Mio 0 Posté(e) le 10 décembre 2012 Hamster d'Alsace : des communes du Bas-Rhin refusent d'être transformées en "réserves"Le débat autour de la protection du hamster d'Alsace prend une tournure politique. Une cinquantaine de communes du Bas-Rhin ont annoncé, vendredi 30 novembre, avoir déposé un recours "pour excès de pouvoir" devant le Conseil d'Etat. Le motif : un arrêté gouvernemental qui étend les périmètres de protection de ce rongeur "de façon disproportionnée" et "sans aucune concertation avec les élus locaux".L'association Alsace Nature, fédération régionale de France Nature Environnement (FNE), qui doit tenir, mardi 11 décembre, à Strasbourg, avec six autres associations alsaciennes liées à l'environnement, une conférence de presse sur le devenir de l'espèce, conteste, quant à elle, "le manque d'ambition" du programme de l'Etat.Naguère chassé comme nuisible, Cricetus cricetus aurait pu disparaître sans bruit de la région – la seule en France où il ait jamais pu se développer – s'il n'était devenu le symbole de la lutte contre l'urbanisation et la monoculture de maïs, qui recouvre aujourd'hui plus de 80 % de la plaine d'Alsace. Et, surtout, s'il n'avait fait l'objet d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Le 9 juin 2011, celle-ci estimait que la France n'avait pas pris de mesures suffisantes pour protéger le rongeur, et lui demandait d'y remédier "dans les meilleurs délais".En cause : les 480 terriers comptés dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin en 2010, répartis sur 25 communes. Loin en deçà du seuil minimal de population viable, estimé à 1 500 terriers sur une zone de sols favorables de 600 hectares d'un seul tenant.RAYON DE PROTECTION DE 600 MÈTRESMenacé un peu partout en Europe, le hamster commun a fait depuis dix ans l'objet de plusieurs opérations de sauvetage sur ses terres alsaciennes. Doté d'un budget de 1,5 million d'euros, le plan d'action pour la période 2007-2011 se limitait à trois zones d'action prioritaire. Soit au total 3 200 hectares à vocation purement agricole, sur lesquels ont été appliqués le lâcher annuel de hamsters élevés en captivité, et la signature de contrats avec des exploitants agricoles pour les encourager à diversifier leurs cultures. Un cautère sur une jambe de bois : on ne comptait plus que 460 terriers en 2011, et 309 en 2012.Pour tenter de se conformer aux exigences européennes, les ministères de l'écologie et de l'agriculture, par un arrêté du 6 août, ont étendu les zones de protection du rongeur à toutes les surfaces "situées dans un rayon de 600 mètres autour d'un terrier connu au cours des deux dernières années". Le 31 octobre, un nouvel arrêté précisait le territoire sur lequel étaient désormais interdites "la destruction, l'altération ou la dégradation" de ces sols favorables à l'espèce.Publiés plus d'un an après la sanction de la Cour européenne de justice, ces arrêtés, qui concernent au total plus de 9 000 hectares, ont-ils été élaborés trop tard ? Trop vite ? Ils ont en tout cas déclenché l'ire des élus locaux, pour qui ce dispositif a été conçu "au plus grand mépris des attentes légitimes des collectivités, dont l'adhésion est fondamentale pour la préservation de l'espèce".Les constructions ne sont pas interdites dans ces zones protégées. Mais elles doivent faire l'objet d'une demande de dérogation et de mesures compensatoires : les promoteurs d'un projet d'aménagement doivent trouver – et payer – des agriculteurs prêts à cultiver du blé ou de la luzerne, afin de reconstituer un habitat propice au hamster. Et ce, quelles que soient la superficie et la teneur du projet."DES COMMUNES OÙ TOUT DÉVELOPPEMENT DEVIENT IMPOSSIBLE""Concrètement, cela signifie que si vous voulez construire une maison, il vous faut, en plus des autorisations habituelles, consulter le Conseil national de protection de la nature, démarcher des agriculteurs et les dédommager pendant au moins vingt ans... Et tout ça parce qu'on a découvert un terrier de hamster à moins de 600 mètres de chez vous !", tempête Baptiste Kugler, directeur du Schéma de cohérence territoriale du piémont des Vosges, qui concerne 35 communes du Bas-Rhin."Depuis 2006, nous avions nous-mêmes défini 1 500 hectares où le hamster est protégé, dans des zones naturelles non urbanisées. Mais les mesures touchent maintenant des communes entières, où tout développement devient impossible", se désole Audrey Schimberlé, directrice de la communauté de communes d'Obernai (Bas-Rhin)."On fait reposer sur quelques dizaines de communes la totalité des efforts de conservation... Ce n'est pas sérieux. Il aurait fallu depuis le début définir une zone plus large, et prévoir une gradation des compensations", estime également Stéphane Giraud, directeur de l'association Alsace Nature.Constatant que le plan national d'actions 2013-2016 conduit "à s'acheminer indirectement vers une création de "réserves" à hamsters", les associations environnementales devraient réaffirmer, le 11 décembre, que la politique proposée par l'Etat est insuffisante pour assurer la survie de l'espèce à long terme.Elles soulignent par ailleurs que "l'abandon du projet particulièrement destructeur des milieux et non compensable qu'est le grand contournement autoroutier de Strasbourg" – projet qui, lui aussi, déchire les élus et l'opinion – constitue a contrario "un symbole fort" de la volonté de l'Etat de prendre en compte la biodiversité.Catherine VincentLE MONDE | 10.12.2012 à 11h39 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites