Max|mum-leterrarium 0 Posté(e) le 18 mai 2012 Secrets cachés du fil d’araignéeElles font souvent frémir avec leurs pattes velues, ce n’est pas pour rien qu’elles ont toujours beau rôle dans les films d’épouvante ! Et pourtant, elle gardent en elles un précieux trésor que l’homme cherche à élucider.Sachons le reconnaître, l’araignée est passée maître en matière de confection du fil de soie. Celui-ci est tout à fait exceptionnel en matière d’élasticité et de résistance et ne connaît pas d’égal dans le monde animal ni même artificiel (créé par l’homme). Ses propriétés sont telles que des applications étonnantes ont vu ou vont tenter de voir le jour :- utilisation comme fils de sutures en chirurgie ou renforts de ligaments,- fabrication de peau humaine artificielle (dans le cadre de greffe de peau)- fabrication de cordes de violon à base de soie d’aragignée (réalisé par un professeur japonais (lien))- fabrication de nouveaux matériaux plus écologiques.Cependant, beaucoup de détails sur les secrets de fabrication restent mystérieux. Qu’est ce que le fil produit par l’araignée ? Comment s’expliquent ces propriétés exceptionnelles ? Quels en sont les bénéfices pour l’araignée ? Pourquoi de tels élans pour tenter de s’en approprier les secrets ? Quels impacts pour les biomatériaux ?Petit tour d’horizon de ce qui est connu !Propriétés des fils et de la soieLe fil d’araignée est avant tout un fil doté d’une très grande résistance. A diamètre égal, il est 5 fois plus résistant que l’acier et 3 fois plus que les meilleurs fibres synthétiques. La deuxième propriété intéressante, sans aller à l’encontre de sa résistance, est sa grande élasticité : il peut s’allonger de 40 % sans se rompre (certaines araignées produisent même des fils pouvant s’allonger de 200%). C’est également un fil très fin, beaucoup plus que celui produit par le vers à soie. Cela conduira à une soie plus régulière car ses macromolécules sont mieux alignées.La production des filsLa grande particularité des fils produits est qu’ils ne sont généralement pas de composition homogène. Une même espèce pouvant produire 8 types de fils différents au sein d’une même toile. Ce qui les distingue, ce sont leurs propriétés : plus ou moins solides, adhésifs ou élastiques selon la fonction qu’ils sont censés remplir dans toute l’architecture.Les plus fins, sont les plus sensibles aux vibrations, pour prévenir la bête de l’arrivée d’une proie. Ils sont néanmoins très résistants afin de supporter les mouvements rapides de l’insecte piégé qui se débat.Les plus solides, permettent d’assurer la structure de base, la stabilité de la toile et sa longévité.Il existe aussi des fils parfumés permettant d’attirer l’araignée mâle et de stocker la nourriture et les oeufs.En fait, ces caractéristiques semblent être fonction du régime alimentaire de l’araignée. Selon une étude allemande, les araignées les mieux nourries produisent des toiles qui transmettent mieux les vibrations et qui se dégradent moins dans le temps.Les autres facteurs influants sur la structure du fil et ses propriétés, sont le type d’araignée (mais au sein d’une même espèce, son âge, son poids et ses dimensions jouent) la température, la direction du filage, la vitesse d’éjection du fluide de l’insecte ainsi le pH au niveau des glandes secrétrices. En ce qui concerne le type de fils choisi par l’araignée pour construire sa toile, l’environnement joue un grand rôle (disponibilité des proies, conditions météorologiques, structure de l’habitat, présence de prédateurs et parasites…Composition physico-chimique des filsUne équipe allemande a publié dans « Nature » en mai 2010 (voir ICI) les résultats d’une étude expliquant quelques unes des propriétés intéressantes des fils d’araignée. Les fils sont donc composés de protéines (il fallait s’en douter !) constituées de longues chaînes unissant les briques de bases que sont les acides aminés. Selon la nature des acides aminés qui s’associent pour former de longues chaînes de protéines, et selon la manière dont s’effectue cette association (quels atomes se lient et comment le font-ils?), toute une palette de propriétés différentes va apparaître.Protéines, une chaîne d’acide aminésUn acide aminé, comme son nom l’indique est constitué d’une fonction acide R-COOH et d’une fonction amine -NH. Différents acides aminés (notation AA) s’associent grâce à des liaisons dites « peptidiques ».De quoi s’agit-il ? tout simplement d’une réaction entre la fonction acide d’un AA et la fonction amine d’un autre AA : une molécule d’eau est éliminée). Se faisant, l’arrangement spatial des atomes va être perturbé, et selon les atomes en présence, différents rapprochements (attraction de type électrostatique) vont se mettre en place : d’où l’apparition de structure en hélice (repliement local), ou en feuillets (les longues chaînes polypeptidiques se replient parallèlement côte à côte), ou sans vraiment d’organisation particulière (ce qu’on appelle « pelote statistique »).Selon les parties concernées, on observe une structure en hélice ou en feuillet ou en pelote inorganisée. Tout cela devant cohabiter, il en résulte, que dans l’espace, la protéine a une structure tridimensionnelle qui lui est propre. Toute cette organisation à l’échelle atomique va induire les différentes propriétés physico-chimiques des protéines.Les protéines produites par l’araignéeLa protéine « fibroïne » constituant le fil d’araignée est un polymère du groupe scléroprotéine (dont font partie le collagène et la kératine, qui sont des protéines structurantes). Les deux principaux acides aminés constituant la fibroïne, sont l’alanine (à 25-30 % environ) et la glycine (à 40% environ). Ces deux acides aminés ont comme point commun qu’ils sont de petite taille (sans gros groupements carbonés sur le côté). Ce qui facilitera le compactage et la cristallisation.Le fluide de base pour la fabrication du fil est secreté dans une des glandes spécifiques de l’araignée (au nombre de 7 : chaque glande secrète un type de fil particulier). Il s’agit d’une solution aqueuse très concentrée de fibroïnes dépliées et désordonnées. On parle de liquide cristallin. En sortie de la glande secrétoire, le fluide passe par des tubes très fins ; toute une série de processus physico-chimique opère : les protéines s’allongent, s’alignent, des liaisons hydrogène se forment, le pH chute ce qui provoque une cristallisation partielle. Selon les acides aminés mis en jeu, différentes structures apparaissent.1- LEs régions riches en glycine (plusieurs séquences de 5AA se succèdent) adoptent une forme en hélice, et une organisation plutôt aléatoire : on parle de régions amorphes2- Les régions riches en alanine se lient via des liaisons hydrogène (produisent des ponts ntre zones de protéines), et adoptent une architecture en feuillets : c’est une structure très organisée ou structure critalline.3- Des régions semi-cristallines (moins ordonnées), permettent de connecter les feuillets plats aux régions amorphes.Au sein d’un fil de soie, on a donc une cohabitation entre des régions cristallines et des régions amorphes. De cette cohabitation, vont naître les propriétés d’élasticité et de résistance caractérisant les fils.La grande résistance est attribuée aux zones cristallines : ce sont les liaisons hydrogènes qui pontent les différentes molécules qui assurent une grande stabilité.L’importante élasticité a été reliée en grande partie aux zones amorphes : sous l’effet d’une contrainte, les enchaînement d’AA non organisés, s’effilochent et se détendent en premier, d’où un phénomène d’extension. La présence de zones cristallines avec des feuillets rigides permettent le retour à l’état initial après déformation. Plus le fil est élastique, plus la séquence des 5 AA glycine est répétée.Les régions cristallines où existent de nombreuses liaisons hydrogène sont également très hydrophobes (l’eau ne peut s’insérer car les LH sont déjà prises : cela facilite le rejet d’eau pendant la solidification et explique l’insolubilité de la soie d’araignée dans l’eau.Il est également intéressant d’apprendre que l’araignée a le pouvoir de modifier très rapidement les propriétés du fil qu’elle fabrique, selon la nature de son environnement et donc de ses besoins. C’est en jouant sur la vitesse d’ejection du fluide (entre 1cm/s lors de la construction d’une toile et 10 cm/s pendant une descente rapide)qu’elle va pouvoir ajuster les caractéristiques du fil produit. En effet, plus le fluide est éjecté rapidement, plus les cristaux formés seront de petite taille : ils s’aligneront d’autant plus uniformément et la résistance de la fibre sera accrue.Utilisation et fabrication naturelle ou artificielleParmi les autres propriétés prisées, notamment dans le corps médical est sans nul doute la grande biocompatiblité du fil d’arachnides. En effet, des études et tests ont montré qu’utilisé pour fabriquer de la peau artificielle, aucun phénomène de rejet ne serait observé et de plus, on assiste au développement de cellules présentes chez l’homme (kératocytes et fibroblastes).Néanmoins, la production en grande quantité se heurte à plusieurs problèmes :- l’araignée produit assez peu de fil comparativement au ver à soie… un élevage plus que conséquent serait alors nécessaire.- la cohabitation des araignées est très difficile; l’amie étant quelque peu cannibale envers ses congénères.L’idée poursuivie par quelques laboratoires, consiste à modifier génétiquement certains vers à soie pour qu’ils produisent les bonnes protéines. Néanmoins, le fil produit, n’a pas encore, à l’heure actuelle les propriétés de ses voisines arachnides.Source Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites