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Max|mum-leterrarium

Besançon : Hécatombe de salamandres

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Besançon : Hécatombe de salamandres


Les infrastructures du contournement de Besançon au niveau du Vallon des Mercureaux entraîne une véritable hécatombe au niveau d'une population représentant une sous-espèce de salamandre unique en Franche-Comté.




La voie des Mercureaux : un piège redoutable pour la Salamandre tachetée




par Michel Cottet & André Guyard



Le suivi de l’évolution de la construction de la 2x2 voies de la vallée des Mercureaux, montre en ce mois de septembre 2010 à une hécatombe de salamandres tachetées.





La voie 2x2 des Mercureaux

(Cliché Michel Cottet)



Il faut savoir que la Salamandre tachetée (Salamandra salamandra) est un amphibien terrestre au stade adulte. Mais comme les œufs nécessitent une éclosion dans un milieu aquatique, les femelles fécondées doivent migrer depuis les versants forestiers en direction des fonds de vallons pour revenir périodiquement à l'eau au printemps et à l'automne.



Comme elles sont inaptes à la natation, elles ne peuvent pondre leurs larves que dans quelques millimètres d'eau. Sinon, elles courent le risque d'être emportées par le courant et de se noyer.



Dans le ruisseau des Mercureaux, nous avons affaire à une population exceptionnelle de ces amphibiens, composée à plus de 50 % d’individus d’une sous-espèce particulière et rare de Salamandra salamandra salamandra.



Signalée dès 1911 par Marie Phisalix, cette population a été suivie plus récemment par les herpétologues locaux, notamment Jean François et Hugues Pinston (avril 1987), Jean-Pierre Hérold (septembre 1987), Michel Cottet (mars 1990), Emmanuelle Craney et Hugues Pinston (octobre 1991).





Malheureusement, les aménagements du franchissement du vallon des Mercureaux menacent la population de salamandres en ignorant totalement la biologie de cette espèce (voir l'article suivant sur ce même blog).

http://baladesnaturalistes.hautetfort.com/archive/2009/10...



Pourtant, Hugues Pinston rédige en 1987 pour le compte d'un bureau d'études (CPRE) une première étude d'inventaire d'amphibiens et de reptiles liée au projet de voie des Mercureaux. Dans cette étude, il rapporte "la présence de centaines de larves dans les cuvettes successives du ruisseau et préconise la prise en compte de cette espèce protégée lors des futurs travaux".



En outre, au cours des années 1990, de nombreuses prospections bénévoles ont été réalisées en Franche-Comté dans le cadre de l'atlas herpétologique (Pinston et al, 2000). Ces prospections confirment que la population des Mercureaux est la seule connue en Franche-Comté appartenant à la sous-espèce S. s. salamandra.



Or les aménagements le long de la voie 2 x 2 voies et le long du ruisseau des Mercureaux ne répondent pas aux exigences de l'espèce dont les femelles, piégées par des équipements inadaptés, meurent par centaines.







Caniveau en U aux parois lisses et verticales

(Clichés Michel Cottet)



À la suite d'une visite sur les lieux effectuée le 5 octobre dernier, Michel Cottet et Jean-Gérard Théobald tirent les observations suivantes.



Les salamandres ont été piégées par un caniveau de profil en U, en béton coulé et moulé sur place en cours de pose. Ce caniveau est destiné à recevoir les eaux de ruissellement de chaussées, susceptibles d’être polluées (hydrocarbures imbrûlés, produits d’usure des pneumatiques et de corrosion des carrosseries, de la bande de roulement de chaussées, produits de lavage et de salage…) pour les stocker et les traiter avant rejet dans le milieu naturel.



Ce caniveau, à fond plat, aux bords verticaux et lisses, d'environ 30 cm de large pour 40 cm de haut, en en bordure immédiate et au ras de la chaussée bitumée constitue un piège mortel pour les salamandres en migration automnale.



Latéral à la chaussée, l'ouvrage court actuellement de façon continue sur plusieurs centaines de mètres et ne s'interrompt qu'au niveau d'un pont routier quasiment à mi-distance entre les deux séries de tunnels.





Le caniveau ne s'interrompt qu'au niveau d'un pont routier

(Cliché Michel Cottet)



La pose de ces équipements désastreux se fait de l'amont (tunnels de Fontain-La Vèze) vers l'aval (tunnels du Bois de Peu). À cause du profil du caniveau, aucune possibilité pour les amphibiens (salamandres et autres...) de se hisser hors du caniveau aux parois verticales et lisses. Il s'en suit une mort lente des animaux par dénutrition et surtout déshydratation, voire dessication très rapide. D’autres animaux, dont des insectes, se trouvent également piégés (Carabes, Staphylins…).





Le caniveau se déverse dans des puits

verticaux qui jalonnent son parcours

(Cliché Michel Cottet)



Pour l'instant (5 octobre 2010), ce caniveau dévastateur s'arrête dans du "tout-venant", du gravier recouvrant une plaque de tôle qui masque presque totalement un puits vertical busé équipé d'une échelle, au même niveau que la chaussée bitumée.





