Max|mum-leterrarium 0 Posté(e) le 17 février 2008 Un lézard contre la fièvre noireUn parasite de ce reptile pourrait devenir le premier vaccin sûr et efficace contre l’un des fléaux oubliés de la planète.par Noémi MercierLa nouvelle est passée quasiment inaperçue. Ni manchette au bulletin télévisé, ni grand titre dans les journaux pour souligner la mise au point, par des chercheurs de Québec, d’un vaccin expérimental contre une maladie qui est pourtant endémique dans 88 pays: la leishmaniose. «C’est une maladie un peu oubliée, qui affecte des gens très loin d’ici, surtout dans des pays pauvres. Mais elle n’a rien de marginal. La leishmaniose est l’une des affections parasitaires les plus importantes, après la malaria», explique Barbara Papadopoulou, professeure à la faculté de médecine de l’Université Laval. De l’Amérique du Sud à l’Asie en passant par l’Afrique, pas moins de 350 millions de personnes dans le monde courent le risque d’être piquées par une mouche des sables porteuse du pathogène, un parasite de la famille des Leishmania. L’espèce la plus virulente, Leishmania donovani, s’attaque au foie et à la rate, cause des poussées de fièvre et de graves pertes de poids, et tue presque invariablement son hôte au bout de quelques mois si ce dernier n’est pas soigné. C’est ce qu’on appelle la leishmaniose viscérale, ou fièvre noire. La chercheuse a trouvé des munitions contre ce fléau chez un allié inattendu, le lézard. Il existe en effet une souche parente du parasite de la fièvre noire qui s’attaque uniquement à ce reptile et qui est totalement inoffensive pour l’humain: Leishmania tarentolæ. «Elle est génétiquement très semblable aux autres espèces de Leishmania, explique la professeure. En administrant cette souche, on reproduit donc très fidèlement le procédé d’infection du pathogène, et on engendre une réponse immunitaire similaire. Si l’organisme entre en contact avec la méchante bestiole par la suite, il saura la reconnaître puisqu’il aura été exposé à quelque chose de très proche, et il aura développé des défenses suffisantes pour combattre l’infection.» Avec ses collègues du Centre de recherche en infectiologie du Centre hospitalier universitaire de Québec, Barbara Papadopoulou a testé sa découverte sur des souris. Après les avoir immunisées à l’aide d’une simple injection du parasite du lézard, les chercheurs leur ont transmis la redoutable souche Leishmania donovani. Leurs résultats, publiés en octobre 2005 dans la revue Infection and Immunity, sont prometteurs: ils ont constaté une réduction de 80% à 85% de la présence du parasite dans le foie et la rate des petites bêtes, par rapport aux souris qui n’avaient pas été vaccinées. Un tel vaccin serait par ailleurs peu coûteux et facile à produire en grande quantité, ce qui n’a rien d’anodin pour un traitement destiné principalement aux pays en voie de développement. «Par rapport aux autres membres de cette famille de parasites, Leishmania tarentolæ a l’avantage de croître rapidement en culture cellulaire, et cela en l’absence d’éléments nutritifs qui peuvent coûter très cher.»L’idée d’immuniser les êtres humains à partir d’une souche animale d’un agent infectieux ne date pas d’hier. Déjà au XVIIIe siècle, Edward Jenner, un médecin britannique, avait constaté que les fermières étaient protégées contre la variole parce que, en trayant les vaches, elles s’exposaient à la forme bovine de la maladie. Aujourd’hui, la tendance est plutôt à la modification génétique du pathogène lui-même. Avant de l’administrer comme vaccin, on désactive les gènes qui lui donnent sa virulence. L’équipe de Barbara Papadopoulou a obtenu des résultats concluants dans le passé en manipulant de la sorte une souche virulente de Leishmania. Mais un doute subsistait. «Même si on l’atténue génétiquement, il reste toujours une possibilité que le parasite recouvre sa force et déclenche la maladie chez certains individus, affirme-t-elle. Nous ne voulions prendre aucun risque.» Les chercheurs auront désormais la conscience parfaitement tranquille et pourront perfectionner leur vaccin expérimental au cours des prochaines années. «Nous pensons pouvoir l’améliorer énormément, par exemple en lui greffant d’autres gènes susceptibles de stimuler encore davantage les défenses de l’organisme.» Dans la plupart des pays frappés par la leishmaniose, on soigne encore comme dans les années 1930, par des injections quotidiennes d’antimoine; un composé voisin de l’arsenic. En plus d’être hautement toxique, ce traitement perd en efficacité à mesure que surgissent des souches de Leishmania qui lui résistent. L’urgence de développer un vaccin tient aussi à une menace encore plus inquiétante: la multiplication des cas de coinfection par Leishmania et le VIH, dans des régions touchées par les deux maladies. Un dangereux cercle vicieux est en train de s’installer dans plusieurs pays, les deux infections se renforçant mutuellement. D’une part, les personnes séropositives, aux défenses déjà affaiblies, ont plus de risque de développer une leishmaniose viscérale si elles sont piquées par une mouche infectée. D’autre part, les individus porteurs du parasite verront le sida se déclarer beaucoup plus rapidement après avoir contracté le VIH.Si les deux affections fonctionnent si bien en tandem, c’est qu’elles partagent plusieurs caractéristiques. L’un a beau être un virus et l’autre un parasite, le VIH et Leishmania s’attaquent aux mêmes soldats du système immunitaire, dont les macrophages qui avalent et digèrent les pathogènes. C’est pourquoi Barbara Papadopoulou soupçonne que son vaccin contre la leishmaniose, en stimulant des cellules qui sont également la cible du VIH, pourrait simultanément opposer une résistance au virus du sida. Le potentiel serait encore plus grand si, en plus, on se servait du parasite du lézard comme d’un véhicule. Ainsi, en trafiquant son génome, on lui ajouterait des munitions spécifiques contre le sida – des antigènes du VIH, notamment –, qui seraient alors livrées aux bonnes cellules du système immunitaire. «Un peu comme un cheval de Troie, dit-elle. On cache des antigènes du VIH dans le parasite du lézard, qui, lui, se charge de les amener au bon endroit. Quand le macrophage capte le parasite, l’antigène se présente au système immunitaire et, ainsi, engendre une réaction spécifique contre l’antigène en question. Ce n’est que le début d’une longue histoire, mais nos premières données sont encourageantes.» Les chercheurs viennent d’ailleurs de publier une étude à ce sujet dans le Journal of General Virology. Grâce à ce procédé, ils ont réussi à freiner la réplication du virus du sida dans des tissus humains (provenant des amygdales) cultivés en laboratoire. Le lézard, le meilleur ami de l’homme? Pour voir l'article, cliquer ici. Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites