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Regis16

[dindon-dindonneaux] L'HISTOMONOSE appellée crise du rouge

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INTRODUCTION

L’'histomonose est une maladie parasitaire, infectieuse propre aux oiseaux galliformes. Il s'agit d'une typhlohépatite affectant particulièrement la dinde qui se manifeste cliniquement par un syndrome aigu avec émission d'une diarrhée jaune soufre et souvent mortalité. Parfois, on peut observer une cyanose des appendices charnus de la tête d’où son nom de « Maladie de la tête noire » (Blackhead disease). Elle est caractérisée par des lésions caséo-nécrotiques des caecums et du foie. Elle est également connue sous la dénomination de « Maladie de la crise du rouge » qui évoque l'âge auquel les animaux sont particulièrement sensibles. L'agent responsable est un protozoaire flagellé, Histomonas melagridis, caractérisé par un polymorphisme et par un cycle très particulier.
Les espèces de galliformes concernés sont surtout la dinde et le poulet mais aussi la pintade, le faisan, la perdrix, la caille et le paon.

1. PLUS D'UN SIECLE D’HISTOIRE

L'histomonose de la dinde a été décrite dès 1895 (Smith, 1895) dans un article intitulé « An infectious disease among turkeys caused by protozoa (infectious enterohepatitis) » qui décrit l'agent pathogène Amoeba meleagridis dans les lésions hépatiques. Cette affection grave a sévi dans les élevages de dindes jusqu'au développement de molécules chimiques actives contre les flagellés et leur utilisation systématique en élevage de dindes. Beaucoup de connaissances actuelles sur ce parasite ont été publiées entre 1919 et 1932 par Tyzzer, à savoir la nature zoologique de ce parasite, le rôle du poulet dans son cycle épidémiologique et la
transmission du parasite par les oeufs d"hétérakis.
Depuis les années 80, très peu de travaux avaient été publiés sur cette pathologie avec seulement 11 articles de recherches publiés entre 1980 et 1999 (source PubMed).
Cette typhlo-hépatite s"était faite quelque peu oublier car les dindes recevaient en prévention une supplémentation systématique en Dimétridazole ou Nifursol (Callait et al., 2002), mais depuis le 31 mars 2003, date de retrait du Nifursol, il n"existe plus aucune molécule disponible dans la Communauté Européenne. Une telle décision a de graves conséquences et l’histomonose est devenue une pathologie très préoccupante pour toute la filière.
Les données épidémiologiques concernant les cas d’histomonose clinique, récoltées par le CIDEF (Comité Interprofessionnel de la Dinde Française)
entre mai et décembre 2004 montrent bien la prévalence importante des cas d’histomonose chez la dinde. Durant cette période, le CIDEF a enregistré plus de 50 cas déclarés (lots atteints) avec des taux de mortalité au sein des lots variant de 0 à près de 80%. Moins de 10% de mortalité ont été observés dans plus de la moitié des lots, alors que
20% des lots ont eu une mortalité de plus de 40%.

2. LE PARASITE

Histomonas meleagridis est un protozoaire flagellé caractérisé par son polymorphisme. Deux formes existent chez l’hôte définitif : une forme
dépourvue de flagelle observée dans les tissus et une forme flagellée dans la lumière des caecums (Figure 2). La forme tissulaire est ronde ou ovale avec un diamètre compris entre 6 et 16 µm, sans flagelle émettent des pseudopodes courts et émoussés. Le noyau (environ 3 µm) est généralement la seule structure interne qui peut être observée sans
coloration. La forme flagellée est voisine de la précédente mais elle possède un flagelle et des vacuoles digestives.


Figure 2 - A. Formes flagellés et amiboïdes en culture ; B. Formes flagellés en culture marquées par immunofluorescence (flagelle, axostyle et pelta
en vert et ADN nucléaire en bleu).

Le cycle évolutif (Figure 3) est lié à celui d'’un nématode Heterakis gallinarum, parasite lui aussi des caecums de volailles (Bussiéras et Chermette, 1992). La transmission du parasite d’un hôte à l’autre
s'’effectue par l’intermédiaire des oeufs du nématode très résistants dans le milieu extérieur. Les oeufs larvés ingérés libèrent le protozoaire dans la cavité caecale, où ils se multiplient par bipartition simple. Ce dernier envahit ensuite la paroi et gagne le foie par voie sanguine. Dans les caecums, il cohabite avec les adultes d’Heterakis chez qui il peut pénétrer par la bouche, gagner les oeufs chez les femelles et se retrouver dans les oeufs puis les larves infestantes présentes dans les oeufs. Les oeufs d’Heterakis assurent non seulement une longue survie du parasite dans le milieu extérieur mais aussi une protection dans les premières voies digestives. Les oeufs embryonnés d’Heterakis peuvent être ingérés par des
vers de terre, hôtes paraténiques, qui accumulent et véhiculent les larves porteuses d’Histomonas. Les formes trophozoïques rejetées dans les fientes ne peuvent survivre que quelques heures dans le milieu extérieur, mais la possibilité d’une transmission latérale directe par coprophagie ou par « cloacal droping » est admise par certains auteurs (McDougald 1997b, Hu et al. 2004).


Figure 3 - Cycle d’Histomonas meleagridis.

3. LA MALADIE

3.1. Les espèces affectées.


De nombreux galliformes peuvent héberger le parasite. La dinde et la perdrix sont très sensibles, alors que le poulet, la pintade, le faisan, la caille et le paon développent en général une pathologie beaucoup moins marquée (Savey et Chermette 1981 ; McDougald 1997a). Les formes les plus graves chez la dinde s’expriment lors de la « crise du rouge » dès
la fin du premier mois mais surtout de 8 à 18 semaines
(Nicholas, 1972). Il existe des variations de sensibilité en fonction des races, ainsi les poulets Rhodes Island apparaissent plus résistants que les White Leghorn et les New Hampshire (Lund 1967).

Les poulets et les dindes adultes sont réceptifs mais peu sensibles à l’histomonose clinique mais excrètent de nombreux oeufs d’Heterakis,
nématode vecteur du protozoaire (Savey et Chermette 1981 ; McDougald et Reid, 1978). Les oiseaux porteurs sains (volailles peu sensibles, dindes âgées, oiseaux sauvages) constituent des réservoirs qui excrètent également des oeufs d’hétérakis très résistants dans la nature. Le rôle du nématode comme vecteur est très important du fait qu’il parasite les mêmes hôtes et qu’il protège Histomonas dans le milieu extérieur. Les vers de terre jouent aussi un rôle épidémiologique important en disséminant et concentrant les parasites. Des arthropodes tels des mouches et des crickets ont été décrits comme vecteurs mécaniques de l’histomonose (McDougald 1997a).


3.2. Symptômes cliniques.

La majorité des protozoaires est probablement libérée entre le premier et le cinquième jour après l’ingestion des oeufs d’Heterakis. Une phase de multiplication, d’au moins 6 jours, a lieu avant que n’apparaissent les premiers symptômes (Lund, 1972). La période d’incubation, de 7 à 10 jours, est la même quelque soit la modalité d’infestation, oeufs d’Heterakis ou vers de terre contaminés (McDougald, 1997a).
Un des premiers signes caractéristiques de l’histomonose est la diarrhée jaune souffre (Figure 4), résultat de l’inflammation caséeuse des caecums, qui apparaît ves le 9ème ou 10ème jour. Les autres signes cliniques sont les plumes tachées de fientes, l’anorexie, la somnolence, la démarche anormale, la tête basse ou cachée sous une aile. On peut parfois observer une coloration plus sombre de la tête (à l’origine d’une des synonymies de la maladie) (Bondurant et Wakenell, 1994). A partir du 12ème jour, les dindes deviennent très « amaigries ».


Figure 4 - Diarrhée jaune souffre.

L’évolution peut alors être fatale, avec une mortalité importante vers le 14ème jour, parfois dès le 11 ou 12ème jour, atteignant un pic vers le 17ème jour et persistant jusqu’à la fin de la quatrième semaine et pouvant être aggravée du fait d’affections secondaires et notamment respiratoires (Lund, 1972). Un certain nombre de dindes malades peut survivre mais elles présenteront un retard de croissance par rapport aux dindes non atteintes cliniquement.

3.3. Lésions.

Les lésions sont en général très précoces, précédant les premiers symptômes. Elles intéressent les caecums et le foie (Figure 5).
Les lésions caecales affectent un ou deux caecums; elles peuvent intéresser la totalité de l’organe ou être localisée, notamment à l’extrémité borgne (Lesbouyries , 1941). Après invasion des tissus par les parasites, les parois caecales sont épaissies et congestionnées. La muqueuse sécrète un abondant exsudat pouvant distendre l’organe et dans lequel les Histomonas peuvent être isolés (Lund, 1972 ; McDougald et Reid 1978). Les caecums se présentent ensuite comme de gros boudins irréguliers fermes à la palpation, à surface bosselée et à paroi épaissie. A l'’ouverture, on observe des lésions ulcératives et caséonécrotiques ainsi qu’un gros bouchon de couleur jaune, résultat de la déshydratation de l’exsudat et dans lequel les flagellés sont difficiles à mettre en évidence (Lesbouyries 1941, McDougald et Reid, 1978). Le processus ulcératif peut aboutir à la perforation de la paroi caecale provoquant ainsi une péritonite généralisée (Bondurant et Wakenell, 1994).
Lors du passage à la chronicité, il est possible d’observer des adhérences entre un caecum et les anses intestinales voisines ou même avec la paroi abdominale (Lesbouyries, 1941).
Les lésions hépatiques apparaissent en général chez la dinde vers le 9ème ou le 10ème jour, mais peuvent être totalement absente (Lund, 1972). Elles sont variables et fonction de l’épisode clinique et de l’âge de la dinde. Les lésions décrites classiquement sont des foyers nécrotiques sous forme de tâches en cocarde, avec des bords surélevés et un centre en dépression. Leur nombre est variable et leur taille est de quelques millimètres à plusieurs centimètres de diamètre, donnant au foie un aspect tacheté très caractéristique. On peut aussi observer une hypertrophie et une décoloration du foie (McDougald et Reid 1978).
D’autres organes tels les reins, les poumons et la rate, présentent parfois des foyers arrondis nécrotiques, hémorragiques ou nodulaires, mais sans présence du parasite (Malewitz et al. 1958).


Figure 5 - Lésions caecales (A) et hépatiques (B) lors d’une histomonose clinique.

3.4. Diagnostic.

Le diagnostic clinique de cette affection en élevage est basé sur les éléments épidémiologiques (jeunes animaux, allure épidémique) et les symptômes (diarrhée jaune souffre, anorexie, somnolence, démarche anormale etc).

Le diagnostic nécropsique permet d’observer des lésions caecales uni- ou bilatérales associées ou non à des lésions hépatiques. L’atteinte concomitante des deux organes, non systématique, est pathognomonique. Actuellement, des scores lésionnels ont été définis pour noter les lésions macroscopiques hépatiques et caecales lors des autopsies. Leur utilisation systématique par toutes les personnes pratiquant des autopsies de dindes atteintes d’histomonose présenterait des avantages. D’une part, elle permettrait de comparer toutes les autopsies effectuées sur des critères objectifs et notamment la gravité des lésions observées. D’'autre part, elle pourrait avoir un rôle d’évaluation du degré d’atteinte d’une exploitation, même si cette utilisation pronostique reste à valider sur le terrain. Le diagnostic différentiel doit envisager toutes les maladies à l’origine de typhlite et/ou d’hépatite (tuberculose aviaire, salmonellose, pasteurellose, maladie de Marek, trichomonose caecale,…). Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence du parasite par examen direct microscopique. Celui-ci présente des difficultés de lecture dans la mesure où la distinction avec d’autres protozoaires présents dans les caecums, à savoir Tetratrichomonas gallinarum et Blastocystis sp. est délicate. La mise en culture du parasite peut également être envisagée, mais elle implique d’être réalisée par un laboratoire maîtrisant la culture, difficile, du parasite (Zenner et al. 2002).
Nous avons mis au point une technique PCR appliquée au diagnostic de l’histomonose (Huber et al., 2005). Cette technique actuellement en cours de validation dans l’unité devrait permettre un diagnostic de certitude plus simple et applicable à plus grande échelle que l’examen direct pour la recherche de parasite.

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3.5. Lutte contre l’histomonose.

En théorie, il existe plusieurs molécules efficaces contre Histomonas : les nitroimidazoles (dimétridazole, ipronidazole ou ronidazole,...) qui sont les plus efficaces, les nitrofuranes (nifursol) qui sont moins efficaces (McDougald, 1997a ; Callait, 2002). En pratique la situation est bien différente du fait du retrait du marché de ces molécules. Ainsi le dimétridazole est interdit en tant que médicament depuis 1995 (Réglement CE n°1798/95) et depuis 1998 tous les nitroimidazoles médicaments destinés aux productions animales sont interdits (Réglement CE n°1570/98). Il apparait improbable qu’un nouveau principe actif puisse obtenir une AMM tant qu’aucun laboratoire pharmaceutique n’engagera des recherches dans cette voie (McDougald, 1997b).
Ni les anticoccidiens, y compris la roxarsone, ni les antibiotiques actuellement disponibles sur le marché ne sont efficaces contre l’histomonose (McDougald 1997b ; Callait 2002). Des essais in vivo et in vitro avec des dérivés des benzimidazoles (albendazole et fenbendazole) n’ont pas donné de meilleurs résultats (Hegngi, 1999 ; Callait, 2002).
La prophylaxie repose sur des mesures sanitaires et des mesures médicales quand cela est possible. La prophylaxie sanitaire va devenir primordiale du fait de l’interdiction des produits chimiques. Un des éléments essentiels est la séparation des espèces, notamment des dindes et des poulets. En effet, même après un long vide sanitaire, il faut éviter de réutiliser un parcours de poulets pour des dindes. Si la cohabitation des deux espèces est incontournable, les deux espèces doivent être totalement séparées.
Le personnel devrait changer de chaussures en passant d’une espèce à l’autre. Dans le cas des élevages avec un parcours en plein air, il est impossible d’éviter les contacts entre les dindes et les galliformes sauvages (McDougald et Reid 1978). Les parquets et les parcours doivent être désinfectés entre deux bandes car les oeufs d’Heterakis sont très résistants. Il faut éviter toute contamination fécale des aliments et de l’eau de boisson, éloigner les animaux de toute eau stagnante (Nicholas, 1972). Enfin, il faut lutter contre Heterakis en vermifugeant régulièrement les animaux.
La prophylaxie médicale utilisait les produits évoqués pour le traitement. Mais comme ces derniers, ils ont vu leur utilisation interdite.


4. LES AVANCEES DE LA RECHERCHE


Un des enjeux de la recherche est de mieux comprendre le parasite, son cycle et l’épidémiologie de la maladie.
Un des points majeurs étudié aujourd’hui est la mise en évidence d’une infestation directe entre animaux, sans passage par l’hétérakis. Cette possibilité est actuellement admise par les équipes travaillant dans ce domaine, même si ses modalités restent à définir. Deux voies sont envisagées : la voie cloacale (« cloacal droping ») et la voie orale.
Une avancée importante est également la mise en évidence d’un portage sain dans certain élevages de dindes, même si la encore la prévalence de ce portage reste inconnu. La mise en évidence de ce portage sain signifie que l’histomonose clinique est à dissocier de la présence du parasite chez l’'animal et que d’autres facteurs (flores bactériennes, stress, facteurs environnementaux, alimentation, autres pathologies subcliniques,…) doivent jouer un rôle dans la manifestation clinique de la maladie. Une autre hypothèse actuelle a explorer est la possibilité de souches possédant des virulences différentes.
Les enquêtes actuelles conduites dans les élevages vont permetrre de définir le rôle de ces facteurs dans le déclenchement de la pathologie afin de mettre en place une prophylaxie sanitaire efficace. De même, il sera important de comprendre comment se déroule la contamination, l’infestation et la dissémination du parasite dans un bâtiment d’élevage.
Enfin, les tests in vitro et in vivo permettent actuellement d’effectuer un screening de molécules à visée prophylactiques et/ou curatives contre l’histomonose susceptible de remplacer celles interdites. Enfin, des outils diagnostiques et pronostiques sont mis au point pour soutenir la filière et permettre des études épidémiologiques plus fines.
Malheureusement, le peu d’informations accumulées pendant la fin du siècle dernier rend urgent l’implication de tous les acteurs de la filière (éleveurs, groupements, vétérinaires, chercheurs, pouvoirs publics) et si les données plus récentes sont encourageantes, il faut continuer a travailler ensemble pour progresser le plus rapidement possible et ne faire de cette maladie qu’'un mauvais souvenir.

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