Aller au contenu
Rechercher dans
  • Plus d’options…
Rechercher les résultats qui contiennent…
Rechercher les résultats dans…
kti

Le Soleil Rose (Extrait) par Kti

Messages recommandés

Salut à tous !

Je ne peux me permettre de vous poster tous mes livres...

A mon grand regrêt, mais je ne peux scier la branche sur laquelle je suis assise.

Alors juste ce petit bout de texte :

l'introduction du «Soleil Rose»


Je pense peu. Je ne cherche pas à me compliquer l’existence. Je suis un homme placide, naturellement paresseux et qui prend la vie comme elle vient.
Je n’ai rien d’un séducteur. Le principe de la gonflette en salle dépasse mon entendement. La mode encourage les boys bands mais j’assume sans complexe le physique que je tiens de mon père : une charpente frisant les deux mètres, des épaules larges, pas le moindre soupçon de bide malgré le temps qui passe. Mon torse n’est ni triangulaire ni velu, je chausse du 43, transpire sous les aisselles, bégaie dans l’adversité et ronfle à l’occasion (il suffit de siffler, ça marche). Mais je porte bien le costume, mes amis m’invitent à leurs fêtes (je ne squatte pas le buffet et laisse les radiateurs aux copines court vêtues), Mathilde devient dithyrambique quand son troisième Bloody Marie l’autorise à délirer sur ma queue, et pour ma mère, avec ou sans Bloody Marie, je reste le plus fort et le plus beau.

Je ne sais pourquoi je cite Mathilde, elle m’a largué tout récemment pour Serge, un flambeur mal rasé qui descend acheter ses clops en Kawa 1000.

Peu exubérant par principe, je n’aurais pas osé rejoindre Marc et Jojo sur la piste de danse, mais vautré sur un pouf à deux pas du bar, je cuvais ce soir-là avec satisfaction : l’année universitaire achevée, je fêtais royalement mes 24 ans au Bus Palladium.
J’étais jeune, fin pété, heureux et libre.

«Tu m’offres un verre ?»
Une petite femme m’apostrophait. Charmante, avec des fossettes autour du sourire, de grands yeux malicieux et un nez à piquer des gaufrettes. Jolie silhouette, la mini robe ne cachant rien du corps gracile et menu, petits seins ronds qui se tenaient tous seuls, longues jambes fines gainées de noir et montées sur talons aiguilles. En six secondes et malgré la pénombre, j’avais déjà tout enregistré : le chaloupé de sa démarche, la grâce de sa main droite qui revenait, souvent, balayer sa frange brune, la finesse des traits de son visage, à l’instant si joyeux, soudain si grave... L’ensemble méritait qu’on s’y attarde.
J’avais hérité de l’œil sûr de mon ancêtre Nicéphore, l’inventeur de la photographie. De son prénom aussi, après Martin, bien entendu. Je m’appelle Martin Nicéphore Niepce, et j’allais bien merci, jusqu’à ce matin fumeux où la vie m’a offert Victoire.

Elle a dit : «Je m’appelle Victoire et je vous trouve très beau»
— Vous n’êtes pas mal non plus, j’ai répondu futé comme un ciseau.
— Et votre nom c’est quoi ?
— Martin et vous ?
— Je vous l’ai déjà dit : Victoire.

Voilà, la glace était brisée, «Champagne !» j’ai jeté au barman, je me suis redressé, le regard de Victoire, je l’ai compris tout de suite, n’en attendait pas moins. Ses yeux lançaient de drôles de signaux, brûlants comme des warning, j’en ai même flippé l’espace d’une demi seconde.
Mais il y avait son cul, son adorable cul qu’on devinait magique sous la jupette. Il y avait sa bouche, dodue et enfantine, les fossettes de ses joues, et ses seins qui pointaient avec désinvolture.

A Pigalle, au petit matin, une Lolita aux accents tristes me proposait avec un grand sourire :
«Accepteriez-vous de jouer au chevalier servant pour le 14 juillet ? Je dois passer les fêtes à la campagne et j’ai perdu mon fiancé.»
Et j’aurais dû m’en foutre, de cette midinette-là, j’aurais dû l’envoyer valser. Faire genre je suis pauvre et malade, leucémique en vague rémission... Prétexter un virus mortel et m’enfuir au galop, ou une chiasse impromptue et m’enfermer aux chiottes. Ses yeux disaient «JE VOUS AI ENFIN TROUVÉ», non, je n’ai pas rêvé, ses yeux en amande douce me criaient ça et j’ai craqué.
Pourquoi ? Allez savoir…
Il est vrai qu’en partant, Mathilde avait laissé sa marque dans mon quotidien d’étudiant en droit, ô combien surchargé : un trou qui ressemblait de l’extérieur à un grand cratère auvergnat. Mais si j’étais tombé dedans, c’était davantage par facilité, pour pouvoir glander tranquillement, sécher mes cours dans l’approbation générale, bref, j’en profitais grassement, de ce trou, même si la rupture, entre nous soit dit, ne m’avait pas plus affecté que ça. Plutôt débarrassé, je n’attendais rien : ni le retour de Mathilde, ni qu’on me console d’elle, ni rien.

Je serais volontiers monté boire un dernier whisky dans le studio de Victoire. Elle m’avait allumé, la garce, avec ses mimiques et ses bas nylon. Elle était belle, sexy, bien balancée, elle fleurait bon le musc et le benjoin. Typiquement le genre de fille qu’on se fait dans l’insouciance, sans courir le risque de l’amour toujours, de la bague au doigt ou du frangin nerveux qui surgit de derrière les fagots quand le vent tourne.

Typiquement le genre de fille mortelle qu’il ne faut suivre sous aucun prétexte.

J’étais prêt à monter boire un dernier canon and co mais Elle avait d’autres projets. La bouche en cœur et la mini-robe à mi-fesses, Victoire m’a demandé, une fois cosy installée dans l’Audi 300 de mon père, de la déposer chez sa copine Alexandra, qui l’attendait rue de Prony pour y dormir.
Depuis qu’elle vivait sans son fiancé (quinze jours exactement), elle partageait son temps entre l’hôpital Debré, son studio à Neuilly et le Dupleix d’Alex, rue de Prony.
A l’hôpital, elle effectuait des gardes de pédiatrie cinq nuits sur sept. Son statut d’étudiante en quatrième année de médecine l’y autorisait et elle profitait des vacances universitaires pour amasser des sous. Sa mère l’avait provisoirement hébergée à Neuilly (un studio qui ne servait à personne) mais Victoire préférait squatter sa copine. Elle avait tout laissé chez l’ex, un deux pièces à Montmartre plein de ses meubles, de ses bouquins de médecine, de ses 300 disques vinyls, de ses fringues, c’était la débandade, le mec l’avait trahie, partir, trouver des tunes, bosser, pointer, et s’installer ailleurs, si possible seule.
A l’entendre, l’affaire suivait son cours, elle attendait un HLM de la ville de Paris.

Les deux copains qui l’avaient entraînée ce soir-là au Bus s’attristaient de la voir dépérir, l’avait sortie de ses tranchées : «oui tu souffres sans nul doute, mais la vie continue, oui tu l’aimes encore sans doute mais la vie est ainsi, on construit et on casse, on reconstruit, on recasse, y’a pas de malaise parce que c’est ainsi. Un jour tu construiras plus rien, tu pourras plus rien faire, t’auras même plus de larmes pour pleurer. Faut profiter tant que tu peux pleurer.»
Ils se l’étaient sans doute passée de rocks en jerks, de raps en slows (et cette idée m’exaspérait), mais ils étaient rentrés bien avant elle, me la laissant, chaude comme le croissant de l’aube. Je ne pouvais pas leur en vouloir.

J’avoue que j’avais du mal à imaginer Victoire en infirmière
(à la rigueur, nue sous sa blouse). Mais puisqu’elle le disait, qu’elle travaillait la nuit dans le but de s’offrir la «maison idéale» :
«Une bien à moi cette fois, avec de la moquette épaisse partout et la quadriphonie jusque dans les chiottes. Avec une chambre en pin et un lit en osier, pourtant j’aime l’idée des barreaux de cuivre à la tête du lit, c’est érotique, on peut s’y menotter, j’adorerais museler mon amant, me l’attacher au lit, le fouetter, le dominer, m’asseoir dessus… Ouais, mon futur mec, j’aimerais le prendre par tous les trous mais faut d’abord que je m’installe. Dessus les draps, je voudrais une peau de panthère, vachement doux la panthère, ouais c’est vrai qu’il faut bousiller des animaux, c’est pas éthique, mais le synthétique colle aux cheveux, tu vois, tu vois, je n’obtiendrai jamais ce que je voudrais… Mais déjà un dixième de mes rêves pourrait me contenter.
Les menottes par exemple. Tu trouves pas ça géant, de baiser avec des menottes ?»

Nous avons surtout parlé de mobilier, dans mon Audi 300, tandis que je conduisais Victoire chez Alexandra.
J’aurais pu trouver sa conversation futile. Mais j’aime aussi les meubles (et j’avoue que ses digressions érotiques m’amusaient). Je consulte depuis peu, mais avec frénésie, les catalogues de VPC. Je cherche, certains week-ends, sur la Carte Michelin Grande Banlieue, l’embranchement de l’autoroute A4 qui me conduira chez IKEA.
Je viens de m’installer avec mon frère dans un grand trois pièces de 100 mètres carrés qui surplombe le pont de Courbevoie. Les voitures passent sous nous en permanence. Ca vrombit, ça klaxonne, ça embouchonne. Ca pue l’essence mais je me sens bien dans cet appart. Le loyer n’est pas excessif. Dans le centre de Paris, pour le même prix, je tournais en rond dans une chambre de bonne. Ouais, j’ai bien joué. Au second étage de la rue Adolphe La-Lyre, on supporte le vrombissement et les pétarades des pots d’échappement. On bénéficie de la vue, suffit de s’imaginer qu’il ne s’agit pas de voitures mais d’un long filet de guimauve aux couleurs de notre enfance.

Je suis resté très gentleman. J’ai déposé Victoire, sans insister, devant le 3 de la rue de Prony. Mais quand elle m’a tendue sa joue, son parfum de femelle en rut m’a bouleversé. Là, j’ai tenté un rapprochement buccal et Victoire y a répondu. Une pelle d’enfer comme on m’avait jamais roulé.
Y’avait la bave, sa salive de salope parfumée à la fraise, y’avait son souffle, un souffle court et gémissant, y’avait son corps qui suivait le mouvement de sa bouche. Elle se frottait le cul sur le cuir du siège avant de l’Audi. Elle se frottait au point que quand je l’ai laissée, une trace de son foutre perdurait. L’humidité, son humidité désireuse restait gravée sur le cuir.


Cette femme, cette minette, cette chienne, cette folle, ben j’allais l’adorer.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
«Victoire dessine des meubles le jour, travaille la nuit au chevet d’enfants malades, vient de quitter son fiancé, vit dans le studio prêté par sa mère en attendant le sien, danse pour la première fois devant moi au Bus Palladium et rentre dormir chez sa copine Alexandra...»

C’était bien assez pour que je lui roule une pelle dans la voiture, stationnée devant le 3 de la rue de Prony. Tout en réajustant sa robe et son minuscule string noir, Victoire m’a lancé du trottoir : «Appelle-moi demain !»

Ce matin-là, je peine à trouver le sommeil. Je vaque de ma couette au frigidaire. J’ai faim, je me tranche du saucisson, j’ai soif, je sors la vodka du congélo et finis le fond de bitter, je me relève pour aller pisser. J’allume au retour les informations que je ne parviens pas à suivre.
J’ai mal au ventre. Je bande dur. Je n’aurai jamais la patience d’attendre jusqu’à demain. Cette petite femelle me travaille trop. Ne t’inquiète pas Martin, elle a dit qu’elle te trouvait beau, et t’as vu comme elle frétillait sur le siège avant ?... Et puis demain, avec un peu de mauvaise foi, c’est déjà maintenant non ?...



— Ah oui, c’est toi ? Comment tu vas ?
— Très bien, je lui mens.
Elle a la voix toute engourdie des réveils contrariés. Elle tousse gras et pourtant je ne l’ai pas vue fumer au Bus. Je me sens con comme un escargot qui voit venir de loin un car sur l’autoroute. J’aurais pas dû appeler si vite.
Mais elle est libre ce soir et accepte que je l’invite à dîner. Le temps de rentrer chez elle, de régler deux ou trois trucs, de se préparer, et elle m’attend pour 21 heures 30, en bas de l’immeuble 24-26 rue Sainte-Foy, à Neuilly. Je ne suis donc pas invité à monter, mais tous les espoirs me restent permis.
Victoire n’est pas une allumeuse. Quand je repense à ce soir-là et à ceux qui suivirent, je ne regrette rien. Je n’échangerais contre rien au monde la place que j’occupais alors, tranquille au volant de mon Audi, sur le bateau du parking, rasé de près, confiant, parfumé Equipage, heureux et fier comme David après le coup du lance-pierre.

Je me dis qu’elle a tout délabré mon cœur, qu’en partant, elle a laissé un orphelin inconsolable, Popaul, qui fait triste figure, maintenant, recroquevillé au fond de mon caleçon. Mais si c’était à revivre, et même si on m’avait livré clef en main le mode d’emploi pour la séduire, l’aimer à la folie pour mieux la perdre, même si quelqu’un s’était donné la peine de me prévenir que j’allais souffrir autant, j’aurais attendu qu’elle débarque, tout sourire malgré ses vingt minutes de retard, sur le parking de la rue Sainte-Foy.






Nous avons vite pris l’habitude du 18-23, puisqu’elle n’émergeait pas avant 18 heures et qu’elle devait pointer à l’hôpital à 23 heures. Je disposais donc de cinq heures montre en main pour lui prouver quotidiennement que j’étais bien celui qu’elle attendait. Je l’entraînais partout, dans tous les coins de Paris qui selon moi valaient le détour. Elle était toujours très enjouée, mignonne et pétillante, en blanc, en bleu, en jupe, en jean’. Elle avait l’art d’assortir le sac Vuitton à la ceinture Prisu, la mini-jupe putain à la grande chemise bobo, les créoles rouge fluo au tailleur chic. Elle m’épatait. Elle dévorait tout ce qui tombait dans son assiette, elle mangeait vite, très vite, comme si elle avait manqué jusqu’alors. Elle dévorait et je craquais devant son appétit d’ogresse. Elle restait fine pourtant, à la limite de la cachexie. J’exagère, Victoire était une belle petite femme, dodue là où il fallait avec des mollets ronds et des épaules ouatées et des fesses rebondies, mais son décolleté n’aurait pas mérité un gros plan dans Voici, et je pouvais compter ses côtes quand elle s’abandonnait, ses bras qui m’entouraient.
Elle appréciait le vin, qu’elle dégustait avec modération. En général, nous ne finissions pas la bouteille mais j’étais déjà complètement ivre lorsque sur le trajet de l’hôpital, elle posait sa tête sur mon épaule ou me glissait un bisou dans le cou. Parfois, elle caressait Popaul tandis que je conduisais et c’était presque trop quand elle l’enfournait dans sa bouche.

Une fois le portail de l’hôpital franchi, Victoire sautait de ma voiture et se réajustait sommairement : il fallait de toutes façons qu’elle se change, qu’elle enfile sa blouse blanche et se désinfecte les mains, avant de prendre en charge «ses p’tits enfants » gravement atteints.
Victoire aussi était gravement atteinte. Aie aie aie, j’ai l’air con, j’ai rien vu... Rien vu, rien entendu, j’ai laissé venir la vermine lui bouffer ses petites fesses dodues. Quand je me suis pointé à la morgue, j’ai bandé comme un âne sur son corps blanc.
Je me suis à peine opposé à la tragédie qui se nouait. Je l’ai aimée, c’est tout. Je me reproche aujourd’hui mon aveuglement de connard vaniteux et jaloux. Je me suis acharné à lui prouver que je l’aimais, j’ai sorti Popaul de mon caleçon d’un coup de baguette magique, j’ai fait ça bien, avec la poésie d’un David C. devant Claudia S. et dans ma tête ça suffisait.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
A l'hôpital, Victoire ne travaillait que cinq nuit sur sept. Elle eût bientôt de nouveau ses deux jours de repos.
Week-end en mi-semaine, il n’était évidemment pas question qu’elle le passe sans moi.
D’autant que j’avais minutieusement organisé le périple de notre première vraie journée ensemble : grasse matinée chez elle, brunch dans un p’tit bistrot des bords de Seine, Delaunay à l’Orangerie, goûter chez Angelina rue de Rivoli, (je la voyais déjà saliver devant leur spécialité, le Mont-Blanc, mélange doux râpeux de crème fraîche et de crème de marron), peut-être les bouquinistes, puisque nous y étions et que je cherchais depuis plusieurs semaines l’édition originale de la «Princesse de Clèves».

Je collectionne les livres anciens, c’est une marotte comme une autre, même si mon copain Marc n’arrête pas de me charrier : «Les filles aussi, tu les préfères d’époque ? l’odeur de moisi t’inspirerait-elle ???». Je ne réponds pas —Marc est taxidermiste et ce serait trop facile....
et pour finir (avant de conclure), dîner en amoureux : fallait absolument que je lui fasse connaître le Passific Palissade, un bar américain des Halles...

Nous en sommes resté au petit un : grasse matinée pendant deux jours, week-end au lit.

Vic oh ma Vic !... J’ai gardé une culotte de toi mais elle ne sent plus rien. Pourquoi existe-t-il des filles comme toi, amoureuses, bonnes et talentueuses ? Pourquoi ces talents-là semblent incompatibles avec la vie ? Ce premier week-end de liberté, nous n’avons pas quitté le studio et j’ai voyagé au-delà des mers, tu racontais de belles histoires, tu sortais d’un marasme que tu appelais la guerre, tu décrivais le souk, la famine et la boue, les mouches qui boivent jusqu’à l’eau des larmes des enfants... Un petit s’était éteint entre tes bras, malgré les soins dont tu l’entourais jour et nuit et tu disais, jamais, jamais plus ça. Médecin du monde t’avait rapatriée dare dare. Il s’appelait Jud, deux ans.
Je croyais en moi.
J’ai misé dur de dur sur l’innocence d’un vrai premier amour.

Ormis Popaul, je disposais de peu d’armes, en tous cas pas de Kalaschnikoff, mais à mesure que le temps passait, que ma relation avec Victoire devenait plus évidente, je la sentais revivre. Ses yeux ne s’embuaient plus pour un oui, pour un non. Ce regard qui m’avait tant séduit, mais effrayé aussi, la nuit de notre première rencontre, elle s’en servait de moins en moins.

Nous faisions l’amour comme des bêtes. Sur le trajet vers l’hôpital, dans mon Audi, j’étais parfois obligé de m’arrêter. Sa cuisse grimpait le long de la mienne, celle du changement de vitesse, sa chatte bavait sur mon Lévi’s. Je trouvais un bateau, m’y posais, et la conscience tranquille, Vic repartait dans ses délires. Léchait, salivait et buvait, comme si elle avait manqué jusqu’alors. Elle voulait tout immédiatement, ma queue au fin fond de sa gorge, ma queue entre ses seins, le sperme sur son visage, elle s’en badigeonnait, chaque explosion prenait allure de feux d’artifice. Encore, encore, bravo !... Applaudissait-elle avec l’enthousiasme d’une gamine sous un jet d’eau. Elle disait : «C’est la vie, c’est la VIE... TU M’ENTENDS....»
Elle disait préférer coller de foutre plutôt que coller de sang.

Béat que j’étais, pour moi, la partie était toute gagnée. Pour preuve, j’ai très vite présenté Victoire à ma mère, un dimanche convenable, et comme je m’y attendais, ma mère l’a acceptée d’emblée. Ma mère est une femme d’exception. D’abord, elle est restée très belle, malgré ses 50 ans, surtout, elle m’aime sans condition, enfin, elle sent les gens de très loin. Ma mère n’a pas souffert pourtant. Mariée, maman, divorcée puis remariée, on dirait que la vie lui glisse sur les épaules comme la pluie sur les plumes d’un canard. Elle ne trimballe pas de rancœur, c’est une espèce de philosophe qui ne cesse de m’épater. En très bons termes avec papa, je ne l’ai jamais vue se fâcher avec Charles, mon beau-père. Elle sourit du matin au soir, de janvier à décembre, et sait même franchement rigoler aux endroits où d’autres pleureraient. Comme quand mon frère Arthur s’est entiché d’un travelo séropo, s’est fait avoir l’idiot... Ma mère a ri, d’un premier jet, puis s’est définitivement lâchée lorsque les examens sont revenus négatifs. Le dérapage !!! Mais ma mère a trouvé ça drôle, piquant, bien de notre temps. L’histoire est restée entre nous (mon père en aurait fait un infarctus). C’est vrai qu’elle s’est choisi des mecs à fric, qu’en passant de l’un à l’autre, elle n’a jamais manqué de rien. N’empêche, ma mère, elle est balaise.

Je lui ai présenté Victoire le jour de la sainte Simone (le prénom de ma mère), bien attifée, en blanc chicos, sensible, timide, pas arrogante, y’a pire dans le genre belle-fille. Et ma mère s’est trouvé l’instinct, immédiatement, de ne pas creuser plus loin. Elle n’a pas posé de questions, n’a pas demandé à Victoire ce qu’elle faisait dans la vie, l’a étourdie d’une foultitude d’inepties : les plats préférés de son fiston, ses p’tites manies («il se curait le nez entre quatre et six ans, le fait-il encore ?»)... J’avais les jetons j’avoue, à en pisser dans le froc. Victoire n’est pas un travesti mais je craignais que le débat ne se soulève, sur la guerre ou l’amour, le mariage, les enfants, trop de sujets tabous... Une ombre dans ses yeux et je quittais la salle. Je bossais comme un fou, depuis bientôt deux semaines, pour la ressusciter, cette fille qui pleurait de tout son corps, mais sans verser une larme, qui n’était pas encore à moi, qui faisait comme si, mais.

Quel bonheur que cette journée-là, la sainte-Simone chez ma mère ! Longtemps que je n’en avais pas croqué, du boudoir au champagne, de la pièce montée rutilante de crème... L’air de rien, Vic m’avait bien pincé, au point de me faire oublier ce royal train de vie qui était le mien, avant que nous nous rencontrions. Elle, c’était plutôt dans les rues de Barbès qu’elle se sentait le mieux, ou de la Goutte d’or. Les effluves de Safran, d’encens, de thé à la menthe, c’était une petite conne qui reniait ses origines... Un père haut fonctionnaire, une mère peintre, un frère inspecteur des impôts, l’autre ingénieur... N’empêche, c’est parmi la racaille qu’elle s’éclatait.



Une nuit qu’elle ne travaillait pas, j’ai cru devenir fou. Quand je suis rentré d’une réunion d’anciens (d’anciens première année de droit), Victoire n’était pas sous mes draps. Ses fringues dans la penderie, j’aurais pu me coucher peinard, mais non, j’avais besoin d’elle et pas de ses petites culottes. Il était deux heures du matin, j’ai ratissé la ville.
J’ai commencé par notre pote, l’Arabe d’en bas, (Victoire, malgré mes recommandations, parle à tout le monde) : «Oui, la petite jeune femme m’a acheté six canettes... Et un litre de Whisky...»
— Pour aller où ?
— Je ne sais pas Missié, pour aller...
— POUR ALLER OU ? je crie
— Pardon Missié, je ne sais pas, je ne sais pas...

J’ai cent ans tout à coup. Mal au coeur, le tournis, mes potes avaient raison, trouve-toi une fille comme toi, «une fille comme moi » ?... j’suis quoi ?...
— Une fille de ton milieu, avec de bons parents
— Victoire, son père ambassadeur, sa mère épouse d’ambassadeur, on peut faire mieux les gars ?...
Quand Vic a fini par rentrer, j’en étais déjà à ma huitième vodka. J’aurais pu lui faire la morale, cocu que j’étais sûrement, avec un de ses porte-jarretelles sur la tête.
Mais j’ai pas eu le courage. Elle est tombée, raide net, sa robe tachée, son haleine parfumée aux fruits, m’a dit tout simplement «Dodo». Je l’ai conduite jusqu’au lit.

Le lendemain midi, un appel m’a tiré de ma couche, Victoire ronflait encore.
— Passe-moi la fille, j’ai entendu
— La fille, elle dort et c’est pourquoi ?
— T’occupe, connard, m’a répondu le mal élevé...
et il a raccroché.
Bon, j’étais bien maintenant. Au jus de rien, que faisait donc ma poupée quand j’avais le dos tourné ?...
Fallait que j’appelle ma mère, sans aucun doute, mais ma mère m’aurait conseillé la prudence, elle est géniale mais tout de même… Je faisais quoi maintenant, nanti de ce petit lot si beau blotti au creux de notre lit...
On a baisé. J’ai quand même attendu midi trente avant de la réveiller.


Baiser, baiser, baiser... Elle me la prend c’est pas possible, comme si son truc et le mien, une fois emboîtés, devaient tout dévaster. J’ai jamais rien vu de pareil. Quand je me branche sur l’électricité de ses reins, je deviens Goldeneye dans toutes ses dimensions. Cette fille est une salope, une vraie de vraie avec les flingues, cette fille est une ordure, le cul, le con, les seins, la bouche, je passe d’une combinaison à l’autre, je dépasse le Stallone, le Schwartezeneger, le Gibson et le Willis... Je deviens tellement plus, quand elle me donne le droit de la chevaucher, bon Dieu, comme c’est puéril, je joue à quoi, je me demande pas, elle suce son pouce, elle suce ma queue, elle crie, elle aime, je lui rappelle son père, il chantait les chansons qu’elle me chante, elle pleure, sur la Clairefontaine, le Bon roi Dagobert et j’ai jamais vu ça, ces chansons-là sont celles d’un petit bébé.
D’un petit bébé qui supplie pour la sodomie. Qui veut, qui attend de moi. Je n’ai rien demandé. Je m’execute. Elle m’offre son cul, elle a branché la vidéo.
Je la filme à quatre pattes. Elle veut la voir grossir, grossir. Le voisin sonne à cause du bruit. Elle veut celle du voisin aussi. Il n’y a pas de solution. Je filme d’une main, de l’autre, je malaxe ses seins, j’encule dans la foulée... Ma chérie pleure et je crains de la meurtrir. Elle attrape la poupée de Jud. Pas de bras, pas de jambes, la poupée de Jud a juste un ventre, une tête et des yeux expressifs.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Finalement, nous changeâmes nos plans. Plutôt que de passer, comme prévu, le 14 juillet à Fontainebleau chez ses parents, j’eus l’opportunité de lui proposer cinq jours de rêve dans un château du Périgord. J’appréhendais un peu, les parents de mon ami Marc nous ayant conviés, en plus de leurs relations, sous l’implicite condition de ne pas nous entendre. Je ne fréquentais Victoire que depuis trois semaines, je craignais le pire. Elle était vive et spontanée et sa perpétuelle bonne humeur, ses talents d’amoureuse et de conteuse, ses études de médecine et ses gardes d’infirmière, tout cela semblait trop beau. Comme une bombe à retardement attend le moment propice. Et son ex-mec, le-dit «fiancé», elle n’en parlait jamais. Pas plus que de ses «relations» qu’elle ne m’avaient pas encore présentées. Cette fille restait l’énigme, vachement offerte, vachement gentille, mais elle m’échappait par moment, distante et étrangère, son regard devenait cruel tout-à-coup, le phénomène était imprévisible. J’ajouterai que l’appel matinal du mal élevé me restait en travers de la gorge, Vic m’ayant rabroué d’un «T’occupe-pas» définitif quand j’avais osé m’informer.


Pourtant, dès le premier jour, Victoire fut dans son élément : elle séduisit le châtelain sitôt les présentations faites et c’est là où tient l’art, sans offusquer ni la châtelaine ni moi. Au bord de la piscine, elle osa le string topless, malgré mes mises en garde, et aucune des autres femmes ni aucun des autres hommes ne parurent y attacher d’importance. Victoire était si naturelle, le moindre de ses gestes respirait tellement la jeunesse, la joie de vivre et l’innocence qu’elle fut admise d’emblée, dans ce cercle pourtant très fermé des «enfants de la pub». Reconnaissant, je la baisais jusqu’à l’aube, multipliais les effets de style sur le plongeoir, palabrais de plus en plus tranquille, à mixer des cocktails-maison pour tous et lui badigeonner la crème sur la cambrure des reins.
Un détail cependant me perturbait durant le séjour, sans que pourtant je n’ose lui en parler : ses multiples prétextes pour sortir de table. Une tâche à laver d’urgence sur sa manche, un pipi —peut-être— mais combien de pipis faisait-elle par jour ? Et pourquoi justement pendant les repas ?... J’avais déjà remarqué, entre Neuilly et Courbevoie, cette bizarre manie qu’elle avait de me laisser en plan, la fin de ma phrase en suspens, pour s’enfermer dans les toilettes ou la salle de bains. Toujours elle faisait couler l’eau, et revenait, fraîche et pimpante, aussi vite qu’elle était partie, pour me rassurer d’un baiser. Je n’osais pas la questionner. J’imaginais un problème de vessie capricieuse, étonnant chez une fille de cet âge, mais bon, elle ne s’expliquait pas et je n’aurais pour rien au monde voulu l’embarrasser.


Nous nous fréquentions depuis 27 jours lorsque j’appris qu’Alexandra s’appelait en fait Skander, celui-là même du téléphone. Elle dût m’avouer que oui, c’était un mec et pas une fille, qu’elle couchait avec lui avant de me rencontrer mais qu’elle avait rompu. J’aurais pas dû, je l’ai bousculée. L’appel du 18 juin me restait en travers de la gorge et je suis souvent revenu dessus. Suffisamment pour qu’elle me crache ce que je ne voulais pas entendre. C’était fini, d’accord, mais son aveu m’a laminé. Imaginer que le soir de notre rencontre s’était terminé entre ses bras à lui me laissait un sale arrière-goût à l’âme. Comme un benêt, je l’avais conduite jusqu’à son lit, j’avais préparé leur festin, et j’étais reparti guilleret, si fier de mon baiser volé !...
Cette nuit-là, je ne lui fis pas l’amour.

Puis la vie continua et notre histoire aussi.
Dès 17 h 30, je sonnais à sa porte, piaffant d’impatience, écartelé sur le gril, comme un frais nominé un soir de César. Moqueuse, elle me faisait régulièrement remarquer que j’avais une demi-heure d’avance et tandis qu’elle se préparait, moi je la mattais. J’adorais la surprendre au réveil, ses longs cheveux en broussaille, le visage chiffonné de ces fausses nuits qu’elle passait à contre-temps. Sans maquillage, dans son tee-shirt Petit Bateau et culotte assortie, elle m’inspirait les pires fantasmes. Tout en savourant mes avances, Victoire se récriait : «Arrête ! je suis crado... Laisse-moi au moins me brosser les dents !» Mais moi, précisément, j’adorais ça, le parfum de sa peau si douce qu’une nuit de travail, suivie d’une sieste sous les toits, avait rendu plus lourd. Son animalité me montait aux narines et m’énivrait au point que je n’avais qu’une envie : la prendre.
Hélas, elle m’arrêtait, elle avait faim, légère, elle sautait d’un bond dans la salle de bain. En dix minutes, elle était prête. Le plus souvent, elle tressait ses cheveux ou les roulait en un souple chignon qui tombait sur sa nuque. Qu’elle avait l’air sage quand ses crayons et tubes de couleurs ne l’avaient pas encore métamorphosée en femme fatale aux yeux de chat !
Elle trottinait sur ses talons aiguilles, passait et repassait devant moi, pour ajouter un petit quelque chose, un ruban, un collier, puis, lorsque le reflet de son miroir lui donnait entière satisfaction, elle me lançait : «On y va» ? et nous partions.
Toute la journée, je me creusais la cervelle pour lui trouver un bistrot original, encore plus gai que celui de la veille. Victoire était toujours contente. J’avais l’impression d’être le premier, que jamais, au grand jamais, elle n’avait profité de tant de sollicitude, et quand nous franchissions le seuil du Banana Café ou du Bar des Artistes, elle était tellement belle, une véritable star sur ses talons aiguilles, moi qui suivait derrière en toute humilité, j’avais le sentiment de vivre, enfin. Me revenaient certains détails de notre dernière étreinte. La gaule me tombait dessus comme ça, j’étais trop fier, trop beau, j’avais trop de chance. L’amour est un poison qui tue doucement. L’amour est un alcool dont il ne faut pas abuser.
Je me demandais pourquoi son ex ne l’avait pas gardée. Je me demandais ce que foutait son ex dans mes pensées.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Certains soirs, nous sortions avec mes amis. Jamais Victoire ne présentait les siens. Frustrant mais elle s’en défendait : ils lui rappelaient trop l’Autre. L’époque révolue, elle ne voulait pas d’ombre sur sa nouvelle histoire.
Un après-midi pourtant, alors qu’elle venait d’arrêter ses gardes, elle m’ouvrit brutalement la porte de son studio. Fin prête et impeccable, son joli visage m’a paru étrangement crispé. Les fossettes avaient disparu, à la place un drôle de rictus. Les sourcils froncés, Vic s’agitait de droite à gauche à la recherche d’un objet qu’elle ne trouvait pas. Elle se sentait moche aujourd’hui et c’est vrai qu’elle avait mauvaise mine. Elle essaya un foulard rouge et le jeta rageusement par terre, en attrapa un blanc qui subit le même sort. Ses gestes avaient perdu toute grâce tant elle était nerveuse et même sa voix, d’habitude si chantante, hâchait les mots des phrases qu’elle ne finissait pas.
«Tu voulais connaître mes amis ? m’a-t-elle lancé avec des intonations de mec, alors viens, je t'emmène…..».

Avec ce beau soleil, j’aurais largement préféré l’initier aux senteurs des roses de Bagatelle, mais son air décidé n’acceptait aucune discussion et j’avoue de surcroît qu’il était enfin temps que j’entre dans son univers.

Lorsque je voulus lui flatter la croupe, adorablement moulée dans son jean’, elle s’esquiva et me jeta un regard noir. Sans comprendre, mais surtout sans rien dire, je la suivis dans l’ascenseur. Elle me menait place d’Italie, à l’opposé de son quartier.

La demi-heure de route, Lola s’est tenue très droite, muette, les yeux rivés sur le pare-brise, les genoux serrés, le sac collé contre son ventre, telle une dame patronnesse assise en face de Dieu. Je l’observais du coin de l’oeil sans la reconnaître. Arrivés à l’adresse indiquée, une HLM minable, elle me traîna dans un dédale de couloirs pour aboutir devant une porte crasseuse. Une étrange odeur s’exhalait des murs, mélange de graillon et de cette substance que je l’avais déjà vue fumer et qu’on appelle marijuana. Bien sûr, je connaissais, vaguement. Comme tout jeune homme de ma génération, j’avais quelquefois tiré sur un joint, sans y trouver d’ailleurs le moindre intérêt et elle-même me passait son pétard quand d’aventure, devant le film du soir, Vic en allumait un. Pour ne pas la blesser, j’aspirais une taffe et lui rendais aussitôt l’engin. Malgré la magie de notre relation, le résultat sur moi restait le même, c’est-à-dire nul. Mais j’avais remarqué qu’elle s’alanguissait sous l’effet du toxique, son corps que j’aimais musclé et vif devenait paresseux et docile, elle se mettait à ronronner comme une chatte affectueuse et semblait ressentir puissance dix le moindre de mes attouchements. Le plus souvent, j’avoue, Victoire me faisait l’amour, elle prenait les initiatives, c’est pourquoi je savourais avec un infini plaisir ces rares instants privilégiés où elle me laissait la conduire.

La porte s’ouvrit sur un grand black qui ne me dit même pas bonjour. Putain, la claque ! : ils étaient une quinzaine, vautrés dans moins de dix mètre-carrés, que dis-je vautrés, empilés les uns sur les autres, blancs comme noirs, sur des matelas pourris. Ca puait pas possible, le joint, la sueur, le foutre et la naphtaline ... Mon papillon dans le guetto !!! Ils planaient les uns sur les autres mais se connaissaient-ils seulement ? L’odeur perçue de l’extérieur me prenait à la gorge. Des volutes de fumée bleue assombrissaient la pièce faiblement éclairée au néon. Ma princesse se sentait déjà mieux. Elle venait d’appliquer deux gros baisers sonores sur les joues du molosse de l’entrée, le maître de céans, probablement, et pour la première fois depuis l’heure de notre rendez-vous, je la vis sourire. Sans me présenter —J’appris plus tard que ça ne se faisait pas— Vic tira sur le joint qui tournait puis m’abandonna pour foncer dans le réduit qui faisait office de cuisine. Je n’osai pas la suivre et m’assis, parmi les autres, essayant de cacher ma stupeur sous une mine de circonstance, c’est-à-dire défaite. Aussi eus-je droit au joint et faillis me trahir en toussant tant il était corsé.

Quelques minutes plus tard, Vic réapparaissait. Ma Vic. Elle avait remis son regard pétillant et ses fossettes et sautillait, gracieuse .
«Tu viens ?» me dit-elle en m’entraînant vers la porte, non sans avoir une fois de plus embrassé de toute sa bouche (très près des lèvres) les joues du molosse de l’entrée.
A l’air libre, je respirai un grand coup. Ouf ! Quelle expédition !!! Mon cerveau éclatait sous les interrogations : Qui étaient ces types ?... Où les avait-elle rencontrés ?... Depuis quand les connaissait-elle ? Venait-elle souvent ici, avant moi, avec son fiancé ? Et depuis-moi, y était-elle revenue ? Skander faisait-il partie de la troupe ? Etait-ce ce grand black, qu’elle avait embrassé quatre fois, presque sur la bouche ?...

Lola marchait devant moi sur le boulevard Vincent Auriol, dansait quasi. En filigrane, tandis que son cul se balançait sous mes yeux, défilaient de gros titres : « Assassinat en plein Paris, il n’a pas supporté l’idée de la perdre, il a choppé trente ans, dont trois avec sursis... Tout petit déjà, il crevait les tympans des libellules...»
J’aurais bien tué Victoire, ce soir-là. Je l’aurais attrapée par derrière, mes bras n’auraient fait qu’un tour de sa taille, je lui aurais sucé les lèvres une dernière fois avant de la précipiter dans la Seine. Ou j’aurais subrepticement remplacé ma bite par un canon de silencieux, elle n’y aurait vu que du feu, partie comme elle était et j’aurais tranquillement déchargé dans sa bouche, sa cervelle de salope aurait éclaté sur le macadam...
Je deviens vulgaire, pardon. C’est la faute à Victoire. C’est Satan cette fille-là.

Elle marchait devant moi, dansait presque, et je voyais rouler ses hanches. J’avais envie de la baiser terrible mais je voulais parler avant, l’interroger. Le mètre de distance qu’elle mettait entre nous, je me devais de le respecter. Peut-être ne m’aurait-elle pas répondu.

Assis à côté d’elle sur le chemin du retour, je restais silencieux, cherchant mes mots, je me creusais pour l’interrompre. Il me fallait une phrase béton, une entrée en matière démente. Obélix me revenait : «Es-tu tombée là-dedans petite ?» Mais Dolto me réprimandait : avec les jeunes enfants, il faut parler sincère : «Vic, Vic, je t’aime. Rassure-toi, je suis là. Rassure-toi ma Victoire, ce sont tous des pourris mais moi je t’aime quand même...»
Vic avait retrouvé sa verve. Elle babillait, riait, à en postillonner sur mon pare-brise : «Tu aurais vu ta tête !... Tu étais si drôle !!! Bon, on est allés chez un dealer, DEALER, tu as déjà entendu parler ??? ... Qu’est-ce-qu’il fait beau ! Si tu m’emmenais dans l’Ile de la Jatte, j’ai vu qu’il y avait un petit restau avec une foire à la brocante, ça te dit pas ?... Allez... Remets-toi, t’es tout blanc !... C’est toujours ici que je vais quand je n’ai plus de tush. Tush, ça veut dire sheet, ou hasch, comme tu veux... Ils ont l’air comme ça, un peu fiers, un peu distants, mais ils sont très gentils, très pacifiques, surtout Badou, tu vois qui c’est ?... Le grand black avec une couette. Et encore, là, c’est du luxe comme piaule ; des fois, ils n’ont même pas de vrais murs, pas d’électricité. Ca s’appelle des squatts... C’est ton premier squatt ou je rêve ?... Et tu connais Paris depuis quand ???»
Depuis ma naissance, j’ai envie de répondre (mais j’ai peur d’aboyer)... Et je vis très bien sans squatts, merci.
Victoire n’a pas besoin de réponse, elle continue toute seule et je pourrais sortir de la voiture qu’elle ne s’en rendrait pas même compte : «Les squatts, c’est le coeur de Paris... Tu sais, cette capitale est maintenant pleine de vieux, au centre surtout... Mais par bonheur, il existe encore des endroits où les jeunes se regroupent, se rencontrent, dansent et fument et s’éclatent faute de refaire le monde... Les raves, c’est bien aussi... Je t’initierai si tu veux».
Merci cocotte un autre jour, je pense en dedans, tout en évitant de justesse un taxi qui braque sous mon nez. Merci, j’ai eu mon compte ! Un autre jour, peut-être, mais là vois-tu, splendide trophée de ma dernière virée au Bus, j’ai besoin de digérer... Pacifiques, pacifiques.. Des mollusques ouais !... Le regard blanc des poissons morts, le corps avachi des poupées de son, presque pas un mot échangé, juste ce joint à partager... Et la béatitude ! Tu parles d’une béatitude ! De pauvres types complètement frappés, complètement partis, des âmes anesthésiées dans des corps bons à rien...
Heureusement que ma poupée ne consommait pas tant ! L’imaginer un seul instant dans ce même état de léthargie me glaçait le sang. Mais depuis que je la fréquentais, quasiment tous les jours, jamais Victoire ne s’était laissée aller ainsi devant moi, sauf peut-être tard la nuit, entre la fin du cinéma de minuit et sa douche prénuptiale.

Quelque chose m’échappait : si j’arrivais à me convaincre qu’elle n’avait rien à voir avec ces toxicos —son regard pétillait trop— cette rapide expédition l’avait brutalement transformée : à cran avant, charmante après, avait-elle à ce point besoin de se ressourcer auprès de ses amis les plus intimes ? Pourtant, à part Badou et deux ou trois autres clampins, j’aurais juré qu’elle ne connaissait pas les occupants de ce taudis.
Je la collais trop ? Notre amour, mon amour, lui pesait-il ?... Cet impérieux besoin de courir dans le treizième me taraudait l’esprit. La faute à son ex sans nulle doute. Elle aurait rejoint là-bas quelqu’un qui lui aurait parlé de lui ?... Et c’était pour me préserver qu’elle avait préféré s’isoler dans la cuisine avec le grand black ??? Confidences dont j’étais exclu. Le prétexte du sheet ne légitimait pas chez Vic un tel changement d’humeur. Plus j’y pensais et plus je flairais l’autre type là-dessous. A force de me suggestionner, je devenais bel et bien jaloux. Jaloux à mort.

Tandis que je ruminais en traversant Paris, Victoire monologuait, commentant tout ce qu’elle voyait. Elle avait poussé la musique à fond, enlevé ses sandales et posé ses pieds nus sur le tableau de bord. J’aime les orteils de Vic qui ressemblent à des coquillages, son petit dernier surtout me tire parfois les larmes. Ainsi, les genoux pliés, les jambes un peu ouvertes, elle était provocante à souhait et le savait. S’amusait à des poses dont elle avait le secret et rigolait de la réactions des conducteurs que nous croisions.
Je ne suis qu’un homme, c’était torride.

Son babillage charmant et le pervers mouvement de ses cuisses parvinrent à dissiper (momentanément) mes inquiétudes. Une vague de désir m’envahit, tornade insurmontable. Je garai l’Audi sous un porche. Visiblement, Victoire n’attendait que ça. Dès mes premières caresses, s’envolait bruyamment, haletante d’emblée sous mes premiers baisers : «Prends-moi, prends-moi, prends-moi !». Malgré l’exiguité des lieux et de son jean’, je parvins non sans mal à la déshabiller. A l’humidité localisée de son slip, heureusement choisi en dentelle blanche un peu flottante, je compris qu’elle s’était démarré son ciné érotique avant moi. Bon Dieu qu’elle était bonne, le tee-shirt retroussé jusque sous les bras, le jean’ descendu à mi-cuisses, son cul rebondi à peine relié au fauteuil de cuir, en équilibre grâce aux jambes relevées qu’elle avait coincé contre le pare-brise. Equilibre instable qui ne lui permettait plus le moindre mouvement. Ainsi offerte, dégoulinante, la tête rejetée en arrière, les reins cambrés, le torse bombé duquel pointaient les fleurs brunes de ses seins, je lui aurais tout pardonné.
Inutile de la tuer, elle pouvait encore largement servir.

— J’ai faim ! dit-elle en se reboutonnant.
Ca tombait bien, je connaissais un bon Chinois dans le quartier.

Les joues en feu, les lèvres brûlées de baisers, trempés de sueur et anéantis, nous entrâmes, titubants mais vainqueurs, dans cet enclos dépaysant, soieries chatoyantes sur les murs, tables dressées au millimètre, justement espacées, diligence d’un serveur col mao, anonyme quidam qui prend notre commande avec servilité. Il se plie, j’en ai honte, comme si le sol carrelé était couvert de pièces d’or. Je pense à sa ceinture Gibaud tandis que Vic choisit l’exceptionnel, le shing-sang en entrée, le ma-jin’ pour suivre, riz cantonnais bien sûr, l’ailette de dauphin blanc parfumée aux airelles... Elle s’essaie aux baguettes et les plats s’accumulent, elle picore et se sert de sa langue pour essuyer ses doigts, boit le saké cul sec.
La nuit se présente bien, je la sens amoureuse, elle me travaille les chevilles sous la table, je sens les coquillages me lustrer les chaussures. Je me rassure.

J’allais enfin me détendre sur le chemin du retour lorsqu’elle me crie soudain :
— Gare-toi, gare-toi, je t’en supplie !
Habitué à ses frasques, je m’exécute. Ma chérie s’éjecte de l’Audi tel Batman de sa Batmobile, se planque derrière un arbre. Alarmé, je la suis. A peine me voit-elle qu’elle hurle «V’a-t’en, retourne à la voiture, laisse moi, c’est fini...» Elle vomissait en jets brutaux, toussait et s’étouffait.
Dix secondes plus tard, la voilà qui revenait, pâlotte mais tout sourire.
— Ouf, je me sens mieux... On va chez toi ? Chez moi ?

Tranquille et saine comme si elle me montrait la grande ourse.
J’eus tout-à-coup eu peur de l’avoir encloquée.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Un soir, Lisa me prévint que sa mère souhaitait récupérer le studio de Neuilly. Elle devait le libérer le plus rapidement possible et sans mon frère, je me serais fait un plaisir de l’installer chez moi. Mais Arthur, qui suivait les cours d’une grande école de commerce dans le Sud, allait et venait, au gré de ses permissions, et je ne voulais pas lui imposer d’intrus. On avait loué ensemble et les pièces rapportées n’étaient pas prévues sur le bail.

Pour Victoire, pas de problème : son ex proposait de lui rendre leur deux pièces le temps de ses vacances. Dès le 31 juillet et jusqu’au 10 septembre, elle pouvait s’y réinstaller. Ensuite, viendrait sûrement une réponse positive des HLM de la Ville de Paris.
ELLE N’EN DOUTAIT PAS.

Quand j’y pense aujourd’hui, je réalise que j’ai commis-là ma première grave erreur. Il s’agirait de remonter le temps, j’aurais pris mon frangin entre quatre yeux :
«Tu vois cette p’tite nana ? Ouais la minette qui roule des fesses et bouffe salement avec les doigts, présentement assise sur le canapé qui est aussi ton lit, et ben tu vois, je l’aime à la folie alors faut pas me faire chier. Soit tu l’acceptes et on reste frères, soit t’en veux pas et tu dégages !»

J’ai manqué de clairvoyance parce que je suis un nul.

Le week-end de son déménagement, je devais rejoindre mon père en Normandie, pour une réunion de famille à laquelle il m’était impossible d’échapper.
Je vois peu mon père, depuis qu’il a convolé en secondes noces avec une jeunesse de 25 ans sa cadette. J’ai hérité d’un demi-frère, Jules-Edouard, qui, à deux ans et demi, parle couramment le franglais et sait décortiquer le crabe à la pincette. Ma belle-mère est issue de la haute aristocratie Hongroise, elle descend tout droit des Habsbourg et de son piédestal de mannequin vedette chez Elite. Je la trouve snob et froide, je la trouve même odieuse toucour. Typiquement le genre d’épouse dont je ne voudrais pour rien au monde. Mon père la couvre de son pognon de concessionnaire Ferrari, crâne à son bras en société, se ridiculise en permanence. Il a beaucoup changé en quelques années, depuis qu’il a récupéré 80% des parts de la concession. Il joue en bourse, investit dans la pierre, s’enrichit très probablement puisqu’il vient de s’offrir un hôtel particulier de dix pièces sur le boulevard Bineau. Je ne suis pas au jus des transactions. Qui s’est servi de l’autre ? Et qui gruge l’autre, au bout du compte ?
Lorsqu’elle est là lorsque mon père m’invite, Sophie-Marie trimballe de pièce en pièce sa morgue d’arriviste arrivée, sonne la bonne, demande à ce qu’on me serve le thé. A sept heures du matin, comme à huit heures du soir, faut que Betty me propose sa carte des thés… Et j’ai pas le droit de fumer, les cendriers relégués au rang de décorations signées des plus grands. Impeccable jusqu’au bout de ses ongles manucurés, Sophie-Marie tient sa tête hautaine droite, le chignon empesé, l’œil dur, le menton légèrement avancé, les épaules bloquées sur leur cintre intérieur. Elle me toise puis me salue du chef, sonne Nanny pour qu’elle descende mon plus jeune frère de ses appartements, s’éclipse pour ne plus revenir. Je me brûle la gorge avec le thé, remercie Nanny, joue quelque peu mais sans réellement m’amuser. Ce gosse est constipé, ne ressemble à rien de ce que je crois connaître des enfants en bas âge. A moi, il ne parle pas, ni anglais, ni français. Il reste poliment assis à côté de moi, à peine s’il me regarde effectuer les tours de magie que j’ai pourtant répétés en vue de notre prochaine confrontation. Mon père tarde à me secourir. Le silence de Jules-Edouard devient glacial, je me sens fin, affublé de mon nez rouge, l’envie d’en griller une me taraude, mes mimiques se figent peu à peu, ma voix s’enroue, partir.

Y’a que deux qualités que je reconnaisse à ma belle-mère : grâce à elle, mon père a arrêté de fumer net. Balaise tout de même, depuis trente ans qu’il s’envoyait ses deux paquets-jour, Simone n’ayant jamais pu obtenir de lui une si belle preuve d’amour. Grâce à elle, mon père m’a lâché grave. Pour se débarrasser de moi et se construire une nouvelle vie plus fun, plus smart, plus people, plus démente, il allonge les billets sans même que je le lui demande. Il me verse une pension de 2000 euros mensuels que j’accepte sans scrupules. Si ce geste le déculpabilise et me permet de flamber avec mes potes, pourquoi m’y opposer ? C’est de la santé publique puisque je m’en porte bien et que lui rajeunit tous les jours. Il me prête sa vieille caisse sans condition, puisqu’il roule maintenant en Ferrari et que son triple garage héberge aussi une Porsche et une Aston Martin DB7 Vantage. Et j’ai la paix pour mes études. Je redouble ma première année de droit les doigts dans les narines, sans le moindre effort. J’ai tout le temps de m’y mettre, je suis «privilégié». J’assume parfaitement mon très récent statut de fils à papa sans me soucier de l’avenir. Quand je vivais chez maman, fallait faire attention à tout, éteindre les lumières quand on sortait d’une pièce, par exemple. Mon beau-père y veillait. Maintenant, je prends exemple sur mon père, je me calque, je me clône, l’argent entraîne l’argent, j’éteins plus rien (ça porte bonheur), à l’exception du feu au cul de Lisa.


Fallait que je m’y rende, à ce rendez-vous en Normandie.
Il y a des codes, j’ai pas mes tunes si j’y déroge. Mon père, faut pas le contrarier, ou il se remet à fumer. Je m’en voudrais trop !

J’ai aidé ma poupée à remballer ses quelques frusques, son minimum vital qui encombrait le studio de sa mère. Mais sitôt son baluchon déposé devant le 5 de la rue des Saules, je suis remonté dans mon Audi le gosier sec. J’avais longuement pelotée Lisa devant l’ascenseur, je n’avais pas souhaité monter et la trique m’encombrait. Bon Dieu que cette fille m’excitait ! L’idée de ne pas pouvoir la respirer, caresser sa peau, manger ses lèvres ni pénétrer son ventre pendant quarante-huit heures me rendait dingue. J’avais l’intime conviction qu’il ne fallait pas que je parte, que je la laisse se réinstaller dans cet endroit si riche de souvenirs et qu’elle n’avait plus revu depuis son départ.
Lisa, en revanche, n’appréhendait pas. Elle était contente, au contraire, de réintégrer un appartement plus spacieux, plus agréable à vivre que le studio de Neuilly parce qu’aéré et qu’elle avait choisi, meublé et décoré avec amour. Elle avait dessiné des fresques sur le mur du salon, posé du papier peint dans la cuisine et les toilettes (plafond compris), tendu du tissu dans la chambre et agraffé le galon autour. Elle y avait ses habitudes et la quasi totalité de ses affaires. Elle était même drôlement joyeuse en bas de l’immeuble, elle frétillait. Reconnaissait l’Arabe de l’angle et la boulangerie du carrefour, retrouvait la file de motos stationnées devant le Bar des Amis, ces engins cumulés qui la terrorisaient lorsqu’elle rentrait passé minuit. Ce jour-là, au contraire, leur présence familière la rassurait. Même l’odeur de ce petit quartier de Montmartre n’avait rien à voir avec les parfums de Neuilly. Pourtant, elle avait eu un certain mal à s’habituer à ces trottoirs crottés, ces caniveaux bondés, ces quelque trois immuables clochards affalés devant le soupirail de la boulangerie. Un jour, l’un d’eux lui avait tendu un Tampax usagé en rigolant de toute sa bouche édentée. Elle m’avait raconté combien ce geste l’avait dégoûtée. Et ses hauts-le-cœur de femme en cloque, sur le trajet de la Fac où elle suivait ses cours, à dix minutes de là. Supplice de chaque matin pendant dix semaines puisque cette grossesse n’avait pas duré davantage. Son ex n’en voulait pas, du fruit de leurs amours, elle l’avait donc giclé. A tout juste vingt ans : «Un beau cadeau d’anniversaire ! Ca, pour le coup, il m’a gâtée…» m’avait-elle lancée ironique. Elle se sentait d’autant plus fine en racontant l’histoire qu’elle ne s’était rendue compte de rien… «C’est fort, pour une deuxième année de médecine, tu ne trouves pas ?» Elle passait à l’époque ses partiels de février et mettait sa nervosité, sa fatigue et ses gerbes impromptues sur le compte du stress itératif des épreuves bi-hebdomadaires. C’est la réaction spontanée de sa mère, au téléphone, qui lui mit la puce à l’oreille :
— Tu dis que tu vomis tout le temps ?... Et tu n’as pas de retard ?
— Si, une quinzaine de jours, mais tu sais, avec les examens, c’est classique.
— Fais un test quand même, je te l’offre, je ne serais pas étonnée du résultat...
Je n’eus pas d’autre détail sur le sujet, mais je me demandais pourquoi il venait me tarauder, tandis que je m’éloignais de Lisa, avec la gaule et une sale appréhension.

Lorsque je l’appelais, le lendemain soir, son ton agacé confirma mes craintes. Je la dérangeais : elle bossait (elle bossait ?). Elle avait retrouvé ses polys et se souvenait de ses partiels de septembre, des examens en retard à cause de la grève : «Mais oui, la grève des toubib, au début du printemps... On a refusé l’internat obligatoire, on s’est révolté, et du coup, les partiels de juin ont été reportés en septembre. J’ai un taf de folie !» Moi qui avais patienté toute la journée pour entendre sa voix, obligé de paraître devant une sombre famille —MA famille— l’idéal fils de son père, bien élevé, serviable, discret, courtois... alors que je n’avais qu’une envie : sauter dans ma voiture pour la rejoindre... Voilà que je balbutiais : «Ici, il fait un temps du tonnerre !» A l’instant si ému et tout à coup si vide. Bloqué. Idiot. Elle raccrocha et elle n’avait rien dit. Enfin, rien de tout ce qu’elle aurait pu dire pour satisfaire mon impatience. Au contraire, j’avais hâte que cette mascarade familiale prenne fin pour de nouveau la respirer, retrouver la Lisa que j’aimais, toute à moi et toujours pour moi si jolie, si sexy, si d’accord.
Les dernières heures qui me séparèrent d’elle furent un calvaire. J’envisageais le pire.

Pourtant, lorsqu’elle ouvrit la porte de son petit deux-pièces, j’avais une demi-heure d’avance et elle, une superbe robe noire divinement moulante sous son tablier blanc de soubrette. Elle finissait de préparer le poulet aux olives et l’appart embaumait le thym, le laurier et le vin blanc. Elle passait et repassait devant moi, souriante, trottinant dans ses mules à talons qui claquaient sur le parquet ancien, déposait avec grâce les apéricubs, puis le saucisson tranché, puis les pistaches, sur le tronc d’arbre qui faisait office de table basse, m’invitant à m’asseoir sur le canapé. Au fait, je voulais boire quoi ? Je restais coi, béat d’admiration.

Je décidai de la suivre dans la cuisine, toute en longueur avec un angle aigu. Nous avions peine à tenir à deux dans le sens de la largeur et j’en profitai pour toucher ses fesses, d’instinct, tandis qu’elle me tournait le dos, bloquée devant la cuisinière. Je remarquai qu’elle n’avait pas de culotte mais senti la démarcation de ses bas arriver très haut sur ses cuisses. Au brutal recul de son cul vers moi, juste à hauteur de mon bas-ventre, aux mouvements de bassin qu’elle entreprit alors, exposant le plus possible son sexe à ma bosse en jean’, je compris qu’il était temps de visiter sa chambre.



Je passai trois jours sans la revoir. Le lendemain de nos retrouvailles, Lisa m’appela pour annuler notre rendez-vous du soir.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
PS Victoire a changé de nom, j'en cherchais un, Lola m'a énervée

Donc c'est maintenant Lisa

(l'écrivain)

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
combien de livres as tu écris,je trouve génial et super bien écris,on en redemande

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Merci Dada

L'écriture, c'est ma vie, ma vraie de vraie

Même si j'ai fait passer plein de choses avant : mes vies en couple (trois), mes enfants (trois). La médecine, qui m'a tjs rémunérée.

Là, en 2006, je réalise qu'il est temps de vivre de ma passion : les personnages de roman.

Comment je peux ? Aujourd'hui, l'accepter ???

Je suis écrivain, y'a pas un doute

Mais c'est comme un complexe à mes yeux.

Là, j'ai décidé que c'était ça ou rien.

Comme Brel qui a abandonné femme et enfant pour aboutir.

Oui, oui, c'est à peu près ça, je sais que je mets ma famille en péril, mais....

J'en ai trop marre de m'oublier.

JE VEUX PUBLIER !

Et j'irai jusqu'à vendre mon appart !

Là, j'ai acheté une imprimante laser (vendredi)

Je tire des exemplaires, je dois m'informer pour trouver le bon éditeur.

J'en suis à treize romans, Dada, et je vais finir par mourir du manque de reconnaissance.

JE DOIS Y METTRE TOUTE MA FORCE

Merci pour ton soutien



boum boum boum boum boum boum boum boum

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
je suis épatée par ta détermination,tu fais tous en trois si j'ai bien compris ,sauf les romans,je n'ai pas encore vue ma belle soeur pour lui demander où son frère a plublier son roman,je t'oublie pas,dès que je sais ,te met le renseignement
je te souhaite arriver à tes fins,que faisais tu en médecine au juste BALLE

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
J'ai tout fait en médecine......

Externe (l'hosto en hépato, en neuro, en psy, en uro, en cardio, aux urgences, en ORL, en pédiatrie......)
Interne (l'hosto en diabéto, en radio, en écho, au labo, en santé publique... en génétique...)
Infirmière, pour arrondir mes fins de mois (en pédiatrie, en néo nat, en cancéro, en néphro.....)

Ah j'en oublie ! je ne veux pas me souvenir !

13 ANS temps plein avec des gardes de nuit au rythme de deux par semaine !!!
De 18 à 31 ans.

LOL!

Tout cela est derrière moi. Plus jamais j'irai bosser à l'hosto !

Je préfère mourir

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Et depuis 1993, j'écris des articles médicaux.

Voilou, je vais plus dans la misère de ces chambres qui puent la pisse.

Je ne rencontre plus ces gens si démunis dans leur pyjama à l'entrejambe crottée.

Je ne peux absolument plus, absolument plus, voir des gens allongés, avec des perfs partout.

Alors, j'écris des papiers, la médecine théorique.

Mais même ça, j'y arrive plus et faut absolument que je tire un trait définitif.

Car j'aime la vie ! Pas la souffrance, bordel de merde !

J'en ai marre de la maladie !!!

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Vous voulez que je vous raconte mes nuitées d'infirmière ?

Pas de blem :

Je suis responsable d'une unité de vingt berceaux. Des soins à délivrer en permanence, hors de question de pioncer.

Deux bébés méritent plus particulièrement d'attention :

David, qui n'a plus de main droite et respire très difficilement. A demi assis sous une chambre de Wood, il cherche son oxygène.
Mina, abandonnée sous X et qui a atterri chez nous, dans mon secteur.

Préma, maman toxicomane aux drogues dures.

On craignait grave les convulsions, mais non, Mina est une crevette super joyeuse !

Toutes les nuits, j'allais de l'un à l'autre, David, Mina, Mina, David.....

Ouf qu'il m'était difficile de repartir, au matin, pour la relève !

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Ce dont je me souviens le mieux de mes nuits à l'hosto, c'est la couleur :


Les néons, un blanc cru, des murs blancs, une lumière crue

On est tous verts, nous les humains, dans cet environnement.

Je me souviens aussi de la pause bouffe, debout.

On nous délivrait des petits sacs à l'arrivée, dans lesquels il y avait : un morceau de pain (une mini boule), du fromage sous emballage perso, une mini briquette de jus de pomme avec la paille.

Mhhhhhhhhhhh comme j'aimais bouffer ce truc !

Si simple mais si bon dans le contexte.

J'ai jamais su pourquoi David n'avait plus de main droite. Amputé, mais pourquoi ?

Il est reparti, j'ai continué mon job, un petit sidéen, né de mère sidéenne, venait d'arriver : en couveuse, préma et infecté par le virus.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Coucou à vous


Encore un petit bout du Soleil Rose, mais là, après, j'arrête.

Voilou : si Val ou Dada veulent la suite, je leur envoie en mp.

Avec plaisir

Mais je ne peux plus délivrer mes écrits ainsi car je ne suis pas copyright. C'est Enzo et son forum qui le sont. Selon mon fils, Simon, je n'ai aucun droit sur ce que je vous envoie. Je suis assurée à la SGDL, mes oeuvres sont à moi, mais de les publier sur un forum ouvert à tous n'est pas le meilleur moyen de gagner enfin de la thune. Or oui, j'aime écrire, j'aime que l'on me lise, qu'on m'encourage.
Mais il ne faut pas que je me brade.


Alors OK, je veux bien sacrifier un livre pour me faire connaître, mais pas tous !

La dernière de mes élucubrations du jour, pour saluer poliment mes lecteurs.
Ce titre fait presque 300 pages (Le Soleil Rose).
Ceux qui veulent la suite, no soucy, en mp.

Amicalement,

Kti





Surchargée de boulot, Lisa n’avait pas fini le programme qu’elle s’était fixé. Elle parlait vite, presqu’essoufflée : «désolée, comprends-moi, je n’ai plus que 28 jours et je ne maîtrise RIEN, sois patient, je préfèrerais sortir m’amuser avec toi, j’en ai au moins jusqu’à minuit, peut-être davantage, ces partiels me prennent la tête, il FAUT que je les bosse....» Déconfit, je raccrochai, sans même avoir eu le temps de lui placer un mot d’amour.
Le lendemain, Lisa me tînt le même discours.
Le surlendemain, sans nouvelles à minuit, je décidai de foncer directement chez elle.

Elle ne parut pas surprise, plutôt contente. En tee-shirt et socquettes, peut-être même les cheveux gras, je la désirai instantanément mais n’osai la brusquer, trop soulagé qu’elle ait daigné m’ouvrir sa porte. Je la suivis jusqu’à sa chambre et remarquai au passage la vaisselle sale qui s’empilait dans l’évier, les croûtes de fromage, les miettes de pain et les écorces de noix qui trainaient sur la table de la cuisine. Le tapis du salon était jonché de bouquins et de documents couverts de gros titres : «endocrino», «ORL», «gynéco-obs»... Sa valise n’avait même pas été ouverte et trônait à l’endroit où elle l’avait posée en s’installant.

Lisa ne m’avait pas habitué à ce personnage d’intello, trois jours qu’elle n’était pas sortie ou à peine, pour l’essentiel, c’est-à-dire le pain et le cola, trois jours qu’elle planchait, électrique : « Je n’aurai pas le temps ! J’aurais dû m’y mettre plus tôt ! Je suis complètement folle ! On ne m’y reprendra plus !....» Elle criait plus qu’elle ne parlait, en agitant vivement les bras. Chaque fois, le tee-shirt remontait un peu plus haut sur ses cuisses. «Non mais regarde ! me prenait-elle à témoin, regarde comme c’est dingue : je dois avoir ingurgité TOUT CA dans trois jours !» Elle désignait son bureau d’architecte, dans un angle de la chambre, et j’énumérais mentalement : un traité de physiologie, un polycopié d’anatomie, son cours du lundi 3 février, un autre bouquin d’anatomie, des schémas, des crayons de couleur... Convaincant !
Je passais du bureau à ses yeux, elle attendait un encouragement, une petite phrase de consolation. Soudain muette, Lisa me regardait interrogative, prête à sangloter.
Je la pris dans mes bras, l’allongeai sur son lit (d’ex-fiancée), la déshabillai (ce fut vite fait), et me mis à la caresser doucement à travers les draps ramenés sur son joli corps. Lisa ferma les yeux et accepta ma main sur son ventre, ses seins, ses genoux, ses cuisses qui se séparèrent, étirant le drap de chaque côté. Je savais que son sexe était sous la tente, ouvert, et qu’il me suffisait d’un geste pour l’avoir.

Ce soir-là, nous finîmes la nuit devant des vidéo-clips chez mon copain Frédo, à Montreuil, son berger Allemand Spirou à nos pieds. Frédo est mon pote le plus ancien, nous nous sommes connus au collège sans jamais nous perdre de vue. Il suit à présent des études d’architecte, sa bonhommie est caricaturale, vaguement grassouillet, il rigole tout le temps, même si son humour, avouons-le, n’est pas toujours du plus fin. Lui et moi, c’est un peu Laurel et Hardy, mais Lisa apprécie sa compagnie et Frédo le lui rend bien.
Vétue de blanc, du noeud de ses cheveux aux ballerines, d’un jupon flou et d’un bustier qui moulait ses seins, elle était particulièrement sublime, ce soir-là, l’oeil vif et tendre, à rire de rien. Lisa est bon public, même les pires vannes de Frédo déclenchent chez elle des fous rires à n’en plus finir. Encouragé, lui biche et en rajoute, il devient de plus en plus nul, donc de plus en plus comique et je m’y mets aussi et nos gloussements rebondissent sur le crépi des murs qui entourent le jardinet de Frédo. Quand Spirou se joint à nous, en remuant sa queue de joie, ça vire à la cacophonie ici (pauvres voisins !)

Heureux de mon initiative, je me félicitais d’avoir trouvé le culot de la surprendre, de lui faire l’amour, de la sortir plus tard que l’aube. Ma poupée avait très nettement besoin de se détendre.... Moi aussi, du reste.
Lorsque nous rentrâmes rue des Saules, grisé par l’escapade et l’alcool de poire, je n’eus pas la patience d’attendre le troisième étage. Entre le premier et le second, je la troussai d’un geste et la pris en levrette, sans aucune difficulté tant elle le désirait, malgré l’inconfort du colimaçon de bois.
La cire et nos odeurs ensemble mélangées, la peur à tout instant d’être surpris, son jupon retroussé et le spectacle de ma pine qui entrait et sortait, vu de haut, entre ses fesses, l’ensemble me galvanisait. Trois jours sans elle et c’était trop. Trop de retard à rattraper, trop de désir à décontenir. Trois jours sans elle et je n’étais plus qu’un pauvre loco, pantelant, à vif, ma sève me remontait jusqu’à la gorge, je sentais chacun de mes poils se hérisser, brûler ma peau, un écorché j’étais, la labourer me faisait presque mal, de plus en plus mal, jusqu’à l’éclaboussure finale, le feu d’artifice, l’orgasme magnifique, le liquide chaud qui soudain giclait dans Lisa, la fulgurance, la délivrance.

Il nous fut difficile d’atteindre le lit, surtout, d’entrer la clef dans la serrure, mais nous y parvinmes, échevelés, trempés, rompus.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
je comprend tout a fais,je te remercie de nous avoir fais partager quelques écrits ,surtout frappe au porte,l'une d'entre elle finira bien par souvrir et ensuite on boira le champagne
bon courage et surtout ne baisse jamais les bras,merci

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Je donne la suite du Soleil Rose

Parce que j'ai du mal à respirer

De plus en plus de mal

C'est mort, c'est vain, j'suis écrivain
Sans oxygène.
J'étouffe


LA SUITE DU SOLEIL ROSE GRATIS :

Je décidai de lui faire lâcher ses bouquins l'espace de quelques jours. Mes arguments : «Oh, oh, pour le quinze août, tu peux bien t'arrêter un peu, non ? Ca te dit pas, de retourner chez le châtelain ? Marc nous y invite de nouveau... Allez, allez, le Périgord, ça ne se refuse pas !!! Souviens-toi, la piscine ensoleillée, les cocktails, la fiesta sous la lune, le foie gras, les croutons, nos fous rires !!! Et le luxe... Me dis pas que t'aimes pas en croquer, du luxe, les tentures dix-huitième, la salle de bain en marbre, le lit à baldaquin !!! Ca ne se refuse pas !»
Je sus la convaincre : Lisa finit par accepter, au détail près qu’elle ne me rejoindrai pas avant dimanche. Il fallait qu’elle s’avale encore quelques polys avant de s’accorder un break : «J'en profiterai mieux la conscience tranquille... », s'expliqua-t-elle. Marché conclu ! je l’attendrai là-bas et viendrai la cueillir à la gare.

Sur le quai, à 20 h 45, je récupérai une Lisa boudeuse. J’étais avec Marc, elle le salua à peine. Pour moi, un rapide baiser. Sitôt assise à l’arrière de la voiture, son bagage dans le coffre, elle s’exclama :
— c’est quoi «ça» ?
— ben c’est Spirou, tu ne le reconnais pas ?
— oui, j’ai bien vu... Mais que fiche-t-il là ?
— Frédo ne pouvait pas l’emmener à Tanger, alors il me l’a confié. On s’entend bien tous les deux, pas vrai Spirou ?
— Ouarf ! opina le chien.
En grimaçant, Lisa ramena ses jambes sous elle pour esquiver les puissants battements de queue (et les léchouilles, car Spirou la retrouvait avec plaisir, lui).
Tout en conduisant, je jettais de temps à autre un oeil sur elle grâce au rétroviseur. Ramassée contre la portière, elle regardait défiler le paysage, visage fermé et front buté.
J’étais fou de joie à l’idée de la revoir mais en même temps inquiet. Depuis deux jours que je me prélassais au bord de la piscine, à siroter du Get 27 avec la jet-society (les mêmes hommes que la première fois mais pour la plupart accompagnés d’une femme différente), je m’ennuyais ferme. Marc aussi et nous attendions son arrivée avec impatience. L’ambiance générale n’était pas terrible. Le soleil éclatait dans un ciel sans nuage mais j’avais la pénible sensation d’être légèrement de trop. Problème de place. J’avais été parqué dans un réduit sous les combles, sans rapport avec la chambre bleue à l’immense salle de bain carrelée de mon précédent séjour, et j’y cohabitais en bonne intelligence avec Spirou. Je ne savais pas comment Lisa le vivrait : cette brutale chute de classe, imprévue de moi, mon plan vacances s’avérait foireux. Si, de surcroît, elle n’aimait pas la compagnie des chiens !
Sans desserrer les dents, Lisa évitait soigneusement de croiser mes yeux. J’aurais peut-être dû l’installer à l’avant... Me prenait-elle pour un goujat ? Non, elle était au dessus de ce genre de considérations débiles...
Que s’était-il donc passé depuis vendredi matin, lorsque je l’avais laissée au lit, encore ivre de sommeil et pourtant si reconnaissante ?
Marc semblait déçu et moi, qui me refusais à entrer dans son jeu devant un tiers, je roulais, vite, en blaguant avec le-dit tiers, histoire de détendre l’atmosphère.
— Tu conduis trop vite ! J’ai peur !... daigna-t-elle enfin articuler.
Un rapide coup d’oeil au rétro et son rictus crispé m’énerva davantage que le ton sec de sa voix. J’appuyai sur le champignon, riant plus fort, serrant mes virages. Je la surveillais en douce : livide, cramponnée à son siège, Lisa ne releva pas le défi, préférant s’obstiner dans son silence.

Lorsqu’elle vit la mansarde à la maigre lucarne, elle ne fit aucun commentaire et s’affala sur le lit, toute essoufflée après l’escalade des hautes marches de pierre. Je voulus l’embrasser mais elle me repoussa :
— Pas maintenant, j’ai faim !
Nous descendîmes à la cuisine. Le dîner était fini depuis longtemps mais un buffet patientait à l’intention des invités retardataires attendus pour la nuit. Négligeant les amuses-bouches, Lisa se tartina d’énormes tranches de pain et but du vin, ne disant rien, mâchant seulement. Si petite derrière son coin de table qu’on la voyait à peine.
Les quelques autres fraîchement arrivés, rejoints par nous dans la cuisine, n’avaient pas insisté après le rapide bonsoir d’usage. Sur sa personne entière était écrit : «prière de ne pas déranger» et moi qui la connaissais bien ne m’y risquai pas non plus.
Cependant, une fois au lit, lumière éteinte, l’un contre l’autre à poil, je tentai une approche. Elle consentit, bien entendu. Enfin, elle répondit «oui» de la bouche, mais sous mes caresses, tout son corps s’enraidit : impénétrable par derrière et c’est son dos qu’elle m’offrait. Exaspérant : j’avais envie, pas elle.

— Il est indispensable, ce chien ? me lança-t-elle soudain
— Spirou ? ... Pourquoi ?... Il te gène ????
— ...
— Tu veux virer Spirou ? Et où veux-tu qu’il aille, le pauvre ? ... Frédo me l’a confié, je ne peux pas le laisser dormir dehors !

Lorsqu’elle prit mon vit dans sa bouche, comme pour s’excuser, ce fut sans conviction, douloureux même. Lisa s’appliqua un instant, studieuse, puis releva la tête et la secoua, dégageant son visage de ses mèches :
— Non, décidément, je ne peux pas.
Elle se décolla pour s’installer à distance. La mort dans l’âme, je me levai pour sortir de chien, mais sitôt la porte fermée, Spirou se mit à la gratter, le malheureux, de toutes ses pauvres forces, au risque de réveiller le château.
Je cédai. Après tout, Lisa exagérait : ce berger Allemand était très bien élevé, un peu encombrant, certes, mais lorsqu’il s’allongea sur son tapis, le museau enfoui sous la patte, il disparut dans le décor.

Lisa ne dormait pas. J’écoutais les silences de sa respiration. Etendue sur le dos, yeux grands ouverts, elle fixait le plafond.
Perturbé moi aussi, j’étais partagé : entre l’envie de lui en vouloir, pour la frustration immédiate qui parachevait ma déception, après ces longues heures à l’attendre...... Cette fille agacée, étrangère, imprévisible, que venait-elle faire dans ma vie, dans mes vacances et dans mon lit ? Je me savais de mauvaise foi. Bien sûr, je l’avais dans la peau, je la voulais, dans ma vie, mes vacances et mon lit !
Peut-être était-elle excusable, avait-elle une raison valable de me malmener ainsi... Mais elle restait obstinément silencieuse, ne s’expliquait pas, les yeux impertubablement rivés au plafond.
J’étais partagé, disais-je, entre l’envie de lui taper dessus et celle de comprendre d’abord. Je la pris dans mes bras. J’aurais souhaité qu’elle s’y love, voire éclate en sanglots. Je ne demandais que ça, la consoler, écouter ses misères, lécher ses larmes... Je me sentais prêt à la meilleure volonté du monde, à toutes les patiences, si au moins, elle acceptait de se confier.
Soudain, Lisa se dégagea et rompit le silence :
— j’ai recouché avec lui

Aie ! L’uppercut !!!! Eh merde !!! Tout, tout, tout, mais pas ça !!! Et pis lequel d’abord ? L’ex ou Skander ???
Je n’eus pas besoin de poser la question. Contre toute attente, le reste vint facilement. Le coup avait été donné, le pas franchi, l’abcès crevé, il ne lui suffisait plus qu’à désinfecter, panser la plaie, ou revenir en marche arrière, fermer la porte : «Mais non, je blague !!!»
— Ecoute, continua-t-elle... Je n’étais pas d’accord, crois-moi... Tu me crois, dis ??? Enfin... la première fois.

(Ah ! parce qu’il n’y a pas eu qu’une fois), pensai-je au bord de l’attaque d’apoplexie... Garde ton sang-froid Martin, calme-toi... Inspire, expire, résiste à cette envie géante de lui tordre le cou.
— Tu te souviens quand tu m’as déposée devant chez moi, rue des Saules, le premier jour ? ... Tu n’es pas monté... Eh bien, tu aurais dû...
(ça va être ma faute)
— ... parce qu’il était là, ce traître... Il ne partait que le lendemain, il m’attendait !
(Bon, un guet-apens... Peut-être pouvais-je passer l’éponge, pour CETTE FOIS du moins.)
— ... Et il m’a fait la comédie toute la nuit ! Bien sûr, très gentleman d’emblée, il m’a laissé le lit et s’est installé sur le canapé du salon. Mais dès la lumière éteinte, il s’est mis à m'appeler, à geindre... Tu vois ce que je veux dire... Un homme qui cherche par tous les moyens à parvenir à ses fins, t’as pas besoin de détails... Moi, j’ai bien résisté une heure ou deux mais quand il a doublé la dose, quand il est venu carrément s’allonger contre moi...
Je l’interrompis, la suite m’aurait été insoutenable :
— Bon, cette fois OK. Mais tu l’as jeté le lendemain, j’espère ?... Tu pouvais oublier, tirer un trait, ne pas même m’en parler...
— Je ne t’en ai pas parlé. Ca n’avait aucune importance... Je ne pensais qu’à toi, je n’avais pas l’impression de te tromper : il me violait, un point c’est tout !
— Et alors ?
— Alors il a quitté les lieux le lendemain, comme prévu sur son planning. Je t’avouerai que son départ m’a soulagée.
— OK, OK, tu vas me faire pleurer. La suite ?
Je ne parlais plus, j’ordonnais. Mâchoires serrées, je n’étais plus capable de comprendre, j’attendais. Des mots qui allaient suivre, je savais que dépendrait notre futur.
Les lèvres de Lisa tremblaient, ses mains aussi. Elle s’était redressée pour me raconter son aveu, le drap remonté sur son corps nu qui frissonnait. Je croyais voir perler des microlarmes au coin de ses yeux mais qui ne m’émouvaient pas. J’avais presqu’aussi honte qu’elle mais pour une toute autre raison : je me sentais soudain capable du pire, plus que de la tuer, l’envie de lui faire mal m’oppressait. D’arracher son drap, de lui cracher dessus, de la griffer, de la mordre, de la couvrir de coups, de la trucider, de la massacrer, de la lapider, de lui décalquer sa jolie tronche. Une espèce de spirale infernale, un tourbillon qui m’emportait vers la démence.
— Et alors ? relançai-je, bandé comme un arc.
— Et alors... je me suis plongée dans mes polys, comme tu sais...
(Oui, ça, je savais : elle n’avait accepté de me voir que trois fois en dix jours.)
— Et puis ?...
Je n’en pouvais plus. Au FAIT, qu’elle en vienne au FAIT ! Qu’elle la finisse, son histoire !!! Je ne souffrais pas encore assez, je pressentais le coup mortel qui allait m’achever.
— Et puis il est revenu le week-end dernier...
(donc hier, si j’ai correctement suivi).
— Il avait écourté son séjour, sauté dans un avion, comme ça, d’un coup de tête, sans même prévenir ses hôtes !... Parce qu’elles étaient trop dures, ces vacances en famille, tandis que je m’éloignais pour de bon... Parce qu’il ne pouvait pas attendre sous le soleil que le destin nous sépare, sans tenter de jouer sa dernière carte. Il fallait qu’il revienne, qu’il me prouve que tout était encore possible. Il souffrait trop sans moi, il ne pouvait vivre sans moi. Il allait changer, m’aimer comme il fallait, comme je le lui demandais depuis cinq ans... Il était prêt, mûr, assagi, il voulait enfin qu’on construise, qu’on reprenne la vie commune.
— Et toi ?
— ...
— ET TOI ?
— Moi ?... Je crois qu’on a encore une chance.

Voilà. Message reçu.
Bizarrement, je me senti soulagé... Après tout, présentée comme cela, la vie semblait si simple, aussi triviale qu’un problème de robinetterie sur une copie de CM1 : «un homme et une femme s’aiment mais se déchirent. Lassée, la femme s’en va, et rencontre un autre homme. Le numéro un, d’abord confiant, s’inquiète tout-à-coup de cette nouvelle romance. Et réapparaît, humblement. Quel est le poids du numéro deux, dans la balance de cette femme ?»
Cinq ans contre deux mois, le calcul était vite fait.
J’étais presque prêt à lui donner raison, ma haine volatilisée.
Je ne répondis rien. Lisa ne renchérit pas.
Le sommeil vint nous surprendre alors que pour la première nuit, je ne la serrais pas dans mes bras.

Je me réveillai avec une question : si tout était si évident, si Lisa repartait sur de nouvelles bases avec l’homme de sa vie, s’il était prêt à la reprendre, malgré moi, à cause de moi, ou grâce moi, si elle y croyait de nouveau, pourquoi m’avoir rejoint ici ????

A peine levée, Lisa avait replié bagages, téléphoné à la gare pour s’enquérir de l’horaire du dernier train, remercié nos hôtes. Je ne tentais même pas de la retenir. La version officielle, aux yeux de sa conscience et pour rester honnête vis-à-vis de lui et de moi, c’était venir proprement me dire les choses en face. La mission accomplie, elle pouvait s’en retourner.
Journée faisant, je réfléchissais en fléchissant mes positions. Du réveil glacial que je lui avais réservé jusqu’à la laisser choir à midi pour déjeuner en ville avec Marc, je commençais par ne rien lui épargner : elle m’avait salement cocufié, elle se barrait, bon vent !
Sous le zénith, j’étais encore terriblement monté contre elle.
Puis, peu à peu, tandis que le soleil déclinait, la question se clarifia jusqu’à devenir l’évidence : la jalousie n’était pas de mise, fallait la jouer plus fine.
Je refusais de souffrir, cette fille était à moi et l’autre schnock avait fait son temps, non mais sans blague ! Je n’allais pas m’avouer vaincu devant un locdu qui espérait me la voler en deux coups de queue, quelques gérémiades et une floppée de promesses, certainement vaines... Je connais les mecs, et pour cause.
Pour récupérer ma Lisa, fallait seulement que je la joue fine, que je me fasse plus roublardos que lui. Deux mois contre cinq ans !!! Pfuitt..... Balivernes ! Entre le vieux marathonien et le bel outsider, le temps ne comptait plus. Cette adorable gueuze me filait entre les doigts, venait de jouir dans les bras d’un autre, prenait le dernier train pour courrir s’y frotter de nouveau, cette fille trop bonne à croquer, à nourrir, à respirer, à bercer, partait cette nuit rejoindre mon rival, si dangereux du passé partagé.

Je n’avais que mon charme pour le contrer. Le charme de la nouveauté.
Je décidai de rentrer à paris, le soir-même, avec elle.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Quand j'étais petite,

ma mère m'engueulait tout le temps parce que je parlais trop.

C'est de là que sont venues mes insomnies.

La honte d'avoir raconté, encore et encore.

Je racontais, on m'écoutait, à la récré, y'avait dix-huit gamines qui m'entouraient.

Oui, ça se passait comme ça, sous l'arbre, elles s'asseyaient pour m'écouter.

Moi je bichais, j'inventais rien, je racontais.

Mon auditoir était tout ouie mais ma mère le soir me sermonait.

Saleté de putain de merde de mère !

J'avais un don et elle a tout fait pour me le bousiller !

Honte aux saletés de mères qui refusent que leurs filles les dépassent.

Y'a pas eu que ça... Je charmais mon père.

Honte à toi, Leïla !

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
J'suis trop malade pour m'en sortir

Mon espérance de vie est minimale

Mais je vous embrasse tous.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Laissez vos enfants s'accomplir

J'aurai fait que ça de bien !

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Complètement débile ce que j'ai écrit hier

Ya ! pas de soucy !

Si, oui, j'ai une maladie mortelle, mais bon.

Bien soignée.......Si j'accepte de me soigner

Je ne vais plus venir vous parler de cette chienlit.

(Car c'est une maladie honteuse).

Kiss à vous

(ce n'est pas le sida mais proche, ce n'est pas contagieux).

Donc je ne vais plus vous emmerder avec ça car il se passe que, là

depuis quelques jours

Je prends un traitement et que ça va mieux, j'abuse moins.

Avec évidemment, les hauts, les bas.

Mais si ça se trouve, je suis pas si finie que ça.

Cette maladie, c'est l'alcool.

Et faut ABSOLUMENT QUE JE M'EN TIRE !!!

Kiss à vous

J'étais désespérée après le départ de Mat et j'ai rien trouvé de mieux

Mais normalement, je devrais m'en sortir car ça fait pas longtemps

(mars 2005)

L'alcool c'est tellement doux, on oublie tout...
On s'endort sans chercher le sommeil.

mais c'est quand même très moche et grâce à certaines personnes du forum, là, normalement, je devrais m'en sortir.

Oui, il fait beau, très beau à Paris.

Mes enfants se portent bien même s'ils souffrent pour moi.

Je devrais pouvoir m'en sortir depuis que j'ai abandonné médecine et que maintenant, j'écris mes textes.

Bises à vous tous

Kti qui vous aime, pas fière.


pale pale pale pale pale pale pale pale pale

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
kti c'est une belle saloperie!!! (j'ai étée une enfant a la rue a cause de ca)
mais si tu veux t'en sortir , tu y arriveras... et fais toi aidée ma belle!!!car c'est certe difficile pour toi, mes tout tes proches vont en souffrir aussi....

trouve la motivation et de l'aide... laisse les autres t'aider!! t'es pas seule...
christelle

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Oui, ma chounette, j'suis tombée dedans par désespoir (le départ de Mat, la maladie de mon père...)
Oui, oui, c'est très facile à se procurer, l'alcool !

