouleversant, il vous transperce. Il
est vif aussi, mais cette chienne est une boule de vitalité. Ses
oreilles se dressent dès qu’elle entend ma voix, comme si elle
mobilisait son ouïe à 200 % pour enregistrer mes paroles. Et soudain,
sans hésiter, d’un coup de museau, elle me lance sa balle. La chienne la
plus sociable qu’il m’a été donné de rencontrer ! Sympa, Chaser.

En cinq secondes, je me suis fait une nouvelle amie. Dans le monde des
humains, ça prend beaucoup plus de temps. Ses babines retroussées
donnent l’impression qu’elle me sourit. Impossible de lui résister. Je
saisis la balle au bond et la lui lance. D’un saut, elle l’attrape et
hop ! me la renvoie. Le jeu pourrait durer des heures, elle semble
infatigable. Mais John, son maître, s’est approché et fait les
présentations. Il me montre du doigt : « Lui, c’est Olivier. »
Apparemment, Chaser n’a pas fait attention à ce qu’il disait. Elle
lorgne sur sa baballe, comme n’importe quel cabot joueur. Sauf que… John
me demande discrètement de me cacher loin d’elle, dans le salon
derrière le canapé. Je m’exécute et je l’entends s’adresser à sa chienne
: « Va chercher Olivier. » Chaser accourt devant moi et me fixe à
nouveau ; son regard est presque hypnotique. Il a suffi qu’on lui dise
une seule fois mon prénom pour que, mine de rien, elle l’enregistre et
me reconnaisse. Futée ? C’est beaucoup plus que ça.

Toujours en mouvement, en demande d’activité permanente, Chaser adore
provoquer les inconnus pour jouer avec eux. C’est dans ses gènes. Les
borders collies sont des chiens plus intelligents que la moyenne, dotés
d’une énergie et d’une ténacité hors du commun. Les bergers le savent
bien : ils les utilisent pour la garde ou le déplacement de leurs
troupeaux. Mais quand John demande à Chaser d’aller chercher son ours en
peluche – enfoui au milieu d’autres poupées animales –, elle réagit au
quart de tour, disparaît et réapparaît avec l’ours dans la gueule.
Pareil quand il lui dit : « Ramène Frisbee. » L’animal décampe tel
Speedy Gonzales, dévale l’escalier qui mène à la cave et en revient tout
fier, le trophée dans la gueule. Ça, un border collie ordinaire ne sait
pas le faire. Chaser est capable de rapporter un objet dissimulé que
son maître vient de nommer. Car elle « comprend » littéralement 1 022
mots en anglais. Ce qui fait d’elle – de loin – l’animal le plus
intelligent du monde.

Comment expliquer ce prodige ? Chaser a suivi des cours d’un genre
particulier. « C’était une très bonne élève, régulière dans ses
performances », se souvient John Pilley, son maître, professeur de
psychologie expérimentale à la ­retraite. Il exerça sa profession
jusqu’en 1996 au Wofford College, une université de Spartanburg
­(Caroline du Sud) à la philosophie très libérale, qui consiste à «
enseigner la vie plutôt qu’un métier » à ses étudiants. D’un âge avancé,
cet amoureux de la nature a construit seul sa maison en bois, semblable
à un chalet de montagne. Toute sa carrière, John l’a consacrée aux
animaux. Aux rats et aux pigeons d’abord – thème central de sa thèse de
doctorat –, puis aux chiens, « car ils sont plus conviviaux et mes
étudiants les préfèrent », sourit-il.

En 2005, Juliane Kaminski, une chercheuse allemande, publie une étude
sur un autre border collie dénommé Rico, capable de comprendre 200 mots.
Comment est-ce possible ? s’interroge le bon Pr Pilley avec Alliston
Reid, un de ses anciens élèves qui a pris sa place après son départ à la
retraite. Ça tombe bien : Sally, sa femme, vient de lui offrir Chaser,
qui n’a que 8 semaines. Ce sera un cobaye parfait pour ses travaux de
recherche. Trois ans durant, cinq heures par jour non-stop, la petite
chienne va subir un véritable lavage de cerveau, stage intensif digne
d’une préparation à une grande école. John se rend à l’Armée du salut et
achète de vieux jouets en peluche (2 dollars les cent) qui représentent
différentes catégories d’animaux : ours, pingouins, lions, poissons…
Patiemment, il les dépose les uns après les autres sur le sol de son
salon et répète leurs noms. La chienne enregistre ainsi son vocabulaire.
Et elle en redemande car, pour elle, apprendre c’est s’amuser. Dès
qu’elle intègre un nouveau mot, c’est une nouvelle occasion de jouer
avec l’objet qui est associé au nom que John vient de lui faire
découvrir. « Il lui arrivait d’en apprendre 10 par jour, c’était
impressionnant. Mais au bout de 1 000 noms, je n’en pouvais plus, car
elle ne voulait jamais s’arrêter. Si je n’avais pas dit stop, elle
serait bien plus savante ! »

ELLE DÉTESTE SE BATTRE

Dans la vie quotidienne, Chaser n’est pas une chienne comme les autres.
Quand, chaque après-midi, Sally la sort dans la rue avec quatre autres
chiens du quartier, Chaser les snobe. Comme si elle les prenait pour des
idiots. Il y a bien Faffner, un labrador, beau blond qui en pince pour
elle et ne rate pas une occasion de lui mettre les pattes sur la croupe,
mais elle déteste ça. Chaser, stérilisée dès son plus jeune âge, est
une solitaire. Quand ses camarades de promenade reniflent le sol comme
le font tous les chiens en balade, elle est occupée à jouer avec une
pomme de pin. Dès qu’un passant se présente, elle se précipite vers lui.
Enfin quelqu’un qui va jouer avec moi, se dit-elle. Son seul vrai ami,
c’est Spirit, le husky sibérien de Robin, la fille du Pr Pilley. Chaser a
appris à jouer à Spirit. Elle déteste se battre car elle est douce et
pacifique. « Cette chienne préfère la compagnie des êtres humains à
celle des animaux », constate Sally. Sa manière à elle, sans doute, de
jouer dans la cour des grands.

Aujourd’hui, Chaser est devenue une petite célébrité locale, qui passe
dans les talk-shows télévisés. Avec l’aide de son ancien élève, Alliston
Reid, John a publié, dans la très sérieuse revue « Behavioural
Processes », une étude scientifique sur les aptitudes et connaissances
linguistiques de sa chienne, qui a rencontré un certain écho médiatique.
« Le fait qu’elle soit capable d’associer des objets à leurs noms
prouve son aptitude au raisonnement, ce qu’aucune recherche
universitaire n’avait permis de démontrer jusqu’à présent », explique le
professeur. Pour l’instant, le langage que Chaser comprend est
rudimentaire. Mais John a l’intention de lui apprendre la syntaxe des
phrases pour enrichir sa compréhension. Et si le chien dépassait le
maître ? Avec ses yeux si expressifs, cette gueule qui sourit quand elle
est contente ou se renfrogne quand elle met les pattes dans la neige,
Chaser donne l’impression qu’elle va se mettre à parler. « Mais ça ne
risque pas d’arriver, explique John. Elle n’a pas l’intelligence d’un
bébé de 2 ans. Et puis elle est incapable de comprendre des notions
abstraites comme l’amour, la jalousie… » Nous voilà rassurés : le chien
reste l’ami de l’homme, une amitié vieille de quatorze mille ans
paraît-il, mais il n’est pas encore près de le détrôner. Ouf !

Source : http://www.parismatch.com/Actu(...)ethttp://journalduchien.com

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