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Max|mum-leterrarium

Le mystère du crocodile marin est résolu

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Le mystère du crocodile marin est résolu


Comment le plus grand reptile vivant de la planète a colonisé les îles
du sud du Pacifique.

Le bon vieux mystère du «crocodile marin» n'est plus. Des
scientifiques viennent de découvrir de quelle manière ce monstre venu du
fond des âges (Crocodylus
porosus
) a pu jadis coloniser de larges fractions de
notre planète. Et la fatalité pouvant ne pas toujours être un hasard
cette découverte coïncide avec celle laissant penser Crocodylus
porosus
et nombre de ses congénères pourraient vivre moins
longtemps que les astres ne l'avaient –peut-être– prévu. Les lézards ne
sont plus ce qu'ils furent.
Crocodylus porosus? Tout sauf de la chair de crabe. Du vrai,
du lourd, du reptilien carné. Pas loin de l'homme, en somme; avec une
dentition d'un autre ordre. Le «crocodile marin» («crocodile de mer»;
«crocodile à double crête») est le plus grand, le plus lourd et le plus
puissant reptile vivant encore sur notre planète (avec, peut-être un
petit concurrent nageant à l'ombre des Pyramides; pour ne pas parler
d'un autre qui croiserait au large de Madagascar. Chez Crocodylus
porosus
l'adulte mâle fait entre 4,3 et 5,6 mètres de long, pour
une masse dépassant en moyenne les trois-quarts de la tonne. Dans
quelques zincs portuaires des antipodes (en Inde ou en Australie)
certains affirment mordicus avoir vu (ou entendu parler)
d'individus dépassant la tonne et approchant le décamètre. Quant aux
femelles, elles sont nettement plus modestes: pas plus de 2,5 à 3 mètres
entre l'extrémité du museau et celle de la queue.
L'inventeur du surf


Chronomètre aquatique en main il peut, dit-on, atteindre (pendant peu
de temps et sous l'eau) des vitesses comprises entre 24 et 29 km/h
(après quelques petites excitations musculaires muqueuses ou
digestives). Sinon compter chez lui avec une «vitesse de croisière»
comprise entre 3 à 5 km/h. Avec, faute d'excitations, des épisodes
léthargiques de très longues durée. Ajoutons qu'il ne déplaît pas
toujours aux cuistres de rappeler que le nom de cette espèce reptilienne
porosus») est issu du grec porosis (callosité)
et du latin osus (plein de). Le quotidien de Crocodylus
porosus
? Goûtant également eaux douces et salées l'animal patauge
et nage entre marais et rivières durant l'humide saison tropicale avant
de rejoindre les saumâtres estuaires à la saison sèche et, parfois,
aller jusqu'à apprécier les salaisons maritimes.

Pour le reste, que du connu de l'humain: prédateur opportuniste;
violentes compétitions territoriales, mâles dominants accaparant les
zones les plus intéressantes des criques et des ruisseaux d'eau
douce propices aux harems et à la bonne chair (singes, kangourous,
sangliers, varans, chiens, buffles domestiques, léopards, humains etc.;
jeunes repoussés vers le sel de la mer. Mais comment ceci aurait-il, à
lui seul, pu expliquer l'existence d'une formidable diaspora? Comment ce
prédateur léthargique a-t-il pu étendre progressivement son aire
géographique du sud est de l'océan Pacifique et de l'est de l'Inde aux
îles Fidji, de la Chine à l'Australie? Le mystère était d'autant plus
épais que Crocodylus porosus ne peut pas être stricto sensu
considéré comme un reptile marin son alimentation réclamant pour
l'essentiel sa présence sur terre et qu'aucune information crédible ne
laisse penser qu'il a su inventer le canoë ou la caravelle. Quoique.

On ne peut pas, tout d'abord, ne pas tenir compte de nombreux récits
de marins rapportant avoir vu de gros crocodiles dans les eaux océanes,
loin de tout rivage, de tout estuaire. Le rhum ne peut tout expliquer.
Mais on dispose désormais surtout de la démonstration scientifique
apportée par un groupe de chercheurs dans la dernière livraison (datée
du 8 juin) du Journal of Animal Ecology, revue de la
société britannique d'Ecologie.
On peut résumer simplement ce travail: bien avant l'homme le
crocodile marin aurait inventé le surf; mieux: le surf sans la planche
du même nom. Car c'est bien ce qui, pour la première fois, ressort de la
longue enquête menée par l'équipe dirigée par le Dr Hamish Campbell
(Université du Queensland) et ses collègues du Queensland Parks and
Wildlife Service and Australian Zoo. Travaillant sur les berges
inhumaines de l'estuaire de la Kennedy River, dans le grand nord
australien, ces chercheurs ont équipés vingt-sept crocodiles marins
adultes avec des émetteurs récepteurs sonar sous-marins. Ils ont ainsi
pu suivre (on suppose à leur insu) tous les mouvements de ces sauriens
durant douze mois. Au total douze millions de données numérisées et la
découverte que ces mâles et femelles souvent léthargiques peuvent, le
cas échéant, faire de longs et beaux voyages et se rendre régulièrement à
plus de cinquante kilomètres à partir de leur territoire d'origine tout
en abandonnant le cabotage.

