Point de vue. Nucléaire : un débat rendu aujourd'hui nécessaire

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Point de vue. Nucléaire : un débat rendu aujourd'hui nécessaire

La catastrophe en cours au Japon aura forcément des incidences sur notre économie. La France, pays le plus nucléarisé au monde, ne pourra plus se passer d'un débat sur l'avenir de cette énergie.

L'humanité avance souvent à la suite de désastres. C'est le cas après les guerres et après les catastrophes. La série invraisemblable de calamités qui s'abat sur le Japon va-t-elle être suivie par d'autres drames ? C'est toute la question. Dans la théorie des catastrophes, la variation d'un paramètre, si meurtrier soit-il, conduit au chaos. Puis à un nouvel équilibre. Sommes-nous entrés dans ce processus, où une vague tueuse au Japon conduit à des changements dans nos vies quotidiennes en France ? C'est bien possible...

L'enfer technologique
Le plus terrible avec les scénarios-catastrophe, c'est qu'ils n'envisagent jamais le pire. Depuis des décennies, des quantités d'experts nous affirment que l'électricité nucléaire est sûre. Sauf que les catastrophes, surtout naturelles, ont pour principe de n'en faire qu'à leur tête.

Au Japon, tout le monde savait qu'un séisme marin de degré 9 sur l'échelle de Richter, non seulement probable mais attendu, serait suivi d'un raz-de-marée démesuré. Alors que le mot tsunami est japonais, on a construit des villes sur les côtes, et aussi des centrales nucléaires.

Qui avait prévu qu'après un séisme, un, puis deux, puis trois, puis quatre réacteurs connaîtraient des problèmes monstrueux en série ? Personne.

Au milieu des zones les plus urbanisées et les plus industrialisées du monde, à quelques dizaines de kilomètres d'une capitale de 35 millions d'habitants priant pour que le vent chargé de particules ne tourne pas, c'est l'enfer technologique qui se prépare.

Personne ne se risque à prédire dans quel sens va évoluer la crise, puisque le scénario est écrit à Fukushima par des neutrons en folie. Le Japon a beau être un riche pays organisé et discipliné, on a peine à concevoir ce que vont devenir des conurbations gigantesques soudain privées d'eau, de nourriture, d'électricité. Avec des milliers, voire des millions d'habitants sur les routes.

Une position réaliste ?
Et ensuite ? La troisième économie du monde sur le flanc et c'est notre vie quotidienne qui va changer : le prix du pétrole ne baissera pas, celui des métaux et du minerai non plus. Les composants électroniques vont renchérir.

De plus, le Japon et d'autres pays vont très certainement s'éloigner de l'énergie nucléaire pour se diriger vers d'autres énergies fossiles - de plus en plus chères - et vers celles, renouvelables, que fournit la nature (vent, soleil, etc.).

Les dirigeants français ont déclaré qu'ils ne suivraient pas cette voie, mais est-ce une position réaliste ? Est-il concevable que la France refuse le débat, alors qu'elle est le pays le plus nucléarisé au monde, avec un réacteur en activité pour 1,2 millions d'habitants ? Très loin devant le Japon (un réacteur pour 2,3 millions d'habitants) et les Etats-Unis (un pour trois millions). Faudra-t-il attendre qu'un nuage radioactif soit au-dessus de nos têtes pour en parler ?

Jean Guisnel


Source : Le télégramme.com 17/03/2011