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Des animaux et des hommes : ou quand l'homme et l'animal se rencontrent

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Cela fait plusieurs millions d'années que la vie peuple la Terre. Au fil des âges, les espèces se sont adaptées aux changements, ont évolué. De nouvelles sont apparues et d'autres, encore, ont disparu. On compte à ce jour six périodes extinction de masse, dont la sixième est en cours. Sur les 65.518 espèces étudiées 20.219 seraient ainsi menacées. Pour la première fois, la cause n'est pas naturelle mais résulte directement des activités humaines.

Le nombre d’espèces éteintes et la rapidité avec laquelle se produisent les extinctions n’expriment qu’une partie du recul réel de la biodiversité mondiale. La biodiversité peut être envisagée à trois niveaux : celui des gènes, celui des espèces et celui des écosystèmes. Une espèce peut très bien ne pas être éteinte, et même être dans un état de conservation satisfaisant, tout en ayant perdu une part importante de sa richesse génétique.

Si, au sein d’une espèce, les individus qui présentent la plus grande diversité, par rapport aux autres membres, viennent à disparaître, les perspectives d’évolution seront réduites, et ce, même si la totalité de l’espèce ne s’éteint pas. En effet, quand la diversité au sein d’une espèce devient moindre, le spectre d’action de la sélection naturelle est diminué. La perte de diversité génétique d’une espèce donnée est appelée érosion génétique, et de plus en plus de scientifiques s’en préoccupent.

Dans ce dossier Fabrice Delsahut, ethno-historien, présente quelques portraits d'hommes et de femmes se battant et œuvrant pour la sauvegarde de la biodiversité.


Famille de guépards (Acinonyx jubatus). Il ne reste qu'un peu plus de 12.000 individus de cette espèce dans le monde. ©️ James Temple, cc by 2.0


FUTURA SCIENCES 21/1/2013

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Aurélien Brulé est l’un de ces passionnés touchés depuis l’enfance par un amour auquel ils ont dédié leur vie. Fasciné par les primates, il se consacre aux gibbons et part à Bornéo. Il y crée Kalaweit, une association visant à les protéger.

«Si l’Homme apprend un jour à aimer la vie, toute la vie, Kalaweit n’aura plus à lutter.»


Gibbon à mains blanches

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Aurélien brulé, surnommé Chanee, consacre sa vie à la sauvegarde des gibbons. Il est par ailleurs l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Le gibbon à mains blanches, destiné à améliorer les conditions de vie des individus vivant en captivité. ©️ Aurélien Brulé Kalaweit


Au Kalimantan, partie indonésienne de Bornéo, on l’appelle Chanee (gibbon en langue thaï). Installé là-bas depuis une dizaine d’années, le Français Aurélien Brulé se bat pour sauver les grands singes, et plus particulièrement les gibbons, d’une disparition programmée.

Né le 2 juillet 1979 à Fayence (Var), Aurélien Brulé est, dès son enfance, passionné par les animaux, en particulier les primates. À 12 ans, il fait la rencontre du primatologue Jean-Yves Collet, qui le conforte dans sa vocation de devenir lui-même primatologue. Il contacte ensuite le directeur du parc zoologique de Fréjus qui lui permet, cinq années durant, d’observer les gibbons à mains blanches.

Cette persévérance le conduit à rejoindre en 1995 la Société française de primatologie de primatologie et de publier un an plus tard «Le Gibbon à mains blanches», ouvrage destiné à améliorer les conditions de vie des gibbons en captivité. Son contenu impressionne les primatologues. Bien qu’engagé dans un cursus de psychologie-éthologie à la faculté de Strasbourg, Aurélien Brulé aspire davantage aux grands espaces et à l’observation de terrain. Il décide donc de privilégier la conservation à la recherche.

Il réside trois mois dans les parcs nationaux de Thaïlande pour observer les gibbons dans leur milieu naturel, puis une rencontre lui permet de poursuivre matériellement ses aspirations et de construire son histoire. Muriel Robin, admiratrice de sa détermination et de son engagement, décide de financer son voyage, avant de suivre son combat plusieurs années durant. Il part alors en Indonésie afin de créer un projet de protection pour les gibbons de Bornéo, où il n’existe pas de trace comptable de la tragédie que subissent la faune et la flore tropicale. Ours des cocotiers, panthères, civettes, calaos, varans et surtout les primates, macaques, nasiques, gibbons et orangs-outans, l’homme de la forêt en malais, le riche bestiaire de l’une des jungles les plus luxuriantes de la planète, s’éteint inexorablement avec elle.




FUTURA SCIENCES 21/1/2013

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L’association Kalaweit est l’aboutissement du combat mené par Aurélien Brulé pour protéger les gibbons et sensibiliser les populations à leur cause. Depuis son lancement en 1997, cet organisme n’a cessé de prendre de l’importance, notamment avec la création d’un pôle média, d’un centre de soins ou la signature d’accords avec les autorités indonésiennes. En 16 années d’existence, Kalaweit est devenue une association mondialement connue.

En 1997, l'association Kalaweit (loi 1901) est créée pour encadrer juridiquement et financièrement un projet de protection pour les deux espèces qui coexistent sur l’île, le gibbon agile et le gibbon de Müller. Kalaweit veut dire gibbon en dayak ngaju, un des dialectes parlés dans la province centrale de Bornéo. Muriel Robin en est tout naturellement la marraine. Pendant plus de 6 mois, il mène une bataille acharnée contre les autorités et le ministère indonésien des Forêts pour obtenir l’accord de s’installer au coeur du parc national de Bukit Baka Bukit Raya. Il obtient finalement l’autorisation des autorités indonésiennes pour créer et gérer un refuge de réhabilitation destiné aux jeunes gibbons, au cœur de la forêt primaire de Kalimantan Tengah.

Gibbon à mains blanches (Hylobates lar) assis dans l'herbe. ©️ Derek Ramsey, cc by 2.5


En 1999, un protocole d’accord est signé avec le gouvernement indonésien, incluant la réhabilitation des gibbons prisés par les populations et les braconniers comme animaux de compagnie, l’information, la sensibilisation et l’éducation des populations locales ainsi que la protection des forêts sur l’île de Bornéo. La construction de la première station est entreprise au cœur de la forêt primaire et la première expérience de relâcher d’un couple de gibbons sur le site de la station permet la mise en place d’un processus de réhabilitation pour la suite du programme.

En 2003, l’association fait naître le premier média destiné à aider la conservation des gibbons en Indonésie : Kalaweit FM. Majoritairement à destination des 15/25 ans, la programmation a pour objectif de sensibiliser la jeunesse indonésienne au respect de la vie sauvage. Les cinq messages courts sur les gibbons lancés toutes les heures de diffusion musicale vont finir par entraîner un changement de mentalité. Les auditeurs, surtout des jeunes, appellent la hotline de la station dès qu’ils voient un animal prisonnier et n’hésitent plus à faire pression sur le détenteur pour qu’il se sépare de la bête. Actuellement, 60 % des animaux reçus à Kalaweit le sont grâce aux appels. Beaucoup plus efficace que le recours à une intervention policière, les primates sont, en principe, protégés par la loi indonésienne, car l’association ne dispose pas de pouvoir coercitif. Face à ce succès radiophonique, Chanee a voulu lancer en 2009 une télévision bâtie sur le même concept que MTV, où des textes de sensibilisation à la cause animale devaient apparaître en bas d’écran.

Malheureusement, le lancement de la télévision ne s’est pas fait, les autorités ne lui ayant pas attribué de fréquence, malgré trois ans de négociations. Les fréquences ont toutes été attribuées aux télévisions nationales de Jakarta. Désormais, Chanee se concentre sur la création de relais radio. Cet échec télévisuel a fait écho à celui de son École pour la nature, qui a scolarisé 30 enfants pendant un an. Ce qui aurait pu être une belle réussite s’est trouvé confronté au faible taux d’inscription d’élèves, dû aux transports trop coûteux : les familles ayant dû partir dans les bidonvilles de Palangka Raya à la suite de la montée des prix du pétrole.

En 2001, un espace sanitaire, le Care Center, est acquis pour que les gibbons saisis bénéficient d’un bilan sanitaire et de soins. Dès son arrivée, le gibbon est mis en quarantaine après une prise de sang, pour analyser s’il n’a pas été infecté par une maladie lors de sa captivité. Beaucoup d’entrants sont atteints de tuberculose, d’Herpes simplex ou d’hépatite B, et 25 % d’entre eux en moyenne sont trop contaminés pour être rendus à la nature.

Gibbon à mains blanches (Hylobates lar) dans un arbre. ©️ Trhiha Shears, cc by 2.5


En 2002, la reconnaissance mondiale du travail effectué par Kalaweit passe par une étude de 18 mois menée par le docteur Susan Cheyne, de l’université de Cambridge, sur la viabilité du processus de réhabilitation mis en œuvre. Les résultats sont présentés à l’International Primate Society à Turin en 2004, et un accord est signé avec le village d’Hampapak pour l’utilisation d’une forêt-sanctuaire inhabitée afin d’accueillir les gibbons, puis avec le village de Mintin. Dans la foulée, le premier conseil scientifique regroupant les experts mondiaux des gibbons est créé.

Le premier relâcher d’un couple de gibbons sur l’île de Mintin est effectué avec succès en 2003. Fort de cette reconnaissance mondiale et des succès, Kalaweit entreprend un nouveau défi : créer une seconde station à Sumatra. L’île de Marak (1.000 hectares), inhabitée et la plus boisée du Sud-Ouest de la capitale de la province, Padang, apparaît comme un site idéal : c’est un point stratégique pour contrôler les trafics d’animaux.

Dans ces baraquements de bois pour le personnel, avec une infirmerie et un sentier qui mène aux cages de mise en quarantaine et aux volières de réadaptation à la vie sauvage, le sanctuaire de Kalaweit apparaît bien spartiate. Sa fonctionnalité repose sur la foi et la volonté d’une cinquantaine de personnes (employés et vétérinaire) qui se battent quotidiennement contre l’inexorable pénétration de l’Homme dans l’habitat animal et contre les dégâts inhérents à la cupidité humaine.

Avec le temps, les villageois partenaires de Kalaweit se sont multipliés. Le programme est devenu une grande opération humanitaire, où plus de 1.000 personnes reçoivent des aides médicales et pédagogiques. Des villages entiers sont devenus les ambassadeurs de Kalaweit et prônent le respect de la vie. Le centre a encore énormément de travail, et le défi devient de plus en plus dur, car les difficultés financières sont quotidiennes. Malgré les entraves matérielles et les menaces dont il est l’objet personnellement, Chanee ne veut pas renoncer. Et sait-on jamais : «Si l’Homme apprend un jour à aimer la vie, toute la vie, Kalaweit n’aura plus à lutter».

Créée en 1997, l'association est désormais mondialement connue. ©️ Kalaweit


FUTURA SCIENCES 21/1/2013

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Au-delà de sa lutte pour protéger les gibbons, Aurélien Brulé a été confronté à un autre problème en arrivant dans les contrées indonésiennes : la déforestation massive. Sauver les espèces en danger passe aussi par la préservation de leur habitat. Aurélien Brulé nous dévoile ici son ressenti.

Cela fait plus de 10 ans que je tente de sauver des animaux et la forêt à Bornéo et Sumatra, en Indonésie. Au début, l’idée était simple : aider les gibbons victimes des braconniers. Mais sur le terrain, je me suis trouvé confronté au vrai problème qui touche la faune indonésienne : la déforestation. Et la pierre devait être lancée aux compagnies forestières…

Gibbon juvénile à mains blanches (Hylobates lar). ©️ Choupigloupi, cc by 2.0


90 % du territoire avait été donné à ces compagnies, et elles pouvaient couper à leur aise cette forêt d’une richesse inouïe. Toutefois, j’avais très vite fait un constat qui allait à l’encontre de nombreux discours. J’avais remarqué qu’après une exploitation de la forêt pendant 30 ans, il restait encore une végétation, certes appauvrie, mais très intéressante… Dans ces concessions en fin de contrat, la faune de Bornéo était représentée : gibbons, orangs-outans, ours des cocotiers, etc. Les populations de ces espèces étaient appauvries, et pouvaient être mises en péril par des braconniers, mais elles étaient encore là ! L’idée de faire de ces zones déjà exploitées, des zones protégées, semblait être la stratégie la plus réaliste, dans un contexte de développement économique du pays.

La plupart des compagnies forestières ne pratiquent pas de coupes blanches. Elles font des coupes sélectives, à la recherche d’essences précieuses, comme le meranti, le tek et le ramin. Pour l’extraction de ces bois, la forêt est saignée par des pistes et de nombreux arbres sont détruits. Mais au moins, il reste quelque chose qui donne une idée de ce que pouvait être la forêt originelle.

Mais protéger ces forêts blessées, à la fin des contrats, était sans compter sur les besoins des pays développés… en chips, shampoings, cosmétiques et biscuits !

Cette fois, l’ennemi, bien plus menaçant, venu d’Afrique, allait changer la donne pour la préservation de la forêt ! La demande des pays développés en huile bon marché devait faire se multiplier à une vitesse effrénée des compagnies d’huile de palme, toujours à la recherche de nouvelles terres…

Le palmier à huile est robuste, produit beaucoup et est adapté aux pays tropicaux où la main-d’œuvre ne coûte pas grand-chose. Son huile est donc une des moins chères sur le marché. En 10 ans, des millions d’hectares ont été convertis en plantations, rien qu’à Bornéo. Il n’est pas rare d’avoir un seul consortium (dont un petit groupe de personnes tire les ficelles) à la tête de plusieurs centaines de milliers d’hectares.

Toutes les zones qui ont été exploitées par des compagnies forestières sont donc massacrées à blanc. La forêt laisse place à une monoculture, où plus un seul animal n’a sa place…

Le comble ? L’Homme non plus n’a plus sa place, dans un environnement où l’érosion et la pollution rendent les eaux impropres à la consommation. Les populations locales se retrouvent bernées, appauvries, pour les intérêts des autorités indonésiennes, des grands patrons et des Occidentaux désireux, entre autres, de chips bon marché ! La forêt est brûlée à chaque saison sèche, et aujourd’hui je vois dans une compagnie forestière… un don du ciel ! Je sais que, pendant l’exploitation forestière, la jungle ne sera pas convertie en une plantation qui n’attend que le boom des agrocarburants. Si cela devait arriver (boom des agrocarburants), ce serait vraiment la fin des forêts qui m’ont attiré dans ce pays, refuges de mes amis gibbons.

Le combat est aujourd’hui de taille. Les petits projets comme Kalaweit ne font pas le poids face aux compagnies d’huile de palme. La seule chose réaliste pour sauver ce qui peut encore l’être est de travailler avec les populations locales. À Bornéo, les populations dayaks refusent de travailler dans les plantations. Les ouvriers sont pour la plupart des Javanais très pauvres. Les conditions de travail dans ces cultures sont proches de l’esclavage, pour un salaire de 2,50 $ la journée, sans couverture sociale, etc. Je crois en la création de microprojets de conservation, visant à protéger concrètement de petites zones. Trop de discours sont émis par de grandes ONG, désireuses de soigner leurs campagnes auprès de leurs donateurs. Il faut arrêter cela et travailler maintenant main dans la main avec les populations, pour protéger des zones de forêt.

Déforestation. Environ 13 millions d'hectares disparaîtraient chaque année, dans le monde. ©️ DP


Kalaweit travaille aujourd’hui à la gestion de certaines réserves, aujourd’hui protégées, grâce au soutien des populations. Ce genre de microprojets peut être répété un peu partout en Indonésie. Il faut simplement s’en donner les moyens. Récemment, j’ai fait une expédition d’un mois, seul, dans le nord de la province centrale de Kalimantan (partie indonésienne de Bornéo). J’y ai trouvé une forêt de plus de 2 millions d’hectares, quasiment vierge de toute attaque humaine. Cette forêt, c’est celle dont je rêvais lorsque j’étais enfant. Face à elle, en entendant les chants de mes amis gibbons, j’ai repris espoir et j’ai ressenti de quoi mon combat devait être fait les dix prochaines années. Ce n’est pas facile de se sentir un témoin impuissant d’une telle destruction de la vie. Mais cette introspection d’un mois dans la jungle m’a permis de réaliser que, quel que soit le résultat de mon action, le fait d’œuvrer pour la vie justifie tous mes efforts et ceux de ceux qui luttent à mes côtés.

Avec un peu de moyens, nous pouvons sauver des zones encore vierges. Avec un peu de volonté, nous sommes capables de donner des refuges à des espèces que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Je ne suis pas optimiste pour l’avenir, mais je crois que nous avons nos petites victoires à remporter. Nous avons des îlots, plus ou moins grands, à créer pour que les gibbons et tous les autres animaux ne disparaissent jamais. Mon combat est celui de sauver les gibbons, ainsi que tous les animaux qui croisent ma route. Nous pouvons tous sauver de petits coins de paradis.

L'association KALAWEIT est présente sur le forum : cliquez ICI



FUTURA SCIENCES 21/1/2013

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Claudine André est Africaine de coeur. Elle aime l’Afrique, son art et les espèces qui la peuplent. Une passion se précise à l’arrivée de Mikeno, un bébé bonobo avec peu de chance de survie. C’est le début d’une grande histoire : Mikeno sera sauvé, et bien d’autres le seront aussi après lui.

«Enfant, je suis arrivée au Congo dans les valises de mon père, qui était vétérinaire. Il m’a donné la chance de découvrir l’harmonie avec la nature, l’équilibre entre la terre, les hommes et les animaux.»

Claudine André est la fondatrice et présidente de Lola Ya Bonobo («Le paradis des bonobos» en lingala, la langue locale), un sanctuaire pour bonobos en République démocratique du Congo (RDC). Belge de nationalité, mais africaine dans l’âme, elle a été élevée parmi les animaux et la savane par un père vétérinaire. Ayant côtoyé Dian Fossey, les gorilles et les volcans pendant de longues années, elle s’est forgé un caractère dynamique et un amour encore plus grand pour la faune.

Claudine André avec de jeunes bonobos. ©️ Claudine André Lola Ya Bonobo


Passionnée d’art africain, toujours à la recherche d’objets rares, elle tient d’abord une boutique de luxe tout en s’occupant de ses cinq enfants. La guerre civile et les pillages qui ravagent le pays à la fin des années 1990 mettent fin à ses activités commerciales.

En 1993, un bébé bonobo change la vie de Claudine pour toujours : Mikeno est déposé au zoo de Kinshasa, où elle travaille comme volontaire. La direction du zoo met Claudine en garde : il a peu de chances de survie. Mais Claudine relève le défi et s’attache à le sauver. C’est ainsi qu’elle se jette dans une aventure qui ne s’est plus arrêtée.

Après Mikeno, d’autres surviennent, de plus en plus nombreux. En 1998, le «Sanctuaire-Nursery» est créé sur le campus de l’école américaine de Kinshasa ((Tasok), où il reste pendant les quatre années de guerre. En 2002, avec 20 bonobos à sa charge, Claudine déménage dans 35 hectares de forêt à la périphérie de Kinshasa : [i]Lola ya Bonobo est né.[/i]

Le sanctuaire Lola Ya Bonobo est un paradis pour les bonobos. ©️ DR


Entourée d’une remarquable équipe, Claudine voit son influence et sa réputation s’étendre bien au-delà du sanctuaire, à travers tout le Congo. Elle travaille inlassablement à l’éducation des populations congolaises pour leur faire découvrir, aimer et respecter les bonobos, cet héritage unique et propre à la RDC, ces singes si proches de l’homme et si précieux, et pour leur faire réaliser la cruauté de la chasse et les risques sanitaires de la consommation de viande de brousse. La réputation de Claudine ne s’arrête pas aux frontières du pays. Pilier de l’association, elle s’occupe aussi bien des bonobos que de toute la logistique et de l’organisation du sanctuaire. Femme de tête, elle est l’interlocutrice privilégiée pour les organismes gouvernementaux et internationaux s’occupant de la protection des primates. Elle est actuellement la seule femme conservatrice et fonctionnaire d’Afrique.

En 2006, elle reçoit le prix Prince Laurent pour l’Environnement de la Belgique et l’ordre national du Mérite de la France. Inlassable, elle fait régulièrement des conférences à travers le monde pour faire connaître le bonobo et alerter l’opinion publique pour sa protection avant qu’il ne soit trop tard.

Un documentaire sorti en 2011 et intitulé «Bonobos» raconte l’histoire vraie et émouvante du retour d’un jeune bonobo appelé Béni, à la vie sauvage. A travers son histoire, le réalisateur Alain Tixier retrace le travail de Claudine André pour protéger l’espèce la plus proche de l’Homme sur Terre. La mission de Lola Ya Bonobo est d’assurer le bien-être et la protection des bonobos qui lui sont confiés et l’éventuelle réhabilitation de ces derniers.

Un jeune orphelin nommé Lomela est réconforé par un autre bonobo. ©️ DP


L’éducation du plus large public est un élément essentiel de la stratégie de protection du bonobo. La plupart des pensionnaires sont confiés par le ministère de l’Environnement congolais après leur saisie auprès de trafiquants, ou remis volontairement par leurs prétendus «propriétaires» lorsqu’ils apprennent que le commerce et la détention des bonobos sont illégaux. Souvent mutilés pour des pratiques et potions magiques, les bonobos sont extrêmement fragiles et leur survie dépend du traitement rigoureux et rapide de leurs pathologies réelles ou suspectées.

La prise en charge psychologique des bébés orphelins est tout aussi cruciale. Pour combattre leur stress, les petits sont immédiatement confiés à une maman (humaine) de substitution, qui leur donne tout l’amour et le réconfort dont ils ont besoin pour survivre. À l’âge de cinq ou six ans, si les petits sont en assez bonne condition physique et en confiance, ils sont introduits dans l’un des groupes d’adolescents et d’adultes.

La vente et la détention des bonobos sont illégales. Sans un sanctuaire où recueillir les bébés bonobos – rendus orphelins lorsque leurs mères sont tuées pour leur viande, et confisqués par les inspecteurs de l’environnement alors que les braconniers essayent de les vendre comme animaux de compagnie – il serait impossible de faire respecter cette loi.

Les sanctuaires ont aussi une vocation pédagogique envers les populations locales, en particulier les populations urbaines, principales consommatrices de viande de brousse. Si les sanctuaires peuvent permettre aux populations locales de mieux connaître les bonobos, de les apprécier comme les animaux rares et merveilleux qu’ils sont, peut-être la demande de viande de brousse ira-t-elle en décroissant.

Claudine André et un jeune bonobo. ©️ DP

Lola Ya Bonobo représente surtout l’histoire d’une femme hors du commun, qui se considère comme Congolaise malgré ses cheveux roux et ses yeux bleus, d’une passion pour l’Afrique, de la paupérisation inexorable d’un pays et, surtout, d’une «tendresse sauvage» pour ces petits primates que sont les bonobos.


FUTURA SCIENCES 21/1/2013

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La consommation de viande de brousse est un véritable fléau pour les bonobos. Une fois les adultes tués pour leur viande, Lola Ya Bonobo recueille les orphelins rescapés, trop chétifs pour être mangés. Claudine André nous raconte.

En République démocratique du Congo, les trafiquants de viande de brousse n’y vont pas par quatre chemins. Ils traquent des groupes entiers de bonobos, qu’ils massacrent pour les boucaner et les vendre sur les marchés. Trop petits pour être mangés, les bébés échappent à la mort. Ils finissent vendus comme animaux de compagnie pour quelques dizaines de dollars.

Mais là encore, le danger demeure ; leur fragilité et le sevrage brutal de l’allaitement maternel peuvent leur être fatals. S’ils survivent, c’est «par horoscope» comme on dit au Congo, quand la chance est du bon côté. Les sanctuaires sont le dernier maillon de la chaîne qui récupère ces orphelins «chanceux», issus du commerce et du trafic de viande de brousse.

Au sanctuaire de Lola Ya Bonobo, une mère et son enfant. ©️ cc by 3.0


La nursery marque la première étape de la vie d’un orphelin chez nous, l’endroit où il va retrouver l’envie de vivre grâce à l’affection et la tendresse que les mamans humaines de substitution lui donnent. Les petits arrivent à Lola Ya Bonobo amaigris, déshydratés, ils restent accrochés à la mort. Les traumatismes subis sont terribles : séparation brutale de la mère, du groupe, du biotope, les massacres dont ils ont été témoin, le stress d’un interminable voyage, les coups ou mutilations dont ils ont été victimes. Tous nos orphelins sont victimes de l’insouciance et de la cruauté humaine, et certains ne s’en sortent pas. Ce fut le sort de la petite Waola. Elle est arrivée à Lola Ya Bonobo un jour de Noël, cruellement mutilée et en état de détresse extrême. Malgré tous les efforts du personnel soignant, la petite n’a pas survécu à ses blessures.

Le malheur est que le succès» des sanctuaires en dit long sur l’importance du trafic de viande de brousse. Beaucoup d’entre nous sont déjà presque à saturation d’effectifs. Un état de fait illustrateur d’une bien triste vérité. L’ampleur réelle du trafic de viande de brousse demeure très difficile à cerner. Si les responsables de l’environnement possèdent peu d’indices précis sur l’évolution du marché, on l’estime à plusieurs millions de tonnes par an consommées annuellement pour le seul bassin du Congo. La viande boucanée, en morceaux, est peu identifiable. Détail atroce : afin d’éviter que leur cadavre ne ressemble trop à celui d’un enfant, les trafiquants laissent de petits singes entiers, avec leur fourrure.

La croissance démographique, l’urbanisation combinée à la prolifération d’armes, elle-même favorisée par les différents conflits, ont accentué le massacre des animaux sauvages. Un trafic souvent commandité par des autorités civiles ou militaires qui fournissent les cartouches. On fait face à un véritable business. La consommation jadis locale et traditionnelle a laissé place à une économie à grande échelle, mettant en péril la survie de nombre d’espèces vivant au Congo. Avant d’avoir conscience d’un tel drame, je comprenais ce problème de tradition. Chasser en Afrique n’a rien de péjoratif, chasser les espèces sauvages est une tradition ancestrale. C’est la légitimité du peuple de la forêt. Elle est dictée par la nécessité de nourrir sa famille. C’est aussi respecter la sagesse des anciens. La chasse est certes naturelle, mais de traditionnelle, on est passé à une chasse quasi industrielle.

Vanessa Woods, une scientifique australienne en visite au sanctuaire Lola Ya Bonobo. ©️ DP


Si le cadre légal existe – renforcement de la lutte antibraconnage, contrôle intérieur du commerce de la viande de brousse, protection des espèces menacées – force est de constater que son respect est limité, corruption oblige. Malgré les saisies multiples et les progrès d’information et de sensibilisation, le trafic se poursuit et touche aussi bien les grands singes que d’autres espèces animales, telles que les antilopes, les gazelles ou les éléphants.

Les braconniers disposent d’armes automatiques modernes que les guerres incessantes ont multipliées. Le désarmement des militaires étant périlleux, on constate une recrudescence du trafic en période d’après conflit. À Lola Ya Bonobo, entre 1996-1997 et 1999-2000, nous avons enregistré des pics d’arrivées massives de petits orphelins, après le massacre de leur tribu chassée pour la viande de brousse. Le trafic de viande de brousse est un problème très délicat et complexe à gérer. Cette surexploitation représente un danger considérable pour les espèces animales et constitue, par ailleurs, une menace directe pour le biotope et la population locale.

Lisala et bébé Nyota Loya née le 04/12/11. ©️ Lola Ya Bonobo DR


Pourtant, la charte de la Cites (loi qui gère le commerce international sur les espèces de faune et de flore sauvages en danger), dite convention de
Washington, a été ratifiée dans les années 1980 par le Zaïre, un des États pilotes dans ce domaine. Comme son cousin le chimpanzé, le léopard, l’okapi, le gorille, le rhinocéros et quelques autres, le bonobo est rangé dans l’annexe I, la plus contraignante.

Le problème est de faire respecter ce texte. Certains détracteurs n’hésitent pas à mettre toujours en avant le respect des traditions et des chasses en forêt. Il faut convaincre que, traditions ou pas, la Cites fait loi. À charge pour les douanes européennes de faire preuve de plus de vigilance et de renforcer les surveillances de sites.

Chez nous, la forêt primaire marécageuse, largement impénétrable à cause de ses inondations, a entraîné une plus faible présence des compagnies forestières, et donc moins de circulations incontrôlables. Nous ne connaissons pas en RDC ces trains de camions grumiers qui se suivent par dizaines, comme on en voit dans d’autres régions d’Afrique équatoriale (Gabon, Cameroun). Et puis, grâce aux charges terribles des conservationnistes, Karl Ammann en tête, les forestiers commencent à comprendre qu’il leur faut rapidement corriger l’image désastreuse qu’ils se sont, par leurs excès, forgée auprès de l’opinion publique. D’où une nouvelle approche qui les pousse désormais à mieux respecter l’environnement, et même à demander aux grandes ONG de la conservation des moyens pour équiper des patrouilles antibraconnage.

Mais comment empêcher ce trafic par la seule voie réglementaire, sans aider concrètement des populations qui n’ont pas d’autres recours pour survivre ?

Légaliste, je n’en demeure pas moins humaniste et réaliste. La pauvreté est partout et l’inactivité touche près de 90 % de la population. C’est encore presque l’âge de bronze au milieu de la forêt. Alors, comment les laisser mourir de faim et leur dire de regarder les animaux courir ? Des animaux qui sont leur seule source de protéines ? Il n’y a pas un Congolais qui pense que la forêt se vide, même si certains villages commencent difficilement à admettre de voir moins d’animaux qu’avant.

En dépit de la lutte que mènent les conservateurs sur le terrain, avec ou sans l’appui des grandes institutions internationales, les programmes de
conservation in situ enregistrent donc de bien maigres résultats. Il est vrai que l’Afrique, avec ses conflits, sa pauvreté, sa mauvaise gouvernance, leur donne du fil à retordre. Des ONG internationales se préoccupent de fournir une alternative aux populations qui, dans les biotopes des grands singes, vivaient de la chasse interdite et du trafic de la viande de brousse.

Malheureusement, ces tentatives ne sont pas toujours couronnées de succès. Ainsi, certaines populations perpétuent le braconnage malgré les subventions apportées. En Afrique, il faut manier la carotte et le bâton, à la fois rééduquer et sensibiliser mais aussi appliquer la loi. Les textes sont là ; une loi sur la biodiversité et un code forestier existent. Il faut la peur du gendarme, la crainte de la sanction. Quand celle-ci dépassera le profit, on aura fait un pas en avant. Malheureusement, ceux qui n’ont pas peur de la loi font souvent n’importe quoi.

On se doit aussi de parler de santé publique. Avec la consommation de viande de brousse, le risque sanitaire est omniprésent ; lors de l’épidémie d’Ébola au Congo voisin, des tonnes de viande de brousse ont été jetées par-dessus bord des bateaux qui descendaient le fleuve Congo. Et c’est en manipulant des cadavres de primates infectés que des individus ont contracté le virus mortel. La peur fait écho et les acheteurs sont nettement moins nombreux.

À Pasa, lors de nos réunions, de nombreuses discussions portent sur l’avenir des sanctuaires à plus long terme, et en particulier sur les délicats problèmes de la réintroduction en pleine nature.

Remettre les animaux dans leur milieu naturel semble une étape inévitable, ou alors il faudra accepter l’euthanasie des orphelins des derniers grands singes !!! Voilà pourquoi, depuis plus de quatre ans, notre association «ABC», les Amis des bonobos du Congo, prépare cette phase cruciale du retour en forêt, en étroite collaboration avec la population locale et les autorités compétentes.

Le site choisi pour ce relâcher se situe dans la province d’Équateur, près de la ville de Basankusu, une réserve intégrale de 20.000 hectares de forêts marécageuses. La réintroduction d’un premier groupe d’une vingtaine de bonobos, socialement organisés et réhabilités à Lola, représente une chance inestimable pour le maintien de la biodiversité et pour la sauvegarde de l’espèce. C’est le peuple Pôo qui s’est engagé à devenir le gardien des bonobos et à surveiller «Ekolo ya bonobo», la première réserve au monde de réadaptation des bonobos à la vie sauvage.

Espèce endémique de la RDC, les bonobos étaient cinq fois plus nombreux il y a à peine 30 ans. Nous nous battons contre le temps. Les bonobos sont une richesse non seulement pour le Congo mais pour la planète entière.



FUTURA SCIENCES 21/1/2013

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Véronique Audibert Pestel tombe sous le charme du Cambodge lors d’un de ses documentaires. Elle y découvre également les problématiques du pays, notamment celle du braconnage. C’est ainsi qu’elle fonde l’association Poh Kao, des tigres et des Hommes, dans le but de protéger le tigre du Vietnam.

«Nos interventions visent à renforcer la capacité des personnes à maîtriser leur propre développement en respect de la biodiversité. Il reste des tigres aujourd’hui, mais très peu à l’état sauvage. Il y en a même davantage en captivité chez des particuliers aux États-Unis que dans des zoos !»

Cette ancienne réalisatrice de documentaires, qui vit 7 mois sur 12 au Cambodge, a créé après dix années de travail sur le terrain, en août 2006, « Poh Kao, des tigres et des Hommes », une association qui milite pour la défense du tigre indochinois. Elle partage ce dévouement unique pour préserver l’équilibre si fragile de l’Homme, de l’animal et de la forêt cambodgienne avec la cofondatrice de l’association : Claire Marion-Pham.


Véronique Audibert Pestel portant un bébé tigre. ©️ Poh Kao des Tigres et des Hommes, DR


C’est en tournant un documentaire en 2000 qu’elle a rencontré des locaux, qui l’ont amenée à la découverte de cette région, de cette forêt et aux problèmes de braconnage auxquels devait faire face la faune locale.

C’est aujourd’hui à son tour de sensibiliser les villageois de la province de Ratanakiri (Cambodge) à l’importance et à la richesse de la faune sauvage locale, et de les aider dans des domaines aussi divers que l’agriculture, la santé animale et l’éducation. Les populations locales n’ont pas connaissance de la rareté des espèces avec lesquelles elles vivent. Plus largement, la population du pays, à 82 % rurale, ne sait pas que la faune qui l’entoure est exceptionnelle et n’a donc pas les moyens de l’apprécier comme une richesse patrimoniale. La diversité de la faune est perçue comme banale, ancestrale et non menacée.


Les objectifs de l’association sont de préserver le tigre et la biodiversité exceptionnelle du Cambodge, d’enrayer la chasse et l’utilisation des animaux sauvages à travers un développement durable des communautés, et de diffuser des connaissances sur l’environnement et la faune. Poh Kao, des tigres et des Hommes met au service des populations locales les compétences de professionnels dans les domaines de l’agriculture, de l’élevage, de la santé animale et de la sensibilisation à la protection du tigre et de la faune. Ses deux axes prioritaires sont d’agir auprès des populations des forêts primaires, là où le tigre et la faune sont chassés, et d’agir auprès des utilisateurs de parties du tigre et d’animaux sauvages menacés d’extinction, à savoir les médecins traditionnels et leurs patients. Poh Kao, des tigres et des Hommes, favorise ainsi un développement qui les éloigne de leur précarité et les amène à voir leur environnement comme un patrimoine à protéger.


La stratégie repose sur deux axes prioritaires : le développement, parce que les ethnies minoritaires qui vivent dans ces forêts n’ont reçu l’aide de personne et n’ont eu d’autre alternative que de répondre à la demande pressante des trafiquants pour survivre, et la sensibilisation parce que la population est peu informée du caractère rarissime de son patrimoine naturel, qu’elle vit comme banal et non menacé. Le principe fondamental qui gouverne Poh Kao, des tigres et des Hommes, est de faire des populations locales les acteurs principaux de ce programme, lequel vise à renforcer leur capacité à maîtriser leur propre développement dans le respect de la biodiversité.

Deux tigres d'Indochine (Panthera tigris corbetti). ©️ Kabir Balie, cc by 2.5


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[size=12]Le programme global concerne différents volets. Le premier porte sur l’eau, avec l’amélioration sanitaire relative aux maladies infectieuses et pour une agriculture durable, notamment via le forage d’un puits en 2007.


Un autre objectif concerne l’élevage, pour un apport nutritionnel qui remplace la viande de chasse et pour une valeur économique marchande. Une attention particulière est portée aux cultures, avec un apport nutritionnel et une valeur marchande enrichies. Une formation aux cultures maraîchères est ainsi dispensée. L’éducation est aussi un volet important, pour que les adultes et futures générations voient leur environnement comme un patrimoine à protéger. Des ateliers de sensibilisation à la protection du tigre ont été mis en place avec l’institutrice de l’école.


Un tigre dans la nature (Panthera tigris corbetti). ©️ Accipiter, cc by 3.0, 2.5, 2.0, 1.0


L’écotourisme est privilégié afin de sensibiliser au fait qu’un animal vivant vaut plus cher qu’un animal mort. Enfin, une action est menée autour des médecines traditionnelles, pour que médecins et patients développent la médecine par les plantes. Ce programme a démarré en 2005, à travers un premier accord de principe avec les villageois : leur apporter des alternatives de développement pour leur permettre de cesser d’alimenter le commerce des trafiquants par la chasse. En août 2008, le programme est devenu plus officiel par la signature d’un contrat avec les villageois, qui les engage à arrêter la chasse avec en contrepartie le lancement des volets d’agroélevage avec [i]Cons
ervation International (CI) – une organisation à but non lucratif qui cherche à protéger les « points chauds » de biodiversité, en partenariat avec des ONG et des peuples indigènes – et Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF), une association de solidarité internationale qui intervient depuis plus de 30 ans en Amérique centrale et du Sud, en Asie et en Afrique, pour que les hommes vivent de la terre durablement. Présente dans 18 pays, l’association met son expertise au service des petits agriculteurs et mène 77 programmes de développement pour préserver et gérer durablement les ressources naturelles (eau, terres, forêts …).


FUTURA SCIENCES 21/6/2013

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Véronique A.P nous expose dans un témoignage à quel point le tigre, dans son environnement naturel, peut être un animal mystérieux. Il n’est pas le tigre de cirque ou de zoo, ni celui dressé pour le cinéma. Il est l’animal pur, sauvage, celui qu’elle tente de préserver.

Mon engagement pour la protection des tigres a émergé dans les jungles montagneuses du cœur de la péninsule indochinoise. Au fil des jours, sur leurs traces, j’ai compris ce qu’ils étaient, ce qu’ils représentaient, si loin de la représentation que l’on peut en avoir dans les zoos, les cirques et à l’écran. Grâce à un pisteur, chasseur de tigres, j’ai eu l’immense privilège d’être initiée à la grandeur des espaces encore vierges de toute intervention humaine, de toute recherche scientifique, un monde intact, pur.

Ce montagnard aux pieds nus aura à jamais ma reconnaissance. Sans sa connaissance parfaite, je n’aurais jamais rien su du pouvoir énigmatique de cet animal emblématique, de la force qu’il représente pour les hommes de ces forêts, de sa qualité de marqueur d’une biodiversité intacte, de toute la faune qui va à sa suite.

Gros plan d'un tigre (Panthera tigris corbetti). ©️ Matej Batha, cc by 3.0

Tout dans cette épaisse forêt frémissait et palpitait comme au premier matin du monde ; et ce tigre qui nous suivait silencieusement alors que nous remontions vers le nord, dont nous trouvions les traces aux abords de notre bivouac le lendemain matin, a révélé dans son sillage la fragilité d’un monde en passe de s’évanouir, un monde dont les hommes comme mon pisteur, un chasseur-cueilleur, feraient les frais. Ce tigre et cet homme ont changé ma vie, c’était en 1998, ils m’ont ouvert les yeux à la fois sur leur monde parfait et son péril imminent. Ce combat a pris naturellement le nom de Poh Kao, des tigres et des Hommes.

Le tigre est braconné pour sa peau et pour toutes les parties de son corps, chacune ayant des vertus pour la médecine traditionnelle chinoise. Il a été prouvé scientifiquement que les os de tigre n’auraient pas plus de vertus que des os de lapin ! On y trouve du calcium, pas plus. Le comité national officiel de la MTC s’est engagé à ne plus prescrire d’animal listé en annexe I de la Cites. Mais les traditions ont la vie dure et ce qui est rare est cher, d’où un accroissement ces dernières années du braconnage sur les quelques tigres sauvages restant. Un Occidental qui voudrait, depuis Paris par exemple, chasser un tigre devrait au moins aligner 100.000 euros ; de source informée, de telles demandes ont eu lieu. En 2000, un ancien mercenaire m’a proposé une chasse au tigre pour 5.000 euros.

Les tigres sont recherchés d’une part pour les peaux, au Moyen-Orient, dans les pays du Golfe et dans la riche diaspora chinoise à travers le monde. Le Japon, la Corée ne sont pas en reste. Les griffes et les dents sont aussi prisées par tous les Asiatiques comme symboles de puissance et d’invincibilité ou repoussoirs de fantômes, ennemis, etc. Des centaines de milliardaires ont fait leur apparition en Chine, des millions de personnes ont un pouvoir d’achat qui leur permet aujourd’hui de consommer les prestigieux produits issus du monde sauvage. Les tigres élevés en batterie sont aujourd’hui plus de 5.000 en Chine.

