Invité Posté(e) le 7 mai 2012 La Dame au barzoï - L'élégance sous la neige La Dame au barzoï (1) Dans un monde implacable, en proie aux manigances… Juste un petit instant… de subtile élégance… C’était un jour d’hiver, si dur, si nuageux.. C’était un jour d’hiver, horriblement neigeux… Le centre de Paris imposait sa tristesse Mais aussi sa grandeur et sa délicatesse. Le blanc manteau neigeux semblait déjà épais, Limitant le trafic et apportant la paix. Je quittai le travail, à l’heure méridienne… Quelques rares passants allaient en file indienne, Avançant prudemment, Malgré les éléments… Un parcours indocile, Dangereux, difficile, Un parcours hésitant, que l’on suit à vau-l’eau : Semblable à des canards, qu’on amène à l’enclos… Parmi tous ces passants : un couple un peu « hors d’âge » Avec lequel je fis un petit bavardage : Des propos qui restaient, malgré tout, bien banals… Le chapeau de la « vieille » était comme un fanal … Et l’écharpe, à son cou, une ancre violette : Le froid sort, des placards, les habits obsolètes ! En parcourant, à pied, la rue Saint-Honoré, Je voyais, dans Paris, un aspect ignoré, Paris reste immobile ; alors, grand bien lui fasse ! Et puis, dans le lointain, sur le trottoir d’en face, Je fus soudain frappé par la consternation ; Je rencontrai alors, comme une apparition : Longeant, nonchalamment, les riches devantures… Une sublimissime et blonde créature… Une Dame au profil un peu trop élégant, Dont les mains se cachaient sous de fort jolis gants. Arpentant le trottoir, distinguée et sereine, Cette Dame avançait, comme une souveraine, Dans un monde feutré, bien pur, immaculé… Je pouvais deviner, un long corps fuselé, Sous un ample manteau, en précieuse fourrure, Assorti à sa toque, en guise de parure. La toque et le manteau, sous ces flocons houleux, Étaient en chinchilla, … peut-être en vison bleu… Un bleu d’une couleur, à nulle autre pareille, Que venaient rehausser, de lourds pendants d’oreille… Cette Dame marchait avec des escarpins Dans un univers blanc, entouré de sapins (*)… l Elle avançait ainsi, dans la rue, … pacifique… Lumineuse, … irréelle, … en tous points, magnifique, Avec tant de hauteur et tant de dignité, Qu’elle resplendissait, d’une infinie beauté… - Dignité dans ce froid, qui outrage et qui blesse - Sa main gantée de cuir, maintenait une laisse Et, au bout de la laisse, … une autre apparition, Un instant de magie… et haute distinction… C’était un grand barzoï, à l’allure affinée, À la démarche noble, … hautaine… et raffinée… Devant tant de splendeur et tant de perfection, Je ressentis alors… beaucoup de compassion : Quel courage insensé, avaient ces créatures, Pour cheminer ainsi, sans peur, à l’aventure… Quel courage insensé, avait ce très grand chien, Qui, en marchant, rêvait… de chalets autrichiens ; Et, quel sens du devoir, affichait sa maitresse, N’accordant, à son chien, qu’une ombre de caresse… La Dame et son barzoï, avançaient, posément, Et leurs pas, dans la neige, avec des crissements, Allaient se déliter, (*) sans grande violence, … Dans une incertitude et un profond silence… Chez l’humain ou le chien, la beauté a un prix : Ce qui nous est donné, souvent, nous est repris… Un chien peut-il rêver, dans l’aristocratie, Sans connaître l’amour, le jeu, la facétie ? Le barzoï peut rêver… qu’il va chasser le loup, Alors que l’épagneul… côtoie le gabelou… (*) Le barzoï peut rêver… à de lointains voyages, Alors que l’épagneul, rêve d’enfantillages… Le barzoï peut rêver… aux statues de Myron (*) Alors que l’épagneul rêve d’un panier rond… Le barzoï peut rêver… aux choses admirables Alors que l’épagneul… ne rêve que d’un râble…(*) Le barzoï peut rêver… en regardant le ciel, Alors