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Sandra B

Les préférences sexuels des diamants mandarins .

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Les effets des conditions développementales sur les traits et préférences sexuels des diamants mandarins .

Chez les espèces à reproduction sexuelle, seuls les gènes des individus qui réussissent à se reproduirent peuvent être sélectionnés. Une reproduction réussie, c’est-à-dire qui donne une descendance qui se reproduit à son tour, dépend à la fois de la capacité de l’individu à survivre jusqu’à sa maturité sexuelle et de sa capacité à attirer un partenaire et/ou rivaliser pour un partenaire. Ainsi, l'aspect et le comportement d’un animal, c’est-à-dire son phénotype, devraient être adaptés non seulement pour l’aider à survivre, mais également pour l’aider à acquérir le plus grand nombre de partenaires ou les partenaires de qualité supérieure. Cependant, les individus au sein d’une espèce présentent souvent une grande variation phénotypique et diffèrent considérablement dans leur succès d’appariement et reproducteur. Comprendre les causes et les conséquences de la variation phénotypique entre individus d’une espèce est fondamental pour
répondre à des questions sur les stratégies d’histoire de vie des individus et sur l'évolution de leurs phénotypes. Les études présentées dans cette thèse ont pour but d’explorer certaines des causes potentielles de la variation des traits sexuels secondaires entre les mâles et des préférences sexuelles et décisions reproductives entre les femelles. De nombreuses études chez les mâles ont rapporté l’existence d’une variation importante dans leurs traits sexuels secondaires, qui sont souvent des ornements extravagants (comme la queue du paon ou les chants élaborés de certains oiseaux). Cette grande variation existerait parce que les ornements extravagants sont coûteux à produire ou à maintenir. En conséquence, seuls les mâles en bonne condition pourraient se permettre de posséder les ornements les plus extravagants, qui ainsi signaleraient de manière fiable la qualité des mâles. En effet, de nombreuses études corrélationnelles et expérimentales chez de nombreux groupes taxonomiques animaux ont montré que les mâles possédant des ornements plus extravagants, ou des attributs particuliers, ont un succès reproducteur plus élevé car ils sont plus souvent choisi par les femelles pour la reproduction.
En revanche, beaucoup moins d'études se sont attachées à expliquer la variation des traits des femelles, qui a priori comme les traits des mâles sont susceptibles de montrer une plasticité phénotypique, et de relier cette variation au succès reproducteur des femelles. Choisir un partenaire, tout comme s’employer à l’attirer, est susceptible d’entraîner des coûts. Par conséquent, la variation de qualité entre les femelles devrait déterminer comment l'investissement dans le choix du partenaire est optimisé. Ceci pourrait conduire à une expression “condition-dépendante” des préférences sexuelles des femelles. Cependant, la théorie de la sélection sexuelle est en grande partie fondée sur l’idée que toutes les femelles devraient préférer s’accoupler et investir plus avec les mâles de meilleure qualité afin d’optimiser leur succès reproducteur. Ainsi, beaucoup d'études ne tiennent pas compte des préférences déviant de la “norme” ce qui a pour conséquence de limiter notre compréhension de ce qui cause et maintient une variation de préférences sexuelles et de décisions reproductives entre les femelles. Plusieurs facteurs ont néanmoins été proposés pour essayer de rendre compte de l’observation de variation des préférences entre les femelles, comme les facteurs génétiques, les processus d’apprentissage ou le contexte écologique et social passé et présent. Ces facteurs pourraient introduire une variabilité dans les préférences des femelles, par exemple en influençant leur capacité à évaluer précisément des partenaires potentiels (par exemple quant à l’interprétation des signaux), ou les signaux auxquels les femelles prêtent le plus d'attention (par exemple l’importance relative des signaux acoustique et visuel), ou
leur condition physiologique ou générale, ou encore la quantité et qualité de l'expérience acquise (via l'apprentissage).
Dans ce contexte général, cette thèse explore le rôle du contexte dans lequel les signaux sont présentés (Chapitre 2) et des conditions développementales des femelles et des mâles (Chapitres 3 à 5) sur la variation dans la façon dont les femelles évaluent et décodent différents signaux (acoustique et visuel) et jugent la qualité des mâles en se basant sur l’information que contient le signal.
J’ai abordé ces questions chez une espèce d’oiseau chanteur, le diamant mandarin Taeniopygia guttata. Chez cette espèce, le chant des mâles (signal acoustique) joue un rôle important dans le choix du partenaire chez les femelles. Cependant, le rôle relatif du chant par rapport aux signaux visuels et à l’intensité de la parade sexuelle reste peu compris. Ceci est en grande partie dû au fait que différentes études utilisent différents paradigmes pour tester les préférences des femelles.
De plus, nous avons une connaissance très limitée des caractéristiques structurelles du chant qui déterminent l’attractivité des mâles et sur ce que révèlent ces caractéristiques sur la qualité des mâles. En ce sens, les diamants mandarins constituent un bon modèle biologique pour examiner de manière systématique si les préférences pour différentes dimensions du signal dépendent du contexte expérimental dans lequel le signal est présenté, quels sont exactement les attributs qui rendent un chant attractif et ce que les caractéristiques préférées dans le chant révèlent sur le chanteur. Un aspect négligé dans ce contexte est l’effet potentiel des interactions entre facteurs écologiques (par exemple nourrissage des jeunes dans la nichée) et sociaux (par exemple nombre de jeunes dans
la nichée) pendant le développement sur l’apprentissage du chant chez les mâles et des préférences chez les femelles ainsi que sur leurs décisions reproductives. En effet, les diamants mandarins, comme un grand nombre d’oiseaux chanteurs, ont une période sensible précoce pendant laquelle l’exposition à un chant influence les détails du chant qui est par la suite produit par un mâle et préféré par une femelle. La variation de chant entre les mâles étant en grande partie héritée culturellement, des chercheurs se sont demandés comment ce trait pouvait signaler de façon fiable la qualité des mâles. Ainsi l’hypothèse du stress développemental propose que le chant appris par les mâles peut indiquer leur qualité parce que le développement des structures cérébrales nécessaires à l’apprentissage et à la production du chant a lieu pendant la période de croissance la plus rapide, c’est-à-dire lorsque les oisillons sont le plus vulnérable. Par conséquent, le chant appris par les mâles pourrait signaler à long terme leur condition pour les femelles en reflétant comment les mâles se portent après avoir connu un stress développemental. Jusqu’à présent, les effets d’un stress développemental sur des variations dans l’apprentissage du chant entre les mâles restent équivoques chez les oiseaux chanteurs en général, et n’ont jamais été montrés chez les diamants mandarins. Notre connaissance est encore plus limitée en ce qui concerne la sensibilité des préférences apprises par les femelles aux conditions développementales. Le diamant mandarin est particulièrement intéressant à étudier dans ce contexte puisque, même si seuls les mâles chantent chez cette espèce, les femelles comme les mâles font un apprentissage vocal. De plus, les individus ont un développement très rapide jusqu’à leur maturité sexuelle, ce qui peut les rendre d’autant plus vulnérables aux effets d’un stress développemental avec des répercutions sur leur phénotype adulte. Les diamants mandarins constituent donc un bon modèle biologique pour étudier les conséquences à long terme de variations développementales sur les phénotypes des individus, sur le chant appris par les mâles, sur les préférences pour le chant apprises par les femelles et sur leurs décisionsreproductives.
Le Chapitre 2 explore l’importance relative des signaux acoustique (chant du mâle) et visuel (le mâle) sur les préférences sexuelles des femelles et explore si ces préférences dépendent du contexte expérimental dans lequel les signaux sont présentés. Les préférences des femelles ont été testées dans trois dispositifs expérimentaux différents et fréquemment utilisés dans les études de préférence : conditionnement opérant (les femelles sont conditionnées à presser sur des boutons, chaque fois qu’elles pressent elles entendent un chant associé au bouton pressé, et peuvent donc contrôler de manière active leur exposition aux chants), phonotaxie (mesure l’orientation en fonction d'une source sonore) et tests d’association spatiale avec des mâles. Ces trois dispositifs permettaient aux femelles de choisir soit entre deux mâles soit entre leurs deux chants. Les tests de choix de conditionnement opérant et de phonotaxie présentaient le chant du mâle seul alors que les tests d’association avec des mâles présentaient la parade sexuelle complète. J’ai évalué les préférences en comparant la fréquence relative avec laquelle un stimulus était choisi sur l’autre. Dans les tests de conditionnement opérant, j’ai utilisé le nombre de fois que les femelles ont pressé sur les boutons. Dans les tests de phonotaxie et les tests d’association avec les mâles, j’ai utilisé le nombre et la durée totale des approches vers l’un ou l’autre des deux stimul(respectivement les chants ou les mâles). Un nombre significatif de femelles testées a fidèlement préféré un mâle ou son chant et ce dans les trois dispositifs. Les caractéristiques structurelles du chant qui prédisaient le mieux les préférences des femelles (ces caractéristiques mesuraient la performance du chant) étaient indépendantes du contexte et prédisaient également la morphologie des mâles (à savoir la taille du bec et la masse). Non seulement ces résultats valident les différents dispositifs utilisés pour tester les préférences, mais montrent également que le chant doit contenir une information suffisante sur le chanteur lors du choix d’un partenaire par les femelles.
Les Chapitres 3 à 5 explorent l’effet combiné des facteurs écologiques (nourrissage des jeunes dans la nichée) et sociaux (nombre de jeunes dans la nichée) au cours du développement sur les phénotypes des individus, sur l’apprentissage du chant, sur les préférences pour le chant et sur les décisions reproductives chez les oiseaux adultes. J’ai expérimentalement modifié la condition des oiseaux (de oisillons à adultes) par une manipulation de la taille des nichées. Cette méthode est bien établie chez le diamant mandarin et permet de manipuler indirectement la prise de nourriture pendant le développement, ce principalement grâce à la compétition entre oisillons pour l’accès à la nourriture, compétition qui est plus élevée dans les nichées dont la taille est plus grande. Les diamants mandarins ont été élevés par des parents adoptifs dans des tailles de nichée respectant l’échelle naturelle spécifique à l’espèce, à savoir soit dans des petites nichées de 2-3 oisillons ou des grandes nichées de 5-6 oisillons. Après avoir atteint leur indépendance nutritionnelle (à l’âge d’un mois), les oiseaux ont été placés dans des groupes de quatre individus (deux mâles, un de chaque taille de nichée, et deux femelles, une de chaque taille de nichée) avec un mâle adulte et sa partenaire. Ce mâle qui leur était génétiquement et socialement non familier a joué le rôle de “tuteur du chant” pendant la phase d’acquisition du chant (entre les âges d’un à
deux mois). Le Chapitre 3 montre que les conditions développementales déterminent, au moins partiellement, le taux métabolique des diamant mandarins : à l’âge d’un an (la maturité sexuelle est atteinte à trois mois), les oiseaux élevés dans les grandes nichées avaient un taux métabolique plus élevé, c’est-à-dire des besoins en énergie plus importants, que les oiseaux élevés dans les petites nichées. De plus, les femelles ont été plus affectées que les mâles. Il a précédemment été montré que des diamants mandarins issus de grandes nichées vivaient moins longtemps, et que cet effet était également plus fort chez les femelles que chez les mâles. Ces résultats combinés suggèrent que l’efficacité métabolique pourrait jouer un rôle de médiateur entre les conditions développementales et leurs conséquences à long terme pour la survie.
Le Chapitre 4 explore si les conditions développementales affectent l’apprentissage du chant chez les mâles et certaines caractéristiques de leur chant. J’ai enregistré les mâles issus des petites et grandes nichées après qu’ils aient atteint leur maturité sexuelle (à trois mois) et analysé plusieurs caractéristiques acoustiques (mesurant la complexité, la performance et la stéréotypie du chant) ainsi que le nombre d’éléments et de transitions entre éléments appris à partir du chant du tuteur à l’aide d’un programme d’analyse acoustique sur ordinateur. J’ai observé que les mâles élevés dans des grandes nichées ont appris moins de transitions entre éléments (en comparaison avec le chant de leur tuteur) que ceux élevés dans des petites nichées. De plus, les mâles provenant de grandes nichées ont chanté d’une façon moins stéréotypée que ceux de petites nichées. Ces résultats viennent donc renforcer l’hypothèse du stress développemental puisque les conditions développementales ont affecté la précision avec laquelle les mâles ont appris la structure syntactique du chant et ont conduit à une “conditiondépendance” de la stéréotypie du chant.
Le Chapitre 5 examine si les conditions développementales (taille des nichées) entraînent une variation des préférences sexuelles et des décisions reproductives des femelles. Par conditionnement opérant, une méthode maintenant bien établie pour tester les préférences des femelles (Chapitre 2), j’ai testé si les femelles issues de petites ou grandes nichées avaient une préférence pour le chant de mâles issus soit de petites soit de grandes nichées (différentes de celles dont étaient
issues les femelles). J’ai trouvé que les préférences des femelles dépendaient de leur condition : les femelles provenant de petits nichées (c’est-à-dire des femelles de condition élevée) ont préféré les mâles de petites nichées à ceux de grandes nichées, alors que les femelles de grandes nichées (c’est-à-dire de faible condition) ont préféré les mâles de grandes nichées à ceux de petites nichées. Ces préférences sexuelles se sont confirmées lors de la reproduction : les femelles
expérimentalement appariées à des mâles provenant d’une taille de nichées identique à la leur se sont reproduit plus rapidement que les femelles appariées à des mâles provenant d’une taille de nichées différente de la leur. Ce résultat suggère que les mâles provenant d’une taille de nichée identique à celle des femelles ont été acceptés plus rapidement comme partenaire reproducteur par les femelles. Il est important de préciser que les femelles provenant de grandes nichées avaient les même capacités d’évaluation de la condition des mâles que les femelles de petites nichées. En effet, toutes les femelles ont pondu des oeufs plus lourds, c’est à-dire ont plus investi dans la reproduction, quand elles étaient appariées avec un mâle provenant d’une petite nichée. Ainsi en dépit de leurs préférences allant dans des directions opposées, toutes les femelles étaient en fait d’accord sur la qualité phénotypique des mâles avec lesquels elles étaient appariées. Ces résultats prouvent que les conditions développementales entraînent une variation de la condition entre individus qui se traduit par une importante plasticité phénotypique, notamment dans la direction des préférences sexuelles des femelles.
Est-ce que les études présentées dans cette thèse ont réussi à améliorer notre compréhension des causes et conséquences de la variation des traits sexuels secondaires entre les mâles et des préférences sexuelles et décisions reproductives entre les femelles ?
Le Chapitre 5 montre que les conditions développementales sont une source importante de variation dans les préférences sexuelles et décisions reproductives des femelles. Les femelles de faible condition ont montré des préférences opposées à celles des femelles de condition élevée. Cela suggère un changement dans la façon dont les femelles de faible condition ont traité l’information sensorielle mais cela n’implique en aucun cas que leurs capacités cognitives aient été affectées par les conditions développementales défavorables. Il est intéressant de noter que les effets sont allés jusqu’à entraîner une préférence active pour les mâles de faible condition. Ceci peut paraître contre-intuitif de prime abord étant donné que la théorie de la sélection sexuelle prédit que les femelles devraient toujours préférer les mâles de qualité supérieure quand elles en ont le choix. Cependant des models théoriques récents suggèrent qu’une préférence pour des individus de faible qualité pourrait être une stratégie adaptative ayant évolué suite à certaines pressions de sélection. Lorsque la compétition pour acquérir un partenaire est élevée ou lorsque un choix mutuel existe entre les individus des deux sexes, les femelles de faible qualité encourent un risque important d’être fortement concurrencer par des femelles de qualité supérieure ou d’être évitées ou abandonnées (divorce) par les mâles en faveur des femelles de qualité élevée. Par conséquent en choisissant immédiatement un partenaire de qualité inférieure, les femelles de faible qualité pourraient réduire ces risques et économiser du temps et de l’énergie (qui apparemment leur est très précieux étant donné les effets des conditions développementales sur leur métabolisme (Chapitre 3) et sur leurs perspectives de survie).
Enfin, une préférence active pour des mâles de qualité inférieure pourrait permettre aux femelles de faible qualité d’optimiser leur succès reproducteur (par exemple en se reproduisant plus rapidement comme le montre le Chapitre 5).Le chant des mâles semble jouer un rôle majeur en tant que médiateur de la variation observée dans les préférences des femelles.
En effet, la différence de préférence entre les femelles de petites et grandes nichées a eu lieu alors que les femelles avaient uniquement accès au chant, et leurs décisions reproductives sont venues corroborer cette variation de préférences pour le chant (Chapitre 5). De plus, les préférences pour un chant particulier se sont révélées être indépendantes du contexte expérimental dans lequel les chants étaient présentés (différents dispositifs de tests de choix) et se sont traduites
par une préférence similaire pour le chanteur (Chapitre 2). Ces résultats combinés suggèrent que le chant contient une information suffisante sur le chanteur pour le choix d’un partenaire par les femelles. A l’appui de cette conclusion, j’ai apporté la preuve que certaines caractéristiques du chant reflétaient la morphologie des mâles (Chapitre 2) et/ou leur histoire développementale passée (Chapitre 4). Le chant appris par les mâles peut donc signaler leur condition à long terme et donner aux femelles une information fiable qui reflète comment les mâles se portent après avoir connu un stress développemental.
En conclusion, cette thèse indique que l’apprentissage du chant chez les mâles et les préférences apprises chez les femelles dépendent l’un comme l’autre de la variation des facteurs écologiques et sociaux précoces. Les préférences sexuelles et certains aspects de la production du chant reflètent durablement les conditions développementales des individus. Par conséquent, une approche prenant en compte à la fois les expériences passées et les traits d’histoire de vie “conditiondépendants” pourrait s’avérer extrêmement fructueuse pour améliorer notre compréhension de la sélection sexuelle et de la dynamique évolutive entre les préférences et les traits sexuellement sélectionnés et transmis culturellement.

Source : MJ Holveck - 2008

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