Le marché noir, le trafic d’animaux sauvages sont en expansion spectaculaire. Selon Interpol, c’est le deuxième après le trafic de drogue en volume financier. Le réseau emprunte les mêmes routes et les mêmes filières humaines que celles du trafic de drogue, d’armes et d’êtres humains. Pour les douanes, la police, ce trafic est difficilement contrôlable, il s’agit d’une véritable économie parallèle, quasiment impunie.

Le Cambodge a encore beaucoup à offrir : 65 % de forêts intactes et 74 espèces d’animaux en danger critique ; chaque animal, du pangolin à l’ours à collier, en passant par la tortue allongée et la panthère nébuleuse, a sa cotation sur le marché noir du trafic, tout comme chaque arbre et chaque essence.

En 1998, il y avait 700 tigres au Cambodge, [b]aujourd’hui les scientifiques estiment leur population entre 10 et 70 individus. Aussi sombre qu’apparaisse la situation, 3,3 millions d’hectares de forêts protégées couvrent le territoire, ce qui en fait l’un des pays avec la plus haute proportion de forêts sous protection.[/b]

Les grandes ONG internationales de conservation ont permis au pays de structurer les zones protégées (formation, système légal), en coopération avec le ministère de l’Environnement et le ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche du Cambodge. Ce sont aujourd’hui des centaines de rangers qui sécurisent les parcs nationaux, les sanctuaires et réserves de biosphère, en dépit du danger et des menaces des trafiquants. La protection de ces forêts percute les intérêts de locaux puissants, la corruption est au Cambodge à un niveau record.

Le combat est rude, mais nous croyons tous à un avenir pour la conservation de la faune et des forêts au Cambodge. Une synergie entre la sécurisation des zones par les rangers, la recherche scientifique aujourd’hui menée par de jeunes scientifiques cambodgiens et le développement agricole pour les habitants des forêts se concrétise un peu plus chaque jour.

Poh Kao, des tigres et des Hommes s’est engagée dans cette troisième composante de la synergie. Nous travaillons pour améliorer les conditions de vie des communautés montagnardes ayant un impact sur la forêt primaire, pour réduire les pertes en biodiversité et créer les bases d’une conservation à long terme au moyen de l’engagement des communautés, du développement agricole et de la sensibilisation à la protection de la faune. Notre but est de sécuriser l’environnement ancestral des communautés de l’appétit des concessions (forestières, minières, foncières), par la création d’une nouvelle zone protégée au Cambodge et donc d’offrir à la faune et au tigre en particulier un espace sécurisé.

Tigre étendu dans l'herbe. ©️ Xavier Bouchevreau, Flickr, cc by sa 2.0


La zone sur laquelle nous travaillons abrite probablement la dernière population de tigres au Cambodge. En effet, aucune empreinte n’a été relevée sur le reste du territoire depuis 2005, ceci dit les zones forestières sont très difficiles à inspecter.

Les communautés montagnardes avec lesquelles nous travaillons estiment la population de tigres à une vingtaine d’individus, mais qui se seraient enfoncés vers le nord à cause de la pression du braconnage. Leur connaissance de la faune et du tigre est un atout déterminant dans nos recherches de terrain. Ils appartiennent à des minorités ethniques proto-indochinoises de chasseurs-cueilleurs. Les principales activités sont la culture du riz et la collecte de produits en forêt (chasse et cueillette). Les activités économiques, l’organisation sociale et les croyances (animistes) sont très intimement liées à la forêt : 95 % du territoire ancestral d’activités de ces villages est couvert de forêts denses, au centre desquelles se trouve la montagne de Rom Peurk. Cette zone est l’habitat de nombreuses espèces menacées et rares (49 espèces en danger dont 7 en danger critique, 8 espèces de félins), c’est aussi l’habitat de deux esprits essentiels et fondateurs des communautés.

Bien que la richesse en biodiversité soit ici plus grande que dans le reste du pays, les forêts de la zone souffrent de plusieurs menaces de dégradation de la biodiversité, dues à des activités illégales comme l’extraction de bois précieux (acajou Dalbergia cochinensis), le braconnage et le commerce d’animaux sauvages. Les trafiquants viennent régulièrement dans les villages depuis la fin de la guerre il y a dix ans, afin de collecter la faune et de commander des espèces spécifiques. C’est la seule source de revenus monétaires pour les communautés, où aucun développement (ONG ou autorités locales) n’a été mis en place avant que Poh Kao, des tigres et des Hommes, ne démarre son projet.

Les enquêtes, explorations et interviews que nous avons menées depuis 1997 ont révélé que cette zone était particulièrement sous pression du trafic international d’animaux sauvages depuis 1998, du fait de sa proximité frontalière avec le Vietnam et le Laos, sur la route de la Chine. La tradition de chasse alimentaire n’avait jusqu’alors jamais mis en péril l’équilibre de la faune sur place (les premiers rapports du parc national recensent plus de 100 tigres sur la zone). Ces populations de chasseurs-cueilleurs étaient totalement isolées, les réseaux du trafic, organisé depuis la Chine principalement, se sont actionnés à partir de cette date, prenant comme relais un village chinois établi depuis 200 ans sur la zone mais qui était resté coupé des échanges en raison des 30 années de guerre au Cambodge.

Deux tigres couchés dans l'herbe. ©️ Neusitas, cc by sa 2.0


Ces réseaux pénètrent dans les zones les plus reculées, ils fournissent aux populations des mines antipersonnelles, des câbles d’acier pour leur permettre de chasser les espèces les plus cotées sur le marché de la médecine traditionnelle et le marché des fétiches ; en échange, ils fournissent aux communautés montagnardes des sacs de riz et payent en or (un tigre représente à lui seul 40 années du salaire moyen d’un Cambodgien). À partir de là, les villages sont collectés chaque jour par plusieurs chefs de réseau.

En 2006, nous nous entendons sur un accord de principe avec le chef et les anciens, nous définissons ensemble les espèces menacées, désormais prohibées de chasse, et les activités de développement agricole. Le contrat intitulé «Arrêt de la chasse et du commerce des espèces menacées contre développement agricole et soutien à l’école» est signé. Nous implantons les premières activités d’urgence (accès à l’eau potable) et continuons à élaborer une méthodologie pour enrayer à la racine le trafic d’animaux sauvages et du tigre en particulier.

Selon les études menées par Poh Kao, des tigres et des Hommes (2007 : étude socio-économique, pratiques agricoles, situation de la santé animale), la collecte des produits et la chasse en forêt représentent 60,5 % des revenus villageois, contre 23,5 % pour l’agriculture et 7,5 % pour l’élevage. Les expertises ont révélé que ces deux dernières activités ont un fort potentiel de développement (richesse du sol dans les zones habitées et ressources importantes de nourriture pour le bétail). L’étude socio-économique montre également que les habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 0,50 $ par jour, et font face à l’insécurité alimentaire avec des récoltes de riz de 1,0 tonne/ha quand la moyenne au Cambodge est de 2,5 tonnes/ha. En conséquence, plus de 90 % des familles dépendent de la forêt pour se nourrir, et 40 % de leurs revenus dérivent du commerce d’animaux pour la viande et pour les médicaments traditionnels chinois.

Aujourd’hui, nous travaillons en coopération avec les communautés, les anciens chasseurs voient leurs revenus augmenter par rapport à ceux de la chasse, et ce par l’élevage, la culture, l’agroforesterie, etc. Nous transférons des techniques et, grâce à notre équipe d’agronomes et de vétérinaires, une perspective de développement pérenne s’instaure dans les villages. Aujourd’hui, des tigres sont revenus aux abords des villages ; ils représentent un immense espoir pour le Cambodge, car leur présence sur le territoire n’avait pas été confirmée depuis 2005. Pour les communautés, ils reviennent avec l’esprit de la forêt dans leur sillage, car le tigre est pour ces hommes le véhicule de l’âme du grand fondateur de leurs communautés et pour nous le marqueur d’une zone de forêt encore intacte et aujourd’hui sécurisée.




FUTURA SCIENCES 21/1/2013

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Olivier behra est un self-made man de la recherche en environnement. Sans avoir fait d’étude dans le domaine, il est devenu, très vite, très jeune, l’un des spécialistes mondiaux des crocodiles. Retour sur un parcours hors-norme.

«À l’heure actuelle, il n’y a pas de discussion technique sur la préservation de la biodiversité ui ne considère ses liens possibles avec le secteur privé, avec le renforcement des capacités, la création d’activités économiques durables pour les communautés de base et de nouveaux systèmes de financement de la conservation.»

Olivier Behra est le fondateur de l’ONG "’Homme et l’Environnement" à Madagascar. Nostalgique de son Afrique natale, mais sans aucune formation de base en gestion de l’environnement, il débute sa carrière comme soigneur animalier au zoo de Vincennes. Il ne s’agit guère que de nourrir et nettoyer les loges des animaux, mais cela lui permet d’approcher les crocodiles et d’avoir accès à la bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle. Il sympathise avec les naturalistes et remarque que l’on ne connaît pas la distribution du reptile en Afrique.

Le Muséum, qui supervise une étude financée par les Nations unies, décide d’envoyer Olivier Behra réaliser son rêve. Il s’engage alors dans une mission de comptage des crocodiles dans des conditions d’une rare pénibilité (humidité, moustiques, maladies…) pendant 3 ans. Il devient rapidement l’un des spécialistes mondiaux de ce groupe, notamment grâce à une méthodologie d’approche particulière. Au cours d’un des recensements, il découvre Madagascar, subjugué par la beauté de l’île.

Alors qu’il a à peine 25 ans, sa spécialité lui permet de devenir chef de projet pour les Nations unies, qui veulent soutenir Madagascar pour développer un programme d’élevage de crocodiles. Il développera le premier programme au monde, qui sera fondé sur l’implication des communautés locales dans la collecte des œufs afin de les motiver pour la préservation des reproducteurs dans la nature.

L’écosystème malgache est en péril, car 250.000 hectares de forêt partent en fumée chaque année et quelque 10.000 plantes endémiques risquent ainsi de disparaître. La raison est due à la culture traditionnelle sur brûlis, venue d’Indonésie, et la culture du riz pluvial qui appauvrit rapidement les sols. Le riz est la nourriture de base à Madagascar, avec 130 kg en moyenne par personne et par an. Mais pour deux années de récolte, 80 ans sont nécessaires pour reconstituer le couvert forestier et favoriser les échanges entre les espèces. Face à la malnutrition due à la surpopulation, Olivier Behra sait qu’il faut proposer aux Malgaches de nouveaux moyens de subsistance. Son idée est de créer des revenus à partir des plantes afin de motiver les Malgaches pour leur préservation, comme il l’a mis en place avec les crocodiles.

Il développe dans un premier temps l’étude des plantes médicinales et des huiles essentielles, qui apparaissent pouvoir être produites de façon favorable à l’environnement, dans le respect de la biodiversité.

L'association L'Homme et l'Environnement a été lancée en 1993. ©️ L'Homme et l'Environnement

Cet homme «devenu scientifique par esprit d’aventure» crée en 1993 «L’Homme et l’Environnement», avec Ramandimbison et Voahirana Young, face au constat des potentialités que représente la valorisation des ressources naturelles pour la conservation et le développement des communautés de base à Madagascar, et à l’absence de considération de ces potentialités par la communauté de la conservation.

Il veut impliquer les populations locales dans la protection et l’utilisation des ressources de la forêt. Son idée consiste à développer la fabrication d’huiles essentielles à partir de plantes médicinales en valorisant le savoir-faire malgache pour préserver l’écosystème. Ainsi Olivier Behra a-t-il transformé le niaouli, considéré à l’origine comme une mauvaise herbe, en une source de revenus pour les agriculteurs, qui en tirent 2.800 tonnes d’huile essentielle par an.

Après une phase d’étude et de promotion des concepts, l’ONG a décidé en 2001 de mettre en place les réserves expérimentales de Vohimana et de Vohibola pour montrer la validité de ses principes dans des cadres pratiques de mise en oeuvre sur le terrain. Les réserves ont été créées en 2002, sous la forme de contrats de gestion transmis des autorités nationales et régionales (manquants de moyens) à l’ONG pour que cette dernière assure la conservation du couvert forestier, tout en gérant les problématiques de développement des populations locales.

L’association propose donc d’impliquer les habitants dans la préservation de leur biodiversité et l’exploitation durable de leurs ressources naturelles, afin de financer des structures sociales et sanitaires.

Au fil des années, des microentreprises communautaires ont été créées par des locaux. Certaines fournissent maintenant de grandes marques de cosmétiques en huiles essentielles bio, d’autres sont dans l’écotourisme. Elles réinvestissent leurs bénéfices dans les écoles, les cantines scolaires, les maternités… rendant les populations locales de moins en moins dépendantes de l’aide internationale.

En veillant sur cette pharmacie naturelle, des Hommes peuvent vivre dignement et durablement à partir de la forêt, autrement qu’en l’arrachant pour cultiver. L’île recèle aussi des plantes aux vertus médicinales. Olivier Behra a ainsi recensé quelque 130 plantes contenant des principes actifs intéressant les laboratoires. Pour préserver le savoir traditionnel du biopiratage, il a convaincu des partenaires de compiler le savoir original des tradipraticiens et de l’éditer pour leur en donner la reconnaissance.

Il fait aussi cultiver de multiples variétés de jeunes plants d’arbres, qui sont ensuite repiqués pour créer des corridors forestiers afin de panser la coupure de la forêt originelle en deux blocs nord et sud, et de favoriser l’échange génétique et la biodynamique des espèces. Les anciens exploitants forestiers se mettent désormais au service de l’organisation pour devenir pépiniéristes et conseiller le reboisement.

En mêlant développement d’activités génératrices de revenus et préservation de l’écosystème, l’ONG a compris qu’en surfant sur la vague des produits bio, la population malgache peut lutter contre la pauvreté tout en respectant un environnement unique au monde. Aujourd’hui, l’expertise d’Olivier Behra est reconnue de par le monde pour la valorisation des ressources naturelles avec implication du secteur privé.

Son projet est exemplaire et nous intéresse tous. Ce travail local a une portée mondiale : penser à long terme et agir à court terme. Reconstruire la biodiversité malgache est une façon de nous montrer la voie de la sagesse écologique, à défaut de conscience.


Olivier Behra (à droite sur la photo), à Madagascar. ©️ Olivier Behra, ONG « L'Homme et l'Environnement»


UTURA SCIENCES 21/1/2013

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Ferme à crocodiles. Une idée novatrice émise par Olivier Behra : construire des ranchs à crocodiles. ©️ Christophk2003, Flickr, cc by sa 2

Comme pour d’autres acteurs de la protection de la biodiversité, Olivier Behra fut victime d’une rencontre : celle d’un petit crocodile. Un être qui l’a amené à s’intéresser à l’espèce, à faire des recherches, à se rendre à Madagascar, à préserver les crocodiles et, de fil en aiguille, à protéger tout un écosystème fragile peuplé d’autres espèces, parfois endémiques.

Le lémurien est une des espèces endémiques de Madagascar. ©️ Fangio678, Flickr, cc by sa 2.0


Les réserves expérimentales de Vohibola et Vohimana sont aussi uniques l’une que l’autre en termes de biodiversité.

Dernier vestige de la forêt littorale de la côte est de Madagascar, la forêt de Vohibola est juste séparée de l’océan Indien par le canal des Pangalanes et par une fine bande côtière. Elle abrite avec les zones humides qui l’entourent oiseaux, poissons endémiques, reptiles et amphibiens ainsi que mammifères, dans une végétation qui compte au moins quatre espèces d’arbres dont c’est le dernier refuge au monde.

Forêt tropicale humide de moyenne altitude, Vohimana abrite quant à elle 11 espèces de primates et n’est pas moins que le site le plus riche au monde en espèces d’amphibiens endémiques. 57 espèces de grenouilles différentes y ont été répertoriées à ce jour sur 6 km2, ce qui représente deux fois plus d’espèces que sur les 290.000 km2 de l’Europe centrale.

Lorsqu’au tout début du nouveau millénaire j’ai décidé, avec mon collègue malgache Dimby, de créer les réserves, ces forêts étaient littéralement en train de partir en fumée. Elles n’avaient aucune chance de subsister sans des actions novatrices. Pillages des bois précieux par des trafiquants, incendies non maîtrisés, destructions pour de misérables cultures sur brûlis étaient quotidiens. Ils laissaient de plus les populations locales dans la misère la plus totale et sans perspective aucune d’amélioration de leurs conditions de vie. Nous n’avions pas d’argent, l’administration forestière nous laissait carte blanche parce qu’elle n’avait aucun moyen d’intervention, mais nous avions des idées. À vrai dire, une idée principale : on devait pouvoir trouver moyen de travailler avec les communautés locales pour qu’elles réalisent l’intérêt de la préservation de ce patrimoine unique au monde.

Le résultat, sept ans après avoir commencé le projet : je me retrouvais avec mes vieilles chaussures usées dans les luxueux bureaux parisiens d’une des plus fameuses entreprises de parfums et cosmétiques au monde pour signer le premier contrat de compensation d’émissions de CO2, dans un cadre de partage des avantages avec les communautés locales. Pour faire simple, après avoir réussi à développer des extraits à partir de feuilles de plantes de la forêt collectées par les femmes de la zone, nous avons réussi à convaincre les industriels de l’évidence de s’impliquer dans la préservation de ce patrimoine mondial, et que pour cela il fallait soutenir les communautés locales.

Ils ont vu l’intérêt économique pour eux de la mise en valeur de l’environnement avec les communautés locales, mais aussi compris que si ces forêts partaient en fumée, ce n’était que plus de CO2 qui partait dans latmosphère, compromettant aussi l’avenir des petits Occidentaux.

Les fonds récoltés nous permettent pour la zone Vohimana de poursuivre l’amélioration du système d’éducation local que nous avons mis en place par la construction d’écoles, l’embauche et la formation d’enseignants mais surtout en faisant fonctionner une cantine scolaire pour les 750 enfants scolarisés, dont 80 % se sont avérés malnutris. Il n’y avait aucun accès à la santé à moins de 12 km à pied, aussi nous avons construit un centre de santé. Le financement permettra pour les cinq prochaines années de le faire fonctionner avec un médecin et deux sages-femmes.

Les deux jeunes femmes ingénieures qui développent la transformation sur place des produits par les communautés suivant les règles du commerce équitable et de la production bio partiront améliorer leur formation en France. Un atelier pour développer la formation des femmes et l’accès au microcrédit peut être mis en place et fonctionner. Tout cela est le résultat pour les communautés locales de la préservation de la forêt et de la mise en valeur de ses ressources de façon durable. Le résultat est bien plus parlant que toutes les campagnes de communication expliquant l’importance de préserver l’environnement.

L’idée de valoriser les ressources naturelles avec les communautés locales pour préserver l’environnement ne nous est pas venue du jour au lendemain. Tout a commencé par une passion pour un animal qu’il m’a semblé indispensable de préserver.

Rencontre entre deux crocodiles. ©️ Peter Nijenhuis, Flickr, cc by sa 2.0

10 ans après avoir quitté le Cameroun, pays de mon enfance, je m’y retrouvais en balade sur une rivière de l’Ouest. C’est là que j’attrapais un bébé crocodile. Il ne faisait même pas 50 cm et ressemblait comme deux gouttes d’eau à un dinosaure. J’ai été totalement fasciné par cet animal.

De retour en France, j’ai réussi à entrer comme soigneur d’animaux au zoo de Vincennes, près de la capitale. Cela me donnait accès à la bibliothèque du Muséum et me rapprochait des blouses blanches des chercheurs de la vieille institution. Seul, j’ai lu tout ce qu’il y avait, pour me rendre compte qu’il n’y avait pas grand-chose d’écrit sur les crocodiles d’Afrique centrale. La nature – et la science – a horreur du vide et, aussi incroyable que cela puisse paraître à l’heure actuelle, car je n’avais absolument aucun diplôme, il ne me fut finalement pas si difficile que cela de trouver le chercheur qui allait me faire confiance pour trouver les moyens de me lancer dans l’aventure scientifique d’aller chercher les informations manquantes sur les crocodiles. J’avais regardé les cartes et décidé de rejoindre les endroits les moins accessibles d’Afrique centrale.

Ma conviction était totale et je ne craignais ni les rebelles congolais, ni les serpents, ni les marécages. Je n’étais pas non plus impressionné de me retrouver, à 22 ans, en face d’un ministre africain pour lui expliquer le but de ma mission, mandatée par les autorités nationales françaises. Remonter le plus puissant fleuve d’Afrique était déjà une aventure fascinante. Le quitter après trois jours de navigation pour plonger en pirogue dans les profondeurs de la gigantesque forêt marécageuse, entre le Congo et le Cameroun, était la vraie aventure. Les rencontres avec les peuples locaux, que ce soit les Bantous ou les Pygmées, m’étaient facilitées par le fait d’être le seul Blanc.

Le fait que je ne craigne rien dans les environnements naturels hostiles me facilitait par ailleurs le travail de recherche des animaux dans les nuits tropicales souvent humides. Au bout de 6 mois passés sur les fleuves et rivières, les données que j’avais rapportées allaient me permettre d’être rapidement reconnu par la communauté scientifique internationale, non pas parce que j’étais un scientifique en herbe génial, mais parce que les données étaient inédites. Prétentieux dans mes ambitions, je n’en étais pas moins humble de mon savoir. J’ai investi tout ce que j’avais pour aller rencontrer les scientifiques spécialistes de crocodiles, aux États-Unis puis au Zimbabwe. Ils m’ont accueilli avec intérêt et m’ont appris ce qu’il me manquait pour poursuivre mes travaux d’étude des crocodiles.

Le Zimbabwe était à l’époque incroyablement plus évolué en matière de capacité de gestion de la faune que les pays d’Afrique centrale, et ne parlons pas des États-Unis et de l’Australie. J’avais vu beaucoup de crocodiles, mais aussi que la chasse avait décimé des populations entières et qu’il fallait faire quelque chose. Suspendre le commerce international était une première étape.

Je pris ainsi la parole en 1987 au Canada devant 2.000 spécialistes du commerce international des espèces menacées et les représentants officiels de 150 pays pour défendre avec succès la limitation de la chasse aux crocodiles pour le commerce international. Il s’agissait cependant là de chasse pour le marché international et, dans les forêts profondes, les crocodiles étaient aussi chassés pour la viande en quantité, sans qu’aucun contrôle ne soit fait de façon réaliste possible.

À Madagascar, que j’avais aussi parcouru du nord au sud et de l’est à l’ouest pour cerner la situation des populations sauvages de crocodiles, les crocodiles étaient considérés comme nuisibles et devant être exterminés pour les dommages qu’ils causaient au bétail mais aussi aux populations humaines. J’ai rencontré, dans la brousse, un homme qui venait de perdre son fils de 12 ans dévoré par un crocodile. Pas besoin de préciser combien il apparaît alors absurde ne serait-ce que d’essayer d’expliquer qu’il faut protéger les crocodiles parce qu’ils sont intéressants…

En Occident, des gens meurent chaque jour dans leur automobile, pourtant il ne vient à l’idée de personne de sensé de vouloir faire disparaître ces moyens de transport si dangereux ; il devait y avoir une autre solution. Du fait de ma spécialité, unique pour un francophone, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture passa outre mon jeune âge et, à 25 ans, je me retrouvai le plus jeune chef de projet que les Nations unies n’aient jamais eu. Le gouvernement malgache leur avait en effet demandé de les soutenir pour mettre en œuvre un programme de développement de l’élevage.




L’opportunité était là pour moi de proposer quelque chose de novateur, puisque je devais concevoir et diriger les opérations. À la surprise générale, j’ai proposé de ne pas faire de fermes mais de faire des ranchs. Il fallait des investisseurs pour développer les conditions d’incubation des œufs et d’engraissement des petits qui allaient limiter la mortalité naturelle, mais nous allions collecter les œufs dans la nature auprès des populations locales. L’idée était que celle-ci devait trouver un intérêt à avoir des crocodiles dans son environnement naturel.

Presque 20 ans après, le système fonctionne toujours. Le technicien que j’ai formé à l’époque et ceux qu’il a formés partent tous les ans dans la brousse payer les paysans locaux pour les œufs de crocodiles. C’est le secteur privé qui finance le système. Certes, son intérêt est la production de peaux pour faire des sacs à main, mais le résultat est que les populations de crocodiles ont un sursaut et présentent un intérêt immédiat de conservation dans la nature.

La forêt malgache, si riche en espèces, part en fumée principalement parce que les populations qui vivent à ses abords n’ont pas d’autre choix que de la brûler pour gagner de nouvelles terres de culture.

Ce qu’il y a de terrible, c’est que la terre sous la forêt n’est pas fertile du tout et que, peu d’années après, elle devient quasi stérile, laissant les populations toujours dans la pauvreté et avec leur capital naturel en moins. C’est à la suite de l’expérience avec les crocodiles que nous nous sommes dit qu’il fallait, de la même façon, trouver de la valeur immédiate à la forêt pour amener les populations locales à être motivées pour la préserver. Les plantes aromatiques et médicinales présentaient ce potentiel.

Nous avons fait fabriquer un premier alambic en Inox pour être aux normes internationales et décidé de l’implanter directement dans une communauté villageoise. L’idée était de faire produire de l’huile essentielle de Ravensara aromatica, qui était déjà demandée sur le marché international. Ce sont les gens de la forêt qui amenaient les feuilles à pied dans le tout petit village. Au bout d’un an, ils ont compris le fonctionnement de la distillation et demandé si l’on ne pouvait pas les équiper directement dans la forêt. Ce fut chose faite.

Quelle aventure, lorsque ces producteurs ont quitté pour la première fois leur zone forestière pour venir, pieds nus, à la capitale apporter leurs premiers litres d’huiles essentielles ! Certains ont juré de ne plus jamais revenir dans ce monde de fous. Le chef du groupement, cependant, fait non seulement toujours des aller-retour entre la forêt et les acheteurs d’huiles essentielles à la ville, mais travaille avec nous à la formation de nouveaux groupements locaux de producteurs.

Nous avons vu qu’il fallait trouver à valoriser un maximum de plantes pour avoir un maximum d’intérêt. Le défi paraissait fou, mais les produits sont extraordinaires. Les journalistes de l’émission de TV Envoyé Spécial sont venus enquêter sur place, pour constater de visu le laboratoire que Chanel a financé afin d’aider les communautés à trouver de nouveaux produits à valoriser.

Jacques Rocher, le fils de Yves Rocher, est venu lui-même dans l’Ouest malgache pour voir la plante dont nous avions envoyé des extraits stupéfiants à ses chercheurs. Convaincu, il s’est engagé dans un programme de soutien aux communautés locales pour qu’elles puissent distiller sur place et replanter des dizaines de milliers d’arbres. Bien sûr, ce n’est pas simple, mais je vois que nos ingénieurs malgaches ne lésinent pas sur leur peine pour adapter les technologies et former les communautés, car ils savent bien que c’est de leur patrimoine avant tout qu’il s’agit.

La perte de biodiversité est un problème réel, qu’aucune technologie ne résoudra ; on a trouvé au bord de la forêt malgache du Nord une espèce de riz d’origine qui résiste à des maladies graves du riz, maladies qui sont susceptibles de se développer de façon exponentielle ; les alcaloïdes trouvés dans les racines de la pervenche de Madagascar ne peuvent pas être synthétisés et permettent maintenant de sauver 80 % des enfants atteints de la leucémie.

Le CO2 dans l’atmosphère est lui aussi un problème réel. Et encore tant d’autres choses. L’Homme a un patrimoine qui peut être valorisé pour le bien de tous, pour peu que l’on veuille le faire correctement. C’est la forêt sous les tropiques qui doit être gérée et non surexploitée, et ce doit être l’air et l’eau dans tous les pays. La misère n’est pas acceptable.

Mais, lorsque nous apportons pour 0,50 euro par jour d’investissement par habitant, valorisation pérenne des ressources naturelles pour l’alimentation de base, la santé et l’éducation, à des paysans malgaches et qu’alors ils vivent au moins aussi heureux que des traders londoniens payés au moins 1.000 fois plus… il y a un autre problème.

Il faut que l’Homme s’arrête un petit peu, qu’il arrive à réécouter la nature et même son environnement développé, à écouter les autres hommes. C’est de l’avenir de l’humanité qu’il s’agit.

Henri Ford, le grand développeur du travail à la chaîne, disait qu’il faut qu’une entreprise fasse du profit, mais que si elle ne cherche plus qu’à faire du profit, c’est qu’elle a oublié sa raison d’être et alors elle est perdue.

Il faut que l’entreprise humaine se ressaisisse. Je vois des gens extraordinairement entreprenants dans ce sens, aussi bien dans la forêt que dans les capitales du monde. Rien n’est perdu mais il faut réagir, et faire vite pour que le plus grand nombre le réalise.



FUTURA SCIENCES 21/1/2013

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À la fois cousin du chien et du chat, le guépard est un animal captivant et pourtant délaissé par la plupart des scientifiques. Une lacune que tente de combler Laurie Marker : depuis 1974, elle se bat pour mieux comprendre cette espèce fascinante et mieux la protéger. Un investissement concrétisé grâce à son association, le Cheetah Conservation Fund qui développe des solutions aux angles divers, pour éviter l’extinction de l’espèce.

«Nous voyons un monde dans lequel les guépards vivent et s’épanouissent en coexistence avec les hommes et l’environnement.»

Laurie Marker en plein nourrissage d'un jeune guépard. ©️ Laurie Marker DR, Cheetah conservation fund

La Namibie a le plus grand nombre de guépards au monde : 3.000 animaux, soit un quart de la population sauvage restante au monde. La plupart de ces guépards (95 %) vivent sur les terres cultivées commerciales et communes au nord de la Namibie, où ils constituent une menace pour le bétail. Bien que le guépard namibien soit une espèce protégée, les fermiers peuvent légalement tuer les prédateurs estimés dangereux pour le bétail ou pour les hommes. Une fois l’animal pris au piège et tué, il est bien difficile d’obtenir des preuves réelles des prédations commises. Aujourd’hui, le conflit avec les intérêts agricoles est l’une des plus grandes menaces pour la survie du guépard.

[b]C'est dans ce pays que Laurie Marker décide de s’installer après avoir étudié l’animal pendant plus de seize ans. La situation est critique et Laurie Marker va tenter de comprendre les raisons d’un tel déclin[/b]. En 1990, elle fonde le «Cheetah Conservation Fund» (CCF), un centre de recherche permanent sur le guépard. Entourée d’une équipe d’étudiants et de vétérinaires, Laurie Marker complète ses observations et découvre des moyens ingénieux de protéger l’espèce.

L’objectif de la fondation est double : réussir à mieux protéger l’animal sans le contraindre à changer ses habitudes et éduquer la population en effectuant un gros travail de sensibilisation auprès des fermiers et des écoles, accompagnée de son guépard apprivoisé Chewbaaka, véritable ambassadeur de la fondation.
La vocation de la fondation est issue de sa longue histoire de travail avec les guépards.

En 1974, elle commence à travailler à la clinique vétérinaire du zoo Wildlife Safari à Winston dans l’Oregon aux États-Unis, où elle voit pour la première fois un guépard en pleine vitesse. Captivée par l’animal, elle veut tout apprendre de cet étonnant félidé dont la communauté scientifique internationale ne sait pas grand-chose. Elle travaille jusqu’en 1988 au programme de reproduction des guépards en captivité le plus abouti au monde (depuis la création du centre en 1973, 161 guépards sont nés). Elle crée aussi le Cheetah Studbook, un registre de guépards en captivité.

En 1977, elle découvre les problèmes auxquels font face les guépards namibiens sauvages. Elle décide de s’y rendre accompagnée de Khayam, un petit guépard captif qu’elle a élevé, pour déterminer si un guépard peut apprendre à chasser ou s’il s’agit d’un processus purement instinctif.


Le Cheetah Conservation Fund est créé en 1990 pour mieux comprendre le comportement du guépard et le protéger. ©️ DR

Ce projet de recherche, le premier du genre, est important car il va permettre de mieux comprendre s’il existe une chance pour les guépards nés en captivité d’être réintroduits dans la nature. Après des semaines d’entraînement, Khayam attrape et tue enfin sa première antilope. Cette réussite s’accompagne d’une autre découverte. Apprendre à chasser n’est pas le seul problème : avec l’apprentissage de la vie dans la nature, ces deux facteurs constituent les deux habiletés enseignées aux petits durant leurs 18 à 20 premiers mois.

Elle découvre aussi que les fermiers namibiens tuent des centaines de guépards sauvages chaque année. Elle projette alors de créer une fondation à l’instar des grandes organisations de conservation, lui permettant de faire connaître au monde ce qui arrive et d’essayer d’enrayer le déclin des guépards. Au début des années 1980, de retour en Oregon, elle développe des collaborations de recherche avec l’Institut national du cancer et avec le zoo national de la Smithsonian Institution Institution, et devient la directrice du New Opportunities in Animal Health Science (NOAHS). Ils découvrent l’uniformité génétique des guépards et la vulnérabilité de l’espèce à la maladie, ainsi que les problèmes de reproduction.

Elle met en place le Problem Animal Researcher avec les fermiers locaux, qui ont besoin d’aide pour préserver leur bétail face à ce qu’ils considèrent comme de la vermine. À l’époque, entre 800 et 900 guépards sont tués chaque année et le nombre de guépards a chuté de moitié. Elle commence à poser les bases pour le CCF, tenant au courant politiquement tant la Namibie que Washington et développant les problématiques de recherche encore étudiées aujourd’hui.

En 1990, la Namibie devient indépendante. C’est à ce moment-là qu’elle fonde le CCF et installe plus tard la fondation dans un espace sauvage de 30.000 hectares, sur le plateau du Waterberg près d’Otjiwarongo, ville agricole du nord de la Namibie.

Les guépards ne sont pas alors, indéniablement, populaires auprès des fermiers. La perte de bétail due aux guépards est une question économique et émotionnelle. Elle doit donc apprendre et travailler avec les fermiers pour les aider à protéger leurs revenus.

Au cours de ces nombreuses années passées en Namibie, des amitiés avec des fermiers et d’autres personnes de la communauté namibienne se sont développées et les attitudes ont changé : beaucoup plus d’éleveurs tolèrent désormais la présence des guépards sur leur terre et ont compris que l’abattage de ces derniers n’est pas la seule solution pour la protection des troupeaux. Le CCF est maintenant une grande organisation de renommée mondiale, qui se donne pour missions essentielles la recherche scientifique, la conservation et l’éducation. Les politiques et programmes de conservation du CCF sont repris dans toute l’Afrique.

Chien anatolien Kangal, gardien de troupeaux. ©️ Anka Friedrich, cc by 3.0


En 1994, avec l’aide de la Livestock Guarding Dog Association, le CCF importe dix chiens anatoliens kangal, une race de chiens de berger. Le CCF élève et dresse les kangals, célèbres pour leur indépendance et leur puissant aboiement. Élevés dès le plus jeune âge au sein du troupeau, les chiots développent des liens très forts avec «leur» bétail, le protégeant en se plaçant entre le troupeau et l’intrus et en aboyant avec acharnement. Les guépards, par nature timides, sont facilement dissuadés par ces imposants chiens prêts à se sacrifier.

Aujourd’hui, plus de 300 chiens œuvrent pour protéger le bétail des fermiers et, par là même, les guépards. Le programme du CCF, intitulé Livestock Guarding Dog Program, a été un succès : 7 fermiers sur 10 qui ont un chien de garde avec leurs troupeaux ont des pertes liées aux prédateurs moins élevées, voire nulles dans certains cas. Des résultats tout aussi spectaculaires sont obtenus en introduisant des ânesses qui viennent de mettre bas ou des femelles zèbres au sein du bétail.

Les méthodes du CCF pour réduire les conflits liés aux prédateurs sont aussi utilisées pour d’autres animaux comme les pumas, les jaguars et les loups (bien que les problèmes diffèrent), et sont utilisées comme modèles dans d’autres parties du monde.

Le CCF mène des recherches sur la biologie et l’écologie du guépard ainsi que sur ses habitudes territoriales. Les colliers-radios posés sur les guépards ont ainsi aidé à comprendre les déplacements des félins et la taille de leurs ères d’évolution. En Namibie, les guépards errent sur d’énormes zones, d’une moyenne de 1.600 km2. Ils peuvent couvrir jusqu’à 40 km en une semaine et traverser 30 fermes (chaque ferme ayant plus de 4.000 hectares de superficie).

Pour survivre en liberté, le guépard doit avoir la liberté de se déplacer sur de grands espaces, or la plupart des secteurs protégés et les réserves naturelles ne sont simplement pas assez grands. L’éducation à l’environnement complète le travail de la recherche et de la conservation. Le CCF pourvoit en personnel les écoles et tient des weekends d’éducation à l’environnement pour des jeunes. Plus de 240.000 étudiants namibiens ont ainsi été impliqués dans les programmes d’éducation. Sans compter les dizaines de touristes qui, quotidiennement, visitent le centre et apprennent sur le guépard.

En 2000, pour les dix ans de sa fondation, Laurie Marker est nommée «héros de la planète» par le Time Magazine. Elle recevra par la suite de nombreuses récompenses, mais c’est en 2003 que ses années de recherche seront scientifiquement reconnues, avec le passage de son doctorat à l’université d’Oxford en Angleterre.


FUTURA SCIENCES 21/1/2013

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«Espèce en voie d’extinction» ou «espèce en danger», sont des expressions qu’on associe à de nombreux animaux, mais le guépard ne vient pas forcément à l’esprit. Et pourtant, on en dénombre à l’heure actuelle à peine plus de 12.000 dans le monde. Une situation urgente dont nous fait part Laurie Marker.

Les images du guépard courant à travers la savane africaine et inspirant la vitesse et l’agilité nous sont si familières dans les documentaires télévisés sur la vie sauvage qu’il semble bien difficile de croire que cet animal magnifique est littéralement en train de courir pour sa survie.
Portrait de guépard. ©️ William Warby, cc by 2.0


L’animal terrestre le plus rapide est aussi le félin africain le plus en danger : en 1900, il y avait 100.000 guépards vivant à travers l’Asie et l’Afrique. Un siècle plus tard, il en reste moins de 12.000 répartis dans 26 pays africains et environ une centaine en Iran, les derniers de la population asiatique. Aujourd’hui, les populations viables se trouvent dans moins de la moitié des pays où les guépards existent toujours. Toutes les populations sont inscrites sur l’annexe I de la Cites comme espèces menacées d’extinction dont le commerce international est interdit, et toutes sont répertoriées sur la liste rouge de l’UICN comme espèces «vulnérables» ou «en danger d’extinction».

La structure génétique du guépard a reçu une attention considérable au cours des dernières années. Au début des années 1980, j’ai commencé à travailler avec des scientifiques à l’United States National Cancer Institute et à la Smithsonian Institution. L’analyse comparative des éjaculats de guépard a révélé que le sperme était similaire pour un dixième à celui observé chez les chats domestiques et qu’il présentait un taux particulièrement élevé (71 %) d’anomalies. Ces anomalies congénitales sont le résultat de croisements entre parents génétiquement proches.

Guépard traversant un sentier. ©️ Mukul2u, cc by 3.0


Cela nous a alertés sur le fait qu’il y avait quelque chose de très inhabituel chez les guépards en tant qu’espèce. L’analyse génétique moléculaire d’échantillons de sang a révélé que le guépard semblait être unique parmi les félidés et les autres mammifères, ayant un monomorphisme extrême. Une hypothèse a alors été formulée, selon laquelle le guépard semble avoir subi une baisse sévère de sa population il y a environ 10.000 ans, suivie par une période prolongée de consanguinité et plusieurs goulots d’étranglemen génétique («genetic bottleneck») régionaux depuis, réduisant la variété d’allèles dans son patrimoine héréditaire. La population de guépards actuelle ressemble pour beaucoup à celles des souris de laboratoire d’une vingtaine de générations de consanguinité. Cette uniformité génétique a généré des problèmes de reproduction, de mortalité infantile (en hausse de 30 % en captivité) et de sensibilité aux maladies infectieuses.

Les populations actuelles de guépards sont les descendants d’animaux qui sont restés après l’ère pléistocène il y a environ 10.000 ans. Le guépard a d’une façon ou d’une autre survécu à cette extinction massive et la population a augmenté par consanguinité du fait de leur répartition géographique limitée, en Afrique et dans certaines parties de l’Asie.

Les études menées sur les deux sous-espèces de guépards montrent largement que le guépard d’Afrique orientale (Acinonyx jubatus raineyi) et le guépard africain du Sud (Acinonyx jubatus jubatus) sont 10 à 100 fois moins séparés génétiquement que les groupes raciaux humains. Cette découverte met en doute la validité des classifications en sous-espèces existantes et pourrait être significative dans la gestion des populations de guépards, comme l’hybridation qui pourrait aider à améliorer la santé de ces populations distinctes.

Cheetah junévile (Acinonyx jubatus) ©️ Berniedup / Flickr - Licence Creative Common (by-nc-sa 2.0)

La vulnérabilité de cette espèce, en raison de sa variabilité génétique anormalement basse, a alerté la communauté scientifique impliquée dans la conservation d’autres petites populations elles aussi vulnérables et a changé la façon de voir des biologistes et des managers quant à la préservation d’espèces en voie de disparition. Bien que l’avenir du guépard semble préoccupant, l’histoire de ce dernier est celle d’un survivant : il s’est remis de plusieurs chutes démographiques et a réussi à reconstituer sa population à chaque fois.

Les problèmes pour faire face à la survie du guépard sont maintenant plus alarmants que jamais, d’autant plus que les problèmes environnementaux mondiaux augmentent. La baisse rapide du nombre de guépards au cours du siècle dernier est due à la perte et à la fragmentation de son habitat, à la baisse du nombre de proies naturelles et au conflit avec les éleveurs de bétail. Comme les populations humaines s’accroissent, la quantité de terre consacrée à l’élevage du bétail augmente. Le bétail remplit l’espace où les guépards errent et les proies naturelles se raréfient. Cela a abouti à un patrimoine héréditaire plus petit et moins diversifié, et cette homogénéité génétique pourrait rendre l’espèce plus sensible aux changements écologiques et environnementaux. Avec une conservation appropriée et des stratégies de gestion, où les habitats sont protégés et les populations de guépard acceptables, l’espèce peut cependant survivre à l’avenir.

Aujourd’hui, la survie du guépard est entre les mains de l’Homme. Une menace majeure à la survie du guépard est aussi due à ses difficultés d’adaptation dans les secteurs protégés et les réserves naturelles, contrairement aux autres prédateurs. Bien que les réserves naturelles aient contribué à leur protection, moins de 10 % des guépards restants se trouvent à l’intérieur de celles-ci. La raison est en partie due à la concurrence avec de plus grands prédateurs, comme les lions et les hyènes, à la morphologie bien différente.

Un guépard étendu dans la savane. ©️ Cheetah Conservation Fund, DR


Le guépard, par rapport aux 37 autres espèces de félidés, a développé de nombreuses adaptations morphologie et physiologiques pour devenir le mammifère quadrupède terrestre le plus rapide sur distances courtes (300-400 m), atteignant une vitesse de 110 km/h. Leur constitution légère et souple destinée à la course constitue un inconvénient par rapport aux autres grands prédateurs. L’effort de la poursuite peut les épuiser, nécessitant ainsi jusqu’à 20 minutes de repos après avoir tué. Cette phase de récupération augmente les risques de vol de leur proie par les lion, léopards et hyènes, contre lesquels ils ne peuvent pas lutter. Les petits guépards sont aussi souvent vulnérables aux prédateurs lors de l’absence maternelle.

Dans le parc national du Serengeti, en Tanzanie, 90 % des petits n’atteignent pas les trois mois. En raison de cette concurrence, la plupart des guépards se trouvent à l’extérieur des secteurs protégés et entrent alors en conflit avec les hommes et leur bétail.

En Afrique du Sud, les guépards sont tués régulièrement dans les secteurs fermiers en raison de leurs prédations réelles ou supposées. Le conflit entre le bétail et les carnivores a été renforcé par les modifications de l’activité pastorale au cours des dernières décennies. Le bétail domestique, n’étant désormais plus parqué ou gardé, est devenu vulnérable à la prédation. En outre, les gardiens de bétail ont perdu la tradition de coexistence avec les grands prédateurs et la législation moderne de protection des carnivores n’a pas généré d’attitudes coopératives positives par les communautés pastorales. La disponibilité croissante d’armes à feu dans beaucoup de pays africains constitue une menace, d’autant que la peau du guépard a une vraie valeur, tant culturelle que commerciale.

La captivité est aussi préoccupante. Les populations captives ont une fréquence élevée de maladies inhabituelles, rares chez d’autres espèces. Bien que l’on ne connaisse pas les causes spécifiques de ces maladies, le stress semble être un facteur sous-jacent important et la prédisposition génétique et le régime sous-alimentaire sont des facteurs confondants possibles.

Les populations de guépards sauvages devenant plus fragmentées, leur gestion deviendra à l’avenir de plus en plus nécessaire pour maintenir la diversité génétique et pour prévenir de nouvelles baisses de population dues à la perte d’habitat, aux fluctuations démographiques et aux conflits avec les hommes. Nos études en Namibie ont servi de base au développement de stratégies de conservation effectives pour la survie à long terme du guépard sauvage.

En 1990, j’ai créé la Fondation pour la conservation du guépard (CCF : Cheetah Conservation Fund) et basé celle-ci en Namibie en 1991, au coeur du pays des guépards, pour enrayer le déclin de ces derniers et pour travailler activement avec les fermiers. Née d’un rêve, la CCF a aujourd’hui pour mission d’être un centre internationalement reconnu en matière de recherche et d’éducation sur les guépards et leurs écosystèmes, travaillant avec toutes les parties concernées pour être le plus efficace en termes de conservation et de gestion des guépards dans le monde.

Le nombre de guépards présents au CCF varie d’une semaine à l’autre, en fonction des prises effectuées par les fermiers, qui demandent alors au CCF d’accueillir les prédateurs et de les garder le temps de trouver un nouvel espace pour les réintroduire (plus de 450 guépards ont été avec succès remis en liberté au cours des 15 dernières années). Quelques guépards, cependant, doivent rester de manière permanente en captivité, ayant été recueillis trop tôt : les jeunes orphelins n’ayant pas eu le temps d’apprendre de leurs mères comment chasser et vivre dans la nature.

Plusieurs programmes scientifiques de recherche sont en cours et mènent quotidiennement des études soucieuses du bien-être des guépards. Chaque guépard apporté au CCF reçoit un examen médical complet. Des mensurations et des échantillons tissulaires sont pris pour créer une base de données relative à la population sauvage. Nous avons ainsi travaillé sur plus de 800 guépards. Une banque de ressources de génome (GRB : Genome Bank Resource) stocke et étudie le sperme de plus de 160 guépards.

«Nous pouvons vivre ensemble» est la devise du CCF. La majeure partie de notre travail a été de persuader les fermiers de cela : qu’ils peuvent vivre avec des guépards sur leurs terres. En utilisant des programmes de recherche scientifiquement approuvés, nous avons eu d’importants succès. De nos jours, la plupart des fermiers permettent aux guépards d’être réintroduits dans les fermes où ils ont été attrapés, dans la mesure où ils n’avaient pas causé de pertes de bétail. Les fermiers sont de plus en plus tolérants vis-à-vis des guépards sur leurs terres.

Les programmes de préservation des guépards élaborés par le CCF sont utilisés au Kenya, au Botswana, en Afrique du Sud, au Zimbabwe et même en Algérie et en Iran. Ces programmes, avec la coopération et l’assistance de membres de la communauté namibienne, témoignent de la devise du CCF.

Si les populations sauvages continuent de baisser et que les efforts de conservation de l’habitat échouent en Afrique pour ces espèces, le guépard pourrait disparaître dans les deux décennies à venir. La survie du guépard dépend de la gestion des terres cultivées et du système écologique dans sa totalité, aussi bien dans la gestion des populations de proies que dans la stabilité de l’habitat. La fondation travaille avec les communautés agricoles locales pour garantir l’habitat nécessaire à l’espèce, tout en tenant compte des besoins des fermiers.

Les guépards méritent une place sur cette terre. Leur vitesse de pointe en fait des animaux uniques. Les hommes ont vénéré le guépard pendant presque 5 000 ans, pour une bonne raison. Si on le laissait désormais décliner, il laisserait non seulement un trou énorme dans la nature, mais aussi dans notre psyché, l’esprit humain qui naturellement ressent et sait combien cette créature est unique.



FUTURA SCIENCES 21/1/2013

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J'avoue avoir été subjuguée par les récits que nous a faits Fabrice Delsahut et la manière dont il donne la parole à l'un de ces hommes ou femmes impliqués dans la protection du vivant rend ces aventures bien plus "réelles" hélas que de simples documentaires. Pour chacun des portraits tracés, les chemins parcourus sont différents mais aboutissent à la même cause : progéger les animaux de la faune sauvage, leur environnement qui est aussi le nôtre !

Si vous aimez les animaux et désirez en apprendre plus sur la nature, découvrir le monde animal au-delà des frontières, sans pour autant oublier les forêts et les dangers qu'encourent les animaux et la nature, alors je crois que ce livre est fait vous, pour nous... Il est une invitation à partir à l'aventure de la vie sauvage en compagnie d'hommes et de femmes qui y ont dédié leur vie, à travers le monde.

Les animaux représentent les 2/3 des espèces vivant sur la terre. Bien que de plus en plus soucieux de son environnement et de son impact sur ce dernier, il semble que la place que l’homme accorde à la faune sauvage soit négligeable. Aujourd’hui, un mammifère sur quatre est menacé de disparition et bien que le lion, l’éléphant ou la baleine continuent de fasciner, ils ne constituent désormais que les reliques d’une grande faune dont l’homme est le premier prédateur.

L’action prédatrice varie du simple prélèvement via la chasse ou la pêche, à des causes plus indirectes comme la pollution des biotopes ou l’introduction d’espèces exogènes. Le destin de cette faune est entre nos mains. Des hommes et des femmes parviennent malgré tout à agir activement sur la protection d’animaux sauvages et à la préservation de la biodiversité animale. Ils nous enseignent qu’une cohabitation est encore et toujours possible. Ce livre rend hommage à leur engagement indispensable à notre survie.

Le livre parle des enjeux environnementaux liés à la préservation de la biodiversité animale. Il a pour vocation à la fois de sensibiliser à un enjeu environnemental en donnant des informations les plus rigoureuses possibles sur celui-ci et de faire découvrir au lecteur une personnalité et son association qui tentent, à leur échelon, de préserver cette biodiversité.

L’auteur a voulu mettre en parallèle l’action de personnalités très médiatiques, internationalement comme Yann Arthus Bertrand et Paul Watson ou nationalement comme John Wamsley avec des hommes et des femmes qui travaillent davantage dans l’ombre comme Aurélien Brulé ou Cath Le Page mais dont l’action est tout aussi remarquable.

Ce parti-pris relève d’une volonté de montrer que l’action est aussi possible à son niveau et que l’impact de ces personnalités ne relève pas forcément d’une visibilité médiatique ou de diplômes ad hoc mais bien d’une passion.

De nombreux thèmes sont abordés : l’environnement partagé, l’urbanisation, la déforestation, le trafic d’animaux, de l’ivoire, le commerce de viande de brousse, la diversité génétique, la pollution biologique ou marine, la surpêche, la pêche scientifique, la conservation ciblée, les espaces protégés et les parcs zoologiques.

Où se procurer ce livre : Cliquez sur l'image... Pour le moment, probablement en rupture de stock, il est annoncé comme bientôt disponible. Pour un livre aussi intéressant et enrichissant, sont prix reste abordable : entre 19 et 22€.



En revanche, sur le site de la €FNAC, le livre est mentionné en stock au prix de 21,38€


FUTURA SCIENCES 21/1/2013

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NAIROBI - Fidèle à son habitude, elle accueille l'auditoire par le cri du chimpanzé. Avant d'entamer une heure de récit ininterrompu sur son lien avec les animaux et la façon dont, de l'étude des grands singes, elle est passée militante, pour protéger ces espèces menacées, et la planète.

A 78 ans, Jane Goodall, 53 années d'études des chimpanzés derrière elle, continue d'arpenter la planète pour sensibiliser populations et dirigeants à leur sort, mais aussi à celui des peuples qui parfois ne les chassent que pour assurer leur propre survie, et à la nécessité de protéger l'environnement.

La célèbre primatologue sera à Paris le 12 février pour rencontrer le public au cinéma Le Grand Rex en avant-première du film Chimpanzés de Disneynature, et le lendemain participera à un débat à Sciences Po. (janegoodall.fr)

Depuis plus d'un quart de siècle, dit-elle, je ne suis jamais restée au même endroit plus de deux ou trois semaines d'affilée, confie-t-elle. Tout est parti d'une conférence sur les chimpanzés aux Etats-Unis dans les années 80. Et de sessions sur les expérimentations médicales qu'ils subissaient et la destruction de leur habitat, le commerce de la viande de brousse.

Je suis entrée (dans cette conférence) en tant que scientifique (...) J'en suis ressortie comme militante.

J'ai commencé mon militantisme en Afrique, raconte-t-elle encore lors d'une conférence à Nairobi, là-même où, un demi-siècle plus tôt, elle allait rencontrer son mentor, le paléontologue Louis Leakey. Celui qui ferait de la jeune secrétaire passionnée des animaux qu'elle était, une primatologue.

Quand je voyageais à travers l'Afrique, je n'en apprenais pas seulement sur la nécessité de préserver les chimpanzés, les gorilles et les bonobos (tous les grands singes de la planète, avec les orang-outans d'Asie), poursuit-elle. J'en apprenais aussi sur les problèmes des populations africaines, j'apprenais de plus en plus sur la pauvreté, les violences ethniques (...) et il me semblait que ces problèmes provenaient des temps coloniaux, relayés depuis par les multinationales à travers le monde.

Alors je me suis dit, c'est bien de sensibiliser les gens à travers l'Afrique au sort des chimpanzés, mais c'est aussi très important de voyager en Europe, en Amérique du Nord, et maintenant de plus en plus en Asie, dit-elle encore. Et plus je voyageais, plus je découvrais ce qui n'allait pas.

Et la primatologue britannique de parler de la croissance exponentielle de la population humaine, du besoin toujours plus grand de terres, nourriture et logements. Mais aussi de la raréfaction des ressources en eau et du réchauffement climatique.

Quand je suis venue, pour la première fois en Afrique, et que j'ai volé au-dessus du Kilimandjaro, même en pleine chaleur estivale, il avait un grand chapeau de neige, se souvient-elle. J'ai lu l'autre jour qu'il valait mieux parler maintenant des poussières du Kilimandjaro.

Nous avons volé, volé, volé (la planète) à nos enfants, poursuit-elle. Mais est-ce que vraiment nous n'y pouvons rien? Absolument pas.

Photo : Jeekc Licence créative Commons - GNU Free Documentation License / Wikipedia


Pour cette experte mondiale des chimpanzés, qui, la première, a vécu aux côtés des primates, dans le parc tanzanien de Gombe, et, au fil des ans, a documenté leurs similitudes avec l'homme, quelque chose s'est détraqué.

De prouesses comme celle d'envoyer un homme sur la lune, à la destruction de la nature, il semble qu'il se soit opéré une déconnexion chez l'homme. Une déconnexion entre cet esprit intelligent et la compassion, l'amour, le coeur humains.

Comment pouvons nous reconnecter les deux pour que l'humanité atteigne son potentiel? interroge, pleine d'espoir dans les jeunes générations, la fondatrice de Roots and Shoots (Racines et Pousses), association de sensibilisation des jeunes à la protection de l'environnement et des animaux. Les jeunes influencent leurs parents, influencent leurs professeurs, grandissent et deviennent professeurs, et parents, ils grandissent et se mettent à faire des affaires, grandissent et deviennent politiciens.

Quand je regarde ces 53 ans de recherche presque ininterrompue dans le parc national de Gombe et que je réfléchis à ce qui me frappe le plus (...) c'est à quel point les chimpanzés sont comme nous, bien plus que ce nous pensions à l'époque, dit encore le Dr Goodall, évoquant notamment l'altruisme dont sont capables ces primates.

Aucune ligne nette ne nous sépare des chimpanzés, de tous les grands singes, dont le comportement est très proche de celui des chimpanzés, et il n'y a aucune ligne nette entre les grands singes et les singes et les antilopes... Autrement dit, (entre nous et les animaux), nous avons tracé une ligne qui n'existe pas.

Quand Jane Goodall, primatologue légendaire, frappe à une porte, elle s'ouvre, résume Ian Redmond, président de Ape alliance, une coalition de groupes de protection des animaux. Jane est connue et a la confiance des chefs d'Etat, du dalaï lama (...) Elle est devenue une icône de la protection de la nature, poursuit M. Redmond. Il connaît la spécialiste mondiale des chimpanzés, celle qui la première a observé ces primates dans leur habitat, depuis les années 80, quand de scientifique, Jane Goodall allait aussi devenir militante.

Infatigable, Jane Goodall, 78 ans, parcourt encore la planète pour défendre la cause des chimpanzés -- ces grands singes qu'il y a plus de cinquante ans, elle est venue étudier en Tanzanie, dans ce qui était encore le protectorat britannique du Tanganyika.

Le visage dégagé, ses longs cheveux argentés attachés, Jane Goodall ne fait pas vraiment son âge. Et parle avec l'assurance de quelqu'un conscient de son influence, qui n'a pas besoin de se lancer dans une opération de charme pour convaincre son auditoire. Végétarienne convaincue, Jane Goodall ne passe aujourd'hui plus que quelques semaines par an dans le parc national tanzanien de Gombe, là où a débuté sa longue carrière de scientifique.

C'est Louis Leakey, célèbre paléontologue rencontré à Nairobi à l'occasion d'une visite chez des amis, qui développe sa vocation. C'est lui qui pressent que celle qui est alors une secrétaire passionnée d'animaux a le caractère suffisamment trempé pour passer des mois dans la brousse avec les chimpanzés.

Née en 1934, deux ans après l'Américaine Dian Fossey, qui consacrera, elle, sa vie aux gorilles des massifs congolais et rwandais voisins, Jane Goodall entame son étude des primates à une époque où il est encore impensable pour une jeune fille britannique de partir seule en brousse. Sa mère, Vanne, l'accompagne donc à Gombe, passant ses journées dans le camp que sa fille regagne tous les soirs après des journées à tenter d'approcher les grands singes. Pour seule autre compagnie, Vanne n'a qu'un cuisinier tanzanien largement porté, se souvient Jane Goodall, sur l'alcool de banane local.

Quand la jeune fille cède au découragement, quand elle a l'impression que ses recherches tournent en rond, sa mère est aussi là pour lui remonter le moral, listant les progrès qu'elle accomplit, petit à petit, dans sa relation avec les chimpanzés.

C'est à Gombe que Jane Goodall fait la connaissance de David Greybeard (Barbe-Grise), un chimpanzé qu'elle voit utiliser une tige pour attraper des termites. Plus tard, elle le verra aussi, lui et un autre chimpanzé, Goliath, arracher des feuilles d'une brindille pour, là encore, chercher des termites. Jusque là, les scientifiques pensaient que le maniement des outils était exclusivement réservé à l'Homme.

C'est alors que Louis Leakey envoie sa jeune protégée à l'université de Cambridge, pour obtenir un doctorat. Jane Goodall n'a pourtant alors aucun diplôme universitaire en poche. Avant elle, seules sept personnes ont de la sorte sauté les étapes dans le prestigieux établissement.

En 1964, Jane Goodall, auteur de plusieurs livres, épouse le photographe néerlandais Hugo van Lawick, qui immortalisera son travail avec les chimpanzés pour les magazines américains Life et National Geographic. David Greybeard assiste à sa façon aux noces: sa reproduction orne le gâteau de mariage.

Le couple a ensemble un fils, Hugo Eric Louis van Lawick. Hugo pour son père, Eric pour l'oncle de Jane Goodall, et Louis pour Louis Leakey, explique la biographe Meg Greene. Le jeune garçon est aussi surnommé Grub (Asticot) par sa mère, qui dit s'être inspirée des chimpanzés pour l'élever. Chez les chimpanzés, il y a un lien extrêmement étroit entre la mère et l'enfant, explique-t-elle. La mère est constamment avec l'enfant, et j'ai élevé Grub de cette façon. Jusqu'à ses trois ans, je ne l'ai jamais laissé seul une journée entière.

Son deuxième mari, Dereck Bryceson, directeur des parcs nationaux tanzaniens, entre dans sa vie en 1973. Ils tombent amoureux et deux ans plus tard, divorcent de leurs épouse et époux respectifs et se marient. Dereck Bryceson mourra cinq ans plus tard.

Jane Goodall est une scientifique mais aussi quelqu'un capable d'influencer des décideurs, dit encore d'elle Ian Redmond. Elle utilise son influence pour essayer de combattre la destruction incessante de l'habitat des primates à travers le monde.


ROMANDIE 10/2/2013 - ROMANDIE 10/2/2013

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PARIS - Avec la maîtrise de six langues dans sa besace, Claire Nouvian a d'abord sillonné la planète pour réaliser des documentaires animaliers avant de fonder l'association Bloom et de devenir l'une des figures de proue de la défense des grands fonds marins, menacés par la pêche industrielle.

Son engagement lui a valu d'être désignée Femme de l'environnement 2012 lors des Trophées des femmes en Or de Courchevel (Savoie).

Son combat: peser sur la réforme de la politique de la pêche commune, alors que l'Europe épuise trop ses stocks de poissons, et durcir le règlement sur la pêche profonde pour bannir les chaluts qui raclent les fonds des océans.

La science est unanime sur les dégâts, se désole-t-elle, ajoutant: On a bien interdit la pêche au chalut en Méditerranée au delà de 1.000 m ou complètement aux Açores, à Madère et aux Canaries.



Photo : Association Bloom


Ses yeux bleus se durcissent soudain lorsqu'elle évoque la position de la France sur ces sujets : C'est honteux, les députés français européens ont été les seuls socialistes à voter en février contre la proposition du Parlement visant à mettre fin à la surpêche d'ici 2015.

C'est la défense des lobbys plutôt que des pêcheurs, lâche cette femme de 39 ans aux allures de grande adolescente mais à la détermination de fer.

Allers-retours réguliers à Bruxelles, dossiers épluchés parfois jusque tard dans la nuit, perpétuelle course pour le financement d'études scientifiques, conférences données dans des universités de Paris, Genève et aux Etats-Unis: la vie de Claire Nouvian est à la fois un tourbillon et, de son propre aveu, un quasi sacerdoce.

Mais, face à un monde trop souvent désespérant, l'action est sa réponse. Quelques victoires venant parfois alimenter cette soif de faire bouger les lignes: procès gagné contre le groupe Intermarché pour publicité mensongère l'été dernier, décision de Bruxelles de protéger les requins pêchés pour leurs seuls ailerons, satisfaction d'imposer davantage l'avis des scientifiques.

Pour souffler, cette native de Bordeaux à l'enfance nomade (Algérie, Hong-Kong) écoute Beethoven et s'accorde un mois en août, en partie consacré à naviguer.

Sa dévotion aux profondeurs des océans remonte à 2001 lorsque, lors d'un repérage, elle découvre à Monterey (Californie) que des robots plongent à 4.000 mètres et rapportent des images d'une vie insoupçonnée, riche d'animaux inconnus. Presque des extra-terrestres, glisse-t-elle.

Suivra un livre composé des photos des meilleurs spécialistes pour faire découvrir ce monde de l'obscurité océanique, qui n'a rien d'un désert biologique. L'ouvrage intitulé Abysses (2006) sera traduit dans une dizaine de langues et vendu à 150.000 exemplaires. Une exposition éponyme débute à Paris en 2007 et continue aujourd'hui à circuler dans le monde.

Pourtant Claire Nouvian en fait un surprenant bilan: L'écho médiatique a été très fort, j'ai eu une page dans le New York Times... mais je me suis plantée.

Elle s'explique: Je croyais que l'on pouvait changer le monde en faisant de la pédagogie (...) j'ai appris qu'il fallait aussi toucher les politiciens, avoir des relais, ajoute-t-elle. Bloom est né en 2004 de ce constat. Basée à Paris, l'association est une petite cellule, avec une antenne à Hong-Kong.

Via les droits d'auteur, Abysses assure encore aujourd'hui une autonomie financière à sa commissaire. Pourquoi pas une grande ONG? Je les trouvais trop radicales ou trop molles, je m'en méfiais, confie-t-elle. Elle travaille aujourd'hui en partenariat avec elles et se dit plutôt "hulotiste", dans le sens où il faut aller chercher la bonne volonté là où il y en a.

ROMANDIE 31/5/2013

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Fondée à la fin de 2004 par Claire Nouvian, BLOOM est une association de loi 1901 à but non lucratif qui œuvre pour la conservation marine à travers une démarche de sensibilisation et de médiation scientifique des problématiques environnementales, la production d’études scientifiques et d’analyses pertinentes et indépendantes, ainsi que par la participation à des consultations publiques et des processus institutionnels. Les actions s'adressent au grand public ainsi qu'aux décideurs politiques et aux acteurs économiques.


La réalité : Les océans sont exsangues : surexploités, pollués et dévastés par des méthodes de pêche destructrices, ils sont méthodiquement vidés de leurs extraordinaires ressources, longtemps pensées inépuisables et de ce fait dramatiquement délaissées par l’opinion comme les pouvoirs publics.

Image : Bloom (page d'accueil)

Le réveil est amer : méduses, algues et bactéries remplacent progressivement les poissons dans les écosystèmes. Les Nations Unies estiment que les poissons marins pourraient avoir disparu d’ici 2050… Les océans ne peuvent plus assurer les innombrables services qu’ils nous fournissaient en silence : outre une nourriture abondante et «gratuite », l’absorption du CO2 et la régulation du climat. Ce qui se profile est une catastrophe écologique, socio-économique et sanitaire.

La vision de BLOOM est de refuser cette fatalité en prouvant que la mobilisation peut retourner la tragédie environnementale et humaine en cours. BLOOM vise à donner une voix à ceux qui n’en ont pas, à assurer un avenir à l’humanité, de la nourriture aux enfants et des emplois aux pêcheurs en restaurant les écosystèmes océaniques à leur pleine capacité de production biologique.

BLOOM a fait le choix stratégique de conserver une petite taille et de focaliser son énergie et expertise sur quelques actions urgentes :

- La préservation du dernier milieu marin vierge : les océans profonds,
- La sauvegarde des espèces menacées, en luttant contre l’extinction dans l’indifférence des poissons les plus anciens que porte notre planète : les requins,
- La survie des pêcheurs, en travaillant notamment sur la question des finances publiques allouées à la pêche.

Voir les actions de BLOOM - Voir les recherches menées

Un sujet édifiant sur les tromperies des produits de cosmétiques : le squalane !

BLOOM a réalisé une enquête sur l'usage d'huile de foie de requin profond dans les cosmétiques et a révélé que le secteur cosmétique était le plus grand prescripteur de squalane animal dans le monde, bien que les grandes sociétés cosmétiques occidentales se soient engagées à ne plus utiliser de squalane d'origine animale dans la formulation de leurs crèmes. Cela confirme les travaux du CNRS qui avaient trouvé que 7 crèmes sur 8 contenaient du squalane animal (voir : http://www.chrysalis-secure.com/kinetik/feb11/article%20squalane.pdf) malgré le fait que des substituts existent, issus des olives ou du sucre.

Bien que ce sujet aurait mieux trouvé sa place dans l'espace Association, il m'a semblé judicieux de l'intégrer à ce sujet, car pour Claire Nouvian, il s'agit bel et bien d'une rencontre entre le monde des profondeurs océaniques qui a déclenché son engagement pour le protéger !

Association Bloom mai 2013

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