L'eau recueillie par le puits emprunte

une canalisation en souterrain

(Cliché Michel Cottet)



…puis un déversoir de pente abrupte,

(Cliché Michel Cottet)



En outre, la pente longitudinale du caniveau épouse la pente du terrain et de la route (environ 10 à 15 %) ; elle est déjà forte et en cas d'averse comme ces derniers jours, c'est un violent effet de chasse qui doit inéluctablement entraîner les animaux dans les puits bétonnés qui doivent absorber les torrents temporaires ainsi créés, puis se déversent dans des caniveaux latéraux dont la pente est estimé de 30 à 45°. Ces déversoirs rejoignent les ruisseaux "naturels" déjà très affectés par le chantier.





…avant de rejoindre les ruisseaux "naturels"

(Cliché Michel Cottet)



En revanche, l'aménagement des caniveaux des voies collatérales à la chaussée 2x2 voies permet aux amphibiens de les traverser sans problème.







Gestion du ruissellement des voies collatérales

(Clichés Michel Cottet)



La mortalité de salamandres adultes ces derniers jours semble avoir été considérable, avec, selon le témoignage de Jean-Gérard Théobald, une salamandre piégée quasiment tous les 50 cm sur une longueur d'environ 1 000 à 1300 m.





Terrible efficacité du caniveau avec une mortalité

de deux salamandres par mètre linéaire

(Clichés Jean-Gérard Théobald)



Mais aucun des cadavres (qui auraient dû être entraînés par le courant) n'a été trouvé dans les exutoires et jusque dans les vasques du ruisseau en aval.



L'explication est venue grâce à une personne du voisinage, qui a aperçu des personnes occupées à récolter quelque chose dans des seaux dans les caniveaux et les ruisseaux. Il s'agit, d’après des éléments de l’enquête dont nous avons connaissance, de fonctionnaires de la DREAL, de la DDT, de la DIR Est... qui récupèrent quotidiennement les animaux, vivants ou morts, piégés par le caniveau.



Tant que ce caniveau mortel ne sera pas recouvert (en espérant qu'il le soit), cette catastrophe perdurera à chaque migration bisannuelle.



Pourtant, la dernière livraison de la plaquette explicative de l'avancement des travaux n'ignore pas l'existence de la Salamandre tachetée. Encore faut-il connaître la biologie de l'animal car la plaquette montre des équipements tout à fait inadaptés à la biologie de cet amphibien.










Détails de la plaquette. Cherchez les erreurs :


Les murettes constituent un obstacle pour les salamandres.

La mare est trop profonde



Concernant ces aménagements, l'un de nous, Michel Cottet, éco-interprète et herpétologue s'interroge sur un certain nombre de points.



Pourquoi donc, au titre des "mesures correctives" de la "Voie des Mercureaux" :



- avoir fait creuser des zones profondes (où les salamandres inévitablement entraînées vont se noyer) ? alternant avec des seuils…



- avoir fait creuser des mares trop profondes, pour un résultat équivalent ?



Ces mesures s'avèrent en fait, selon toute évidence, de nature à aggraver considérablement les impacts désastreux de la création de cette voie routière à 2 x 2 voies dans un site vierge, aujourd'hui largement dévasté.



Qu'en est-il des véritables mesures "COMPENSATOIRES" pourtant évoquées maintes fois pendant quatre décennies de lutte associative et de propositions alternatives (qui n'ont même pas été étudiées) contre ce projet ?



Quid des véritables "crapauducs" et autres équipements du même type ? les mortalités d'amphibiens de septembre-octobre 2010 montrent leur utilité et confirment qu'il aurait fallu les multiplier... Pourquoi ces dispositifs n'ont-ils pas été adoptés ?



Les choses ont l'air de bouger. L'ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage), chargé de la police de l’environnement, diligente une enquête pour étayer une correction bien tardive et remédier à ce problèm avec les administrations concernées.



Maintenant, les ONG, les associations de protection de la Nature, vont-elles intenter une action en justice en se constituant partie civile contre les entreprises, les maîtres d'ouvrage et maîtres d'oeuvre pour destruction massive d'une espèce protégée ?



Remerciements à Hughes Pinston, herpétologue qui nous a fourni de précieux renseignements sur la population de salamandres des Mercureaux.



RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES



  • Angel F. (1942) – Faune de Frande, Reptiles et Amphibiens. Lechevalier (éd.), Paris, 204 p.



  • Boulenger G. A. (1911) – A contribution to the study of variations of the Spotted Salamander (Salamandra maculosa). Proc. Zool. Soc. London, 1911 (I), p. 323.



  • Fretey J. (1975) – Guide des Reptiles et Batraciens de France. Hatier (éd.), Paris, 239 p.



  • Pinston H. (1987) – Inventaire herpétologique à Beure (25). Rapport interne pour le Centre Permanent de Recherche en Ecologie, Besançon.



  • Pinston H., Craney E., Pépin D., Montadert M. et Duquet M. (2000) – Amphibiens et Reptiles de Franche-Comté. Atlas commenté de répartition. Groupe Naturaliste de Franche-Comté et Conseil Régional de Franche-Comté (éds.), Besançon, 116 p.


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