Max|mum-leterrarium 0 Posté(e) le 19 mars 2014 Résistant comme l’acier, élastique comme le caoutchouc, le fil d’araignée – une protéine – est une fibre naturelle qui pourrait surclasser nombre de fibres synthétiques. Plusieurs start-up y croient et affirment être sur le point d’en produire des tonnes.Voltaire accusait Marivaux de "peser des œufs de mouche dans des balances de toile d’araignée", manifestant ainsi son peu de goût pour les subtilités de la langue et des intrigues du dramaturge. Mais la formule en dit long, aussi, sur l’image de fragilité traditionnellement associée à la toile d’araignée. Image qui sera peut-être bientôt dépassée.Petit détour par l’écologie. L’araignée d’écorce de Darwin (Caerostris darwini voir photo), observée pour la première fois à Madagascar en 2010, tisse des toiles de plusieurs mètres carrés, qui parfois franchissent des rivières (voir photo plus bas). Un record permis par l’exceptionnelle résistance du fil : dix fois celle du Kevlar, selon les chercheurs qui l’ont mesurée. Record peut-être temporaire, car sur les 41 000 espèces d’araignées décrites, quelques dizaines de fils seulement ont été caractérisés.EN FIL, EN POUDRE OU EN GELÀ vrai dire, cela fait longtemps que des chercheurs ont repéré les propriétés des fils d’araignées — une rare combinaison de résistance et d’élasticité — et rêvent d’en produire en masse pour de multiples applications : câbles, textiles techniques, équipements de sport, fil médical… Rêve qui semble en passe de se réaliser, puisque plusieurs entreprises issues de laboratoires annoncent qu’elles vont en fabriquer littéralement "à la tonne" (voir un article paru dans Chemical & Engineering News).L’allemand Amsilk en vend déjà, mais sous forme de poudres ou de gels, qui entrent dans la formulation de cosmétiques. Une autre application – le revêtement biocompatible d’implants — est au stade préclinique. Les applications des fibres dans des textiles sont annoncées pour 2016. Les textiles sont la cible prioritaire de Kraig Biocraft Laboratories (États-Unis), qui a passé en octobre 2013 un accord de développement avec un fabriquant de textiles de sécurité, Warwick. Araknitek, autre américain, teste son fil d’araignée pour une utilisation médicale en fil de suture. Quant au japonais Spiber, il vient d’inaugurer une unité de production d’une tonne par an, et veut passer à 10 tonnes/an dès 2015.Pour en arriver là, il a fallu des années de recherches de pointe (ingénierie génétique, biologie de synthèse, procédés de filage…). Et pas mal de détours. Car il n’est pas question de mettre des araignées en batteries, comme des vers à soie, pour leur faire produire des quantités industrielles : les petites bêtes ne supportent pas la promiscuité, et défendent leur territoire par le cannibalisme.VERS, BACTÉRIES OU CHÈVRES COMME FILEUSES INDUSTRIELLES ?L’idée est donc de repérer les gènes qui permettent aux insectes de produire le fil de protéine, et de le transplanter dans des organismes moins intraitables. Dans des vers à soie, par exemple (Kraig Biocraft Laboratories), ou dans des bactéries (Amsilk, Spiber). Ou encore dans… des chèvres : c’est l’option la plus avancée d’Araknitek, dont le troupeau transgénique produit du lait contenant la fameuse protéine.Tous les producteurs, avec les labos qui les soutiennent, mettent en œuvre des techniques de génie génétique. Mais c’est Spiber qui semble avoir été le plus loin dans une démarche complète de biologie de synthèse. À partir du décodage des gènes de l’araignée, les Japonais, avec des chercheurs coréens du KAIST, ont synthétisé des gènes artificiels, puis les ont incorporés dans l’ADN de bactéries. Le tout dans le but de sélectionner des protéines dotées des propriétés mécaniques visées, tout en se prêtant à la production en quantités. Car le principal défi, sans doute, est de mettre au point une technique de filage. Là aussi, l’araignée fait des merveilles difficiles à reproduire.Thierry LucasSource Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites