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Nettoyer les eaux du fleuve de Manille, une tâche titanesque

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MANILLE - Des enfants piquent une tête en riant et les pêcheurs regardent leur ligne voguer au gré du courant: les eaux du fleuve Pasig, qui traverse Manille, sont toxiques et puantes mais les habitants des quartiers pauvres tentent de l'ignorer.

Il fait chaud, nous n'avons pas d'autre endroit pour nous baigner et échapper à la chaleur, déclare Christian Ivanes, 16 ans, qui s'amuse à sauter depuis un pont avec ses amis, à l'embouchure de la rivière. Comme des centaines d'habitants, il vit avec ses sept frères et soeurs dans des cahutes sur pilotis faites de bric et de broc, sous le pont, des constructions illégales typiques de ces mégapoles asiatiques où règnent une cruelle pauvreté.

Lorsqu'il se rend à la petite épicerie du quartier, à marée haute, il traverse une bouillie d'emballages plastiques et autres détritus flottant dans l'eau noire, qui lui arrive à la cheville. Une odeur épaisse flotte dans l'air, mélange d'eau usée et de rejets industriels. Il y a des gens qui ont marché là-dedans avec des blessures au pied et qui en sont morts, vraiment, indique Gina Lopez, une militante écologiste, à la tête de la dernière campagne publique en date pour nettoyer le Pasig.

Le gouvernement consacre 10 milliards de pesos (186 millions d'euros) chaque année pour transformer le fleuve et ses 47 affluents, appelés esteros à Manille, ajoute la présidente de la commission d'assainissement du Pasig. La moitié de la somme sert au déplacement et au relogement des 300.000 habitants qui vivent dans ces quartiers pauvres sur la rive des cours d'eau.

Tant que des habitants vivent de manière illégale le long des esteros, qu'ils utilisent comme toilettes et comme poubelles, on ne peut pas nettoyer. Il faut donc commencer par là, déclare-t-elle.

La commission a nettoyé et assaini quatre affluents depuis l'été 2010, date du début du programme lancé par Benigno Aquino lors de son arrivée à la présidence des Philippines, indique Gina Lopez. Les travaux vont commencer sur 16 autres affluents cette année, avec l'objectif d'avoir assaini tous les autres avant la fin du mandat d'Aquino, en 2016.

Les résultats sont déjà visibles sur l'estero de Paco, un affluent de 2,9 km qui était un des plus pollués il y a quelques années: les bicoques de tôles et de contreplaqué ont été remplacées par des promenades bordées d'arbres et des machines de traitement de l'eau. Les quelque 1.300 familles, soit 6.500 personnes, qui vivaient à moins de trois mètres de la rivière ont été relogées ailleurs et les vendeurs des marchés voisins ont cessé de balancer à l'eau leurs déchets.

Les inondations sont moins nombreuses qu'auparavant car les eaux ne sont plus bloquées par des amoncellements d'ordures. Les gens, qui vivent désormais à plus de trois mètres de l'eau, semblent plus heureux. C'est comme vivre dans une jolie maison de banlieue, déclare Evelyn Quitala, habitante du quartier depuis sa naissance il y a 51 ans. On peut faire un jogging sur la promenade, nos enfants n'ont pas besoin d'aller ailleurs pour jouer. Et ça ne pue plus, ajoute Mme Quitala, qui tient une petite boutique au rez-de-chaussée de sa maisonnette.

Mais si les abords de l'estero de Paco semblent plus propres, l'eau reste très polluée, reconnaît Javier Coloma Brotons, spécialiste du développement urbain à la Banque asiatique de développement.

La commission d'assainissement a pour objectif la transformation du réseau fluvial de Manille, une mégapole de 12 millions d'habitants, d'ici trois ans, mais il estime que ça prendra en fait des décennies.

Parmi les principaux problèmes figurent l'absence de centres de traitement des eaux usées, de personnes qualifiées pour les faire fonctionner, les milliers de petites entreprises qui déversent leurs déchets dans les cours d'eau, sans compter les industries polluantes en amont, énumère-t-il.

A tout cela s'ajoutent le fonctionnement chaotique du système politique philippin, qui rend difficile une approche coordonnée, et la réticence des quelque 300.000 habitants des bidonvilles proches du fleuve à quitter leurs masures pour aller s'établir loin du centre.

Un tel contexte a conduit à l'échec répété de plusieurs projets précédents, dont le premier date de 1989.


ROMANDIE 24/2/2013

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