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Max|mum-leterrarium

L'histoire. Le croco des égouts de Paris flemmarde à Vannes

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Ce crocodile a été retrouvé en mars 1984, dans les égouts de Paris. Aujourd'hui, il lézarde à Vannes.

Il faut lui souhaiter un joyeux anniversaire, de loin, protégé derrière une grille : le crocodile du Nil de l'aquarium de Vannes fête ses trente années de bassin. Après une fugue de jeunesse très médiatique. Ce saurien a été retrouvé en mars 1984, dans les égouts de Paris. Une histoire vraie, que rumeurs et films d'horreur ont failli transformer en légende urbaine.

« Il est vrai ? » ou « Il est mort ? » sont les deux questions récurrentes des petits visiteurs, auxquelles Thomas Joubert, responsable scientifique de l'aquarium de Vannes, doit répondre, sans soupirer. « Non, il est vivant. Là, il se repose sur son plancher chauffant. Le crocodile est un animal plutôt placide... »

Au bout d'un quart d'heure de patience, les enfants tirent leurs parents par la manche pour y aller, en jetant un dernier coup d'oeil à la bête inerte. Pas très convaincus par la leçon de biologie sur les espèces à sang froid, économes en mouvements. Cette réaction à l'inaction fait sourire le nouveau directeur, Frédéric Paul, arrivé en 2013. Pour faire taire les incrédules, il a dû exhumer un vieux reportage sur l'histoire incroyable mais-vraie de ce saurien et installer un écran de télévision à côté de son bassin.

Les égouts de Paris

Les images d'archives de l'Ina datent du 7 mars 1984. On y voit le commandant Godard, accroupi devant le regard d'un égout, situé sous le célèbre Pont Neuf, à Paris. Le chef pompier raconte que son équipe y a été appelée, la veille, par des égoutiers, tombés nez à nez avec une drôle de bête. « Les premières recherches n'ont rien donné. Puis, on l'a aperçu, le crocodile. Il mesurait entre 70 cm et 80 cm. On a stoppé sa course avec une pelle et des balais et on lui a ficelé le nez ! »

La petite femelle avait peut-être deux ans, s'était sans doute échappée d'une baignoire privée ou d'une animalerie des quais. Jean-Luc Berthier, le vétérinaire de la ménagerie du jardin des Plantes, qui l'a recueillie, ne l'a jamais su. Il a estimé qu'elle avait pu passer entre un ou deux mois dans ces égouts. « Il y fait chaud et elle y trouvait des proies vivantes, des rats. »

« Un peu comme une oeuvre d'art »

Le vétérinaire parisien a rapidement cherché à placer ce bébé du Nil sauvé des « eaux » parisiennes. Il a alors pensé au projet de son ami Denis Konnert. Ce doux dingue avait entrepris de réaliser son rêve d'enfance : ouvrir un aquarium à Vannes. On l'inaugure justement cet été-là, en juillet 1984, sur un nouveau quartier, près du port. « On a encore la fiche d'arrivée, montre l'actuel directeur. L'animal est ici en dépôt, un peu comme une oeuvre d'art », prêtée dans un musée de région.

À Vannes, on bichonne la star qui va rivaliser avec « les patronnes », surnoms des deux tortues marines géantes qui font tourner les requins en bourrique. Denis Konnert lui fabrique un nid sur mesure, avec un décor exotique, des faux rochers...

Aucun mâle à draguer

Mais la demoiselle de cuir, quoique placide, est taquine. Elle déchiquette tranquillement mais sûrement son nouvel environnement. Idée de génie, en 2007. Les Vannetais lui offrent une chambrette qui lui rappelle son enfance parisienne : un réseau d'égout avec ses murs de ciment gris, sa grille et son déversoir. « Mais elle s'est embourgeoisée, assure en souriant Thomas Joubert. Mes précédents collègues lui donnaient des rats, ce qui était une bonne idée. Aujourd'hui, elle les refuse ! »

Ce scientifique est un des rares salariés à pouvoir approcher l'animal, à plonger dans son eau à 26°, après avoir attrapé son museau au lasso et s'être méfié « de ses vigoureux coups de coups de queue » : 3 mètres pour 200 kg environ.

La rumeur du crocodile empaillé

Dans une boîte, il collectionne les dents qui tombent régulièrement. Des grosses, très pointues, et des minuscules, comme des canines d'enfant. « Elle s'en sert pour arracher la nourriture, pas pour la mâcher. » Thomas la nourrit chaque mercredi. À 15 h précises, il ouvre la grille du bassin, lui grattouille le dessous de la mâchoire avant de lui donner son poulet hebdomadaire. Ce jour-là, les frissons sont garantis.

Le reste de la semaine, mademoiselle fait la gueule dans l'eau ou pionce sur un rebord. Pas de mâle à draguer, aucun oeuf à couver en trente ans. Zéro dépense d'énergie. D'où le début des rumeurs. Ce crocodile est un faux, un empaillé.

« C'est increvable ! »

Une émission de télé animée par Thierry Ardisson, datant de 1991, noie davantage encore la vérité. L'extrait de sa chronique « Info ou intox », qui hante toujours Internet, s'arrête sur cette interrogation : Y a-t-il vraiment des crocodiles dans les égouts ?

La même légende urbaine grossit à New York et alimente des scénarios de films d'horreur, avec des alligators en folie, des monstres de plastique, autrement plus effrayants que notre petite femelle neurasthénique. « Arrêtez de prêter des sentiments à cette forme primitive d'animalité, nous sermonne le scientifique Joubert. C'est un prototype de l'évolution, un lézard qui marche sur terre. C'est increvable, hyper-résistant ! »

Elle fêtera donc d'autres anniversaires. Elle peut vivre ainsi 80 ou 100 ans. Elle vient d'avoir la peau tendre de Denis Konnert, le fondateur de l'aquarium. Il a pris sa retraite en juin.

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