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Admin-eleveurcanin

L'évaluation comportementale sur le grill...

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Info du 05/05/2008

L'évaluation comportementale sur le grill...

La délation au détriment de la prévention ? Les comportementalistes n'en veulent pas !

Aujourd'hui, le chien est au centre des débats concernant les morsures et principalement celles qui, par les conséquences graves qu'elles engendrent aux personnes, font les titres les mieux placés dans la presse et les médias.

Tous les regards se tournent donc vers le chien, celui qui a déjà mordu, celui qui mord, celui qui pourrait mordre et c'est sous cet angle qu'il est proposé aux Sénateurs et aux Députés d'examiner un projet de loi visant, nous dit-on, « à renforcer les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux ».

On aurait pu attendre de nos instances politiques qu'elles se placent dans une autre perspective de la situation que celle prises par les médias. Se doter d'une analyse plus élargie pour mieux considérer le problème des morsures tel qu'il est réellement aurait permis de cerner et choisir judicieusement les mesures capables de construire une véritable prévention telle qu'elle est attendue.

Se décentrer de l’idée du chien isolé de son groupe familial

Or, ce qui résulte aujourd'hui des lectures en séance publique au Sénat et à l'Assemblée Nationale montre une même orientation prise dans les textes que celle du sensationnel médiatique : la catégorisation du chien, l'évaluation du chien, le contrôle du chien.

Tâche impossible semble-t-il pour nos élus que de se décentrer du chien et de ses prétendus troubles pour arriver à faire l'examen du réel des morsures. Car sont-ce les chiens qui sont dangereux, ou sont-ce les situations qui sont dangereuses ?

Le principe de l'évaluation comportementale telle qu’elle est présentée aujourd'hui établit que le vétérinaire occupe une position centrale. Certes, il peut à son libre choix requérir l'avis d'un « sapiteur », c'est-à-dire toute personne dont il jugera les compétences utiles et nécessaires pour forger ses conclusions, mais rien ne vient faire précision en ce domaine.

Ceci manque véritablement de clarté pour le public et d'équité pour les professionnels. En effet, tel propriétaire de chien se verra convoqué dans le cabinet vétérinaire uniquement pour l'établissement de la grille d'évaluation du chien mais tel autre propriétaire se verra en plus dirigé vers un ou plusieurs « sapiteurs » qui étayeront le dossier de leurs observations/recommandations.

Ceci signifie que l'évaluation comportementale pourrait bien ne pas être de la même teneur (ni du même coût) pour tous, ni avoir les mêmes conséquences pour les chiens et leurs propriétaires.

Si un comportement est une réponse de l'organisme (le chien) à l'environnement (le contexte), il est quand même étonnant de vouloir instaurer des mesures visant à évaluer (prédire) ces réponses en s'exonérant de l'étude minutieuse du contexte de vie. Car, et c'est une constante pour les accidents qui ont été médiatisés comme pour tous les autres, les morsures surgissent principalement dans le milieu familial.

Et l'on peut observer la même difficulté à se décentrer du chien : il faut chercher à prédire ce que ce dernier pourrait produire comme comportement ! Une mission bien improbable pour tout professionnel ayant une formation en éthologie (une science, qui a donc le souci de la précision et écarte les données incomplètes).

Peut-on encore dignement rester dans un tel déni quand tous les accidents, graves ou moins graves, qui surviennent de manière souvent inattendue (donc non-prédictive, imprévisible) nous rappellent que n'importe quel chien peut déployer une conduite agressive.

Le chien adapte son comportement en réponse/réaction directe ou indirecte à ce qu'il vit, et en fonction de ce qu'il a vécu, puisque façonné par toutes les confrontations et expériences avec l'environnement depuis son plus jeune âge.

La qualité des conditions d'élevage est le socle indispensable aux bonnes capacités d'adaptation du chien. Sa stabilité émotionnelle en sera plus ou moins forte ou réduite.

Cet équilibre dont le niveau et la constance se voient entretenus par les situations de cohabitation (et tout l'imprévisible permanent qui les caractérisent), montrent à quel point la présence de deux systèmes d'organisation sociale (humaine et canine) peut devenir anxiogène pour tous : l'animal qui ne comprend pas systématiquement ce que l’on attend de lui et l’humain qui oublie (ou ignore) de considérer son chien comme différent de lui dans ses attitudes et dans ses mœurs.

Nous sommes bien loin du chien seul qui serait à évaluer hors étude précise des conditions de la cohabitation au quotidien et de l'influence qu'elles exercent sur l'émotivité et la réactivité individuelle du chien...

Ceux qui paraissent les plus dociles, voire les mieux éduqués, ne se soustraient pas plus aux circonstances ou aux déclencheurs possibles d'une morsure, et c'est ce qui justement les rend surprenants pour l'entourage.

Un acteur unique pour l'évaluation ?

Alors que si l'on venait à prendre le recul nécessaire, il deviendrait évident à tous que « l'évaluation comportementale » devrait laisser sa place à une « évaluation du risque ». Ce nouvel angle pris nous permettrait de voir que l'évaluation seule du praticien vétérinaire ne suffit pas à mesurer le risque. L'organisation de la cohabitation au quotidien avec le chien, et son bon contrôle dans de bonnes conditions ne peuvent pas manquer de figurer au tableau de l'évaluation, et de fait, de la prévention.

Mais dans les textes actuels, aucun autre professionnel que le vétérinaire n'est imposé, ce qui laisse à penser que l'étude minutieuse de la relation et la cohabitation avec le chien (activité spécialisée du comportementaliste), comme également le bon contrôle en extérieur, la bonne familiarisation aux humains et la bonne socialisation aux congénères (activité spécialisée de l'éducateur canin) ne seront mises en œuvre qu'au hasard de la sensibilité des praticiens.

A noter, et ce n'est en rien anodin, que la deuxième lecture faite au Sénat fin Mars 2008, impose à n'importe quel professionnel qui a connaissance d'une morsure (dont ceux cités plus haut qui, malgré leurs compétences respectives, ne sont pas impliqués de manière précise dans le processus dit de « l'évaluation comportementale »), d'en faire la dénonciation auprès des autorités.

Ainsi, seul un vétérinaire choisi sur la liste départementale se chargera de l’évaluation comportementale.

La délation ? Pas question !

Comment vont donc opérer les professionnels comme l'éducateur canin, ou le comportementaliste qui sont habituellement appelés en cas de difficultés avec le chien ? Vont-ils, dès qu'ils apprennent qu'une conduite agressive a eu lieu, même de faible intensité avec seulement des atteintes superficielles, se déclencher en délation et ainsi conduire les personnes (qui avaient fait le choix de se tourner vers leur approche) chez un autre professionnel, acteur unique de « l'évaluation comportementale » ?

Les comportementalistes sont contre cette mesure, et s'opposent à ce que des personnes qui ont le libre choix de faire appel à un professionnel se retiennent de le faire sous la crainte d'une dénonciation... Voilà comment l'effet de mesures préventives se verrait alors parfaitement détourné de l'objectif de réduire les risques.

Le fondamental de l'activité de comportementaliste repose sur l'étude des relations et de la cohabitation entre l'humain et le chien et sur les multiples influences (relationnelles et environnementales) qui peuvent mener à des comportements dérangeants, voire risqués ou annonciateurs d'un danger ultérieur. Une réorganisation du contexte de vie ne peut se faire qu'avec la participation en toute conscience, et en toute confiance dans l'approche de ce professionnel qui d'ailleurs a été choisi pour cela.

En se soumettant à la volonté de signalement de toute morsure d'un chien, comme elle est proposée actuellement, le comportementaliste ruinerait le cadre rassurant de son travail (qui invite justement les propriétaires à ne pas dissimuler ou retenir des informations) et perdrait ainsi les lettres de noblesse qu'il a acquises depuis de longues années auprès du public : écoute, analyse, empathie, aide, guidance.

Ce n'est pas acceptable, pour ces professionnels qui non seulement se verraient obligés de rediriger leurs activités vers un autre professionnel, mais se verraient également obligés de trahir leur vocation et leur déontologie.

En se décentrant du chien seul et en impliquant judicieusement tous les professionnels qui ont un rôle à tenir , dans les compétences qui sont les leurs en matière de gestion/cohabitation, on pourrait pourtant envisager un peu plus sérieusement la question des morsures, de leur recensement et de leur prévention.

Les comportementalistes attirent donc l'attention du législateur afin que les décrets d'application veillent à organiser l'indispensable équilibre de la mise en relation des différentes approches autour de l'évaluation des risques, du traitement de l'information (statistiques), de la prévention et de l'aide à apporter aux propriétaires de chiens. Et ce, en ne se centrant pas sur le seul vétérinaire, mais également en définissant avec plus d'évidence les « sapiteurs », le sens de leur engagement et leur nécessaire implication dans le processus d'évaluation.


Michel Quertainmont
Danièle Mirat
Laurence Bruder-Sergent

Ce texte est diffusé au nom de
l'association de comportementalistes professionnels C.A.D.
http://www.comportementaliste-(...)

et au nom de
la Fédération Européenne des Comportementalistes
http://www.comportementaliste-(...)

Source : CHIEN.COM http://www.chien.com/

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