Mœurs de crocodile : Un danger dans l'eau

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Mœurs de crocodile : Un danger dans l'eau

Le lundi 20 août 2012, les crocodiles du lac de Yamoussoukro, en République de Côte d’Ivoire, ont dévoré leur gardien Toké Dicko qui était leur compagnon depuis trente-six ans (36) ans. Au Burkina Faso, ces reptiles sont l’objet d’une attraction et d’une attention particulières de la part de populations de divers horizons, notamment à Sabou dans la région du Centre-Ouest, à Bazoulé à la sortie ouest de la capitale burkinabè et même au cœur de Ouagadougou dans le parc urbain Bangr- Wéogo. Mieux connaître leurs mœurs s’avère donc utile pour éviter chez nous le type de drame survenu en Côte d’Ivoire. En l'absence des spécialistes du ministère de l’Environnement et enseignants d’université en vacances ou en mission*, c’est avec le directeur du parc urbain Bangr Wéogo, Moustapha Sarr, un non moins averti des questions environnementales et fauniques, que nous sommes allés découvrir les conditions dans lesquelles cet animal sauvage, devenu bête de compagnie de l’homme dans certaines localités, peut devenir un orgre.

Depuis les années 60, ils font partie du décor tout comme de la renommée de la capitale politique ivoirienne, Yamoussoukro. Ces jours-ci, ils font encore parler d’eux à travers un épisode des plus macabres : dévorer celui qui leur donnait à manger. Les crocodiles du bassin de Yamoussoukro, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, ont fait «d’une bouchée» le sexagénaire Toké Dicko, leur compagnon depuis trente-six (36) ans, le lundi 20 août 2012.

Ce jour-là, "Le maître incontesté des sauriens", comme le surnommaient les Ivoiriens, après avoir mené sur les lieux un groupe de touristes, a fait une glissade et est retombé dans le bassin. Le bruit de cette chute a alerté les célèbres crocodiles qui comme si leur appétit en avait été également aiguisé se sont rués sur lui, toute gueule ouverte, le faisant passer de vie à trépas dans les conditions les plus atroces. Ainsi, l'acte de l'infortuné Dicko, qui relevait d'une routine quotidienne, s’est alors transformé en une scène d'horreur inédite dans les annales de la ville présidentielle.

De l'avis de Moustapha Sarr, cet incident s'explique difficilement : «Ces crocodiles étant dans un bassin, il y a lieu d’abord de savoir la manière dont ils sont entretenus : ils connaissaient leur gardien, ils sont habitués à voir des touristes, à être nourris. On peut alors avoir cette hypothèse : les reptiles devaient être affamés, le gardien a glissé malencontreusement dans l’eau et s’est agité dans tous les sens apeurant les bêtes qui se sont acharnés sur lui.

Chose étrange, en principe les crocodiles devraient fuir en pareille situation. En s’acharnant sur lui, tout s'est passé comme s'ils avaient non seulement faim mais également envie de chair humaine. Cette fin tragique du gardien des crocodiles de Yamoussoukro nous interloque car le vieux Tocké Dicko les connaissait et il savait parfaitement la manière dont il faut se comporter avec eux».

Si notre interlocuteur ne trouve pas d’explications explicites à l’attaque dont le vieil Ivoirien a été victime, il n’écarte cependant pas la possibilité d’une agressivité des sauriens sur la personne humaine : «Il y a trois cas de figures possibles pour qu’un crocodile s’attaque à l’homme, tous conditionnés par le fait que l’animal soit très affamé, car s’il mange bien en une journée, il peut hiberner deux, trois semaines, des mois et même plus. Le premier cas concerne le crocodile sauvage qui ne va s’en prendre à l’homme que dans la mare.

Dans ce cas, s’il le prend seul, l’homme, à moins qu’il ne soit inanimé, va se débattre et s’échapper. Pour un crocodile domestiqué, l’instinct sauvage peut resurgir un jour ; mais même là, il blesse son maître mais ne le tue pas. Le troisième cas concerne les crocodiles sacrés, qui ont une valeur spirituelle aux yeux des hommes, ce pacte écarte toute agression de l’une des deux parties et il est rare d’en voir». A en croire le directeur du parc urbain Bangr-Wéogo donc, il faut que plusieurs conditions soient réunies pour voir ce reptile s’en prendre aux humains, et sa morphologie y est pour quelque chose.

«C’est un animal qui n’est prédateur que dans l’eau, car c’est le seul lieu où il peut rafraiîchir sa température. Les crocodiles ne vont pas à la chasse et peuvent faire des bonds de deux à trois mètres dans leurs lieux de résidence pour se nourrir de poissons, de grenouilles, d’oiseaux aquatiques et des animaux qui viennent s’abreuver au bord de l’eau. La mâchoire et les dents de cet animal sont conçues de telle sorte qu’il ne peut pas mâcher mais saisir. La morphologie de sa gueule est telle qu’il a une force énorme pour resserrer ses dents sur ce qu’il attrape, mais une très faible puissance pour l’ouvrir.

Les muscles qui activent sa mâchoire pour la fermer sont dix fois plus puissants que ceux qui servent à l’ouvrir. Un homme dans l’eau n’est pas une proie pour les crocodiles, mais peut le devenir. En général, ces animaux s’attaquent à des individus de petite taille, dont ils connaissent la nature et la morphologie. L’animal est doté de plusieurs organes sensoriels qui lui permettent d’évaluer sa proie et de s’assurer des chances de succès dans la capture. Si le crocodile n’est pas deux à trois fois plus énorme qu’une personne, il lui est difficile de l’attaquer», a souligné Moustapha Sarr. N’empêche ! Dans une situation de peur, homme ou animal, il est difficile de prévoir sa réaction. En face d’un crocodile dans l’eau, il faut se dépêcher de sortir en évitant de s’agiter pour ne pas paniquer l’animal. Hors de l’eau, il faut prendre contact avec les services compétents pour qu’ils puissent le récupérer.



Moumouni Simporé



* Il s'agit notamment du conseiller technique du ministre de l'Environnement et du Cadre de vie, Urbain Belemsebgo, et de l'enseignant de l'université de Ouagadougou

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