Max|mum-leterrarium 0 Posté(e) le 18 mai 2015 Les venins de serpent sont redoutés pour leurs effets toxiques, voire leur létalité. Ils sont devenus une source inestimable d'outils moléculaires notamment pour décrypter les cibles biologiques de leurs toxines. Une équipe internationale, révèle la présence, dans le venin d'un serpent corail, d'une nouvelle classe de toxines dont l'action s'apparente à celle des benzodiazépines en ciblant avec une haute affinité le récepteur de type A de l'acide ?-aminobutyrique (GABAA). Cette étude est publiée dans la revue PNAS.Figure: Modèle des différentes sous-unités (?1,?2,?2) constitutives d'un récepteur pentamère GABAA en interaction avec , une Micrurotoxine (GABA, site de liaison de l'acide ?-aminobutyrique; BZD, site de liaison des benzodiazépines; MmTX1/2, Micrurotoxines 1 ou 2; modèle à l'image des structures 3D décrites pour des protéines homologues).Pierre E.BougisNotre cerveau et nos neurones sont sous le contrôle dual de courants électriques excitateurs et inhibiteurs générés par de nombreuses protéines hautement spécialisées appelées canaux ioniques. Parmi ceux-ci, le récepteur-canal GABAA perméable aux ions chlorures est le principal responsable des courants inhibiteurs dont la dérégulation génère de nombreuses pathologies invalidantes telles que les épilepsies et les convulsions, les troubles de l'anxiété et du sommeil, les états bipolaires et dépressifs, la schizophrénie, l'autisme, la douleur. Ce récepteur composé de cinq sous-unités, délimitant en son centre le canal ionique, est activé par son agoniste le GABAA (acide ?-aminobutyrique) qui se lie à un type particulier (?/?) des cinq interfaces présentes. Cette activation peut-être potentialisée de façon allostérique (à distance) par les benzodiazépines (Diazépam, Valium...) connues pour se lier à un autre type d'interface (?/?).En s'intéressant au venin d'un serpent corail d'Amérique centrale, ayant pour particularité de se nourrir de certains vers dont la locomotion est entre autres sous le contrôle d'un récepteur GABAA, l'équipe de Pierre Bougis au Centre de recherche en neurobiologie et neurophysiologie de Marseille, en association avec Frank Bosmans de l'Université Johns Hopkins et d'autres instituts internationauxnt a pu isoler des "Micrurotoxines". Ces toxines lient le récepteur GABAA avec une forte affinité (sub nanomolaire) pour accroître sa susceptibilité aux agonistes. En cela, elles augmentent le flux des ions chlorures (hyperpolarisation), mais aussi accélèrent la désensibilisation du récepteur (état réfractaire à l'activation). La présence de la sous-unité ? connue comme étant indispensable à l'action des benzodiazépines, ne semble pas nécessaire pour leur action. De même, une mutagenèse ciblée de la sous-unité ? du récepteur GABAA montre un effet délétère sur l'activité des Micrurotoxines. En se reportant à ce que nous connaissons de l'interaction des ?-toxines des venins de serpent ciblant le récepteur de l'acétylcholine, structurellement homologue au récepteur GABAA, tout porte à croire que le site de liaison des Micrurotoxines pourrait être constitué de l'interface située entre les sous-unités ? et ? du récepteur GABAA.Sur le plan de l'activité neuronale spontanée, enregistrée en observant les oscillations du calcium intracellulaire de neurones d'hippocampe en culture, les Micrurotoxines n'ont aucune activité. Mais, en présence de GABAA les oscillations sont inhibées substantiellement, soutenant ainsi l'activation des récepteurs GABAA qui, à son tour, inhibe l'activité du réseau neuronal. Cette période d'inhibition courte est suivie par une large augmentation de la fréquence des oscillations. Ces observations soutiennent l'hypothèse que la toxine se lie au récepteur GABAA pour en augmenter la sensibilité à l'agoniste, puis désensibilise le récepteur pour autant que la toxine reste liée. Également, en présence de toxine, les cellules montrent une augmentation importante de la fréquence des potentiels d'action qui, de façon intéressante, se produisent en rafales ce qui ressemble à une activité épileptique. Ainsi, l'action in vivo des Micrurotoxines n'apparait pas si simple à appréhender et mérite assurément des études plus poussées.Au-delà d'une découverte fondamentale montrant que des toxines d'origine animale ciblant spécifiquement les récepteurs GABAA existent, Ces travaux ont pour perspective la définition d'une nouvelle classe de composés actifs sur ces récepteurs. Leur pharmacologie pourrait être du type de celle des benzodiazépines tout en ciblant un site de liaison différent. En d'autres termes, une nouvelle pharmacologie du récepteur GABAA pourrait en résulter.Ces travaux ont été menés en collaboration avec les instituts suivants: Institute of Molecular Neurogenetics, ZMNH, Hamburg-Eppendorf University (Profs J R Schwarz et M Kneussel); Lieber Institute for Brain Developpement, Johns Hopkins University (Dr M Diaz-Bustamante); Instituto Clodomiro Picado, Costa Rica University (Prof J M Gutiérrez); Institut für Physiologie, Saarland University (Prof O Pongs).Source Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites