Max|mum-leterrarium 0 Posté(e) le 7 juin 2015 Chez la mère araignée Stegodyphus lineatus, la dissolution des organes internes est programmée pour offrir aux bébés un déjeuner liquide, comme le montre une étude israélienne.MATRIPHAGIE. Miam, slurp… C’est un extraordinaire "déjeuner liquide" que la mère araignée Stegodyphus lineatus offre à ses bébés. Une bouillie riche en sucs maternels, mijotée pendant quelques semaines et formée de ses propres organes internes auto-dissous. Un bel exemple de cannibalisme appelé "matriphagie" (de matri – la mère – et de phage – qui mange), une stratégie évolutive radicale plutôt rare dans le monde animal.Longues d’environ 16 mm, les Stegodyphus lineatus sont des araignées velues familières de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique du Nord. Elles appartiennent à la famille des Eresidae, toutes cannibales."On savait déjà que dans cette famille d’araignées, tous les petits mangeaient leurs génitrices, explique l’entomologue Mor Salomon de l’Institut israélien Cohen pour le contrôle biologique. Ce que nous venons de montrer (voir illustration ci-contre), c’est qu’avant même que les petits n’éclosent, les tissus abdominaux de la mère commencent à se déliter, de façon à pouvoir être ensuite ingurgités par les plus jeunes". Avec des chercheurs des universités de Jérusalem et du Neguev, elle a publié dans the Journal of Arachnology des coupes histologiques détaillées de l’abdomen de plusieurs araignées eurasiennes montrant, à plusieurs stades, la lente et quasi inéluctable dégradation des tissus.Ci-contre : Coupes histologiques des tissus de l'abdomen de l'araignée Stegodyphus lineatus à plusieurs stades: maturité sexuelle, naissance des petits, puis cannibalisme. En violet, les tissus de plus en plus liquéfiés (LT). Journal of arachnologyACCOUPLEMENT. Tout commence avec le coït : c'est ce que montre l’examen comparé des organes internes des araignées vierges et des araignées fécondées. "L’accouplement déclenche une production accrue d’enzymes digestives, qui permettent à l’araignée femelle d’ingérer plus de nutriments avant que ses petits n’émergent", explique la biologiste israélienne. C’est le printemps, les proies abondent, les futures mères mangent à n’en plus pouvoir stockant ainsi des réserves pour plus tard. Mais ce même emballement enzymatique entraine, semble-t-il, peu à peu la dégradation des propres organes digestifs de la mère. Le phénomène d’auto-liquéfaction s’accélère ainsi pendant l’incubation des œufs. "Toutefois, pendant que ses tissus se dissolvent, son cœur, ses intestins et surtout ses ovaires restent un temps fonctionnels", observe la chercheuse. La mère araignée garde la capacité d’enfanter tant que sa couvée n’aura pas éclos de son cocon de soie et grandi une à deux semaines. Au cas où un prédateur ou un mâle infanticide détruirait ses petits. "Mais au bout d’un certain temps après la naissance, le phénomène devient irréversible", note Mor Salomon.SACRIFICE. Une fois les petits éclos, la mère araignée régurgite, pendant deux semaines, des fluides provenant de ce qu’elle a mangé et stocké pour les nourrir (voir notre photo). In fine, ses dernières réserves épuisées, son intérieur totalement liquéfié, elle offre son propre flanc à la dévoration. Les jeunes l’escaladent, percent son abdomen avec leurs tous nouveaux chélicères-sortes de pinces ou crochets. Il ne leur faut que deux ou trois heures pour extraire les derniers sucs maternels, ne laissant derrière eux qu’un exosquelette desséché. "Pendant la régurgitation, la mère Stegodyphus lineatus perd 41% de son poids, les petits en dévorent ensuite 54% supplémentaires, calcule encore Mor Salomon. Bref 95% de la masse corporelle maternelle sert à nourrir les bébés". MORT PROGRAMMEE. Et ils profitent, prenant trois fois leur poids entre le moment de leur émergence et celui leur dispersion! Notons que chez cette espèce d'araignée, les jeunes sont incapables de chasser à leur naissance et mourraient sans l'apport nutritionnel fourni par leur mère. La découverte de ces processus biologiquement induits et de cette lente transformation des tissus internes montre qu’il ne s’agit certainement pas d’un "sacrifice maternel", mais bien plutôt d’une sorte de mort cellulaire programmée.Source Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites