Aller au contenu
Rechercher dans
  • Plus d’options…
Rechercher les résultats qui contiennent…
Rechercher les résultats dans…
Max|mum-leterrarium

Longévité : le protée réactive le mythe

Messages recommandés

Longévité : le protée réactive le mythe

Jeunesse éternelle. Selon les biologistes, le protée, un petit batracien de 20 cm, connaît la formule de jouvence qui permet de vieillir tout en restant jeune !

ll collectionne les records : record de longévité (il peut vivre plus de 100 ans), record de diète (il peut rester jusqu'à 8 ans sans manger), record d'apnée (il peut survivre trois jours sans oxygène). Lorsque le médecin et naturaliste autrichien Josephus Nicolaus Laurenti décrivit en 1768 ce que l'on surnommait dans sa région d'origine le « bébé dragon », il ne connaissait pas ces prodigieuses propriétés. Et c'est avec une belle intuition qu'il le baptisa Proteus, du nom de cette divinité marine, vieille et grincheuse, qui ne livrait ses prophéties que lorsqu'elle était enchaînée et que sa colère retombait.
Il faut dire que Proteus anguinus ne révèle pas facilement ses secrets. Endémique du massif montagneux de la côte Adriatique où il vit dans l'eau de grottes profondes, cette espèce d'urodèle - batraciens qui gardent leur queue à l'âge adulte, comme les salamandres - affiche un rythme d'activité de cinq minutes par jour propre à décourager les observateurs les plus patients. D'autant que les spécimens capturés ne permettent pas de l'étudier de façon satisfaisante. Dans la nature, les biologistes ne peuvent observer que des juvéniles qui se montrent plus facilement sur leur zone de chasse communautaire, accessible par les spéléologues. Or, il a été montré que les jeunes et les adultes s'évitent. Chaque classe d'âge a son territoire et les reproducteurs se trouveraient plutôt dans des systèmes annexes très fissurés, pas du tout à taille humaine.
Au laboratoire-élevage aménagé il y a presque soixante ans, dans une grotte des Pyrénées, à Moulis, les scientifiques sont donc les seuls à pouvoir étudier des spécimens matures, dont ils connaissent l'âge grâce au registre tenu depuis les premières naissances en 1958.
Une peau très fragile
Olivier Guillaume et ses collègues ont ainsi élaboré un modèle mathématique qui figure la croissance des individus de leur colonie. Résultat : ils ont montré que le protée atteint sa maturité sexuelle à 15,6 ans, qu'il pond 35 œufs tous les 12 ans et demi, et que jusqu'à l'âge canonique de 80 ans, il ne montre aucun signe de sénescence. Un individu qui atteint l'âge de 6 ans vivra en moyenne 68,5 ans. Si ce cavernicole n'a pas de prédateurs naturels dans son environnement - excepté les autres mâles adultes, il reste en revanche très fragile. Sa peau notamment, extrêmement fine, supporte mal d'être égratignée, même légèrement, car des agents pathogènes peuvent alors pénétrer son organisme et l'endommager.
Il est par ailleurs sensible à la pollution de l'eau, contre laquelle il n'a aucun moyen de lutte.
Cette mortalité accidentelle n'empêche pas les biologistes de penser que le protée connaît la formule de jouvence, qui permet de vieillir tout en restant jeune. Un vieux rêve de l'humanité.
Cette disposition est d'autant plus étonnante quand on sait que, chez les vertébrés à sang-froid, la longévité est normalement corrélée avec la taille : plus l'animal est gros, plus il vit longtemps. Or ce petit batracien de 20 cm vit aussi vieux que la salamandre géante du Japon tout en étant mille fois moins lourd et réussit à égaler la longévité du plus gros de tous les mammifères, la baleine bleue !
L'hypothèse des mécanismes antioxydants particulièrement efficaces, susceptibles d'éliminer les dérivés réactifs de l'oxygène (DRO) dont les radicaux libres sont responsables, à de fortes concentrations, d'un stress oxydant qui cause des dommages à la cellule et accélère son vieillissement, a été écartée. Pour les chercheurs, le secret de la longévité du protée tient plutôt à son efficacité énergétique. Et plus précisément au rendement de ses mitochondries, ces machines biologiques qui synthétisent dans la cellule les molécules d'adénosine triphosphate (ATP) fournissant l'énergie des réactions chimiques. Ils avancent que la quantité d'ATP produite par rapport à l'oxygène consommé, est très élevée.
Alliée à une activité limitée et à une physiologie adaptée, cette efficience permettrait de limiter la production de déchets comme les DRO sans avoir besoin de limiter le métabolisme de base, ni de développer une activité antioxydante plus performante.
Même si les liens entre la production d'énergie dans la cellule, le rejet des DRO et la durée de vie chez les animaux à sang-froid ne sont pas parfaitement établis, un tel scénario correspond bien aux observations in vivo. Pour en savoir plus, les chercheurs s'intéressent particulièrement au gène TOR (Target of rapamycin), un gène multifonction, essentiel à la régulation de la croissance et du métabolisme dans les organismes pluricellulaires. Ce gène aidera-t-il à percer le secret de la longévité du gracile animal ? Et cela permettra-t-il de mieux comprendre les mécanismes de prévention de la sénescence chez les humains ?
Le dragon garde pour l'instant sa réponse. Mais les chercheurs ont appris à être patients…
D'après Valérie Lassus

Source

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

×
×
  • Créer...