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Max|mum-leterrarium

Lézards : la sélection naturelle en action

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Lézards : la sélection naturelle en action



Une expérience réalisée en grandeur nature sur des lézards, aux Bahamas, confirme que la compétition entre individus est un puissant facteur de sélection naturelle dans les populations animales.

Jean-Jacques Perrier


De multiples observations des naturalistes montrent que la forme des individus d'une même espèce varie selon le type d'habitat. Il existe en effet des forces naturelles qui tendent à sélectionner les « écomorphes » les mieux à même de vivre dans un habitat donné. Mais peut-on aller au-delà de l'observation et reproduire expérimentalement ce processus sélectif ? Ryan Calsbeek et Robert Cox, du Dartmouth College, à Hanover dans le New Hampshire, répondent par l'affirmative grâce à leurs résultats obtenus sur des populations de lézards des Caraïbes et d'Amérique, les anoles, ici l'anole brun (Anolis sagrei).

En théorie, les populations d'anoles vivant sur le continent américain seraient soumises avant tout à une pression de prédation et peu à la concurrence entre individus. En effet, les lézards y sont relativement peu nombreux par unité de surface, car la nourriture est abondante et dispersée, tandis que les populations de prédateurs (serpents et oiseaux) y auraient la vie facile. Inversement, sur les îles, où l'espace est plus restreint et la nourriture limitée, les prédateurs seraient moins nombreux, mais c'est la compétition entre les anoles, plus nombreux par unité de surface, qui exercerait une pression de sélection.

Est-ce bien le cas en réalité ? Pour le savoir, les deux chercheurs ont transformé des îlots des Bahamas, de 800 à 2 300 mètres carrés et présentant la même végétation, en sites expérimentaux. Au mois de mai, ils ont capturé les anoles d'une grande île, Great Exuma, les ont marqués individuellement puis en ont relâchés 1 329 sur les îlots expérimentaux. Chaque îlot a accueilli entre 40 et 80 mâles et 150 femelles, les populations ainsi établies variant entre 9 et 30 lézards pour 100 mètres carrés. Durant l'été, trois « traitements » de prédation ont été appliqués à six îlots aux densités différentes : deux îlots n'avaient aucun prédateur, grâce à un filet empêchant les oiseaux de se poser ; deux autres étaient accessibles aux oiseaux, et deux îlots comptaient à la fois des oiseaux et une espèce de serpent prédateur, la couleuvre Alsophis vudii, normalement absente de ces îlots mais ici introduite par les expérimentateurs. Un autre îlot, n'ayant reçu aucun lézard supplémentaire ni aucun traitement, servait de référence.

Les chercheurs ont capturé et compté les anoles survivants en septembre, après la saison de reproduction, et ont mesuré la taille du corps et des pattes des mâles, et leur résistance à l'effort (sur un tapis roulant), comme ils l'avaient fait en mai. La survie des lézards mâles était moindre dans les îlots exposés à la double prédation, mais ne différait pas entre les autres îlots. Seul autre changement notable : les lézards s'étaient établis plus haut dans les arbustes. En revanche, quel que soit le régime de prédation subi, la résistance et la taille des lézards sont restées inchangées.

La compétition intraspécifique liée à la densité de population a quant à elle entraîné un changement morphologique des lézards. La taille du corps et des pattes ainsi que la résistance à l'effort avaient notablement augmenté chez les lézards survivants des îles surpeuplées par rapport aux lézards qui y avaient été introduits, et en comparaison des anoles des îlots à faible densité. Cela suggère que la concurrence est un facteur sélectif qui sélectionne les morphologies les mieux à même d'y faire face. Un corps et des pattes de plus grande taille représentent en effet des avantages compétitifs chez les reptiles, qui sont de la sorte plus agiles pour se déplacer sur les arbustes, et plus résistants, ce qui leur permet plus facilement de capturer des proies et de défendre leur territoire.

Ainsi, l'évolution des populations d'anoles sur les îles est sous l'influence prédominante de la concurrence entre les individus, comme le prévoyait la théorie.



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