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Merlin111

Le Lévrier du ciel

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http://www.granby.net/~d_lag/dltexts.htm#hound


Cette remarquable traduction du célèbre poème The Hound of Heaven, de Francis Thompson (1859-1907), est tirée d'un livre de Bernard Bro, dominicain, intitulé "Dieu seul est humain" (p.206 à 214) paru en 1973 aux éditions du Cerf à Paris (demandes répétées d'autorisation de citer restées sans réponse... traduction: cela nous est indifférent. Merci quand même.) The original English version is widely available on the Web.


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Je le fuyais
Je Le fuyais, au long des nuits, au long des jours;
Je Le fuyais, au long des arches des années;
Je Le fuyais au long des labyrinthes de mon propre esprit;
Et sous la bruine des larmes je me cachais de Lui ou bien sous un rire fou.
Je fonçais au galop dans des trouées d'espoir...
Je m'élançais tête baissée au profond de ténèbres géantes
Dans des abîmes de crainte...
Pour fuir ces pieds puissants qui me suivaient, qui me poursuivaient:
D'une poursuite sans hâte,
D'une allure imperturbable,
D'une vitesse calculée,
Avec une instance pleine de majesté,
Ils frappaient le sol, et une Voix frappait, plus instante encore que les pas:
_" Tout te trahit, toi qui Me trahis."

Je discutais
Tel un proscrit, je discutais
Devant mainte croisée du coeur, tendue de rouge,
Treillissée d'amours entrelacées.
(Car bien que je connusse Son amour qui me poursuivait,
Cependant j'étais douloureusement pénétré de la crainte
Que Le possédant, Lui,
Je ne dusse plus rien avoir à côté de Lui.)
Ah ! qu'une toute petite fenêtre vînt à s'ouvrir toute grande --
La bourrasque de Son approche la faisait claquer sur elle-même:
La crainte ne songerait pas à la fuite comme l'amour, Lui, s'acharne à la poursuite...
Je me mis alors à fuir par les marches du monde,
Je secouais les grilles d'or des étoiles,
Je frappais leurs barreaux sonores pour qu'elles me donnent un abri
Je provoquais à de doux entretiens d'un babillage argenté les havres pâles de la lune.
Je disais à l'aurore: " Dépêche-toi ! "
Et je disais au soir : " Viens vite!
Avec tes jeunes fleurs de ciel cache-moi tout à fait
Loin de ce terrible Amour...
Fais flotter tout autour de moi ton voile d'incertitude, de peur qu'Il ne me voie ! "
Je tentais ainsi Ses serviteurs, pour retrouver seulement la preuve
De ma propre trahison -- précisément dans leur fidélité --
Et dans leur foi en Lui leur indifférence envers moi,
Leurs vérités traîtresses et leurs loyales déceptions.
À toutes les choses rapides je faisais ma cour pour leur rapidité.
Je m'accrochais à la crinière sifflante de tous les vents
Qui dans leur course rapide balayaient les longues savanes de l'azur
Les effleurant doucement,
Ou bien qui -- chassés par le tonnerre --
Faisaient retentir Son char au travers d'un ciel
Éclaboussé d'éclairs qui volaient à la ronde sous les coups de leurs pieds.
La crainte ne croit guère à la fuite
Mais l'Amour, Lui, croit bien à la poursuite:
Encore et toujours, dans une chasse implacable,
D'une allure imperturbable,
D'une vitesse calculée,
Avec une instance pleine de majesté,
Venait toujours la poursuite de Ses pas
Et une Voix au-dessus de leurs battements me disait:
" Rien ne t'abrite, toi qui ne veux pas M'abriter. "

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Dans ce cas, m'écriai-je, venez donc, vous, les autres enfants de la nature,
Venez partager avec moi votre amitié délicate:
Laissez-moi vous embrasser lèvre sur lèvre ;
Laissez-moi vous enlacer de caresses,
Jouer sans contrainte,
Au gré des tresses vagabondes de notre mère et dame;
Laissez-moi festoyer
Avec elle, dans son palais aux murs de vent
Sous la voûte de son dais d'azur --
Laissez-moi me désaltérer à longs traits à votre manière innocente,
Dans ce calice des pleurs lumineux qui perlent de l'aurore."
Ainsi fut fait.

Je fus un membre de leur tendre amitié:
Je tirai le verrou qui abritait les secrets de la nature.
Je sus lire tous les brusques changements dans les traits obstinés du ciel,
Je vis comment se lèvent tous les nuages
Écumes des ébrouements sauvages de la mer.
Avec tout ce qui naît ou meurt
Je me levai et je fanai tout ensemble,
J'en modelais mes propres états d'âme, tout à tour lamentables ou divins,
Avec eux j'étais en joie ou en pleine désolation,
Je déclinais avec le soir
Quand il allume, une à une, ses flammes vacillantes
Autour des dépouilles sacrées du jour...
J'éclatais de rire dans le yeux du matin.
Je triomphais et pis je m'attristais, au gré du temps.
Le ciel et moi, nous pleurions ensemble
Et ses larmes douces devenaient bien amères
Quand mes larmes de mortel se mêlaient à elles !
Contre le rythme rouge de son coeur au couchant,
J'allais poser mon propre coeur pour qu'il battît à l'unisson du sien
Et mêlât son feu au mien...
Mais tout cela, non, tout cela ne soulageait pas ma poignante douleur d'homme.
En vain mes larmes mouillaient-elles la joue grise du ciel,
Car hélas ! Nous ne savions pas ce que l'autre disait (ces choses et moi).
Le son, pour moi, c'était un langage,
Leur son, à elles, n'était que vibration ;
Au fond, leur langue, c'est le silence.
Ah! La nature, pauvre marâtre, ne peut pas étancher ma soif !
Mais si elle veut avoir des droits sur moi,
Qu'elle fasse alors tomber son lointain voile d'azur,
Et me montre enfin les mamelles de sa tendresse !
Pourtant jamais n'est tombée, comme une bénédiction,
Une goutte de son lait sur ma bouche assoiffée...

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Tandis que de plus en plus proche,
Se resserrait la poursuite,
D'un pas imperturbable,
D'une vitesse calculée,
Avec une instance pleine de majesté,
Et par-dessus le bruit de ses pas
Une voix vient, plus rapide encore :
"Vois ! Rien ne te contente
Toi qui ne sais Me contenter."

Dépouillé, j'attends le dernier coup de Ton amour qui va me renverser !
Mon armure, pièce à pièce, Tu as su l'arracher :
D'un seul coup, voici, Tu m'as mis à genoux :
Me voilà sans défense aucune.
Je dormais, semble-t-il, et me voici réveillé.
Et reprenant doucement mes sens,
Je me retrouve comme dépouillé dans le sommeil.
Dans la brusque vigueur de mes jeunes puissances
J'ai secoué les colonnades des heures !
Et j'ai fait rouler sur moi toute ma vie.
Tout souillé je me trouve debout au milieu de la poussière des années écoulées.
Ma jeunesse déchiquetée gît morte sous leur amoncellement.
Mes jours ont pétillé comme des étincelles,
Et s'en sont allés comme de la fumée,
Ils se sont gonflés et ont crevé comme des bulles de lumière sur le flot d'un torrent.
Oui, maintenant, le rêve même trompe celui qui l'a rêvé.
Et le luth celui qui en jouait.
Maintenant même les harmonieuses fantaisies, dans la tresse fleurie desquelles je balançais la terre
Comme une breloque à mon poignet,
M'abandonnent : cordages trop faibles.
La terre est tellement surchargée avec ses lourdes tristesses !

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Ah! Ton Amour, en vérité est-il une mauve herbe...
Mais une mauvaise herbe semblable à l'amarante
Qui ne laisse pousser aucune fleur autour d'elle sinon les siennes !
Ah! faut-il donc, Dessinateur infini !
Ah! faut-il donc que Tu carbonises entièrement le bois avant de pouvoir dessiner avec lui !
Ma jeunesse a répandu sa tremblante averse dans la poussière.
Et maintenant mon coeur n'est plus qu'un source brisée
Où stagnent les larmes sans cesse répandues,
À cause de mes pensées toutes grelottantes,
Sur les branches soupirantes de mon âme...

Voici ce qu'il en est... Que doit-il en sortir ?
Si la pulpe déjà se trouve si amère, de quel goût sera donc l'écorce ?
Je devine obscurément ce que le temps confond dans les brumes.
Et cependant de temps en temps un cor retentit
Des bastions cachés de l'Éternité ;
Les brouillards secoués se déplacent un instant
Puis laissent apparaître dans une demi-lumière
Des tours qu'ils effacent à nouveau doucement.
Et cependant, je n'ai pas encore aperçu
Celui qui dans l'ombre, revêtu de pourpre et couronné d'épines,
Répète ses sommations à grands cri de cor...
Je sais pourtant son nom et ce que chante son cor...
Si c'est le coeur de l'homme, ou sa vie,
Qui te fournissent la moisson, --faut-il que Tes champs
Soient d'abord engraissés des pourritures de la mort ?
Et maintenant voici que de cette longue poursuite
Arrive tout près de moi le bruit,
Et cette voix qui m'entoure comme une mer qui se brise :
" Ta terre est-elle donc si endommagée,
Si brisée en éclats comme des débris de poterie fracassée !
Vois ! -- Toutes choses te fuient
Parce que tu Me fuis ! "

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Étrange, pitoyable, futile petite chose,
Comment voudrais-tu qu'un être te réserve une part d'amour
Car nul autre que Moi ne fait beaucoup de rien !
Tu sais bien que l'amour humain réclame quelque chose qui le mérite.
Eh bien ! Où sont tes mérites,
Toi de toute l'argile humaine coagulée la motte la plus vile ?
Hélas ! Vraiment tu ne sais pas combien peu digne tu es de tout amour !
Qui voudrais-tu trouver pour aimer ta bassesse
Sinon Moi, sinon Moi seul ?
Tout ce que je retirais de toi, je ne faisais que le prendre,
Non pour te faire du mal,
Mais seulement pour que tu puisses un jour le retrouver dans Mes bras.
Tout ce que ton coeur d'enfant imaginait à tout jamais perdu :
Lève-toi, --prends ma main, -- et viens !
Il s'arrête tout près de moi, ce pas :
Mes ténèbres, après tout, ne serait-ce pas
L'ombre de Sa main qui s'étend sur moi comme une caresse ?
" Ah! Mon enfant si aimé, si aveugle et si faible !
Je suis Celui que tu cherches
Tu repoussais l'amour, toi qui me repoussais. "

Francis Thompson

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