que l’épagneul… reste superficiel Le barzoï peut rêver… de physique quantique, De géopolitique, Ou d’écrits poétiques… Alors que l’épagneul… rêve d’un jour sans tiques, D’un jouet en plastique, D’un monde sans éthique… Le rêve du barzoï, celui de l’être humain, Sur des voies méconnues, nous mènent vers demain… Ainsi va le barzoï, perdu dans ses pensées, Songeant à conquérir, quelque alliance racée… Réfléchissant encor, sous le froid de l’hiver, Au destin des humains, au sein de l’univers… Ainsi, va le barzoï, dans l’aristocratie, Dénouant l’écheveau de la diplomatie, Attendant le futur… et des printemps radieux Où il pourra prouver… l’existence de Dieu… Ainsi, va le barzoï, conduisant sa maîtresse, Vers un monde opulent, sans joie et sans détresse, Vers un monde irréel, merveilleux et feutré, Dont lui seul gardera, pour un temps, le secret… Ainsi, dans le lointain, …lentement… disparurent, Trois fourrures bleutées (*) , incrustées de dorures… (*) Ayant gravé le Temps, de leurs pas courageux, Dans cet hiver neigeux… Dans un monde implacable, en proie aux manigances : Juste un petit instant… de sublime élégance… (1) Barzoï : grand lévrier, rare et magnifique, utilisé en Russie, au temps des tsars, pour chasser le loup. Le dressage du barzoï, pour la chasse au loup, existe encore en Russie, avec des loups vivants. Le dressage, extrêmement long et complexe, permet de révéler les qualités intellectuelles exceptionnelles de ce grand chien, qualités qui ne lui permettent pas, cependant, de s’affranchir des lois et des coutumes… Hors de Russie, le barzoï est naturellement destiné à orner le monde de l’aristocratie, monde dans lequel il doit, là encore, affronter les lois et les coutumes de son milieu. … Ainsi, de la Russie… à l’aristocratie… Ainsi, lorsqu’il se promène, dans les quartiers chics des villes chics, ou près des chalets suisses ou autrichiens, le barzoï se surprend à rêver. Le barzoï se surprend à rêver d’existentialisme et à porter un jugement philosophique : Pour le barzoï , l’essence précède l’existence (c’est le contraire de ce qu’écrivait Jean-Paul Sartre) et le barzoï demeure, selon lui, la preuve vivante de l’existence de Dieu. Comment peut-on concevoir, en voyant un barzoï, achèvement de la perfection, un monde sans dieu ? Telle est sa base de réflexion philosophique sur le post- existencialisme. La beauté des barzoïs et des dames élégantes a un prix : Et le barzoï songe, également, en marchant, à la toque et au manteau de sa maîtresse. Au-delà de la fourrure somptueuse, combien d’animaux ont été sacrifiés ? Pour bâtir un rêve humain, combien de rêves d’animaux a-t-on brisés ? Sa méditation du moment… se prolonge. Aussi, quand notre regard croisera un barzoï, accompagnant sa maîtresse, interrogeons-nous : À quoi rêvent les barzoïs ? les barzoïs ont-ils un destin spécifique et un rôle à remplir sur Terre ? Sur Terre, dans le post-existencialisme, le destin individuel ou collectif est-il juste ? Où ce destin conduit-il les barzoïs et leurs maîtres ? Gérard ANGELIS décembre 2010 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Merlin111 1 Posté(e) le 7 mai 2012 Merci pour ce très joli texte Pascalou Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Nicole Albert 0 Posté(e) le 7 mai 2012 quel superbe txt je viens de le parcourir la tête encore un peu dans les il demande une relecture attentive Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Anne011 0 Posté(e) le 8 mai 2012 Très beau texte, merci Pascal. Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Gersende 0 Posté(e) le 8 mai 2012 un texte tout en sensiblité et à relire plusieurs fois merci Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites