Max|mum-leterrarium 0 Posté(e) le 7 janvier 2012 « La Roche-Percée doit être un sanctuaire »L’ensablement de la plage de La Roche-Percée rend les pontes difficiles cette année, observe l’association Bwärä. Pour son président, Dominique Lafage, le résultat des actions de protection de cette espèce menacée ne se mesurera que dans trente ans.Les Nouvelles calédoniennes : Les tortues à grosse tête sont-elles au rendez-vous cette saison (novembre à avril) ?Dominique Lafage : Oui, mais en petit nombre. La dune de sable, aménagée pour protéger les riverains contre l’érosion et pour recréer un espace de ponte, est vraiment pénalisante. Car il s’agit de sable de rivière, avec de la glaise, qui devient dur comme du béton quand il sèche. Les tortues doivent revenir plusieurs fois avant de trouver un endroit avec du sable mou. Elles se heurtent aussi au mur de la dune formé par le sable compact et se fatiguent. Une tortue pond quatre fois en moyenne, cette année ce sera certainement moins. Il faut patienter un an, le temps que le sable soit lessivé par les vagues, et ça ira mieux.Concrètement, combien de pontes avez-vous observé ?85 pontes, pour 130 à 140 montées infructueuses, sans compter les tortues qui s’arrêtent car elles ne peuvent pas passer la dune. C’est le même nombre de pontes que l’an passé et qu’en 2005. Mais il y a deux ans, on avait eu 140 pontes, pour 50 montées sans ponte seulement.Cela signifie-t-il que le nombre de tortues continue de régresser ?Non, pas forcément. Nous ne relevons ces données que depuis six ans et nous n’avons pas assez de recul, car une tortue pond tous les deux à cinq ans. Je pense que le faible nombre de cette année est dû avant tout à ce cycle. Il y avait eu une forte progression en 2008 et 2009.Les difficultés liées au nouveau sable vous ont-elles poussés à prendre plus de précautions ?Oui. Nous avons arrêté les rondes publiques et nous faisons moins de relevés scientifiques. Nous avons arrêté de poser des bagues métalliques sur les tortues, au profit d’une puce électronique. Mais les bagues étant posées depuis une quinzaine d’années dans le Pacifique, c’est un système de marquage auquel on reviendra. De plus, lorsque les tortues pondent au pied du mur de sable, on change le nid de place car on sait qu’il sera emporté à la prochaine marée haute.Que représente la Roche-Percée pour les tortues à grosse tête ?C’est le deuxième site de ponte du Pacifique Sud, avec 150 à 200 nids en moyenne chaque année, ce qui représente 50 tortues environ. Le premier site est celui de la plage de Bon Repos, au nord de Brisbane, qui compte 120 à 130 tortues. Par comparaison, on estime qu’entre 400 et 500 tortues sont consommées chaque année en Calédonie. L’espèce reste très fragile et la Roche-Percée doit être un sanctuaire. Selon les scientifiques, 95 % des tortues à grosse tête ont disparu en soixante ans dans le Pacifique, ce qui vaut à l’espèce d’être classée en danger grave d’extinction par l’UICN. Notre combat est de la sauver, pour que nos enfants continuent à en voir. Les tortues vertes sont moins en danger car elles pondent plus et elles se réfugient sur les îlots.Quelles sont les causes d’une telle chute de population ?Les causes humaines : une forte consommation des œufs et des tortues, une disparition de certains sites de ponte (l’anse Vata devait en être un autrefois), ou encore la mortalité due aux filets dérivants des chalutiers, qui n’ont pas été surveillés durant quarante ans. A la Roche-Percée, on a retrouvé des témoignages de soldats néo-zélandais, durant la guerre, qui racontent que, le soir de Noël, les tortues se touchaient lorsqu’elles montaient ! Cela veut dire qu’il y en avait peut-être 150, alors qu’aujourd’hui, au plus fort d’une nuit, on n’a que 7 pontes.Êtes-vous optimiste pour la suite ?Les tortues pondent lorsqu’elles deviennent adultes, à l’âge de 30 ans. Nous ne saurons donc que dans trente ans, si nos actions de protection ont permis d’inverser la tendance. Aujourd’hui, nous restons modestes. Notre satisfaction est de sentir que les gens sont sensibilisés.L’arrêt des rondes publiques est-il respecté ?Oui, complètement. Les gens nous appellent et sont déçus, mais ils comprennent et respectent.La plupart ne viennent pas sur place ensuite. Ceux qui viennent sont au courant et font attention à ne pas déranger les tortues. En fait, on s’est aperçus que les rondes publiques, tout en ayant l’avantage d’un contrôle, attiraient beaucoup de gens qui ne seraient pas venus sans ça.Vous dites qu’environ 400 tortues seraient consommées chaque année. D’où vient ce chiffre ?Aujourd’hui, la consommation de tortue n’est autorisée que pour certaines cérémonies coutumières. En 2010, cent autorisations (une par tortue) ont été délivrées en province Sud, et autant en province Nord. On estime que la même quantité n’a fait l’objet d’aucune demande. D’où ce chiffre bas de 400 tortues.Est-ce un problème à vos yeux ?Mon rêve serait de proposer un moratoire de cinq ans durant lesquels personne ne toucherait aux tortues. Je pense qu’on verrait vite les effets, cela redonnerait de l’air aux tortues. Je dis cela uniquement du point de vue de la protection de l’espèce. A leur arrivée, les Occidentaux mangeaient des tortues à tous les repas, alors que les Mélanésiens en consommaient surtout lors des cérémonies coutumières. Ils nous renvoient souvent cette idée qu’aujourd’hui les Occidentaux voudraient interdire totalement la consommation, alors que ce sont eux les responsables de sa disparition. Propos recueillis par Sylvain AmiotteSource Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites