Aller au contenu
Rechercher dans
  • Plus d’options…
Rechercher les résultats qui contiennent…
Rechercher les résultats dans…
Max|mum-leterrarium

Un roseau menace les grenouilles du Québec

Messages recommandés

Un roseau menace les grenouilles du Québec

La biologiste Amélie Perez s'apprête à poursuivre l'inventaire des amphibiens dans la région métropolitaine de Montréal dans le cadre de sa maitrise à l'Université de Montréal. Dès que les lacs et marais seront libres de glace, elle effectuera la tournée de plus de 50 sites situés entre Vaudreuil, Saint-Amable, Terrebonne et Beauharnois. Les pieds dans l'eau et un carnet à la main, elle écoutera les chants de ces vertébrés et relèvera ses pièges jusqu'en septembre prochain. Tout ça sans insecticide. «Les grenouilles respirent en partie par leur peau. Si j'ai de l'insecticide sur les doigts, cela pourrait les empoisonner quand je les manipule», dit cette étudiante française. Heureusement, ajoute-t-elle en riant, «les moustiques ne me dérangent pas trop».

Officiellement entamé en juin 2009, le carnet d'observation fait état de sept espèces dénombrées au cours de la première collecte: rainettes versicolore et crucifère, grenouilles des bois, verte et léopard, ouaouaron et crapaud d'Amérique. Dans ses pièges, elle a capturé (puis relâché) 257 adultes et 1600 têtards. Le but de sa recherche: découvrir si les populations de grenouilles, rainettes et crapauds sont touchées par la progression du roseau commun (Phragmites australis) dans le sud du Québec.

Ces travaux, sous la direction de Marc Mazerolle, professeur à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, et de Jacques Brisson, chercheur à l'Institut de recherche en biologie végétale, s'inscrivent dans une vaste étude du Groupe Phragmite, qui vise à documenter l'effet de cette plante envahissante sur le territoire québécois. Financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Service canadien de la faune, Amélie Perez a le soutien de l'organisme Canards illimités Canada, qui lui donne accès à ses sites et collabore au financement de sa bourse d'études.

Grenouilles et phragmites
On sait que le phragmite commun est le frère jumeau d'une espèce beaucoup plus discrète qui voisinait sans encombre avec les variétés indigènes depuis plusieurs décennies. Or, le nouveau type de roseau, arrivé d'outre-mer, colonise les écosystèmes du Québec méridional à une vitesse inquiétante (voir Forum du 29 septembre 2003, «Les roseaux affrontent les quenouilles!»). Là où l'espèce s'installe en maitre, la biodiversité pourrait être atteinte. Des biologistes veulent en apprendre davantage sur les populations végétales et animales qui s'adaptent ou disparaissent. La jeune femme a donc choisi des sites où le roseau est présent en grande quantité, et d'autres d'où il est absent.

«L'analyse est loin d'être terminée, mais la comparaison des sites montre une légère diminution du nombre d'individus pour toutes les espèces là où pousse le roseau commun, sauf pour la grenouille léopard, relate la biologiste. Une augmentation du nombre de prédateurs potentiels piégés et du nombre de têtards a aussi été constatée en présence du roseau exotique.»

Elle terminera sa recherche par un volet expérimental, disposant des têtards dans des bacs flottants où la plante exotique croitra en colonies plus ou moins denses. Elle y caractérisera des variables comme les fluctuations de pH, l'oxygène dissous et la température, et observera attentivement la croissance des larves.

Du triton belge au têtard québécois
La jeune femme passionnée par l'étude de la biodiversité a amorcé son travail de terrain l'an dernier, trois jours à peine après son atterrissage au Canada, où elle n'avait jamais mis les pieds. «J'avais hâte de découvrir les familles d'amphibiens présentes ici. Je n'ai pas été déçue.»
Auparavant, elle avait effectué une recherche appronfondie, en Belgique, sur le triton crêté, qui figure sur la liste des espèces menacées. Ses observations lui ont permis de mesurer l'ampleur de la menace. «Sur les 80 mares où l'on était susceptible de le rencontrer, seulement 11 l'abritaient. Nous avons donc recommandé aux autorités wallonnes de protéger ces sites de toute urgence.»

Vu d'Europe comme un Eldorado des écosystèmes naturels, le Québec était à ses yeux le paradis de la biodiversité. Mais un échange avec ses futurs codirecteurs l'a amenée à comprendre que celle-ci n'était pas hors de danger. Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature, plus du tiers des espèces d'amphibiens sont menacées d'extinction. Un nombre qui pourrait augmenter encore si l'on n'assure pas une protection adéquate des milieux naturels.

«Le bouleversement des paysages aquatiques (intensification des pratiques agricoles, assèchement des zones humides) est sans doute le plus important des facteurs mis en cause dans le déclin des populations d'amphibiens, note la biologiste dans la présentation écrite de son projet de recherche, car il perturbe directement la reproduction pour la majorité des espèces et, donc, le maintien des populations d'amphibiens. L'invasion de ces milieux clés par des espèces de plantes exotiques pourrait avoir un effet tout aussi désastreux.»

Au terme de sa seconde saison d'échantillonnage, Amélie Perez entreprendra son analyse des données et un stage à Canards illimités Canada. Elle déposera son mémoire au printemps 2011.
Mathieu-Robert Sauvé

Source

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

×
×
  • Créer...