Max|mum-leterrarium 0 Posté(e) le 27 avril 2010 Le trafic très prospère des espèces menacées Le front de lutte est partout. En Espagne, où la garde civile a annoncé, vendredi 9 avril, avoir saisi plus de 2 500 spécimens empaillés ou congelés, parmi lesquels lynx et vautours. En Guyane, où les services des douanes françaises ont découvert, début avril, dissimulés dans des boîtes de pellicules photo, des dizaines de spécimens vivants de Dendrobates tinctorius, petites grenouilles strictement protégées par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites), mais très recherchées pour leurs couleurs vives et leur venin. A Christchurch (Nouvelle-Zélande), où un ressortissant allemand a été condamné début mars à trois mois de prison pour avoir tenté de faire sortir du pays seize geckos, des reptiles protégés, d'une valeur marchande estimée à près de 100 000 euros. A l'aéroport Paris - Charles-de-Gaulle, en février, les douaniers ont intercepté du lourd : deux pieds, une queue et deux défenses d'éléphant. Ce même mois, une vaste traque internationale coordonnée par Interpol visant le commerce illicite de médicaments traditionnels asiatiques a donné lieu à la saisie de milliers de produits prohibés (os et dents de tigre concassés, musc d'antilope himalayenne, extraits d'écailles de pangolin) d'une valeur de plus de 10 millions d'euros... Le front de lutte est partout, et ses hérauts de mieux en mieux organisés. Ils ne contrôlent pourtant qu'une infime partie du gigantesque trafic mondial auquel donnent lieu les espèces menacées d'extinction, mortes ou vivantes, et de leurs produits dérivés. Selon le WWF, le Fonds mondial pour la nature, il s'agirait de la troisième source illicite de revenus, après le trafic d'armes évalué à près de 900 milliards d'euros par an et le trafic de drogue (près de 300 milliards d'euros). Le montant du trafic est quasiment impossible à évaluer, mais une chose est sûre : il rapporte gros. Au risque de sanctions relativement minimes : "De six mois de prison à 9 000 euros d'amende, que ce soit pour la cession ou la vente non autorisée d'une espèce, un défaut de certificat ou l'exploitation illicite d'un établissement d'élevage", précise le colonel Thierry Bourret. Chef de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp), unité de la gendarmerie nationale créée il y a six ans pour combattre, notamment, le commerce illicite de la faune et de la flore sauvages, il évoque à propos de ce trafic une véritable "économie souterraine". "Certains serpents, dits phasés, dont les couleurs ont été modifiées, peuvent être revendus 30 000 euros pièce, un couple de tortues Yniphora de Madagascar 90 000 euros. Un manteau en peau de chat léopard afghan s'est vendu à Paris 450 000 euros, et l'on connaît un collectionneur qui avait acheté pour 530 000 euros d'insectes", énumère-t-il. Du collectionneur du dimanche au mafieux pratiquant à grande échelle, le trafic de caviar, d'ivoire ou de civelle (l'alevin de l'anguille, vendu par dizaines de tonnes à l'Asie), en passant par la boutique d'aquariophilie ayant pignon sur rue, les acteurs de cette délinquance organisée sont innombrables. Comme le sont les devenirs des produits vendus. Animaux de compagnie, de collection, usages alimentaires ou pharmaceutiques... Mais aussi ornements de luxe et bizarreries en tout genre. "Cherchez bien dans Paris, et vous trouverez des bracelets en poils d'éléphant", affirme le colonel Bourret. Avant d'évoquer le démantèlement, il y a quelques années, d'un réseau de fourreurs destiné à fournir des sous-vêtements féminins en peau de reptiles et des slips d'homme... en peau de chimpanzé. Si l'on ajoute à cela le fait qu'il s'agit de milieux très fermés et très techniques (il faut être un expert pour reconnaître certaines espèces de lézard ou de corail protégées de celles qui ne le sont pas), on perçoit mieux les difficultés rencontrées par les services de la police et de la douane. "Des milliers de personnes rapportant chacune un ou deux spécimens à leur retour de vacances, cela finit par faire un volume considérable", précise Hubert Géant, directeur de la police à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), où une brigade mobile d'intervention (BMI), en liaison avec les services départementaux, se consacre exclusivement aux espèces protégées par la Cites. A entendre Michel Horn, secrétaire général des douanes de Paris - Charles-de-Gaulle, le trafic "touristique" - le vacancier qui rapporte dans ses bagages, en souvenir, des coraux protégés ramassés sur une plage de Tahiti - serait plutôt en diminution, et les citoyens mieux informés des risques pesant sur la biodiversité. "De là où nous sommes, nous n'avons cependant qu'une vague appréhension de l'ampleur du trafic", ajoute-t-il. Malgré la vigilance des douaniers et la formation de certains d'entre eux (par exemple pour attraper sans risque un serpent dans une cage), les saisies représentent sans doute une infime partie de ce marché international. Et le trafic illégal des espèces animales et végétales menacées d'extinction, après la destruction de leur habitat naturel, reste la deuxième cause de leur disparition. Catherine Vincent Source Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites