askook 0 Posté(e) le 16 janvier 2012 Longévité : le protée réactive le mytheJeunesse éternelle. Selon les biologistes, le protée, un petit batracien de 20 cm, connaît la formule de jouvence qui permet de vieillir tout en restant jeune !ll collectionne les records : record de longévité (il peut vivre plus de 100 ans), record de diète (il peut rester jusqu'à 8 ans sans manger), record d'apnée (il peut survivre trois jours sans oxygène). Lorsque le médecin et naturaliste autrichien Josephus Nicolaus Laurenti décrivit en 1768 ce que l'on surnommait dans sa région d'origine le « bébé dragon », il ne connaissait pas ces prodigieuses propriétés. Et c'est avec une belle intuition qu'il le baptisa Proteus, du nom de cette divinité marine, vieille et grincheuse, qui ne livrait ses prophéties que lorsqu'elle était enchaînée et que sa colère retombait.Il faut dire que Proteus anguinus ne révèle pas facilement ses secrets. Endémique du massif montagneux de la côte Adriatique où il vit dans l'eau de grottes profondes, cette espèce d'urodèle - batraciens qui gardent leur queue à l'âge adulte, comme les salamandres - affiche un rythme d'activité de cinq minutes par jour propre à décourager les observateurs les plus patients. D'autant que les spécimens capturés ne permettent pas de l'étudier de façon satisfaisante. Dans la nature, les biologistes ne peuvent observer que des juvéniles qui se montrent plus facilement sur leur zone de chasse communautaire, accessible par les spéléologues. Or, il a été montré que les jeunes et les adultes s'évitent. Chaque classe d'âge a son territoire et les reproducteurs se trouveraient plutôt dans des systèmes annexes très fissurés, pas du tout à taille humaine.Au laboratoire-élevage aménagé il y a presque soixante ans, dans une grotte des Pyrénées, à Moulis, les scientifiques sont donc les seuls à pouvoir étudier des spécimens matures, dont ils connaissent l'âge grâce au registre tenu depuis les premières naissances en 1958.Une peau très fragileOlivier Guillaume et ses collègues ont ainsi élaboré un modèle mathématique qui figure la croissance des individus de leur colonie. Résultat : ils ont montré que le protée atteint sa maturité sexuelle à 15,6 ans, qu'il pond 35 œufs tous les 12 ans et demi, et que jusqu'à l'âge canonique de 80 ans, il ne montre aucun signe de sénescence. Un individu qui atteint l'âge de 6 ans vivra en moyenne 68,5 ans. Si ce cavernicole n'a pas de prédateurs naturels dans son environnement - excepté les autres mâles adultes, il reste en revanche très fragile. Sa peau notamment, extrêmement fine, supporte mal d'être égratignée, même légèrement, car des agents pathogènes peuvent alors pénétrer son organisme et l'endommager. Il est par ailleurs sensible à la pollution de l'eau, contre laquelle il n'a aucun moyen de lutte.Cette mortalité accidentelle n'empêche pas les biologistes de penser que le protée connaît la formule de jouvence, qui permet de vieillir tout en restant jeune. Un vieux rêve de l'humanité.Cette disposition est d'autant plus étonnante quand on sait que, chez les vertébrés à sang-froid, la longévité est normalement corrélée avec la taille : plus l'animal est gros, plus il vit longtemps. Or ce petit batracien de 20 cm vit aussi vieux que la salamandre géante du Japon tout en étant mille fois moins lourd et réussit à égaler la longévité du plus gros de tous les mammifères, la baleine bleue !L'hypothèse des mécanismes antioxydants particulièrement efficaces, susceptibles d'éliminer les dérivés réactifs de l'oxygène (DRO) dont les radicaux libres sont responsables, à de fortes concentrations, d'un stress oxydant qui cause des dommages à la cellule et accélère son vieillissement, a été écartée. Pour les chercheurs, le secret de la longévité du protée tient plutôt à son efficacité énergétique. Et plus précisément au rendement de ses mitochondries, ces machines biologiques qui synthétisent dans la cellule les molécules d'adénosine triphosphate (ATP) fournissant l'énergie des réactions chimiques. Ils avancent que la quantité d'ATP produite par rapport à l'oxygène consommé, est très élevée.Alliée à une activité limitée et à une physiologie adaptée, cette efficience permettrait de limiter la production de déchets comme les DRO sans avoir besoin de limiter le métabolisme de base, ni de développer une activité antioxydante plus performante.Même si les liens entre la production d'énergie dans la cellule, le rejet des DRO et la durée de vie chez les animaux à sang-froid ne sont pas parfaitement établis, un tel scénario correspond bien aux observations in vivo. Pour en savoir plus, les chercheurs s'intéressent particulièrement au gène TOR (Target of rapamycin), un gène multifonction, essentiel à la régulation de la croissance et du métabolisme dans les organismes pluricellulaires. Ce gène aidera-t-il à percer le secret de la longévité du gracile animal ? Et cela permettra-t-il de mieux comprendre les mécanismes de prévention de la sénescence chez les humains ?Le dragon garde pour l'instant sa réponse. Mais les chercheurs ont appris à être patients…Source: http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/longevite-le-protee-reactive-le-mythe Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
askook 0 Posté(e) le 16 janvier 2012 Longue vie au protéeLe petit amphibien slovène a longtemps animé les débats sur l’évolution des espèces. On lui découvre à présent une jeunesse sans fin. Visite en Ariège du seul laboratoire au monde où est étudié l’animal.Piégée dans le faisceau bleu de la lampe torche, la bête a tressailli. Puis elle s’est de nouveau figée, collée à la paroi de son aquarium. L’étrange petite créature aux allures de salamandre livide restera pétrifiée longtemps après que les visiteurs des deux grottes naturelles aménagées en laboratoire par le CNRS, près du village de Moulis, auront regagné le soleil des montagnes ariégeoises. Car, ainsi va la vie du protée - tel est son nom - dans le silence et l’obscurité des eaux souterraines. Une vie faite de vastes plages de repos entrecoupées de brefs instants d’agitation, tout entière tendue, semble-t-il, vers un seul objectif : en faire le moins possible pour vivre le plus longtemps possible. Cent deux ans, pourquoi pas ?«Poisson à visage humain»L’animal peut atteindre cet âge canonique vient en effet de découvrir le physiologiste Yann Voituron. Avec ses collègues du Laboratoire d’écologie des hydrosystèmes fluviaux à Villeurbanne, il a eu la patience de compiler les soixante années d’informations collectées sur la vie du protée dans le laboratoire souterrain de Moulis, le seul lieu au monde où est maîtrisé l’élevage de cet amphibien.Années de naissance et de mort, âges de maturité sexuelle, cadences de reproduction, nombre d’œufs : tout a été passé à la moulinette des modèles informatiques à même d’évaluer l’espérance de vie maximale de l’animal. Stupéfaction : alors que la longévité des vertébrés est généralement corrélée à leur taille, le protée, qui fait une vingtaine de centimètres et autant de grammes, peut vivre plus longtemps que l’éléphant et à peine moins que la baleine bleue. «Nous n’avons rien observé qui permette d’expliquer ce phénomène hors du commun, relève Yann Voituron, perplexe. Ni dans son métabolisme ni dans ses défenses antioxydantes. Les bases biologiques de cette longévité sont une énigme.» Une de plus dans la très longue histoire des recherches sur cet animal qui a intrigué Charles Darwin lui-même et, depuis des temps immémoriaux, les paysans slovènes de la région de Postojna. Ce sont eux qui ont donné à cet animal son premier nom «poisson à visage humain». Ainsi l’appelaient-ils quand ils le retrouvaient dans leurs champs, toujours après de fortes inondations, ce qui a valu à la bête d’être tenue responsable des crues saisonnières. «Poisson», parce qu’elle ne vit que dans l’eau, «humain», parce que sa peau est couleur chair.En 1689, un certain Herr Hoffman, maître des postes de l’empereur d’Autriche, mentionne pour la première fois «unbébé dragon blanchâtre» qu’il voit surgir du flot d’une source slovène. La bête vit sous terre, conclut-il avec sagacité. Mais c’est seulement un siècle plus tard, en 1768, qu’un naturaliste originaire du Tyrol, Joseph Nicolai Laurenti, publie la première description anatomique du jeune «dragon», auquel il donne le nom de Proteus (en hommage au gardien du troupeau de Poséidon, le «Vieillard de la mer» d’Homère) anguinus (puisqu’il se déplace en se trémoussant comme une anguille.)Aujourd’hui, on sait que le protée, qui vit surtout dans les eaux des grottes karstiques des Alpes dinariques traversant la Slovénie, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, est l’unique vertébré strictement cavernicole d’Europe, espèce d’ailleurs protégée. «La science lui doit beaucoup, explique Christian Juberthie, coéditeur de l’encyclopédie biospéologique et directeur honoraire du laboratoire souterrain de Moulis du CNRS. Sa découverte a montré que des grottes où règne l’obscurité la plus totale peuvent abriter de la vie.» Cela semblait impossible il y a deux siècles.Comment diable peut-on être troglobie, autrement dit comment passer son existence dans le noir des eaux caverneuses ? La question affole les sociétés savantes dès le début du XIXe siècle. L’animal est si étrange : il a des branchies comme un poisson, des pattes grêles comme une salamandre, une tête rectangulaire sur un corps allongé, une peau sans pigmentation. Et puis, surtout, il y a ses yeux, aveugles, dépourvus de cornée et de cristallin. Ils seront l’objet de débats passionnés sur l’évolution. Pour Darwin, ces organes avortés sont le vestige d’une vie ancienne, le fruit du lent travail de la sélection naturelle qui produit des espèces adaptées à leur environnement. Lamarck, lui, y voit une dégénérescence résultant de leur non-usage, une adaptation de l’individu à son milieu, adaptation acquise et réversible, pour peu que ce milieu change.Au début du XXe siècle, le mystère de l’œil du protée hante toujours les naturalistes. Le zoologiste autrichien Paul Kammerer, resté célèbre pour s’être suicidé en 1926 après avoir été convaincu de fraude scientifique, affirme avoir réussi une expérience supposée démontrer la justesse des thèses de Lamarck : des protées soumis à la lumière auraient eu une descendance possédant des yeux fonctionnels. Erreur ou manipulation ?Après la Seconde Guerre mondiale, le protée intrigue d’autant plus que la spéléologie est en vogue et que la faune des grottes apparaît de plus en plus riche, notamment dans les Pyrénées. C’est donc dans ce massif montagneux, près de Saint-Girons, que s’ouvre en 1948 sous la direction d’Albert Vandel, membre de l’Institut de France, et avec l’aide de René Jeannel, directeur du Muséum national d’histoire naturelle, le laboratoire souterrain de Moulis, l’une des rares installations expérimentales du globe dédiées à la recherche sur les espèces cavernicoles.Une première portéeLà, dans deux grottes où seront installés des aquariums et des bassins en ciment alimentés par les eaux d’une rivière souterraine, on étudiera plus d’une trentaine de bestioles cavernicoles de France et d’ailleurs. On cherchera à comprendre les mécanismes biologiques d’adaptation de ces espèces à leur environnement, inchangé depuis des millions d’années. On découvrira que les cavernicoles colonisent non seulement les grottes, mais aussi les milieux souterrains superficiels comme les éboulis que l’on trouve sur les versants de certaines vallées pyrénéennes. Et, bien sûr, on tentera d’élever des protées, dont on ira chercher dix-sept spécimens en Slovénie, alors yougoslave.En 1959, victoire. Après sept ans de tâtonnements, les chercheurs de la station de Moulis réussissent à obtenir une première portée de protées. «Il faut, entre autres choses, mettre en contact un spécimen de chaque sexe, ce qui suppose de