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Max|mum-leterrarium

Des tortues plein les mirettes

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Des tortues plein les mirettes

En ce mois de mars, il va y avoir du monde sur une plage de Guyane : des chercheurs y débarquent pour étudier des tortues luth lors de la ponte. Et tenter de reconstituer le parcours de ces animaux encore bien mystérieux…



Près de la frontière avec le Surinam, en Guyane française, la plage des Hattes est l'un des tout premiers sites de reproduction de la tortue luth au monde. Cet animal, dont la présence sur Terre remonte à plus de cent millions d'années, fascine. En mars, Jean-Yves Georges et son équipe de l'Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC)1, à Strasbourg, poseront leur sac à Awala Yalimapo. Jusqu'à fin juillet, ils se transformeront en oiseaux nocturnes, scrutant les arrivées de tortues luth femelles venues pondre. Au passage, ils expliqueront leur travail aux nombreux touristes qui viennent sur le site assister à l'extraordinaire spectacle de la ponte.
« Nous suivons cette population depuis 2005, explique Jean-Yves Georges. Mais les tortues luth de Guyane sont observées et marquées par les scientifiques français depuis 1977. » L'an dernier, dans le cadre du projet « Migration et reproduction chez les tortues marines : trajectoires écophysiologiques » (Mirette)2, financé par l'Agence nationale de la recherche, cent femelles ont été équipées sur l'une des nageoires arrière d'un petit enregistreur de données spécialement développé à l'IPHC. Il permettra de connaître leurs migrations pendant les deux ou trois ans qui séparent deux saisons de ponte. Et de répondre – c'est l'objectif de Mirette – à une intriguante question : pourquoi « deux ou trois ans » ?
De ces tortues géantes de 400 kg et 2 m de long en moyenne, on ne sait pas grand-chose. « Personne ne peut vraiment dire combien de temps elles vivent », résume Jean-Yves Georges. Plusieurs décennies en tout cas, puisque des animaux marqués dans les années 1970 reviennent toujours sur la plage des Hattes. Les chercheurs de l'IPHC tentent de déterminer si les efforts de conservation de la tortue luth, classée en « danger critique d'extinction » depuis 2000 par l'Union internationale pour la conversation de la nature, ont porté leurs fruits. Et pour cela, Jean-Yves Georges et ses collègues tentent d'en savoir plus sur le quotidien de ces femelles entre deux saisons de ponte.
Cette année, les tortues équipées en 2008 seront rares : « 1 % à 2 % des femelles seulement reviennent au bout d'un an », confirme Jean-Yves Georges. Mais les chercheurs vont tout de même suivre les arrivées. « Nous mesurons et pesons les animaux, nous comptons les œufs et nous prélevons sur certains un peu de sang et de graisse sous-cutanée. » Les analyses sanguines permettront de déterminer l'état nutritionnel et hormonal des tortues. La graisse, quant à elle, doit révéler ce que les animaux ont mangé, et dans quelle région. Car l'étude biochimique et isotopique (carbone et azote) permet de déterminer si le menu était plutôt composé de méduses, de seiches, de poissons ou de petits crustacés et de connaître leur origine. En 2008, 2 000 femelles ont creusé leur nid dans le sable des Hattes, sur une population mondiale de femelles estimée à environ 30 000 – on ne dispose pas de données sur la population de mâles. Quatre sur dix n'étaient pas marquées, signe que la population de luth serait en train de s'accroître dans l'Atlantique. Durant la saison de ponte, chaque femelle revient faire un nid tous les dix jours, où elle dépose 80 œufs en moyenne.
La voix calme de Jean-Yves Georges tranche avec son impatience. Car le gros de la troupe qu'il a équipée d'un enregistreur l'an dernier ne reviendra qu'en 2010 ou 2011. L'engin, de la taille d'une petite boîte d'allumettes pour 40 g, est doté de capteurs de pression, de température et de lumière. Les données sont stockées toutes les 1 ou 2 min dans une carte mémoire d'appareil photo. Le tout est alimenté par une batterie d'une autonomie de quatre ans. « C'est un véritable progrès, car auparavant, nous équipions les animaux de balises Argos aussi lourdes que coûteuses, dotées de quelques mois d'autonomie seulement. » Un dispositif très insuffisant pour étudier l'ensemble du cycle de vie de l'animal, et gênant pour ce dernier, puisque la balise et son harnais réduisent la vitesse de nage de 20 %.
Pour connaître les migrations de la tortue luth, l'équipe utilise une méthode astucieuse : les capteurs enregistrent la luminosité autour de la tortue lorsqu'elle fait surface. Les chercheurs calculeront ensuite, chaque jour, l'heure de lever, de zénith et de coucher du soleil. Ce qui, à partir des éphémérides, donnera la longitude et la latitude de la position. Une méthode précise à 50-100 km, qui ne permettrait pas à un pétrolier d'éviter des obstacles, mais suffit à déterminer les routes de migration des tortues ! Pour vérifier les positions, 40 des 100 tortues pistées ont aussi reçu un GPS développé par l'IPHC.
Ainsi, l'équipe de Mirette espère retracer le périple et le comportement alimentaire des tortues luth, comme l'explique Jean-Yves Georges : « On en saura plus sur leur régime, et leur adaptation au fort développement des populations de méduses attendu avec le réchauffement climatique. »

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