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Michel23

Lettre de Claire Malbos a Sarkozy

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Je ne sais pas si vous connaissez....?

15/02/2008

Magnifique texte de Claire Malbos

Voilà que, non satisfait de la glissade morale effectuée sur la peau de banane Guy Môquet qu’il s’était à lui-même étendue comme carpette, M. Sarkozy prétend « faire en sorte que, chaque année, à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se voient confier la mémoire d’un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah ».

Ma fille sera en CM2 en 2013. Elle porte en elle de par la grâce de ses parents la mémoire de ces milliers d’enfants, français et non français, qui au long de l’histoire humaine furent déportés, séparés des leurs, rendus orphelins, esclaves, choses sexuelles, assassinés…sur les 5 continents.
Et qui le sont encore.
Elle porte en elle la mémoire future de ces enfants violemment séparés de leurs parents ou familles, ici, maintenant, en France devant ses yeux de fillette de 4 ans.
Elle porte en elle en tant que future femme, citoyenne, lionne au combat, la mémoire de tous ces enfants qu’elle aura vus déportés de son supposé pays de cocagne vers des univers où ils disparaissent, de tous ces enfants qui n’ont pas d’enfance, en Palestine, au Liban,... de tous ces enfants marchandés cyniquement, au nom de l’enfance, au Tchad, ailleurs…
Ma fille porte en elle tout ceci parce qu’elle est vivante. Parce qu’elle a un papa et une maman vivants auprès d'elle. Qui animent son âme autant qu’ils le peuvent de toute l’actualité de leurs combats, à sa mesure de petite fille, en lui apprenant qu’il n’y a pas de différence, entre un enfant blanc et un noir, entre un enfant juif, catholique, sikh, musulman, bouddhiste, que tout enfant a droit au bonheur d’être enfant, dans la douceur de sa famille, les câlins, le jeu, les apprentissages.
Ma fille porte en elle tout cela, et elle ne se verra pas confiée par l'école la mémoire de l’un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah.
Ce travail, qui m’est dévolu en tant que parent, et qu’il n’appartient pas à mon sens au Président de la République de choisir de faire à ma place, je l’élabore dans le respect de mon enfant, et de ce qu’est notre famille.
Il n’y a pas que la Shoah, M. le Président. Maints massacres furent perpétrés, maintes mémoires furent et sont encore blessées qu’il vous semble vain d’honorer, maints enfants furent déportés et assassinés, dont vous semblez faire si peu de cas, en d’autres temps tout aussi atroces que celui de la Shoah.
Quel est ce besoin que vous nous démontrez donc là, un besoin de repentance ? Ce mot que vous refusez à tout crin à ceux qui ne vous le demandent même pas, mais qui voudraient juste prononcer le mot de mémoire sans se faire éconduire ?
Qu’allez-vous donc faire dans cette galère ? Quel besoin de s’aplatir dans le vent d’une seule direction, sous les tapis du souvenir d’une seule victime ? Vous nous avez suffisamment dit lorsque cela vous arrangeait que les enfants n'étaient pas comptables des fautes de leurs pères.
Ma fille ne se verra confier par vous la mémoire d’aucun enfant d’une seule confession, d’une seule déportation, d’un seul esclavage, d’un seul massacre.
Ma fille ne sera jamais l'objet de votre manipulation de l'histoire, de l'émotion, du drame humain au service de vos seuls biens et besoins personnels, politiques ou autres.
Elle ne croulera pas sous le poids de votre culpabilité ou de vos obédiences. Elle grandit libre dans sa connaissance de l’autre, des ses bonheurs et malheurs, grands et petits, auxquels nous désirons l'éveiller pour qu'elle puisse partager le poids, plus tard, avec ceux qui souffrent.
Mon enfant, nos enfants, grandissent à présent dans une France dont mes parents, humains généreux s'il en fut, auraient profondément honte. Si ma mère n'était pas morte, elle défilerait aujourd'hui du haut de ses 89 ans, pour vous faire savoir qu'il suffit.
Qu'il suffit de l'outrager.
Qu'il suffit de choisir dans les souffrances humaines celles qu'il vous agrée d'honorer et celles qui vous indiffèrent. Quand ce n'est pas celles qu'il vous arrange de rejeter dans de lointaines poubelles.
Qu'il suffit de gesticuler, justifiant toutes les exactions de la France dans l'Ailleurs en ne supportant pas que l'Ailleurs vienne vivre dans la France.
Qu'il suffit de faire la leçon à des enseignants sur ce qu'il convient de faire partager d'histoire à leurs élèves, alors qu'ils nous font tous les jours partager, à nous parents, la fin de l'histoire d'une éducation nationale que vous rendez exangue.
Qu'il suffit de tuer les familles, je pèse mes mots, en envoyant vos sbires arracher les portes, arracher les affaires personnelles, arracher les êtres de leur travail, arracher les hommes de leur famille, arracher les mères de leurs enfants, ce que vous faites tous les jours, ici, en France.
Quand vous offrirez de la France un autre spectacle aux yeux de nos enfants.
Quand vous cesserez de nous mettre en deuil chaque matin de l'une des qualités d'accueil, de soin, de solidarité, d'éducation, de liberté, d'égalité, de fraternité... qui devraient être la nature, l'essence, la colonne vertébrale de notre pays.
Quand vous vous préoccuperez, aussi, de ce qui se passe dans une salle de classe lorsque les maîtresse malades ne sont pas remplacées, au collège lorsque les adultes si dévoués soient-ils à leur mission, n'y sont pas assez nombreux.
Quand vous proposerez à nos enfants la prise en considération de toutes les souffrances des humains à travers l'histoire, sans quantification, sans classification.
Quand vous nous aiderez véritablement à les construire dans le respect de l'autre sous les yeux d'une République exemplaire.
Quand vous tiendrez vos promesses de protéger tous les opprimés, toutes les femmes opprimées, tous les déshérités, tous les enfants déshérités...
Quand vous ferez véritablement preuve d'un courage révolutionnaire et visible en cessant les exactions, en ramenant vos chiens.
Quand vous serez capable de ne plus fabriquer visiblement et incessamment un pathos bien ciblé, d'héroïsme ou de pitié, c'est tout comme, pour dissimuler la déconstruction de l'humain et de l'espoir que vous vous acharnez à promouvoir.
Quand vous serez ce que vous n'êtes pas, quand vous ne serez plus ce que vous êtes.
Je cesserai d'être en deuil de mon pays idéal.
Je cesserai de ne pouvoir plus lire les journaux et de pleurer chaque jour à la découverte des nouveaux nuages.
Un grand mal est toujours suivi d'un grand bien.
La citoyenneté profondément humaine, sincère, dévouée, invisible, muette pour l'instant, s'amplifie chaque jour qui passe avec son lot d'expulsés amis, de justes condamnés, ...
La réponse à votre action est dans cette résistance contre laquelle vous ne pouvez strictement rien.
La pensée et le coeur sont irréductibles.
Ma fille se construit, comme bien d'autres enfants, par la grâce d'adultes conscients de leur devoir d'"êtres au monde" parmi d'autres "êtres au monde".
Ces enfants seront des adultes, nombreux et imperturbables, des lions, auxquels il incombera de développer à une échelle jamais vue les valeurs de beauté et de bonté de la vie, pêchées dans le meilleur de chacune de leurs origines, passées au tamis du métissage, cimentées entre elles par la liberté et l'empathie réunies.
Vous ne sauriez apprendre à mon enfant cela que je choisis de lui apprendre.
Son espoir et sa force sont entre les mains de son père et de sa mère.

Claire Malbos, le 14 février 2008


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Joli texte en effet.
Il y a beaucoup à dire...mais pas ce soir en ce qui me concerne (je découvre ce texte).

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Ce texte pousse un peu trop dans l'émotion.
Les citoyens de ce pays sont bien loin d'être des "lions au combat", défendant la Liberté, l'Egalité et la Fraternité.
Ca me parait évident.
Certes, il est vrai que les parents ont un rôle à jouer dans la transmission de ce qu'on appelle "la" mémoire.
Mais l'Ecole est là pour qu'elle ne soit pas sélective et communautaire.
Les parents n'ont aucun devoir de laïcité et de "programme" dans l'éducation de leurs enfants et certaines familles sont dans des situations très inégales (instruction, éducation, culture, moyens matériels, temps... et surtout motivation) pour "bien" les éduquer.
L'Ecole compense, dans la mesure du possible, ces inégalités.
La préoccupation d'enseigner les crimes na*is contre l'Humanité est donc juste, mais tout traitement particulier de l'Histoire est à proscrire.

1) Il ne faut pas "instrumentaliser" des événements particuliers de l'Histoire et de son enseignement à des fins politiciennes et c'est le travers dans lequel est "tombé" Nicolas Sarkozy dont la conception de laïcité est en "rupture" avec elle.
Pourquoi ce traitement particulier de ces événements et ne pas avoir la même attitude pour l'esclavage et les gén*cides de la colonisation ou encore les crimes commis contre les mouvements de libération nationale? La torture est aussi un crime contre l'Humanité.
Même quand elle est pratiquée en notre nom ou par des "amis".

2) Ensuite "individualiser" l'identification à un enfant déporté (chacun le sien) est une erreur grave du point de vue éducatif qui montre que NS ne connaît rien à l'enseignement, improvise et réfléchit seulement après.
En Primaire, pour traiter ce sujet, il est très fréquent d'enseigner en faisant lire des extraits du journal d'Anne Frank et en s'appuyant sur l'observation de photos (entrée d'un camp, départs de trains, personnes arrêtées portant l'étoile de David, entourées de soldats ou de policiers) et la lecture d'autres documents (extraits des lois anti-juives du gouvernement de Vichy, Rafle du Vel d'Hiv' par exemple).
Perso j'y ajoute l'évocation du ghetto de Varsovie et de son insurrection.

On invite donc les enfants à s'identifier à une personne dont le destin est "représentatif" des persécutions et des crimes dont toutes les autres ont aussi été les victimes à cause de ce qu'elles avaient en commun.
Donner à porter le poids de la mémoire d'un enfant mort (en quelque sorte comme s'il lui appartenait, comme s'il en était personnellement responsable) à un autre enfant isolé, c'est le mettre seul face à l'horreur et la culpabilité.
C'est non seulement cruel et stupide mais injuste.
C'est un coup porté à la sensibilité et à l'intelligence.
Eux n'ont rien à voir avec les responsabilités (auxquelles beaucoup des principaux concernés ont échappé, eux) de ceux qui ont vécu cette époque.
C'est aussi un coup (un de plus) porté à l'Ecole, car il laisse entendre qu'elle n'en fait pas assez.
Qu'on lui donne plutôt les moyens d'enseigner ce qu'on lui demande d'enseigner.

PS: Aujourd'hui a été "célébrée" dans les écoles et autres établissements scolaires une minute de silence à la mémoire de Lazare Ponticelli et à travers lui de celle de tous les soldats (français?) "morts pour nous" (sic).
Ce "pour" est-il objectif et laïque?

Edit:

"Si nous souffrions ainsi stoïquement sans plaintes inutiles, qu'on ne vienne pas raconter que c'était par patriotisme pour défendre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, pour que ce soit la dernière guerre et autres balivernes, c'était tout simplement par force, parce que victimes d'une implacable fatalité on devait subir son sort, chacun sachant bien que, pris dans les dents terribles d'un formidable engrenage, il serait broyé à la moindre tentative de velléité de révolte. Et perdant notre dignité, notre conscience humaine, nous n'étions plus que des bêtes de somme avec comme elles leur passivité, leur indifférence, leur hébétude."

"Les Carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918" ed. La Découverte/poche p 168

Aujourd'hui "ils" sont récupérés et envoyés dans les tranchées une deuxième fois.
Ils sont morts "pour" nous.
Tout est donc justifié.
On se les approprie sans vergogne, avec le même patriotisme (aujourd'hui "reconnaissant") qui les a envoyés à la mort.
Mais... "Plus jamais la guerre!"
Bien sûr.
C'est un chauvin qui vous le dit.
Tu parles!

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J'ai trouvé cette lettre de Poilu, écrite en 1914 par un père sur le front à son fils.
J'ai bien envie de la faire lire aux prochains CM que j'aurais.
Qu'en pensez-vous?
"Voici pour Maurice :
Je vais exaucer les vœux à Maurice dans la mesure du possible. D’abord pour les lignes de combat, je vais tracer un plan au dos de cette feuille que tu pourras suivre et expliquer à maman à moins que maman comprenne mieux que Maurice. Pour les balles allemandes, je pourrai le faire. J’en apporterai quand je reviendrai.

Pour le casque de Prussien cela n’est pas sûr.
Ce n’est pas maintenant le moment d’aller les décoiffer.
Il fait trop froid, ils pourraient attraper la grippe.

Et puis, mon pauvre Maurice, il faut réfléchir que les Prussiens sont comme nous. Il y a des papas qui sont à la guerre et des petits enfants comme toi qui sont avec leur maman. Vois-tu qu’un garçon prussien écrive à son père la même chose et qu’il lui demande un képi de Français, et si ce papa prussien rapportait le képi de Français à son petit garçon et que ce képi fût celui de ton papa ?
Qu’est-ce que tu en penses ? Tu conserveras ma lettre et tu la liras plus tard quand tu seras grand. Tu comprendras mieux. A la place du casque de Prussien, je vais t’envoyer à toi, à Raymond, maman peut les recevoir aussi, des petites fleurs de primevères que les petits enfants (garçons et filles) du pays où je suis cueillaient autrefois et qui faisaient leur joie, et que moi, le grand enfant, j’ai cueillies cette année dans leur jardin pour te les envoyer. (Je ne les vole pas, elles se perdraient tout de même.) Je vous les envoie pour que vous pensiez un peu à leur malheur de n’être plus dans leur maison. Je vois, je mets même mes ustensiles de cuisine sur un petit dodo de ces enfants. Il y en a là deux même que je ne peux voir sans penser à vous et les larmes aux yeux me disent que vous êtes tout de même heureux par rapport aux autres…"


De Martin Vaillargou à son fils Maurice, hiver 1914
1914-1918 « Mon papa en guerre » Lettres de poilus, mots d’enfants ed Librio p 30

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Ugatza a écrit:
J'ai trouvé cette lettre de Poilu, écrite en 1914 par un père sur le front à son fils.
J'ai bien envie de la faire lire aux prochains CM que j'aurais.
Qu'en pensez-vous?


Pour ma part, je pense qu'effectivement tu devrais...vu qu'en plus tu expliqueras bien... Smile
Les feras-tu en discuter après la lecture ?

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Bien sûr, c'est pour qu'ils en parlent et y réfléchissent.

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C’est une très bonne idée, cette lettre est pleine de sagesse et ce que dit le père " Et puis, mon pauvre Maurice, il faut réfléchir que les Prussiens sont comme nous. Il y a des papas qui sont à la guerre et des petits enfants comme toi qui sont avec leur maman. Vois-tu qu’un garçon prussien écrive à son père la même chose et qu’il lui demande un képi de Français, et si ce papa prussien rapportait le képi de Français à son petit garçon et que ce képi fût celui de ton papa ? " me touche plus particulièrement, c’est un peu comme de dire " ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse " il serait intéressant de savoir comment tes élèves de CM le perçoivent. N’en restes pas là et tiens nous au courant de la suite.

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