les distinguer et de donner au mâle un territoire exclusif pour "chasser", et à la femelle un domaine de ponte rien que pour elle», explique Olivier Guillaume, ingénieur de recherche du CNRS à la station. Les recherches sur le protée peuvent commencer. Le biologiste Jacques Durand, décédé en 2007, a ainsi passé quarante ans à travailler sur le mystérieux animal.On s’aperçoit alors que les seuls protées observés dans la nature sont des juvéniles. L’élevage permet de voir tous les stades de développement de l’animal, de l’œuf à l’âge adulte, et révèle quelques surprises. A la différence des autres amphibiens, le protée ne se métamorphose pas. Il reste à l’état larvaire, perpétuellement jeune, en quelque sorte : il conserve les branchies qui sont remplacées chez les amphibiens adultes par des poumons ; et sa peau demeure fine au lieu de s’épaissir. Il est, en jargon scientifique, atteint de «néoténie».Enfin, on découvre l’étonnant destin des yeux du protée : présents à la naissance, ils régressent plus tard jusqu’à disparaître. On tentera même d’utiliser l’animal pour étudier une maladie rare de dégénérescence oculaire. Et en 2001, Frédéric Hervant, du Laboratoire d’écologie des hydrosystèmes fluviaux de Villeurbanne, démontre que la bestiole, qui se nourrit de crustacés et autres friandises aquatiques des cavernes, peut soutenir des jeûnes de plus huit mois et vivre douze à vingt-quatre heures sans oxygène.Sauvé des oubliettesEn trois siècles, 200 ouvrages et nombre d’articles ont été consacrés aux mystères du protée, relève gentille Ménage dans sa thèse de doctorat soutenue en 2004 à l’Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort. Mais les publications se font de plus en plus rares. La dernière reproduction organisée à Moulis, où vivent actuellement 200 spécimens, date de 2006. Le protée a déçu : «Il s’est révélé être un mauvais modèle pour étudier la vie cavernicole, raconte Frédéric Hervant. Il est sexuellement mature très tard, à 15 ans, il pond un nombre limité d’œufs tous les six ans, du moins à Moulis. Bref, il faut vingt ou trente ans pour obtenir une cohorte de cinquante adultes ! Il a découragé les plus patients des chercheurs, avec ses périodes d’activité limitées à cinq minutes par jour en moyenne et son cycle de vie exceptionnellement long.»C’est cette qualité qui, in fine, l’a sauvé des oubliettes, alors même que la fermeture de l’installation avait été discutée. En 2007, le laboratoire souterrain est intégré à l’ambitieuse Station d’écologie expérimentale créée par le CNRS pour étudier l’effet des perturbations environnementales sur la faune et la flore. Jean Clobert, son directeur, entend profiter de ce cadre pour relancer les travaux sur le protée. Il sera cette fois un modèle animal pour l’étude des processus du vieillissement, question de si grande actualité.Une autre espèce de protée, noire, découverte en Slovénie il y a dix-sept ans, pourrait bénéficier du savoir-faire de Moulis en matière d’élevage et de reproduction. Et de nouvelles techniques d’investigation viendront un jour percer le secret de la longévité du protée, espère Jean Clobert. Dans l’aquarium au fond de la grotte, le «Vieillard de la mer», éternel bébé, a tout son temps. Cent deux ans.Source:http://www.liberation.fr/sciences/01012329562-longue-vie-au-protee Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
gekreuzigt 0 Posté(e) le 16 janvier 2012 "ll collectionne les records : record de longévité (il peut vivre plus de 100 ans), record de diète (il peut rester jusqu'à 8 ans sans manger), record d'apnée (il peut survivre trois jours sans oxygène)"Quand j'étais à Postojna en Slovénie (ville qui a d'ailleurs des Proteus en effigie sur de nombreux bâtiments) , le guide de la grotte nous a même parlé d'une diète pouvant aller jusqu'à 10 ans sur un de leur specimens... C'est vrai que quand on voit leur activité, on comprend pourquoi Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites