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Joe04

Voyage pour des enfants.....

Messages recommandés

Je viens seulement de voir ce post.. J'ai pris mon courage à 2 mains ( pas tres longtmeps) et j'ai tout lu.. Franchement on s'y croirait... Bravo Joe... youpi

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La traversée de Porto sera longue, dans une odeur d'échappements de voitures et de fumées d'usines, avec un mal au ventre pénible. Mes intestins se font remarquer. Je prie pour ne pas devoir aller aux toilettes avant le soir.
Une journée à boire de l'eau sucrée et manger deux pommes. Une personne m'offre trois barres de céréales pour sportif, je remercie et continue.
A l'enseigne d'une pharmacie, un digital nous indique : 14h27 : 36 °. Dur !

Le pont "Luis", un pont à deux étages de cent soixante mètres qui enjambe le fleuve Douro a été construit
par Eiffel.
Si personne ne me l'avait dit, j'aurais pu le deviner : l'armature, l'assemblage, les matériaux, tout fait penser à la tour de Paris.Le pont est précédé d'un tunnel de deux cents mètres où Douro, que j'oblige à marcher sur le trottoir, séparé par une barrière grillagée, est soudain pris de panique, probablement à cause du bruit infernal.
Il ne peut me rejoindre et part en avant, le plus vite qu'il peut. J'ai beau l'appeler, il ne revient pas. Je pense qu'il ne doit pas m'entendre. Arrivé au bout du tunnel, il remonte celui-ci aussi vite, sur le côté de la route et me rejoint, la queue entre les jambes. Je le gronde un peu, mais pas trop.
Nous passons le pont lui même, à l'étage inférieur, en marchant sur la route, à la fureur des automobilistes que j'oblige à rester derrière moi. Le trottoir est fait de plaques métalliques et Karamelle, ferrée avec des cônes de tungstène ne pourrait y avancer sans glisser.



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oulala!
moi aussi je viens de tout lire, je n'avais pas eu le courage avant, mais ca en vaut la peine, j'adore Joe, il n'y a pas de mot, c'est magnifique! la suite. la suite!!!! youpiyoupi

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LN a écrit:
oulala!
moi aussi je viens de tout lire, je n'avais pas eu le courage avant, mais ca en vaut la peine, j'adore Joe, il n'y a pas de mot, c'est magnifique! la suite. la suite!!!! youpiyoupi


HIhihiil y a d'autre histoire plus bas de JOe à lire aussi,...

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Je photographie Douro sur le Douro et nous terminons la traversée de la ville.
Arrivée, le soir à Madelena, dans un centre équestre, je suis invitée au camping, dans la caravane d'un des membres, pour souper.
Hochepot portugais. C'est bon, je mange peu, mais ca fait du bien.

Le nom de mon chien a été choisi pour ce passage de fleuve qui est aussi un des points le plus éloigné du voyage.
Douro veut aussi dire "dur" en Espagnol (duro).Douro est un chien fort dans sa tête et physiquement.
Mais "duro" aura un sens que mon chien découvrira dès le centre du Portugal.
La chaleur commence à s'y faire sentir solidement. A Portalègre, mon thermomètre indique 38° et ce n'est qu'un début.
Par contre, la différence entre la température à l'ombre et celle au soleil est moindre qu'au nord de l'Espagne, mais l'air est plus lourd, plus étouffant, l'ombre se fait rare, les arbres ne sont pas très feuillus. L'eau ne manque pas, cependant. Il y en a dans les villages, mais tous les ruisseaux sont à sec et les distances entres les villages sont plus grandes.

Karamelle boit jusqu'à plus soif aux fontaines des villages. Douro, lui, plonge entièrement dedans lorsqu'il le peut et se couche dans l'eau, seule sa tête dépasse.
Il régule sa température et je le laisse en profiter le temps qu'il le désire.
Pendant la marche, je lui donne à boire toute les demies-heures ou toutes les heures minimum, à la gourde, mais il n'aime pas ça. Il accepte les premières gorgées, et généralement, s'étrangle. Je le force.
Aux fontaines, je l'oblige ainsi à ingurgiter plus ou mois un litre d'eau, et cela trois ou quatre fois par jour. De cette manière, je suis sûre qu'il ne se déshydrate pas.
Dans sa ration du soir, je lui ajoute des sels réhydratants pour les bébés. A Karamelle, je donne une cuillère à soupe de sel de cuisine également.

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Elle, par contre, s'en sort très bien. Elle transpire peu, seuls les poils sous le tapis de selle sont mouillés, et encore, si nous arrivons plus tard dans la journée, qu'il fait plus frais, tout est sec. Elle a une capacité de récupération et une endurance étonnante.


Je me souviens d'une étape de plus de cinquante kilomètres par 37°.
Nous arrivons dans un petit village où personne n'est en mesure d'accueillir Karamelle (ici, c'est indispensable, étant donné qu'il n'y a pas d'herbe, nous devons donc trouver refuge chez quelqu'un susceptible de nous vendre du foin ou de la luzerne).
A quinze kilomètres, il y a un petit club hippique. Nous dévions de la trajectoire, mais tant pis, nous y allons.
Il est dix-neuf heures trente. Quinze kilomètres, ça nous fait trois heures, et à vingt et une heures, il commence à faire noir. Il va falloir passer à la vitesse supérieure.
Il y a bien un passage plus court, mais je ne le connais pas et ici toutes les propriétés sont clôturées.
Quinze kilomètres de route, et les bornes défilent au trot: Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept kilomètres, un trot régulier, qui jamais ne faiblit.
Karamelle ne souffle pas. Il fait mois chaud, bien sûr, peut-être 30°, mais actuellement, elle porte 137 kilos quand je suis sur son dos. Plus qu'en France, car depuis l'Espagne, nous transportons plus de nourriture pour Douro, plus d'eau également, et un litre d'eau est aussi égal à un kilo !!
Nous arrivons vers vingt et une heure quarante et Karamelle est plus sèche et aussi plus en forme que certains jours.


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Certains se demanderont pourquoi nous ne nous arrêtons pas sur le temps de midi.
Ici, le temps de chaleur est long : dès dix heures trente (l'heure ne change pas au Portugal) et jusqu'à dix-sept, dix-huit heures, il fait très chaud.
Certains jours, si je trouve un coin avec suffisamment d'ombre, il est alors possible de s'arrêter. Mais rester six heures sans manger pour Karamelle, c'est long.
Alors, il faut choisir : Patienter dans le calme, dormir s'il on peut ou s'exciter avec les mouches, car ici, elle piquent. J'ai vu plusieurs fois Karamelle se faire agresser par des sortes de taons qui, sans exagération, atteignaient la taille de quatre à six centimètres.
S'il y a trop de mouches, je préfère franchement continuer à avancer ,c'est plus confortable pour moi et Karamelle. Par contre, c'est plus dur pour Douro.
Et là, la boucle est bouclée. Qui satisfaire ? Qui contenter ? Une question remise chaque jour sur le tapis.
Alors, de temps en temps, nous nous offrons de courtes étapes, en trouvant un refuge vers midi, deux heures, cela compense les efforts passés les jours précédents.

Dans cette région, on arrose tout. Chaque propriété a généralement son puits ou sa source.
Les arroseurs giclent dans tous les sens : dans les champs, les potagers, sur les fleurs, les arbres, mais aussi, sur les toitures, les voitures et surtout, les pelouses. Pas d'eau = pas de pelouse verte. Parfois, elles sont faites d'herbe, souvent de mousses. Mais celui qui prend la peine de l'arroser, prend aussi la peine de bien l'entretenir et avec les cactus, les fleurs exotiques, les arbres d'essences différentes de chez nous, c'est très joli.

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Avec les arbres fruitiers d'ici, je me régale lorsque je le peux, sans avoir le sentiment de voler le fruit d'autrui. Chez nous, ce sont les pommes et les poires qui tombent sur le sol. Ici, ce sont les pêches, les nectarines, les abricots et plus étrange encore, les oranges et les citrons;
Depuis quelques jours, les amandes également. Les figues, elles, ne sont pas encore mûres et les raisins non plus, mais cela ne va pas tarder.
Probablement que je ne pourrai pas y goûter aussi vite car nous entrons dans une région qui, je le pense, sera la plus dure.
Les landes en France me faisaient un peu peur, j'avais mieux préparé la traversée de cette région. Ici, aussi, je tente une meilleure approche de ce désert de plus de cinq cents kilomètres.


Mardi, 3 août, nous repassons la frontière Portugal - Espagne. Nous nous arrêtons à Badajoz pour trois jours, afin de laisser récupérer Douro.
Lessive, ferrure, écritures, réparations, achats divers, mise en ordre du matériel et dodo le plus possible, nous en avons tous besoin.

Cinq mois que nous voyageons, nous avons parcouru plus de 3.400 kilomètres, Douro probablement deux ou trois fois plus. J'ai promis à Gaëlle et Audrey de rentrer pour Noël. Il est temps de faire demi tour.
Patience, nous arrivons !

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chantechantechante
le fait que tu avait promis de rentrer pour la Noel, cela t'a t'il mis une pression ?

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Pas vraiment la pression pcq j'avais encore du temps mais vers la fin, j'ai raté beaucoup de choses (visites de paysages ou de vestiges romains, entre autre. Je ne sais plus si j'en parle dans ce résumé mais dans mon bouquin, j'en fait allusion.

Faut pas oublier que les pauvres petites tchoutes avaient seulement 9 et 12 ans....
C'était long pour elles et pour moi aussi.

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Nous quittons Elvas, au Portugal, le 2 août, pour rejoindre Badajoz, en Espagne. Pas très loin : quatorze kilomètres par l'autoroute, plus ou moins vingt kilomètres par les chemins montrés par Joán, la veille en voiture (hé oui, il y a de chouettes gens, ici, qui savent comment rendre service, et lorsqu'on n'a pas de bonnes cartes, une reconnaissance en voiture, c'est super ! : un gain de temps énorme, mais aussi, la découverte de chemins que l'on aurait probablement jamais trouvés, parce qu'on aurait progressé sur la route à deux cents mètres de là !).


Il est plus ou moins six heures, lorsque je pars, la lampe au front et la tête pleine de souvenirs. Et de bons souvenirs, car au Portugal, j'ai rencontré des gens, des familles que je n'oublierai jamais.
Nous nous dirigeons vers l'Est, vers Valencia. Ramón me donne la carte de la province pour que j'aie plus facile.
Durant deux jours, nous longerons l'autoroute qui mène à Madrid . C'est monotone, mais ça a le mérite de ne pas se tromper et d'enfiler facilement les kilomètres.
Le chemin est bon, empierré, avec un canal qui le longe. Certains vergers, à côté, nous offrent nectarines, figues, pêches, pommes et poires. Je ne me gène pas pour me servir, d'autant que la récolte est terminée. A boire, à manger, que demander de plus?


Au fil des jours, le paysage change, le sol s'appauvrit plus encore. Comme seule végétation, sur plusieurs centaines de kilomètres, des oliviers et des chênes liège. Rien que des oliviers et des chênes liège.
Le peu d'ombre qu'ils offrent n'est pas accessible, car ici, toutes les propriétés sont clôturées.
Durant seize jours, nous traversons l'Extremadura d'ouest en est. Le seul moment relativement vivable pour marcher sans trop souffrir de la chaleur est avant neuf heures et demi, dix heures maximum. 35°, c'est encore acceptable. 45° plus difficilement.
Ici, la seule eau qu'il y a, ce sont les fontaines dans les villages et d'énormes barrages qu'il faut sans cesse contourner par la route. Des détours énormes, mais pas moyen de faire autrement.
Ici, sierras et barrages infranchissables, ombre inaccessible.
Si je ne suis pas acceptée dans un village, il faut aller au suivant, car ici, il est impensable de dormir seuls dans la nature : Il n'y a que des cailloux à sucer. Je ne sais pas ce qu'en penserait Karamelle. Alors, on se tape jusqu' à vingt-sept kilomètres pour arriver au village suivant Et quand on en a déjà parcouru trente-huit, ça fait lourd.


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je me suis refait la lecture complète, quel plaisir de sentir la chaleur du soleil au portugal, la fraîcheur des fontaines et les cailloux sous ses pieds (enfin, sous les pattes de Douro)!

j'étais au boulot et c'était dur de retomber sur terre, ou plutôt sur ma chaise, après ! lool

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Oooops, faudrait que je termine, hein, sinon, le livre va sortir avant....

Non Nadine, je ne serai pas au salon, bouquin pas encore imprimé (ça ne saurait tarder).

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J 'ai peur pour Douro. Au risque de faire jusqu' à sept kilomètres
de plus pour rien (ça fait +/- 1h30 ), nous faisons chaque jour un détour pour pouvoir faire trempette dans ce barrage qui nous barre le passage. Et nous en profitons : Douro nage tant qu'il peut. Karamelle boit jusqu'à plus soif. Pensez-vous qu'elle a perdu son habitude de vouloir se rouler dans l'eau ? Ici, la tentation est encore plus forte. A moi De rester vigilante.


Nous restons généralement une bonne demie heure.
Rassasiés de fraîcheur, la température corporelle de Karamelle et Douro descendue, nous retournons dans cet enfer de désert espagnol. "Extremadura", est-il besoin de traduire ?
Ici, il y a des paysages magnifiques, il y a des gens formidables. Nous faisons des rencontres inoubliables. Il y a des moments forts, mémorables, des moments positifs, quels qu'ils soient. Même si certains sont pénibles, on s'en souviendra d'autant plus.


Je ne veux surtout pas passer pour la pauvre Jojo qui souffre, j'ai choisi avant de partir, de voyager vrai, mais si je vis ce moment dans la réalité, avec ma tête, mes jambes, mon cœur, probablement, voulez-vous le vivre par ces mots, ces phrases, ces photos. Alors, pas d'exagérations, mais pas de mensonges.


S'il n'y avait que le problème de la chaleur, ce ne serait pas si terrible. Mais en Extremadura, les villages sont distants de parfois plus de vingt-cinq kilomètres. Très rarement une ferme isolée. De l'eau, maintenant, uniquement dans les lieux habités, c'est à dire peu.
Ici, pas d'herbe, pas d'ombre, mais des mouches qui piquent, qui nous agressent, qui ne nous laissent pas dormir, qui énervent Karamelle et empêchent Douro de manger tranquillement.
Ici, peu d'épiceries où se ravitailler, surtout pour la nourriture de Douro, que je choisi toujours de qualité supérieure.
Ici, aussi, des gens qui refusent catégoriquement de me vendre du pain. Peut-être par peur de ce trio marginal, anormal, qui court la campagne comme des "gitans", alors que chacun fait la sieste.
Problème de site également pour la nuit. Karamelle a cependant toujours eu de quoi se remplir l'estomac.
Il y a un stock important de ballots de luzerne. L'avoine à foison également.
Et même si nous dormons dans un garage, sur un matelas de civière d'ambulance, Karamelle, elle, attachée dans une petite cour, se régale d'un ballot de paille d'avoine dont les épis sont encore présents. Et croyez-moi, elle est très douée pour trier et manger le grain en premier. La paille et le grain dans le même repas, voilà qui est facile !

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Mais le jour où par 47° (à l'ombre), après avoir terminé mon sixième litre et demi d'eau tiédasse, à seize heures; qu'une femme refuse de me donner ou même de me vendre de l'eau, qu'un chauffeur de camion me klaxonne et me fait un sourire narquois en me montrant sa bouteille d'eau fraîche, avec l'intention gagnée de me faire endurer un peu plus, ce jour là, je n'en peux plus.
Je donne à Douro les dernières gouttes qui restent dans sa gourde et
durant les dix derniers kilomètres qu'il nous restent à parcourir, je réfléchis et prends une décision.


Je prends la décision de remonter vers le nord. Cela ne résout pas le problème de la chaleur, mais cela en résout pas mal d'autres. Alors, nous bifurquons vers Madrid.
Ce n'était pas prévu, mais le hasard de ce changement de programme
sauvera probablement notre équipe d'un destin morbide, car jamais,
en Extremadura, la suite de notre périple n'aurait pris la même tournure.

Piro !… Comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ? L'éventualité m'était venue pour Karamelle, mais jamais pour Douro.
Pas une seule fois, Douro n'a marché derrière moi. Constamment devant, même sur trois pattes, au Portugal ! Pas une seule fois derrière.
Au passage d'une fontaine ou d'un cour d'eau, si je ne l'attends pas, Douro ne prend pas le temps de boire, de nager ou de se tremper, ce qui pourrait être grave, avec la chaleur.

- "Si un jour, Douro marche derrière moi, c'est que c'est un chien mort" Je me faisais un plaisir à dire cette phrase à toute personne qui s'étonnait de sa vitalité après tant de kilomètres.
Et pour avoir l'avis d'une tierce personne, j'avais, après un mois de voyage, demandé à mon, ami Guy si Douro serait capable de marcher pour moi jusqu'à en mourir :
-"Je crois que oui", avait répondu Guy.


Ce mercredi 25 août, je sors tôt, pour son pipi matinal, et à mon grand désarroi, Douro marche derrière moi, deux mètres, trois mètres, quatre mètres derrière moi. Je dois l'attendre. Même en le stimulant de la voix, il ne fait que se rapprocher, mais ne me dépasse pas. Son regard est triste, profondément triste.
Ce mercredi, subitement, Douro est un chien mort, casi mort.

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Moi je sais nanana et vous savez même pas comment mais, je sais....

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Lundi 23 août, nous terminons une étape de cinquante-trois kilomètres à Arganda, près de Madrid, où doivent me rejoindre Patrick, Gaëlle et Audrey, le lendemain.
Douro est fatigué, mais c'est normal, car comme à son habitude, il a fait plus de deux fois le chemin. Cela fait quatre jours que nous parcourrons d'aussi grosses étapes. Karamelle et moi-même sommes fatiguées également, la chaleur est pesante.
Douro mange normalement, ce soir là. Le lendemain également, il joue comme à son habitude.
Et puis, le mercredi, le voilà qui se met à dormir d'une façon anormale.
Il respire fort, ses yeux partent vers un monde éternel.
Je ne comprends pas ce brusque changement.
Une prise de sang était prévue, le mois suivant, pour me rassurer une nouvelle fois de sa santé, car il se dépense énormément, mais elle se fera plus tôt que prévu.

Mercredi midi, nous somme chez la véto. Douro semble très fatigué, mais Christina ne trouve rien d'anormal, si ce n'est une légère anémie, que je connaissais et soignais déjà.

Si chez nous, une paire d'heures suffisent pour connaître les résultats sanguins, ici, il faut plus de quarante-huit heures pour une analyse complète.
Le vendredi à treize heures, nous avons un résultat sanguin banal. Une analyse approfondie demande plus de temps.
Sur deux jours, la santé de Douro a terriblement baissé. Il n'a plus mangé depuis mardi. Je dois le forcer à boire, à la gourde.

-"Je ne comprends pas comment ce chien vit encore" me dit Christina en regardant les résultats de l'analyse. "Il devrait être mort depuis longtemps".
Douro a un taux de globules rouges de 2.250.000 alors qu'il devrait en avoir entre cinq et dix millions. Il n'a plus que 30.000 plaquettes, alors que la normale est de 200 à 500 000.

Son taux d'hématocrites est descendu à 16. A - de 20, un chien est censé mourir.
D'autres chiffres sont par contre doublés (bilirubine, entre autres, mon jargon espagnol ne me permet pas de tout déchiffrer).

Subitement, Douro nous paraît pâle, ses muqueuses sont d'une couleur encore plus blanche. S'il n'avait pas son poil pour cacher sa peau, tel un humain, il serait livide.
Il se met à vomir un liquide jaunâtre, son foie fonctionne mal. Ses selles sont noires et liquides comme de l'eau. Son urine, d'un jaune si fort et si épais, qu'on la croirait diluée avec de la peinture.

En urgence, Douro est placé sous baxter, afin de le réhydrater.
J'attends dans le cabinet de la véto toute l'après-midi, observant les visites des autres chiens et chats, caressant doucement Douro, qui ne bouge plus, qui reste indifférent aux aboiements et miaulements, aux portes qui s'ouvrent et se referment, au va et vient incessant de ces patients qui ont tous l'air de se porter le mieux du monde.
Viennent alors des éventualités :
- Cancer du foie ?, Tumeur de la moelle osseuse ?, Occlusion ou perforation intestinale due au lapin cuit mangé le samedi précédent ? , Piroplasmose ?, Leishmania ? Leucémie ? Ben tiens !




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Hoo, Douro est trop beau...

La suite Joe, sinon, je fais un carnage de ma pizza!!!

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Joe, pleeeeeaaaase la suiiiiiiite sauteursauteursauteursauteur

Ton livre sort quand???? Je réserve un exemplaire chantechantechante

Nancy

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20h20. Christina a fait venir son collègue afin de nous aider : Il y a urgence : Si Douro n'est pas placé immédiatement sous transfusion sanguine, avant la fin de la nuit, il sera mort.
Rendez-vous pris, nous nous rendons à une clinique vétérinaire de Madrid. Heureusement, nous ne sommes pas très loin..
-"Porte le jusqu'à la voiture", me dit Christina, "pour le peu de force qu'il lui reste encore".
Son collègue nous a fait un plan de la route à prendre, il nous souhaite bonne chance et bon courage, mais sa voix est émue, il a tellement l'air de ne pas y croire.

22h10, Douro est placé sous perfusion sanguine. Je demande pour rester, mais ce n'est pas prévu, je dois venir le rechercher le lendemain. Alors, j'insiste. J'explique à la véto que Douro et moi vivons ensemble, jours et nuits, depuis six mois, que je sais que Douro est un chien qui vit pour moi et que si je ne reste pas avec lui cette nuit, il se laissera mourir de solitude ou d'abandon.
Je lui demande seulement une chaise, rien de plus.
Devant mes arguments et peut-être ma détermination, la véto cède.

Jusqu'à deux heures du matin, Douro sera près de la mort. Sa température dépasse les 41°, son cœur bat fort, sa respiration est irrégulière.
Quatre fois, j'aurai le sentiment que je le retiens de partir vers un destin éternel qui n'est pas encore le sien.
Quatre fois, je le secouerai, en lui parlant, le frapperai en me fâchant aussi :
-"Tu n'as pas le droit de me quitter. On est parti ensemble, on doit rentrer ensemble. Tiens le coup jusqu'au bout, mon Douro ! Jusqu'au bout !

Alors, sa queue remue, frappe avec bruit sur la table, sa patte gauche vient se poser sur mon bras. Il me regarde, avec se yeux amoureux, un court instant, en levant la tète et se laisse retomber pour repartir vers cet infini qui l'attire.

Douro est loin, mais il m'écoute, il m'entend, il m'obéit et répond à chacun de mes appels sur cette maudite table de la mort.

L'éventualité de continuer sans lui ou de rentrer en camion me frôle, me fait pleurer. J'aime Douro plus que Karamelle, plus indifférente, et je sais que continuer sans lui serait vraiment très pénible. Douro me donne tout : son amour, sa joie de vivre, sa bonne humeur constante, son obéissance, sa sécurité aussi. Douro est un point fort d'une équipe de voyage. Il ne peut pas mourir.

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salut ma grande,

j'ai lu quelques résumés mais pas tout je préfère découvrir le bouquin quand il sortira de presse.

Je ne supporte pas être coupée dans un bouquin qui me semble déjà être passionnant, alors j'attendrai...

N'oublie pas de m'en réservé un.

Petit indice : Ils sont maintenant deux et le nom d'un des deux commencent par J.

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J'avais oublié.... Merci Paul... Bon, je continue.


Vers deux heures du matin, sa respiration ralenti, devient plus régulière. Son cœur bat toujours aussi fort, mais avec l'anémie, c'est normal.
A présent, à chaque manipulation de la véto, il tente de se relever, je dois le repousser de la main.
Et puis, il a soif, il se passe la langue sur les babines.
Alors la véto lui place une seconde perfusion, pour le réhydrater, pour le soulager aussi.


Vers quatre heures du matin, nous quittons la clinique. Douro est debout, frétille doucement de la queue. Nous retournons à Arganda où est Karamelle. Un sursis de quelques heures, le temps d'attendre le résultat de cette putain d'analyse que l'on ne connaît toujours pas.


Samedi, à dix heures, nous nous rendons à nouveau chez Christina. Douro est fier. Je ne le porte pas. Et pourtant, il est faible, mais il marche devant moi, Et ça,…
Nous savons maintenant qu'il ne s'agit pas d'un problème d'infestation due aux moustiques (il paraît que ca existe, ici) et à treize heures trente, le verdict tombe : "ENRLICHIAE", "RICKETTIACAE".
Je ne sais pas ce que c'est, mais le mot "garrapatas" revient souvent, et "garrapatas" veut dire "tiques" en français. Et si Douro est si mal à cause des tiques, je ne peux en déduire qu'une piro. Verdict sévère.


D'après les analyses, les tiques ne seraient pas espagnols, mais d'un autre pays.
Je repense alors soudain à Jackson, le petit poulain, chez Anne, lui aussi atteint de cette saloperie. Dans cette région de la Vienne, Douro avait chopé des tiques, malgré le collier et le produit passé sur son corps.


S'il a été infesté en France, cela fait plus de trois mois et demi qu'il couve lentement cette maladie. Et je n'ai rien vu.
Je savais Douro fatigué, mais je mettais ça sur le compte de la chaleur.
Alors, subitement, tout s'éclaire à mes yeux :
- Pourquoi Douro avait-il moins d'appétit, ces derniers temps ?
- Pourquoi dormait-il tant ?
- Pourquoi, à la place de cette blessure, sur son postérieur gauche, le poil ne repoussait-il pas ?
- Pourquoi ne jouait-il plus en soirée, après l'étape ?
mais aussi :
- Pourquoi continuait-il ses éternels aller-retour sur le chemin ?
- Pourquoi gardait-il un œil ouvert la nuit, prêt à me défendre contre humain, rat, chat ou autre
- Pourquoi ne se plaignait-il jamais ?
- Pourquoi devais-je encore l'empêcher de courser ce nombre impressionnant de lapins lors de l'étape du lundi 23 ?
- Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?


Beaucoup de questions me viennent à l'esprit. Certaines trouvent une réponse, d'autres non. Je comprends, à présent pourquoi les vitamines et le fer que je lui donnais depuis tant de semaines ne faisaient pas d'effet. J'aurais du être plus attentive et demander une analyse de sang plus complète à notre entrée au Portugal, le 9 juillet. Si à cette époque, je m'informais, c'est que j'avais déjà besoin de me rassurer.
Je n'ai pas le conscience tranquille, je dois m'en vouloir de n'avoir rien vu, d'avoir laissé traîner les choses. Mais Douro a une condition physique et morale étonnante.

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Ce samedi, à dix heures trente, vient l'heure du traitement. Un traitement dangereux, dont moins de 30 % de chiens y survivent. Un traitement qui me fait peur, d'autant qu'il est précédé d'un tonicardiaque pour empêcher le cœur le craquer. Et Douro est si faible.
Alors, on le pèse , afin de ne pas lui injecter trop de ce produit dangereux et sauveur à la fois.
26 kilos. Douro a perdu un peu moins de trois kilos depuis notre départ. Ce n'est pas vraiment énorme si l'on tient compte du nombre de kilomètres parcourus depuis ces six mois, et puis, cela fait quatre jours qu'il n'a rien mangé.


Et puis, on y va, on pique, on injecte cet insecticide puissant, et on espère. Ensuite, quatorze jours d'antibiotiques, avant une seconde piqûre.
Christina lui donne une petite quantité de bouillie pour chiot, enrichie en vitamines, et Douro lèche doucement l'assiette, faisant sourire notre chère véto.


Nous quittons Arganda, car il n'est pas possible d'y rester avec Karamelle durant les quinze jours de repos indispensables.
Je fais une promenade de trois heures jusque chez Lucia et Juan. Douro vient en voiture. Ici, à vingt et un kilomètres de chez Christina, nous pouvons nous reposer, reprendre des forces.


Après cinq jours sans manger, Douro s'alimente maintenant bien. Par petites quantités, mais trois fois par jour. Le creux formé à ses flans se rempli.
Après deux jours de repos, Douro est à nouveau "mon Douro" : il joue, court, mendie caresses à chaque seconde.


Douro m'a pardonné et je l'en remercie.
-"Tu as la tête dure, Douro, tu es fort, tu vis par amour pour moi et cela t'a sauvé. Merci, Douro, merci, mon chien, merci de continuer cette route avec moi ".

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Moi j'ai commandé le bouquin, alors j'arrête de lire ce poste sinon ça déflore ma lecture future. hehe

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Vendredi, 03 septembre, cela fait six jours que nous sommes chez Lucia et Juan. Douro devient fou. Il court le long de la clôture où sont parqués poules et moutons.
Comme il y a deux autres chiens en liberté, ici, je ne le laisse courir que sous ma surveillance. Il passe une grande partie de la journée dans le box voisin de Karamelle, sur une paillasse faite avec des sacs de pommes de terres.

Chaque jour, nous partons à deux, pour une promenade d'une heure, dans les terrains vagues. Contrairement aux jours de voyage, Douro est plus calme seul, qu'avec Karamelle. Il est vrai que je marche moins vite et dans une direction moins précise. Alors, on passe plus de temps à se lancer et se ramener des cailloux, plutôt que de foncer droit devant et faire marche arrière lorsqu'on a pris trop de distance.

Moi, je passe mes loisirs au repassage, et au nettoyage, hospitalité oblige.
Articles, notes mises à jours, je recopie ce que j'ai enregistré les jours précédents sur mon dictaphone. Et je regarde la télé. Certaines émissions de variétés, dont je comprends pratiquement tout à présent, me font oublier ces derniers jours difficiles.

J'ai choisi, vu le comportement de Douro, de repartir dimanche. Nous allons faire une visite chez Christina, afin de se rendre compte de l'évolution de la guérison.
Le taux d'hématocrites a remonté. Il est maintenant dans la moyenne, malgré qu'encore fort bas.
En le vitaminant bien, cela devrait aller.
-"Ne marche pas de trop les premiers jours" me dit Christina, "il faudra beaucoup de temps pour qu'il récupère totalement".
Nous nous embrassons, je la remercie d'avoir sauvé mon chien. Elle m'avouera qu'elle n'y croyait pas, que pour elle et son collègue, Douro ne survivrait pas. Je promets de lui donner des nouvelles durant le voyage, l'embrasse une dernière fois, et nous remontons chez Lucia et Juan, afin de refaire nos bagages.

Je passe mon samedi à faire les courses nécessaires, en nourriture, fournitures diverses, médicaments, aliments et vitamines pour Douro.
Rentrée à l'écurie, je shampouine énergiquement mon chien afin de décrasser son poil, puis lui passe un produit répulsif. Tant qu'a faire, j'en pulvérise sur Karamelle également, après l'avoir désinfectée pour la débarrasser des mouches plates. Ca y est, nous sommes prêts.


Après douze jours d'activités très réduites, nous repartons vers un horizon encore lointain, cap nord, notre maison.
Durant sept jours, nous ferons des étapes variant de dix-sept à vingt-deux kilomètres.
Arrivés à Sacedon, je m'arrête devant une clinique vétérinaire. J'attache Karamelle à la barrière, et rentre avec mon chien.
J'explique au véto que Douro a besoin d'une deuxième piqûre d'Imizol, et lui présente l'ordonnance.
Malheureusement, ici, il faut le commander, ce produit n'est pas très usité. Il faudra revenir lundi.
A quatre kilomètres, vit un couple qui a des chevaux. nous nous y rendons et je demande exceptionnellement s'il est possible de passer trois nuits. Pas de problèmes.


Savez-vous, quelquefois, il y a un bon dieu pour les braves gens, car après avoir passé Sacedon, je me rendrai compte que je ne verrai plus de centre vétérinaire avant plusieurs semaines, tant les régions seront désertes.

José s'occupe de l'entretien de la maison et des chevaux, son épouse travaille dans un hôtel. Ils viennent de l'équateur. José m'explique qu'en travaillant un an ici, ils peuvent s'offrir une ferme de plus de cent hectares dans son pays. Une seconde année servira à acheter cent cinquante vaches, et ils hésitent à rester un an de plus pour assurer une autre ferme pour leur fils de huit mois. Leur ferme, ils l'ont déjà achetée, elle est bientôt payée. Je leur ai expliqué que si nous achetons une petite maison en Belgique, il faut la payer en vingt ans. C'est difficile à croire, pour chacun comme pour l'autre.

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Douro va bien, il remonte la pente tout doucement, mais il s'agit d'être prudent, que je sois plus attentive à son comportement, car une faiblesse est très difficile à déceler chez lui. Je suis prise entre le fait de le laisser jouer, courir à volonté ou de l'en empêcher, pour l'économiser et reprendre des forces, alors, de temps en temps je le rappelle à l'ordre.

Je tente de garder une moyenne de vingt à vingt-cinq kilomètres, mais les conditions topographiques font que ce n'est pas tous les jours facile. Rapidement, nos étapes s'allongent, et après quelques jours, notre moyenne a repris les trente-cinq kilomètres.

Me renseignant d'un chemin à prendre, auprès d'un garde forestier, celui-ci me donne l'adresse du maire qui possède des vaches et chez qui je pourrais trouver un logement pour Karamelle. Mais, le maire ne veut pas mettre Karamelle avec ses vaches. Alors, il m'envoie dans un centre de jeunes où il y a des écuries. Je m'y rend en voiture, avec la secrétaire, pour voir s'il est possible d'y passer la nuit.
-"N'aie pas peur, ce sont des jeunes en difficultés, mais ils sont gentils, nous n'avons jamais eu aucun problème".
Je me demande où nous allons atterrir.
Nous retournons chercher Karamelle et Douro, ainsi qu'un ballot de luzerne. Cette nuit encore nous serons bien reçus.

J'installe Karamelle dans un box, Douro dans un autre avec le matériel.
Dans la soirée, Ely m'explique que je peux avoir un lit et manger avec les jeunes. Nous sommes dans un centre de réhabilitation pour personnes droguées.
Ensuite arrive Georgia. Elle parle français et possède un berger allemand. Nous entamons la conversation sur les chiens et elle me fait visiter le centre, m'explique le fonctionnement, les horaires, les facilités, les difficultés, la police, la commune,…
Georgia et Ely ont le temps de parler, d'écouter. Je comprend plein de choses, et c'est rassurant pour nos enfants et nos connaissances adultes.

Ce soir, je mangerai dans le réfectoire avec les jeunes et les animateurs de tous pays. Et je ne fais pas de différence, parce que d'abord, je ne pourrais la voir. En effet, tous les animateurs sont des anciens drogués, ils sont bénévoles et ils continuent la chaîne d'aide et de compréhension qu'ils ont reçus dans leurs moments difficiles. Ici, pas d'uniforme, pas de tablier ni de badge. Le directeur est en jean comme tout le monde.
Cette nuit, je dormirai dans une chambre, à l'hôtel des parents en visite.
Le matin, au déjeuner, un groupe de jeunes me demande de rester encore un jour. Mais il faut continuer à avancer, j'ai du retard à rattraper. Pourtant, si mon expérience peut servir à certains, j'aurais aimé avoir des rapports plus proches avec les membres de ce groupe "Dianova".

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Les recherches d'endroits pour passer la nuit s'avèrent de plus en plus difficile, il n'est pas rare de dormir à présent à la belle étoile, avec comme repas pour Karamelle, une herbe maigre, sèche et rase, car les moutons sont passés avant elle.
Mais, autant, si Karamelle peut se permettre d'engloutir des quantités de fourrages impressionnantes (cherchez, sur un cheval de petite taille, où peuvent passer un ballot et demi de foin !!), autant, lors d'étapes comme celles-ci, elle ne souffre pas de la faim. Elle a des réserves.
Dans ce cas, lors d'étapes un peu maigres, à la première plaque verte, semblant verte ou simplement ayant l'air mangeable, nous nous arrêtons, afin de compléter l'alimentation.
Karamelle se contente de n'importe quoi, et c'est un grand point, la qualité, ici, n'étant pas toujours supérieure.

Je me suis souvent posé la question de savoir si elle rêvait à de vertes prairies bien clôturées, de picotin équilibré et régulier et de box bien large et bien paillé, comme je me suis surprise à rêver de steak frites, de baignoire et de lit, mais ce que je peux affirmer, c'est que nos chevaux,
chez nous, sont vraiment bien soignés. Karamelle s'est affinée, elle a perdu sa mauvaise graisse, elle s'est musclée. Elle a grandit, elle a changé, physiquement. Le poulain difficile du départ est aujourd'hui un bon petit cheval de rando. Elle a changé dans sa tête aussi, et si elle a et aura toujours beaucoup de caractère, elle est capable à présent de se contrôler et de calculer avant de s'engager devant certaines situations.

Au fil des kilomètres, le paysage va encore changer. Les immenses champs rasés et séchés par la chaleur, vont être remplacés par des montagnes. Pas beaucoup plus vert, cependant. Nous avons quitté l'Extremadura, le Guadalajara et nous entrons maintenant en Aragon, région natale de notre chère reine Fabiola.
Les clôtures immenses ont disparu, je peux à nouveau progresser à la boussole.
Chaque jour, nous montons sur un immense plateau, le traversons et redescendons en soirée pour rejoindre un village.
Ici, c'est le paradis des vautours. Ils sont immenses, une envergure difficile à estimer, mais, le chiffre dépassant le mètre cinquante, deux mètres ne m'étonnerait pas.


Un berger sort ses moutons de sa bergerie, son âne bâté a peur de Karamelle. Pour une fois, et cela me fait rire, c'est l'inverse !
Le berger m'explique que plus de deux cents vautours descendent tous les soirs sur le pic de la paroi de la montagne pour y passer la nuit.
De loin, ils ont simplement l'air de gros oiseaux, mais lorsqu'ils passent au-dessus de nous, ils sont impressionnants. Arrivant en silence, nous les sentons nous frôler dans un bruit sourd de vent passant dans leurs ailes, tel un planeur.
J'ai franchement peur que l'un d'eux n'embarque Douro, aussi, je le maintiens au pieds tant que, leur vol se passe au-dessus de nous.

Soudain, ils partent un à un, tous dans une même direction, j'en compte quatorze. Ils tournoient lentement en cercle à quelque trois cents mètres de nous, puis, tel dans un film, descendent l'un après l'autre vers une charogne quelconque. Mouton? Lièvre ?, Pas une vache en tous cas, car quelques minutes plus tard, ils repartent chacun dans des directions différentes, puis nous survolent à nouveau.

Ici, pas besoin de clos d'équarrissage : une chèvre, une vache ou un mouton mort est emmené dans la montagne et la nature se charge du reste. Economie ou sauvegarde de la nature sauvage ? Ce monde sauvage, je n'arriverai pas à le mettre sur ma pellicule, car, si les vautours volent haut et que cela ne donne qu'une petite tache sur la photo, lorsqu'ils sont plus bas, ils passent trop vite pour que j'arrive à les fixer, et franchement, je préfère continuer à marcher, en les sentant venir dans mon dos, que de m'arrêter et les regarder me foncer dessus, même s'il y a grandes chances que jamais l'un d'entre eux ne me touche.

Nous approchons doucement du Rio Ebro qu'il nous faudra traverser.
Nous sommes à 1300m, je supporte mon pull, mais il ne fait pasfroid.
Ici, il n'y a que Douro, Karamelle et moi. La montagne sent le thym sauvage. Le pas régulier de Karamelle derrière moi, le bruit des chaussures de Douro qui trotte devant nous, sur les pierres, et le vent qui glisse entre les montagnes sont les seuls bruits dans cette nature immense.

Puis, la montagne change, reverdit, se mouille enfin. Après tant de mois sans pluie, j'apprécie celle-ci. Truji m'a donné un pull. Cette région est une des plus froides de l'Espagne et je suis toujours en short.
Le vent continue de pousser les nuages et laisse apparaître de temps en temps un petit coin de ciel bleu : ce ne sont que de petits moments de répit. Le bout de ciel bleu hésite, entre coups de gros nuages, il disparaît, puis réapparaît.

Après quelques jours, la pluie s'arrête enfin de tomber. Je n'ose pas ôter mon poncho, il me tient chaud. En retirant la capuche, la résonance qu'il y avait à l'intérieur disparaît. Je ne m'entends plus respirer et je redécouvre le pas cadencé de mes compagnons.

A Quinto, Kiko appelle un maréchal ferrant car ici, aussi, c'est une denrée rare. Joaquim annule des rendez-vous pour me dépanner. Karamelle est ferrée pour la seconde fois à chaud, ça se passe bien. Pour toute facture, je ne dois qu'un bisou, car c'est le seul salaire accepté par Joaquim.
En allant chercher son épouse à Zaragoza, Kiko tente de me faire offrir par des commerçants, les cartes d'état major espagnoles qu'il me manque jusqu'à la frontière. Cela ne se passe pas comme ça, j'essaie de le lui expliquer, mais en vain. Il renouvelle les écouteurs de mon Walkman qui ont souffert du voyage.
Kiko a les larmes aux yeux. Encore un couple difficile à quitter.
J'ai toujours été étonnée de voir l'émotion que peuvent ressentir certaines personnes pour un passage si bref. Comment une voyageuse peut-elle bouleverser les gens ainsi, simplement en passant une soirée avec eux ?

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Certains chemins sont balisés comme GR ,je me renseigne pour savoir où ils vont et je les emprunte.
Marc m'avait dit : "Fais attention, GR = grand risque en terme cavalier". Et c'est vrai.
Le GR5 nous emmène voir de beaux paysages, mais il est très difficile. De plus, il est constamment parsemé d'arbres brûlés étendus, traversant le chemin.
Il y a dix ans, la montagne de Montserrat a entièrement brûlé, nous sommes confrontés à de fréquents détours.
Et comme Karamelle se dit : "là où la tête passe, le reste passe" : gare aux sacoches et aux genoux.

Je charge mon boudin avant de façon à ce qu'il soit légèrement rigide, aussi large que les sacoches arrières, comme les rétros d'un camion.
Le GR5 nous emmène dans un monde sauvage. Quelquefois, le chemin est si périlleux que je peste, mais c'est tellement beau que jamais je ne regrette.
Celui-ci continue en s'engouffrant dans une gorge. Un chemin en escalier, dont on en sortira sans bobo, et dont je vous épargnerai les détails de la descente, mais j'apprendrai ce soir là qu'un autre cavalier passé au même endroit deux ans auparavant, y a blessé gravement son cheval, lui ouvrant toute la cuisse, en dérapant sur un rocher.

Marie m'a dit un jour, "c'est comme si un petit bon dieu nous disait :
-"Tu as compris, cette fois-ci, tu ne recommenceras plus ?"
Et elle a raison, car certains chemins dont ce GR5, plus jamais je ne les franchirai avec un cheval.

Douro fait le con, court dans les matitis et perd ses chaussures. J'avais quitté la région de Madrid avec treize paires neuves dans les sacoches, mais une chaussure tient à peine quatre jours, et Douro a du mal à régénérer ses coussinets, probablement que la piro y est pour quelque chose.
-"Où est ta chaussure ? Va chercher, allez, rapporte"
Parfois, ça marche, alors, son bout de cuir dans la gueule, la queue frétillante, il est très fier.
Mais bon, ça ne marche pas à tous les coups. Perdue depuis trop longtemps, à moins de faire demi tour, nous ne la retrouvons pas.
Et certains jours, où, sans que je me sois rendue compte de la perte, il me la ramène tout seul, je ne manque pas de le féliciter.

Nous approchons des Pyrénées, la traversée sera plus facile qu'à l'aller, l'expérience étant acquise. D'ici quelques jours, la France. Ca ma fait plaisir, mais je ne sais pas si j'ai déjà envie de rentrer !

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Chut Joe!!!!

Grrr.... faut pas que je lise... puisque j'ai ton bouquin à côté de moi!!!

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Nous passons notre avant dernière nuit espagnole à San Pedro de Torello.
Je suis arrivée dans ce centre équestre vers deux heures de l'après-midi, expressément tôt, afin de pouvoir me faire aider sur le meilleur passage pour franchir la chaîne pyrénéenne.


Cela fait près d'une semaine que je n'ai vu quasi personne, et Fatima et Kiko (pas le même !), sont d'une chaleur humaine comme ça peut faire plaisir.
Ce dimanche, ils ont organisé un rallye avec un repas, et je fais partie de la cinquantaine de convives.
Fatima me propose de rester : "il va pleuvoir, demain, reste un jour avec nous".
Nous avons marché neuf jours sans nous arrêter, et pourtant, je n'ai plus le droit de perdre trop de temps.
Lundi matin, vers sept heures, il ne pleut pas, mais le temps est mauvais, et je me laisse tenter par Fatima. C'est d'accord, nous restons aujourd'hui.
Fatima et Marcel nous accompagneront demain jusqu'à Llanars où habite Juan, l'étape est prévue d'avance.


Douro, qui prend son rôle de gardien très au sérieux, m'épate en défendant le matériel de telle manière qu'aucun autre chien ne peut approcher.
Kiko entre dans la pièce et se fait grogner dessus au point qu'il restera le long du mur pour atteindre l'objet qu'il a besoin. Mais Douro ne quitte pas sa place, il ne défend que "son" matériel.
Fatima, suivant le même chemin sera mieux considérée, Douro la surveille, mais ne dit rien.
Il est rigolo. Il fait peur à Maria, mais je sais qu'il ne mordrait que si vraiment une personne tentait de prendre un objet m'appartenant. En d'autres cas, Douro est gentil. Un peu méfiant et prévenant vis à vis des gros chiens et mieux vaut que je le surveille au passage rapide d'un chat, mais il ne ferait de mal à personne dans des circonstances normales.


Ici, aussi, je le laisse attaché, et nous allons promener quelquefois sur la journée.
J'ai pu observer son comportement de gardien tout au long du voyage, et Douro fait une différence de chaque situation :
Si nous dormons dans une maison, il reste sagement dans la cuisine ou au garage. Si nous dormons dans une grange ou un hangar, il fait son nid à trois, quatre mètres , et ne vient près de moi en grognant que si quelqu'un ou un animal approche, puis s'en retourne à sa place. Mais si nous dormons à la belle étoile, en pleine nature, alors, il se colle contre mon duvet, à hauteur de mon dos.
Je lui ai souvent demandé si c'était pour me rassurer ou si c'est parce qu'il avait peur, mais il ne m'a jamais répondu.


Mardi 19 octobre, six heures. Je me lève en même temps que Fatima.
Nous nourrissons les cent cinquante chevaux et préparons Karamelle, ainsi qu'une petite jument grise. Douro gambade autour de nous, déjà tout fou à l'idée de repartir.
-"Hé non, mon Douro, aujourd'hui, je pars sans toi. Tu feras le voyage en camion".
Fatima m'a proposé, la veille, de m'accompagner pour une étape de quatre-vingts kilomètres. Elle en profiterait pour entraîner sa jument qui doit participer à l'épreuve internationale d'endurance de Montcuq, en France.
Aujourd'hui, Karamelle portera seulement la selle et les petites sacoches avant qui contiennent une gourde et un casse-croûte. Pas de poids, mais des kilomètres en prévision.

J'attache Douro au fond du camion, à côté du matériel, lui mets un seau d'eau.
-"Tu gardes, mon gamin, gentil, garde".
Nous refermons le tapecul du camion.
Je n'aime pas ça, le pauvre, mais bon, cela lui évite de faire cent cinquante kilomètres d'allers retours pour rien.
J'embrasse Kiko, José, et le papa de ceux-ci. Pera, l'autre frère, maréchal ferrant,est déjà parti travailler. Je ne peux embrasser Maria, la maman, elle est au lit avec une mauvaise grippe. Pourtant, hier, elle était allée me ramasser un sac de noix pour le voyage. Elle avait 39° de fièvre.


Nous partons, il est huit heures quarante cinq. Nous avons trois quart d'heure de retard, et Marcel, que nous rejoignons deux heures plus tard, n'est pas content.
Marcel connaît le chemin pour traverser les Pyrénées. Devant nous, le pic du Canigou. Celui-ci est à 2.784 mètres d'altitude et est enneigé, c'est beau.

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Quatre-vingt kilomètres. Nous avons fait quatre-vingt kilomètres en plus ou moins neuf heures. Karamelle qui est très endurante ne transpire pas. Elle supporte l'effort sans souffler, mais se laisse cependant distancer lors des moments de galops. Je la laisse galoper à son rythme, les temps sont réguliers et relativement courts.
Nous arrivons à Llanars en début de soirée, les chevaux sont frais. Pour chacun, c'était une bonne ballade.
Un box attend Karamelle, et moi j'attends Douro ! Il m'a manqué. C'est dur de ne pas l'avoir devant moi alors que j'y suis habituée.
Le camion arrive, Douro m'a entendu et est impatient d'être lâché. Il saute, saute, au point que je dois me fâcher. J'ai un petit pincement au cœur. J'avais prévenu José afin qu'il lui parle au moment de mettre le moteur du camion en route, pour le rassurer. Je ne sais pas ce qu'il aura pensé, mais moi, je sais qu'il aura gagné un jour !


Fatima, Marcel et José s'en vont, après avoir embarqué leurs chevaux, c'était une bonne journée pour tous.
Demain, Joan m'emmènera jusqu'à la frontière française.

Nous progressons au pas. Lentement, nous montons cette dernière montagne qui nous amène vers la France. Juan parle peu. Il est devant. Lui aussi, profite de notre rencontre pour entraîner son cheval. Il fait partie de l'équipe d'endurance de Fatima et Marcel. Nous marcherons près de quatre heures ensemble, avec le retour, cela lui fait une journée bien remplie également.
Le temps qui était relativement clair le matin, s'assombrit, se charge, s'accompagnant d'un vent de plus en plus puissant.
Après deux heures de montée, nous voyons à peine devant nous. Mais Juan connaît bien le chemin. J'entends les cloches des vaches sur ma droite, je ne vois rien, nous avançons dans les nuages.
J'ai passé mon poncho, et, la tête baissée, nous affrontons les bourrasques de vent mêlées de pluie et neige à la fois. J'ai paumé ma paire de mitaines et mes vêtements d'hiver n'arriveront que d'ici une dizaine de jours.

Le col d'Ares, 1513 mètres. C'est la tempête. Je descends de Karamelle, j'embrasse Juan et nous nous quittons.
Le brouillard et le vent rendent Karamelle inquiète. Pour la première fois, alors que le cheval nous accompagnant fait demi tour, elle pestelle un peu.

A gauche, la guardia civile. A droite, la gendarmerie. La frontière n'est présente que par ces deux bâtiments désormais fermés. J'attache Karamelle côté français, et passe la bâche sur la selle, lui couvrant également une partie des épaules et la croupe. Je continue à pied.
Au fur et à mesure de la descente, le brouillard disparaît, mais la pluie continue de tomber. Et cela ne se calmera pas jusqu'au soir. Vive la France !

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La grosse bourde de Joe,

Elle aviré son dossier de l'ordi quand ça a déconné. pas d'accord

Je ne sais donc mettre la suite.

Mais rassurez-vous, y en avait plus des masses.

Je suis bien rentrée, ma jument et mon chien vont bien !! hi

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Comment ?! Joe n'a pas fait de backup ?
Ben dis donc, heureusement que ton problème d'ordi est arrivé après ton passage chez l'imprimeur, sinon on n'aurait jamais pu lire le bouquin.



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