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Une grenouille qui "vomit" ses nouveaux nés bientôt ressuscitée ?

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Une grenouille qui "vomit" ses nouveaux nés bientôt ressuscitée ?

Une université australienne tente de cloner une espèce de grenouille disparue, ayant la particularité d’incuber sa progéniture dans son estomac. Des recherches qui divisent déjà la communauté scientifique.


la grenouille plate à incubation gastrique (Rheobatrachus silus fut décrite en 1973, et déclarée disparue en 1983. Des travaux de recherche visent à la cloner. Mike Tyler

ESPÈCE ÉTEINTE. C’est au cours d'une série de conférences sur le thème de la « dé-extinction », que le professeur Mike Archer, de l’Université de New South Wales en Australie, a présenté son projet. L'objectif de ses travaux : faire revivre une espèce de grenouille plate à incubation gastrique (Rheobatrachus silus). Inféodé à la région du Queensland en Australie, ce petit batracien fut décrit en 1973, et déclaré disparu en 1983.

Sa particularité : après avoir pondu ses œufs, la femelle les avale pour les incuber dans son estomac. Une adaptation qui n’a pas échappé au monde de la médecine, qui s’est empressé de rechercher la molécule responsable.


La grenouille plate à incubation gastrique (Rheobatrachus silus) fut décrite en 1973, et déclarée disparue en 1983. Des travaux de recherche visent à la cloner. Crédit : Mike Tyler

C’est l’action de la prostaglandine E2 (PGE2), hormone émise par la gangue des œufs (et qui est produite chez les humains également) qui permet de faire baisser l’acidité de l’estomac. Cette découverte a permis la mise au point d'un médicament (Dinoprostone) autrefois utilisé pour soigner les ulcères à l’estomac.

Une technique similaire à celle utilisée pour cloner la brebis "Dolly".

ÉCHANTILLONS. L’équipe Australienne s’est procurée des échantillons congelés de R. silus vieux de 40 ans, pour en extraire du matériel génétique encore utilisable. Ils ont utilisé une méthode de clonage dite de transfert de noyau de cellules somatiques (ou clonage thérapeutique). La même technique qui avait été utilisée pour la brebis Dolly, consistant à récupérer le noyau d’une cellule et son information génétique pour l’incorporer dans des cellules-oeufs d’un autre individu.

Dans ce cas, les oeufs d’une espèce apparentée, la grenouille rayée du Queensland (Mixophyes fasciolatu). Durant 5 ans, les chercheurs ont tâtonné avant de finalement obtenir des divisions cellulaires, jusqu’à un stade embryonnaire. Le développement de leurs petits clones n’a pu dépasser ce stade, mais les chercheurs ont pu récupérer les noyaux des cellules, et déclarent désormais posséder du « matériel génétique frais ».

POINT DE BLOCAGE. Selon eux, l’arrêt du développement de leurs clones est du à des contraintes techniques, et non biologiques, et gardent donc l’espoir de créer à terme de nouvelles grenouilles, revenues d’entre les morts. Ressusciter des espèces disparues est un débat qui n’a pas fini de faire couler de l’encre, ses implications scientifiques et éthiques étant nombreuses et complexes.

Une méthode qui ne fait pas l'unanimité

Le professeur Alain Dubois, du département Systématique et Evolution du Muséum national d’Histoire naturelle, connait bien ladite grenouille, il lui a consacré un chapitre de son livre Évolution, extinctions : le message des grenouilles, paru en 2010 aux éditions Le Pommier. Il se montre assez critique sur cette nouvelle.

ÉPIGÉNÉTIQUE. « Les divisions des cellules-œufs jusqu’à ce stade sont quasi-mécaniques. Mais pour la suite du développement, quand les fonctionnalités complexes de l’ADN entrent en action, c’est tout autre chose. Les limitations sont belles et bien biologiques, contrairement à ce qu’ils affirment» a-t-il confié à Sciences et Avenir.

Une autre critique porte sur la méthode clonage en elle-même. Au cours de la dernière décennie, l’épigénétique, discipline qui prend en compte l’influence de l’environnement sur le développement des individus et son génome, a pris beaucoup d’importance en biologie, et on la considère aujourd’hui aussi fondamentale que la génétique.

"Ce qu’ils obtiendront sera un hybride des deux espèces, et pas un individu génétiquement pur !" Alain Dubois. Muséum national d’Histoire naturelle.

« C’est une conception totalement mécaniste et barbare du développement de ne considérer que l’ADN ! Le génome n’est qu’une partie de ce qui donne un individu. » La grenouille choisit pour « héberger » le matériel génétique de la défunte lui pose également problème. « Elle est au final assez éloignée de R. silus. En considérant les facteurs épigénétiques, ce qu’ils obtiendront sera un hybride des deux espèces, et pas un individu génétiquement pur ».

Pierre-André Crochet, directeur du Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive de Montpellier, n’a pas un avis aussi tranché. Pour lui, observer les résultats de cette expérience permettrait de justement tester le lien entre génétique et épigénétique, et de « voir ce qu’il en ressort ».

Peut-on cloner un animal disparu ?

ÉTHIQUE. C’est surtout l’aspect éthique et le message envoyé qui fait débat. « C’est un message redoutable envoyé à la société. On va finir par se dire qu’en pouvant réparer les extinctions, on peut continuer à détruire les milieux naturels. Cela risque de faire baisser la garde de l’opinion publique. Au-delà de ça, ces recherches ne portent que sur des animaux spectaculaires, principalement des grands vertébrés. Or la biodiversité concerne tous les êtres vivants», s’inquiète le professeur Dubois.

Avis différent pour Pierre-André Crochet : « Cela serait dommage de ne pas essayer. Il ne faut pas se leurrer, quelques soient les efforts de conservation déployés, l’extinction des espèces va être terrible dans les années à venir. Si le clonage est un outil supplémentaire, pourquoi ne pas le développer ». Il se fait également moins alarmiste sur les répercutions de cette annonce. « Nous ne sommes encore qu’au début de ces travaux. Rien ne prouve que l’argent des politiques de conservation irait vers le clonage au dépend de la protection des réserves naturelles. »

Un effet d'annonce ?

MILIEU NATUREL. Le débat est donc loin d’être tranché. En admettant qu’on réussisse réellement à recréer des espèces disparues, il faut aussi se poser la question de leur réintroduction. Comment les réintroduire dans la nature si leur milieu naturel est déjà détruit ? Faudra-t-il les élever dans des zoos ? Se pose aussi le problème de la diversité génétique au sein de l’espèce. Quelques individus ressuscités ne suffiront pas pour maintenir et développer de nouvelles populations.

Et ces questions concernent bien d'autres espèces. On a déjà vu des annonces concernant des clonages de mammouth, et sont en cours des expériences sur le Thylacine (Tigre de Tasmanie, plus vu depuis 1936, officiellement déclaré disparu par la Cites la semaine dernière), ou encore la Tourte voyageuse (ou pigeon migrateur, disparu depuis 1914).

EXTINCTION MASSIVE. Alors, vrai progrès scientifique ou effet d’annonce ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais on peut toujours rappeler que l’activité humaine est responsable de la 6e extinction massive des espèces à une vitesse 100 à 1000 fois supérieure que le rythme naturel des précédentes extinctions. L’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) évalue que 21% des mammifères, 30% des amphibiens, 12% des oiseaux et 70% des végétaux connus sont menacés de disparition.

Lionel Huot, Sciences et Avenir, 19/03/13

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