Et ces données témoignent aussi d'une parfaite maîtrise des lieux:
tenir compte de l'heure et des coefficients des marées, sentir venir les
vents et en user au mieux, etc. De vieux marins en somme, surfeurs
partis en croisière et usant au mieux des courants de surface, de la
brise et des rouleaux; des reptiles pouvant ainsi aller parfois poser
leurs pattes d'une île océanique à une autre. L'un des sujets étudiés
(un mâle de 3,84 mètres de long) a ainsi parcouru 590 kilomètres
pendant 25 jours sur la côte ouest de la péninsule du Cap York et ce
dans des courants marins particulièrement difficiles à gérer. Un autre
sujet mâle (4,84 mètres de long) a aisément fait 411 kilomètres en vingt
jours dans des conditions hydrodynamiques encore plus délicates.

«Ces crocodiles sont a priori de mauvais nageurs et il est peu
probable qu'ils nagent dans de vastes étendues de l'océan,
résume
le Dr Campbell. Pour autant ils peuvent survivre pendant de longues
périodes dans l'eau salée sans boire ni manger. Et quand les courants de
surface leur sont favorables, ils sont en mesure de se déplacer sur de
longues distances par voie maritime.
» Ceci explique selon lui
comment de simples crocodiles d'estuaire ont pu coloniser des îles
océaniques très éloignées les unes des autres. Mais cette découverte
soutient également la théorie selon laquelle les crocodiles ont su
dépasser d'importants obstacles marins au cours de leur très long et
très riche passé évolutif.
Une espèce à préserver


Tout ceci pourra-t-il encore continuer? Rien n'est moins sûr, du
moins si l'on en croit les militants de la lutte pour le maintien de la
biodiversité et leur sous-groupe spécialisé, précisément, dans la
raréfaction des crocodiles toutes catégories confondues. Ces amoureux de
la Nature originelle sont tout particulièrement inquiét pour le
spécimen dit «de l'Orénoque» bassin du fleuve du même nom traversant le
Venezuela et la Colombie. C'est là encore un bien vieux et bien long
carnivore doté de soixante-huit dents; peau gris-jaunâtre; brame
rugissant effrayant selon les voisins. Mais présence indispensable dans
la chaîne écologique: c'est le plus grand prédateur de la zone, ses
mâchoires et son appétit réduisant fort heureusement à la portion
congrue la présence d'amphibiens et de plus petits caïmans. Lui présent,
il n'y a plus de poissons dans les rivières.
Mais l'homme est là; et bien là. Au début des années 1960, ces
crocodiles étaient encore nombreux et appréciés par les maroquiniers du
fait de la «douceur» de leur peau. «On vendait en Colombie un
millier de peaux par jour»,
confiait il y a peu à l'Agence France
Presse Roberto Franco de Villavicencio, en charge de la préservation de
cette espèce. Aujourd'hui, après des décennies de chasse intensive et
de déforestation, on ne compterait plus qu'une centaine de spécimens en
liberté, après des années de chasse intensive, interdite en 1968, et de
déforestation. Il faut sauver le crocodile de l'Orénoque.

«Le crocodile a été le surnom de mon père quand il jouait au
tennis, et si nous pouvons rendre un petit peu au crocodile tout ce
qu'il nous a apporté cela serait dommage de ne pas saisir l'occasion»
,
vient de faire savoir Michel Lacoste. Ce responsable de
l'entreprise éponyme assure qu'il ne s'agit pas d'user ainsi d'un
nouveau «support de communication» pour sa célèbre marque familiale,
mais de faire preuve de «responsabilité citoyenne». Pour le plus grand
bien des humains et des sauriens les cœurs crocodiliens continueront
ainsi à battre; sur terre battue ou pas.
Jean-Yves Nau
Source

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