Mais là, maintenant, en juin 2006, je cherche à arrêter car je n'ai plus de VRAIS soucis. Mat revient assez souvent, surtout, il est heureux, pas de bile à me faire, il passe en seconde année de droit. Il est de plus en plus beau, il n'est plus complexé ni agressif.
Et mon père est quasi tiré d'affaire. Il n'a plus de sonde urinaire depuis le 24 avril, ses urines sont stériles.

Lol!

Moi, en revanche, je vois un psy qui m'a fait l'ordonnance d'un produit super hard.

Je dois en principe en prendre deux, mais les anxyolitiques, j'veux pas. Ca m'endort trop, alors je prends juste le truc qui bloque les récepteurs machin, pour pas avoir de pulsions («Revia», hors de prix, pas remboursé)

Ca file la gerbe à mort, et ça constipe !

Putain, comme c'est galère. Moi je pensais que l'alcool, c'était juste comme ça, pouf pouf, le temps de passer l'épreuve, à ce moment difficile de ma putain de vie ! mais pas du tout.

L'alcool t'appelle !!!

Horrible hier, je voulais être supra clean pour recevoir mon fils mais j'avais des sursauts, les mains qui tremblaient !

Ah ! sur ce coup-là, je me suis bien fait baiser !!!

Mais bon, ça y est, j'ai pigé : saloperie de saleté !

Je vais me prendre les médocs, le psy, il est odieux mais bon.
Ah je m'attendais pas à ça ! La dépendance vient drôlement vite, je trouve.

L'ironie, c'est qu'eux s'en tirent bien (mon fils, mon père) et je me suis tellement investie que c'est moi, maintenant, qu'il faut soigner !

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Ben tiens que je vais me faire bouffer par cette saloperie de truc bizarre (je découvre)!

Mais mon psy... Il est dur.

Il veut m'implanter un machin sous la peau

Et le pire c'est que si j'accepte, le moindre baba au rhum m'envoie dans le coma !

Ouais, tel est son projet, m'implanter un patch hyperdosé.

Non, là, j'ai dit non.

Je vais essayer de m'en tirer avec son révia, et....

je ne sais !

Car je suis triste, oui, triste

Comment séduire ? Il me faudrait un amoureux... Mais comment le séduire dans cet état ?

Un coup le manque, les mains qui tremblent, et un coup la constip ?

Ah elle est jolie la Kti !

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Kti,

Tu sait sent t'en rendre compte tu fais deja un pas en Avant

Ben oui, une personne qui commence à siroter et chaine s'en suit!!!, ne l'avoue pas qu'ils on un penchant pour l'alcool
Ils restent dans leur coin à essayé d'oublier ce qu'ils font sur terre

Mais, là Kti.... Tu te réveille et c'est un bon signe
Alors Ma belle.... Ne lache pas le morceau

Prends tes médoc que le médecin t'as prescrit et regarde tes enfants
Les enfants c'est ce que une mére à fait de mieux
Fait le pour eux et pour toi: Vit!!!! mais ne te déteriore pas boum boum

carlla

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Invité val
Je t'aime beaucoup Kti. Ne baisse pas les bras, je t'en prie. Sad

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Vous êtes mignonnes, mes p'tites poulettes...

J'avoue que j'étais terrifiée à l'idée de vous faire cet aveu... Et vous ne me blâmez pas et ça me fait chaud partout.

Là, je galère depuis une semaine. Quand je prends le médoc, ça va (sauf la gerbe, vraiment pénible), en fait, je ne me suis pas bourrée depuis pas mal de temps. Depuis que j'écris mes textes. Donc ça doit faire un mois et demi. Avant même d'aller consulter, j'avais réduit toute seule.

Je voulais tenir le temps de mon chagrin, m'anesthésier, car comme le dit Renaud, quand le chagrin devient insurmontable, hors du raisonnable, de l'admissible, on ne peut plus vivre lucide. Se réveiller le matin est impossible, la journée à tenir est impossible, les heures de souffrance morale sont impossibles.
L'alcool m'a bien aidée, ce temps, à tenir (à vivre).

Mais là, je suis piégée car je n'ai plus besoin d'alcool. Ca y est, j'ai retrouvé plein d'autres repères. Je ne crains plus pour mon papa, Mathieu ne me manque plus. Il n'est plus omniprésent dans ma tête.
J'suis même vachement heureuse, en fait !

D'écrire tout mon saoul (hi hi), sans autre réelle contrainte, me procure une satisfaction profonde. J'suis là où je dois être, devant l'ordi, à jouer avec mes personnages. J'suis en accord avec moi-même, pour la première fois de ma vie, peut-être...

J'ai mes copines sur le forum, j'suis pas paumée, j'suis un écrivain entourée (merci pour vos encouragements, ils sont inespérés) , j'ai un mécène : les Assedic (hi hi). Donc tout va bien. Mais le sevrage est douloureux et je ne m'y attendais pas.

Je ne m'attendais pas à ça !

PS à Carlla : ma chounette, tu me dis de regarder mes enfants... Mais depuis le départ de Mat, regarder ma Marie m'était devenu suppliciel !
Vu qu'elle va se barrer aussi, ma p'tite poupée, je la vois bien grandir.
Non, fallait que je trouve un sens à ma vie, EN DEHORS D'EUX. Je l'ai trouvé.

Reste plus qu'à se débarrasser de la dépendance physique, qui m'impressionne, j'avoue. En plus, ça file le cafard, d'arrêter de boire !
Donc ça veut dire la gerbe, la constip, les mains qui tremblent et de profonds coups de cafard dingues (sans raison, juste le spleen du manque)!

Quel pied ! (hi hi)

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
En même temps, je pige plein de choses, et notamment que la vie est faite d'étapes.

La vie d'une femme, parlons-en...

Nancy Huston, l'un de mes écrivains préférés, disait lors d'une interview : «L'étape des 50 ans est franchement cruelle pour une femme : les enfants partent les uns après les autres, les parents tombent malades et elles sont en devoir de s'en occuper, les amants se raréfient, c'est la préménopause et le déclin de la beauté»

Faut assumer tout ça.
Moi, je ne m'inquiète pas question coeur. Vu que je plais encore (deux belles histoires d'amour en panne depuis octobre). En panne car je ne veux ni de N, ni de A, mais parce que je ne vois pas mon salut dans une histoire d'amour.
N est une femme
A est trop jeune pour moi
Et de toutes façons, l'amour, j'en ai soupé.

Non, non, les belles promesses et les belles phrases d'amour, à choisir, l'alcool est moins menteur, moins traitre (quoique...).

Ce qu'il me fallait, c'était une réalisation perso.
Comment dire ?

Me réaliser ENFIN personnellement. Seule, donc.

Oui, lorsque le premier enfant quitte le foyer d'une femme qui a vécu vingt ans dans l'unique idée de..... d'en faire un adulte.... Qui ne s'est intéressée qu'à ça

Parce qu'on a beau dire : les enfants partent ! oui, ils s'en vont et c'est normal, mais, si on y pensait vraiment, on ne les élèverait pas.
Vachement ingrat comme job, tout de même !

Alors voilà, moi j'ai cuvé ma peine (c'est le cas de le dire). J'ai pas envie de draguer ou de me trouver un Jules. Je voudrais publier.

LOL!

Et pouvoir dire, comme Mary Higgins Clarke, qui est passé chez Ardisson la semaine dernière et qui vient de sortir son 27 ème roman à 70 ans :
— Quand une porte se ferme, il ne faut pas rester pleurer devant. Y'en a toujours une autre d'ouverte.

Je tiens le bon bout les filles !
Et que mon expérience puisse vous aider, vous aussi, à couper ce foutu cordon !

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Ah, ce passage !!! Ah, je vous l'envoie à tous car il me plaît trop !

Nous sommes ici à dix pages de la fin de la première partie du «Soleil Rose» (Le récit de Martin).

Après, j'embraye sur la seconde (le récit de Lisa, puisqu'elle s'appelle Lisa, mon héroïne, un choix définitif).

J'aime ce passage car nous en rêvons toutes. Je me suis vraiment déléctée à l'écrire.

POUR TOUTES LES FILLES DU FORUM :

C’est moi qui vins la chercher. Ses bagages prêts, elle m’attendait tout sourire, en bleu ciel, supercraquante de vie et de bonheur. Direction ma voiture, elle sautillait sur les pavés, dansait, une vraie gamine, de dos, on lui aurait donné douze ans. Elle allait installer ses plantes sur le balcon, au soleil. Au fait, quel balcon ? Le sien ou le mien ?
Elle était enfin libérée, libre. Libérée de ses démons, de son passé. Libre et amoureuse de moi.
Et moi, j’étais amoureux d’elle. Je ne me lasse pas de l’écrire, amoureux, amoureux, amoureux fou ! Lisa était enfin à moi, j’en étais sûr.

Mon frère ne se décidait pas à quitter l’Angleterre et je compris vite que ma poupée ne tenait pas à retourner chez elle. Lorsque nous y passâmes, tard la nuit après une virée de folie dans les boîtes, pour y prendre le reste de ses affaires, elle ne voulut même pas y dormir. Nous nous installâmes donc chez moi. Elle bondit de joie lorsqu’elle franchit le seuil de ma porte, reconnut mon canapé, l’écran plasma, le grand miroir aux spots incrustés, et otâ ses ballerines pour caresser la moquette de ses pieds.
Elle couru d’un bout à l’autre de l’appartement, ouvrant toutes les portes, allumant toutes les lumières, visitant tous les coins. J’entendais de grands «Youpi» de-ci, de-là, preuves qu’elle n’omettait aucune pièce et que ce qu’elle y voyait la ravissait. Elle remarqua qu’il n’y avait pas d’autre photo de femme à côté de la sienne sur le pêle-mêle. Elle s’étonna que celle-ci y fut encore : «Youpi !»
Il est vrai que je ne l’avais pas remplacée, qu’en chaque endroit, j’avais précieusement conservé la moindre marque de son passage : le mémo de la cuisine, sur lequel était encore écrit, de sa main : «Pense au pain ! Kiss», les décalcomanies sur le frigo, les deux réveils sur la table de nuit, le bouquet de fleurs séchées mélangées de ses doigts, jusqu’à sa brosse à dent, relique inestimable qui trônait à côté de la mienne.
Epatée, qu’elle était, ma Lisa !
Malgré l’ivresse et la fatigue que je sentais me tomber dessus, elle sut me tenir éveillé jusqu’au matin. Faire l’amour encore et encore, dans mon grand lit, puis sur la peau de panthère au sol, puis sur le canapé trois places, puis sur la table de la cuisine, puis dans la baignoire... Je la laissais délicieusement me dévergonder, me prêtant volontiers aux jeux dont elle seule connaissait la règle, aux caresses dont elle seule savait le secrêt.

Après trois heures de dodo, encastrés l’un dans l’autre, nous étions curieusement en pleine forme. Moi, je fomentais ma p’tite idée, réservai pour midi deux couverts dans un grand restaurant, Taillevent, trois toques au Michelin. Il lui fallait une jolie robe.




Lisa me regardait du soleil plein les yeux. Elle adorait son nouveau sac, assorti à sa robe. La carte lui rappelait madame Lamartine, la cuisinière du château périgourdin. Elle s’en pourléchait les babines, elle roucoulait, elle avait faim, et soif, de moi, et du menu. Jamais je ne l’avais vue si belle.

Notre plat de résistance savouré (une côte de boeuf sublime aux légumes de saison), je me lançai :

— Lisa, accepterais-tu de devenir ma femme ?
Une simple phrase prononcée calmement, qui profitait d’un blanc dans la conversation. Lisa parlait de sa cinquième année qu’elle allait redoubler et de l’internat que finalement, elle n’allait pas passer. Sur un ton fataliste teinté d’une pointe de regret. Elle s'était tu, les yeux baissés à récolter quelques petits pois qui baguenaudaient encore dans son assiette.
Elle lâcha sa fourchette, releva la tête, et me fixa du regard, intensément :
— Pardon ?
Je répétai :
— Lisa, accepterais-tu de devenir ma femme ?
— Martin, c’est du délire !!!
Confuse et les joues rouges, elle décolla son cul de sa chaise style Louis quinze pour s'approcher de moi :
— Si j’accepterais ???... Mais à donf que j’accepterais ! Et elle hurla : «Youpi !».

Dans mon resto trois toques, les gens sélects s’arrêtèrent soudain de mastiquer, étonnés, leurs regards convergèrent sur nous. Mais quand Lisa se jetta dans mes bras, «OUI, OUI, OUI !!! Je dis OUI !!!», ils se levèrent pour applaudir.

Une standing ovation juste pour elle et moi.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

×
×
  • Créer...