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Le requin blanc victime d'un squale dix fois plus petit que lui

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Un squale d'une cinquantaine de centimètres s'attaque à son grand cousin blanc et lui arrache des morceaux de chair pour se nourrir. Il s'agit de la première attaque répertoriée qu'un squalelet féroce sur un requin blanc. Très agressif, ce petit poisson est aussi connu pour endommager les équipements océanographiques et les câbles sous-marins.

Sale temps pour les grands requins blancs. Alors que cela ne fait que quelques années que l’on sait qu’ils se font boulotter à l’occasion par des orques téméraires, ils servent également de proie à un requin miniature : le squalelet féroce, isistius brasiliensis. La première attaque connue a été répertoriée dans le numéro de janvier de la revue Pacific Science. Le requin blanc blessé a été photographié par un plongeur au large de l’île de Guadalupe, une île mexicaine du Pacifique sans rapport avec la Guadeloupe.

Il faut dire que le squalelet féroce est bien incapable de dévorer tout un requin blanc : avec une cinquantaine de centimètres de long il est dix fois plus petit que sa nouvelle proie. Le squale porte bien son nom et se caractérise par des attaques rapides et vicieuses où il arrache un bon morceau de chair à ses victimes avant de s’enfuir. Il laisse des marques profondes et circulaires qui lui ont valu son nom anglais de cookiecutter shark (requin emporte-pièce). La journée il séjourne à plus de 3000 mètres de profondeur et il ne remonte que la nuit. Il s’agit d’ailleurs d’un requin capable de produire de la bioluminescence pour appâter ses proies.

Jusque-là les féroces morsures ne concernaient que divers poissons plus petits et des cétacés, mais le seul requin blanc à avoir été repéré avec une plaie béante portait aussi les cicatrices d’une autre attaque plus ancienne. Le squalelet féroce est aussi connu pour mordre et endommager des sous-marins et des câbles. Il existe des cas très rares et non mortels d’attaques sur des hommes.

"Dans la plupart des cas, ces petits requins vont manger de petites proies, mais chez les squalelets féroces, il y a cette situation unique où un squale minuscule part viser des animaux beaucoup, beaucoup plus grands que lui, jusqu’à dix fois sa taille, explique la chaine Discovery le biologiste marin Yannis Papastamatiou du musée d’histoire naturelle de Floride. C’est un cas assez unique dans le règne animal, ce procédé de récolte de nourriture est très efficace."



La morsure et la cicatrice de l'infortuné requin blanc. : ©️ Istockphotos.



MAXISCIENCES 27/1/2013

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Le squalelet féroce a un corps allongé, en forme de cigare, avec un petit museau arrondi et renflé. Les narines forment un petit repli de peau à l'avant du museau. Ses yeux verts, gros et ovales, sont placés en avant de la tête, mais ne lui offrent pas une vision binoculaire très étendue.

De grands stigmates se trouvent derrière les yeux et placés sur la surface supérieure de la tête. La bouche est courte, formant une ligne presque transversale, et est entourée par des lèvres élargies et charnues. Sa mâchoire supérieure possède 30 à 37 rangées de dents et la mâchoire inférieure 25 à 31 rangées, et leur nombre augmente avec la taille corporelle. Les dents supérieures et inférieures sont très différentes : les dents du haut sont petites, étroites et verticales, pointues et aux bords lisses. Les dents du bas sont également à bords lisses, mais beaucoup plus grandes et plus larges, en forme de couteau, et leurs bases se rejoignent pour former une série de pointes semblable à une scie. Les cinq paires de fentes branchiales sont petites.

Karsten Hartel Marine Fisheries Review - Domaine Public

Karsten Hartel Marine Fisheries Review Domaine Public

PIRO/NOAA Observer Program - Domaine Public - Un squalelet féroce capturé sur une palangre près d'Hawaii. On peut distinguer les grands stigmates situés derrière les yeux.


Les nageoires pectorales sont courtes et à peu près de forme trapézoïdale. Deux nageoires dorsales sans épines sont placées loin en arrière sur le dos : la première se situe juste avant les nageoires pelviennes et la seconde lui succède peu après. La deuxième nageoire dorsale est légèrement plus grande que la première, et les nageoires pelviennes sont plus grandes encore que les deux. Il n'y a pas de nageoire anale. La nageoire caudale est large, avec le lobe supérieur légèrement plus grand que l'inférieur. Les denticules dermiques (écailles) sont carrés et aplatis, légèrement concaves en leur centre et avec les coins relevés. Le squalelet féroce est de couleur brun chocolat, plus pâle en dessous et avec un « collier » plus sombre près des branchies. Les nageoires ont une bordure translucide, à l'exception de la nageoire caudale qui a une bande extérieure plus sombre.

Squalelet féroce : Illustration publiée dans le guide to the Sea Fishes of New Zealand [i]by Tony Ayling & Geoffrey Cox (William Collins Publishers Ltd, Auckland, New Zealand 1982)[/i]

Les organes produisant de la lumière, appelés photophores, couvrent densément toute la face ventrale, sauf le collier, et produisent une lueur vive de couleur verte. La longueur maximale enregistrée pour cette espèce est de 42 cm pour les mâles et de 56 cm pour les femelles.

PIRO-NOAA Observer Program - Domaine Public

Bien connu pour prélever de pleines bouchées de tissus de mammifères marins et de grands poissons, le squalelet féroce est considéré comme un requinectoparasite facultatif : il peut en effet consommer dans leur entier des proies plus petites. Il possède une large ouverture de la bouche et une puissante morsure, grâce à ses lèvres cartilagineuses et son crâne fortement calcifié. Avec ses petites nageoires et sa faible musculature, ce requin chasse en embuscade, puisqu'il passe le plus clair de son temps en position stationnaire dans la colonne d'eau. Pour maintenir une flottabilité neutre, son foie, qui peut comprendre environ 35 % de son poids, est riche en lipides à basse densité. Comme cette espèce a une densité squelettique plus élevée queEuprotomicrus ou Squaliolus, le cœlome et le foie sont proportionnellement beaucoup plus grands et leur teneur en huile plus élevée. Sa grande nageoire caudale lui permet d'effectuer de brusques accélérations pour attraper les proies qui passent à sa portée.

Le squalelet féroce remplace régulièrement ses dents, comme d'autres requins. Cependant il ne les perd pas une par une, mais par rangées entières. On a calculé qu'un individu de 14 cm de longueur aura perdu 15 ensembles de dents inférieures au moment où il atteindra 50 cm de long, pour un total de 435 à 465 dents. Cela nécessite d'importants besoins puisés dans ses ressources et c'est probablement pourquoi les anciennes rangées de dents sont avalées, de sorte que le requin peut recycler le calcium. Contrairement à d'autres requins, la rétine du squalelet féroce possède des cellules ganglionnaires concentrées dans une zone concentrique plutôt que dans un plan horizontal du champ visuel, ce qui pourrait l'aider à se concentrer sur les proies se trouvant en face à lui.

Ce requin peut se déplacer en banc, ce qui peut accroître l'efficacité de sa technique de chasse par leurre (voir ci-dessous), ainsi que décourager les attaques de ses prédateurs (grands requins et poissons osseux).

Pratiquement tous les types d'animaux océaniques de grande taille partagent l'habitat du squalelet féroce : les cicatrices de ses morsures ont été trouvées sur la plupart des cétacés (dont les marsouins, les dauphins, les globicéphales, les baleines à bec, les cachalots et les baleines à fanons), sur de nombreux pinnipèdes (dont les otaries à fourrure, le léopard de mer et l'éléphant de mer) ainsi que sur les dugongs, mais aussi sur les autres requins (dont le requin bleu, le requin lutin, et lerequin grande gueule), sur des raies d'eau profonde et sur des poissons osseux (dont les marlins, les thons, les dorades tropicales, les vérins, les escolars, opah, et les castagnoles).

Le squalelet féroce chasse et mange aussi régulièrement des calmars entiers, avec un manteau mesurant 15 à 30 cm de longueur, c'est-à-dire de taille comparable au requin lui-même. Il consomme aussi des gonostomatidés, des copépodes et d'autres proies de dimensions plus modestes.

Les attaques parasitaires du squalelet féroce laissent une plaie semblable à un cratère, avec une moyenne de 5 cm de diamètre et 7 cm de profondeur. La prévalence de ces attaques peut être élevée : presque tous les adultes de dauphin à long bec au large d'Hawaï portent les cicatrices de ces morsures. Les animaux malades ou affaiblis semblent être plus sensibles : dans l'ouest de l'Atlantique, des péponocéphales souffrants et maigrelets se sont échoués avec des douzaines voire des centaines de plaies récentes en cours de cicatrisation, alors que de telles blessures sont rares sur les cétacés pleinement sains. L'impact de ce parasitisme sur les espèces cibles, en termes de ressources détournées pour la croissance ou la reproduction, est incertaine.


PIRO-NOAA Observer Program - Domaine Public - La grande castagnole est l'une des nombreuses espèces parasitées par le squalelet féroce.

Photo : Avenue / Wikimedia Commons

Le squalelet féroce présente un certain nombre de spécialisations de sa bouche et de son pharynx pour son mode de vie parasitaire. Le requin s'accroche d'abord à la surface du corps de sa proie en fermant ses stigmates tout en rétractant sa langue pour créer une dépression dans la cavité buccale. Ses lèvres sont faites pour la succion et assurent l'étanchéité. Il mord alors, en utilisant sa mâchoire supérieure comme point d'ancrage tandis qu'il enfonce sa mâchoire inférieure dans l'épiderme de sa proie. Enfin, le requin se tord et tourne son corps pour effectuer une coupe circulaire, très probablement aidé par l'élan initial et subséquent de sa proie. L'action des dents inférieures peut également être assistée par le va-et-vient des vibrations de la mâchoire, comme le mécanisme d'un couteau électrique. Sa capacité à créer une forte aspiration dans sa bouche est probablement aussi utilisée pour la capture de proies plus petites, comme les calmars.

