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Merlin111

Jocelin, poeme de lamartine sur les lévriers

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Jocelyn

par


Alphonse de Lamartine



TROISIÈME ÉPOQUE



Je me sonvien
D’avoir eu pour ami, dans mon enfance, un chien,
Une levrette blanche, au museau de gazelle,
Au poil ondé de soie, au cou de tourterelle,
À l’oeil profond et doux comme un regard humain ;
Elle n’avait jamais mangé que dans ma main,
Répondu qu’à ma voix, couru que sur ma trace,
Dormi que sur mes pieds, ni flairé que ma place.
Quand je sortais tout seul et qu’elle demeurait,
Tout le temps que j’étais dehors, elle pleurait ;
Pour me voir de plus loin aller ou reparaître,
Elle sautait d’un bond au bord de ma fenêtre,
Et, les deux pieds collés contre les froids carreaux,
Regardait tout le jour à travers les vitraux ;
Ou, parcourant ma chambre, elle y cherchait encore
La trace, l’ombre au moins du maître qu’elle adore,
Le dernier vêtement dont je m’étais couvert,
Ma plume, mon manteau, mon livre encore ouvert,
Et, l’oreille dressée au vent pour mieux m’entendre,
Se couchant à côté, passait l’heure à m’attendre.
Dès que sur l’escalier mon pas retentissait,
Le fidèle animal à mon bruit s’élançait,
Se jetait sur mes pieds comme sur une proie,
M’enfermait en courant dans des cercles de joie,
Me suivait dans la chambre au pied de mon fauteuil,
Paraissant endormi me surveillait de l’oeil.
Là, le son de ma voix, la plainte inachevée,
Ma respiration plus ou moins élevée,
Le moindre mouvement du pied sur le tapis,
Le clignement des yeux sur le livre assoupis,
Le froissement léger du doigt entre la page,
Une ombre, un vague éclair passant sur mon visage,
Semblaient dans son sommeil passer et rejaillir,
D’un contre-coup soudain la faisaient tressaillir :
Ma joie ou ma tristesse, en son oeil retracée,
N’était qu’un seul rayon d’une double pensée.
Elle mourut, encor son bel oeil sur le mien.
Que de pleurs je versai ! Je l’aimais tant ! Eh bien,
Quoique ma plume tremble, en glissant sur la page,
De ternir dans mon coeur l’amitié par l’image,
Que de l’âme à l’instinct toute comparaison
Profane la nature et mente à la raison,
Ce charmant souvenir de mon heureuse enfance
Me revient dans le coeur quand je songe à Laurence.
Cet ami de ma race à présent m’aime autant ;
Il ne peut plus de moi se passer un instant ;
Il s’attriste, il languit pour une heure d’absence ;
Il marche quand je marche, il pense quand je pense ;
Son regard suit le mien, comme si de nos coeurs
Le rayon ne pouvait se diriger ailleurs ;
Comme mon pauvre chien ou comme l’hirondelle
Qui ne s’alarme plus de nous voir autour d’elle,
Il s’est apprivoisé pas à pas, jour à jour ;
Il boude à mon départ, il saute à mon retour ;
Mais pour toute autre voix, pour tout autre visage,
Cet enfant du désert redeviendrait sauvage.

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