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Max|mum-leterrarium

Manapany : un gecko peut en cacher un autre

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Manapany : un gecko peut en cacher un autre

SAINT-JOSEPH. Pour ne pas que leur emblème se lézarde, les habitants de la baie sont priés de guetter le « cousin » malgache du lézard de Manapany, deux fois et demi plus gros que lui. Depuis peu, ce prédateur représente une menace réelle pour le petit reptile endémique du Sud sauvage.


Il a été aperçu pour la première fois il y a trois mois et, depuis, le nombre de ses congénères aurait quasiment doublé autour de la baie. Lui, c’est Phelsuma (madagascariensis) grandis, alias le grand gecko vert malgache, qui ressemble beaucoup à l’emblème de Manapany, le lézard vert, endémique de La Réunion. C’est Nicolas Dubos, étudiant stagiaire à l’association Nature océan Indien (NOI), qui a eu la primeur de la rencontre avec ce reptile. C’était le 8 juin dernier. « Je sortais de chez une habitante du boulevard de l’océan chez qui je faisais une étude de terrain sur le lézard vert. J’ai aperçu ce gecko sur un arbre, je n’y croyais pas. Deux jours après, j’en ai vu cinq, alors on en a conclu qu’il y avait une population à Manapany. » Déjà signalée en 2009, sa présence n’avait jusque-là jamais été vérifiée dans la baie. Il était cependant bien implanté dans d’autres secteurs (Saint-Gilles, Tampon, Saint-Denis…), depuis qu’un éleveur avait relâché en 1994 à Sainte-Suzanne quelques spécimens importés de la Grande-Île. « Comme il adore se faire dorer au soleil, il a très bien pu être amené ici dans le capot d’une voiture où il s’est réfugié lorsque le chauffeur a démarré », envisage Nicolas Dubos. Toujours est-il que selon les estimations de la NOI, une cinquantaine de geckos verts malgaches auraient élu domicile dans les végétaux de Manapany, en quelques mois seulement. « Ils s’adaptent très rapidement et se reproduisent beaucoup plus vite que le lézard endémique », confirme Nicolas Dubos. Ces derniers restent encore largement majoritaires, avec 5000 individus dans un rayon de 5 km autour de la baie. Mais, selon les scientifiques, ils pourraient à terme être supplantés par leurs envahissants « cousins malgaches ».


Prédateurs et compétiteurs
Ceux-ci sont effet beaucoup plus grands (30 cm contre 12) et, surtout, à la fois prédateur et compétiteur. Prédateurs, car certains clichés montrent le lézard malgache ne faire qu’une bouchée du gecko péi, qu’il soit adulte, juvénile ou dans son œuf… Compétiteurs, puisque les deux espèces occupent le même type d’habitat. Et quand les deux espèces se croisent sur une branche de vacoa ou de latanier, la bataille tourne court. Le gecko malgache réquisitionne habitat, refuge et nourriture aux dépens de son cousin. Ce que ne font pas ses autres prédateurs, chats et autres rats. Verdict unanime chez les scientifiques : le lézard vert de Manapany geckoest victime de sa « naïveté ». « Il est menacé car son évolution l’a conduit à perdre ses réflexes de fuite puisqu’il était seul. L’introduction de prédateurs a été un véritable carnage pour lui », explique-t-il en approchant sa main à portée de souffle d’un lézard vert qui flemmarde sur la façade de la salle communale de Manapany. C’est derrière ces murs que s’est tenue hier après-midi une réunion d’information à destination de la population. Et, visiblement, la cause du lézard vert mobilise. Une cinquantaine de Manapanyens ont assisté à l’exposé de cette nouvelle menace. De tous âges, mais aussi beaucoup d’enfants. Qui ont pour beaucoup incité leurs parents à se déplacer.

Un lézard péi trop naïf
« Nous avons fait des interventions au sujet du lézard dans l’école maternelle de Manapany et dans une école élémentaire de Saint-Joseph. Nous en avons sensibilisé une centaine. Ce sont eux qui sont le plus à même de faire passer le message aux parents », expose Marie-Claude Ollivier, présidente de l’ADPRH (1). C’est lors d’une manifestation organisée l’an dernier par son association qu’elle avait fait connaissance avec le gecko malgache. « Un parent nous avait alertés à ce sujet, je n’en avais jamais entendu parler. Suite à cela, la NOI a débuté ses recherches, qui ont prouvé sa présence. » Et la résistance s’organise déjà. En cas de signalement d’un cas, la NOI et les agents communaux du service environnement se chargent de récupérer l’envahisseur, manuellement ou à l’aide d’une canne à collet. Avant de le tuer. Selon une enquête menée par Nicolas Dubos, 89 % de la population s’est prononcée pour la préservation du lézard vert de Manapany. « Tout dépendra de la bonne volonté des personnes, estime Marie-Claude Ollivier. Les habitants n’y sont pas opposés. Maintenant, il faut le montrer dans les actes. C’est notre endémique et notre emblème ! » La poignée de sauveteurs du gecko de Manapany souhaite lui éviter le triste sort qu’ont connu à La Réunion vingt-deux espèces d’oiseaux, quatre de reptiles et autant de chauves-souris, toutes endémiques : la disparition pure et simple. Pour ne pas que leur emblème se lézarde à jamais.

Julien Cinier


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