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Admin-eleveurcanin

Angleterre - Après la chasse à courre, la chasse à l’homme

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Angleterre - Après la chasse à courre, la chasse à l’homme

Ce samedi, le temps est frais à Out Rawcliffe, un village situé à quelques kilomètres à l’est de Blackpool, dans le nord-ouest de l’Angleterre. A Peagram’s Farm, 35 cavaliers en tenue attendent impatiemment le début de la chasse. Ils boivent du porto et du sherry pour se réchauffer tandis que piaffent leurs montures pansées à la perfection. A leurs pieds, gémissant et aboyant d’impatience, une vingtaine de limiers. Au milieu de la meute attendent, non sans appréhension, les deux “renards” : Richard Davies, 49 ans, fonctionnaire, et Matthew Ray, journaliste, 32 ans – deux sportifs accomplis. Pendant qu’ils flattent les chiens pour leur faire connaître leurs odeurs, le maître d’équipage Clive Richardson leur dit quelques mots d’encouragement : “Ne vous inquiétez pas. Quand on vous arrache un membre, ça ne saigne pas tant que ça.”
Depuis l’interdiction, en 2004, de la vénerie en Angleterre et au pays de Galles, la traditionnelle chasse au renard a dû s’adapter de façon radicale. Certains ont opté pour la drag-hunting – où les chiens suivent une piste laissée par un homme traînant un leurre odorant. D’autres, comme les chasseurs du Vale of Lune, ont convaincu des coureurs amateurs de servir de gibier.
Cette “chasse à l’homme” se déroule dans la campagne, sur un parcours prédéfini à travers bois. L’itinéraire est divisé en cinq tronçons d’environ 2,5 km pour éviter que les cavaliers les moins chevronnés se retrouvent à la traîne. Seuls les coureurs et les maîtres de chasse sont informés du parcours.
A un signe de tête de Clive Richardson, les deux coureurs s’élancent avec cinq minutes d’avance. Puis, dans un soubresaut de queues frétillantes, de langues pendantes et de jappements, les chiens se lancent instantanément sur la piste des coureurs. Les quelques molécules répandues par le corps humain suffisent au flair canin pour suivre leur trace.
La suite a l’air chaotique, pourtant l’organisation est millimétrée. Les deux sportifs se livrent à un steeple-chase à travers champs, sautant par-dessus les haies, enjambant des fossés boueux, courant dans les bois. Dans la campagne anglaise endormie retentissent le son des cors de chasse, les cris des cavaliers, le galop des chevaux et les aboiements de la meute. Les chiens courent quelques centaines de mètres chaque fois avant de s’arrêter pour retrouver la piste. Parfois, lorsque le coureur tourne brusquement, la meute manque une bifurcation, obligeant les assistants du maître d’équipage, les whippers-in, à les remettre sur la piste en faisant claquer leurs fouets.
Les coureurs franchissent rapidement les obstacles, les cavaliers, eux, doivent souvent faire la queue pour sauter d’un champ à l’autre. Le parcours est prédéfini et, contrairement à ce qui se passe dans une chasse traditionnelle au renard, les participants doivent suivre l’itinéraire imposé. D’où un côté artificiel inévitable. “Ce n’est pas de la chasse au renard”, souligne Richard Davies après avoir parcouru les cinq tronçons, soit un peu moins de 13 km. “Ce n’est pas pour les puristes. Mais, quand on entend les chiens dans son dos, on a une montée d’adrénaline et on court d’autant plus vite.” Grâce à leur avance à chaque tronçon, les deux coureurs restent toute la journée hors d’atteinte de leurs poursuivants. C’est sur le dernier tronçon que le risque de se faire dévorer (ou de “se faire lécher jusqu’à ce que mort s’ensuive”, selon les termes du maître d’équipage) se fait le plus grand, l’écart s’étant réduit à quelques minutes.
Enfin, le maître d’équipage Clive Richardson sonne du cor pour annoncer la fin de la chasse. Tout le monde applaudit les coureurs avant de rejoindre la ferme, où des rafraîchissements seront servis. Jamais renard n’a eu droit à de tels égards. C’est il y a cinq ans, lorsqu’il a compris que l’interdiction de la chasse au renard était inéluctable, que Richardson, chasseur professionnel de 57 ans, a commencé à élever ses chiens (des croisements entre le limier et le fox-hound du Dumfriesshire, parfaits pour la chasse à l’homme). Depuis, il a conduit une centaine de chasses à coureurs, poursuivant parfois ses propres fils.
Mais Richardson espère que l’interdiction finira par être levée, pour revenir à la version première de son sport favori. “Chasser des coureurs, c’est bien plus aseptisé, explique-t-il. On sait où on va et quels obstacles on va devoir franchir. Nous regrettons le temps où on allait là où allaient les chiens.” Mais les cavaliers aiment toujours le frisson que procure la poursuite, reconnaît-il : “La plupart des gens qui viennent avec nous se moquent qu’on attrape un animal. Ils veulent juste sauter par-dessus des haies et sentir les montées d’adrénaline. L’ambiance est bonne, et l’activité parfaitement légale.” D’autant qu’aucun être vivant ne finit dépecé.

Dominic Bliss
Financial Times



Source : http://www.courrierinternation(...)

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