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Bazoulé, le village où les crocodiles protègent les hommes

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Bazoulé, le village où les crocodiles protègent les hommes



Séjourner à Ouagadougou sans les voir était, pour nous, inimaginable. Nous avions, en effet, encore en tête les récentes attaques des crocodiles de Yamoussoukro.
Tourisme : Bazoulé, le village où les crocodiles protègent les hommes

Ouagadougou, il est 9 heures lorsque nous négocions des motos pour nous rendre à Bazoulé, bourgade assez singulière, où hommes et crocodiles vivent en bonne intelligence, et située à une vingtaine de kilomètres de la capitale burkinabé. Ce village est renommé pour abriter des crocodiles sacrés qui seraient descendus du ciel, il y a près de 600 ans.
« Ils sont sacrés et quand ils meurent, nous leur faisons des funérailles. » Cette seule phrase avait réussi à nous faire oublier les crocodiles « mangeurs d’hommes » de Yamoussoukro. Sous un soleil strident avec une chaleur étouffante que tout visiteur redoute, nous empruntons deux motos et filons vers les « crocodiles sacrés » sur l’axe Ouagadougou-Bobo-Dioulasso. Ce site touristique est constitué d’un évasement naturel occupant une surface d’environ trois hectares alimentée par trois marigots prenant leur source dans les villages environnants.

A Bazoulé, la légende raconte que tous les premiers habitants n’avaient pas d’eau pour s’abreuver. Puis, un jour, à la recherche d’un point d’eau, ils tombent sur un crocodile, qui, contre-toute attente, ne s’en prend pas à eux. Certains suivent discrètement l’animal, qui, dans ses pérégrinations, va les conduire à un étang d’eau, le tout premier de Bazoulé. En guise de reconnaissance, les notables de Bazoulé ont décidé de sceller un pacte secret avec ces animaux. Depuis ce temps-là, ces sauriens et les hommes vivent ensemble. Toutefois, chacun a sa version de cette légende. Selon notre guide Roamba Bernard, ces crocodiles seraient venus du ciel et c’est leur apparition en ces lieux qui a fait surgir les points d’eau sur cette terre aride. C’est sous le règne de Naaba Pazolgo que sont arrivés les crocodiles, il y a près de 600 ans, ajoute-t-il.

A l’entrée du village, il n’y a pas besoin de poser des questions pour savoir les modalités de visites, tout est affiché. 250 F CFA pour les enfants de 7 à 12 ans, et 1000 FCFA pour les adultes. Les visiteurs doivent acheter un ou plusieurs poulets à 1000 FCFA l’unité, et suivre un guide qui se charge du reste. Après avoir respecté cette tradition, nous voici dirigé directement vers celui qu’on présente comme le mâle plus âgé de la famille « il a plus de cent ans » indique-t-il. A l’aide d’un poulet, Roamba l’attire sur la berge, s’approche de lui et à l’aide de son bâton entame une sorte de « conversation » avec le saurien. Il s’assoit ensuite sur l’animal, prend sa patte avant gauche dans sa paume et nous indique que c’est un signe de salutation. Chaque membre de l’équipe (nous sommes trois), devra faire les mêmes gestes que lui. La peur gagne les cœurs et je me lance en premier.
Assis sur le saurien je touche sa peau rocailleuse après quelques secondes de frayeur, sous les encouragements de Roamba. Je caresse la bête, soulève sa queue avec toujours cette peur de me voir subir le triste sort du vieux Dicko. La partie aura duré moins de trois minutes. Mes accompagnateurs, galvanisés par ce que je venais de faire se prêtèrent aussi à ce jeu. La peur disparaît complètement après cette prise de contact et Roamba nous guide vers les zones où il y a plus de crocodiles. « Il y a plus de 200 crocodiles ici » nous apprend-il. Avec le même poulet et un bidon usé, il attire d’autres crocodiles hors de l’eau et les entasse sur la berge à l’aide de son bâton. Il nous fait ensuite signe de le suivre afin de nous présenter de plus près les crocodiles. « Les petits de forme sont les femelles et les plus gros sont des mâles.
En dehors du plus vieux qui s’isole, les autres vivent ensemble. Ici on ne peut pas prendre le risque de s’asseoir sur l’un d’entre eux vu leur nombre. Mais, après 19 ans passés avec eux, je suis à mesure de comprendre leurs faits et gestes et donc de maîtriser leur tempérament » nous rassure Roamba. Après un tour entre les crocodiles (une quinzaine), nous retournons vers le plus ancien à qui nous offrons le poulet. Aussitôt qu’il a broyé le poulet, il retourne dans l’eau et nous laisse poursuivre notre visite. C’est ce moment que Roamba choisit pour nous donner des informations sur le mode de vie de ces "crocodiles sacrés". « Les crocodiles sortent de l’eau et se promènent parfois à la tombée de la nuit dans le village à la recherche de nourriture. Les villageois leur donnent le plus souvent de quoi manger (du poisson le plus souvent) et ils retournent dans l’eau sans attaquer un seul individu. Ces scènes sont si fréquentes ici que tous les habitants, même les enfants se sont habitués à ces reptiles sacrés et les accompagnent souvent.
Ici, quand un crocodile meurt, on organise ses obsèques comme celles d’un Homme décédé. Nous avons vu nos parents le faire, ils nous ont dit que c’est ainsi que nos ancêtres faisaient et nous continuerons de le faire. Avec l’expérience que nous avons acquise auprès de nos parents, nous arrivons à établir la communication avec ces crocodiles. D’ailleurs ils nous prédisent souvent des malheurs ou des bonheurs qui doivent arriver au village. On peut le savoir à travers l’attitude des crocodiles. Par exemple, avant le décès d’un vieillard, un crocodile peut se déplacer et se présenter dans sa famille, certains soirs ils peuvent vagir aussi fort que des vaches, en battant leurs queues contre l’eau.» explique-t-il.

Selon Roamba, lorsqu’une personne a un souci et qu’elle se confie aux crocodiles, elle obtient satisfaction. S’il indique que des personnes viennent à Bazoulé pour faire des offrandes et former des vœux, il, précise qu’il arrive que les crocodiles ne sortent pas souvent quand « la tête du client » ne leur plaît pas. Pour les habitants de ce village en majorité animiste et Moré (Mossi), ces reptiles jouent un rôle, à la limite, religieux. Ils servent de protecteur et sont les principaux facteurs de bonnes récoltes. Naaba Kiiba, roi actuel de Bazoulé étant absent à notre arrivée, ainsi nous n’avons pas pu le rencontrer.

Ce site touristique qui est composé de six cases équipées avec des sanitaires, une restauration européenne et africaine accueille en moyenne 4000 visiteurs par an qui ont la possibilité de découvrir des tortues géantes, des maraîchers, des groupements féminins producteurs de beurre de karité, de faire des circuits de randonnées pédestres ou à VTT, et de faire des percussions et danses.

La retenue d’eau de Bazoulé qui compterait près de 200 crocodiles a séché par endroit. Même s’ils sont « apprivoisés »et ne sont pas l’objet de braconnage, leur avenir est menacé par la sécheresse. Mais Roamba n’est pas de cet avis. Pour lui, ces crocodiles trouveront toujours de l’eau et « peut être que l’eau reviendra comme au temps de nos ancêtres, mais en saison pluvieuse, l’eau refait surface et au grand bonheur de tous » se convainc-t-il.

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