Comme d'autres squales, le squalelet féroce est ovovivipare, les embryons sont munis d'un sac vitellin jusqu'à la naissance. Les femelles ont deux utérus fonctionnels et peuvent donner naissance de 6 à 12 petits à la fois. Une femelle a été enregistrée portant 9 embryons de 12,4 à 13,7 cm de longueur. Bien qu'ils étaient proches de la taille de naissance, ils avaient encore leur sac vitellin bien développé, ce qui suggère un faible taux d'absorption du vitellus par l'alevin et une longue gestation. Les embryons ont une pigmentation brune, mais n'ont pas le collier noir ni la forte dentition des adultes. Le nouveau-né mesure 14 à 15 cm de longueur. Les mâles atteignent leur maturité sexuelle à 36 cm et les femelles à 39 cm.



La luminescence verte du squalelet féroce est la plus forte connue parmi les requins, et peut persister pendant trois heures hors de l'eau. Les photophores de la face ventrale servent à camoufler sa silhouette en la faisant se confondre avec la lumière descendant depuis la surface, une stratégie connue sous le nom de «contre-illumination» et qui est commune parmi les organismes bioluminescents de la zone mésopélagique. Les photophores sont situés autour des denticules et sont assez petits pour ne pas être distinguables à l'œil nu, ce qui suggère qu'ils ont évolué de façon à tromper les animaux à l'acuité visuelle élevée.

Sans considérer le ventre luminescent, le collier sombre remontant de chaque côté de la gorge pourrait servir de leurre en imitant la silhouette d'un petit poisson, vu depuis le bas. Cette ressemblance serait alors intensifiée lors de déplacement en banc. Si tel est vraiment le cas, le squalelet féroce serait le seul cas connu chez les organismes bioluminescents où l'absence de lumière attire les proies, tandis que les photophores servent à se cacher des prédateurs. Comme le requin ne peut produire qu'une gamme limitée d'intensités lumineuses différentes, ses mouvements verticaux servent à préserver l'efficacité de son déguisement à travers les différents moments de journée et selon les conditions météorologiques.

Privilégiant les eaux du large et donc rarement rencontré par l'homme, le squalelet féroce n'est pas considéré comme très dangereux en raison de sa petite taille. Toutefois, il a été impliqué dans plusieurs attaques : dans un cas notable, un banc de squalelets féroces de 30 cm a attaqué un photographe sous-marin pendant une plongée en pleine mer. Des rapports similaires proviennent de survivants d'un naufrage ayant subi de nuit une telle attaque et souffrant de petites et nettes mais profondes morsures. En mars 2009, le plongeur aguerri Mike Spalding, résidant sur l'île Maui, a été mordu par un squalelet féroce en nageant dans le chenal Alenuihaha. Il y a au moins deux enregistrements de corps retrouvés dans l'eau avec des morsures post mortem de squalelets féroces.

Durant les années 1970, plusieurs sous-marins de l'US Navy ont été contraints de revenir à la base pour des dommages causés par les morsures du squalelet féroce sur certaines parties en néoprène de leurs dômes de sonar AN/BQR-19, qui ont provoqué des problèmes de transmission et des fuites. La possibilité qu'il s'agissait d'une arme ennemie inconnue a été avancée avant que le requin soit désigné comme coupable, et le problème fut résolu par l'installation de fibre de verre sur les dômes. Dans les années 1980, une trentaine de sous-marins de l'US Navy ont été endommagés par les morsures de squalelets féroces, principalement le câble électrique sous gaine caoutchouc reliant la sonde à la surface, utilisé pour assurer la sécurité lors de remontées en surface dans les zones maritimes. Encore une fois, la solution consistait à appliquer un revêtement en fibre de verre. Des équipements océanographiques et des câbles de télécommunications ont également été endommagés par cette espèce.

Les dégâts infligés par les squalelets féroces sur les filets de pêche et les espèces économiquement importantes n'ont qu'un effet négatif mineur sur la pêche commerciale. Le requin lui-même est trop petit pour avoir une valeur halieutique et n'est que rarement pêché, de façon accidentelle, sur les palangres, les chaluts pélagiques et les filets à plancton. L'absence de menaces et l'importance des populations couplées à une distribution mondiale, a conduit l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à évaluer le squalelet féroce comme espèce de préoccupation mineure (LC).



WIKIPEDIA janvier 2013

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