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Au coeur de la glace, le secret du climat et de ses variations

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Cet article explique comment l'analyse des glaces obtenues par carottage dans les calottes polaires (Antarctique], Groenland) et dans les glaciers permet de reconstituer les variations de la température et de la composition chimique de l'atmosphère dans le passé, et cela jusqu'à il y a 400 000 ans environ.

Ce dossier passionnant pour comprendre un peu mieux l'évolution du climat et comment on peut arriver à connaître l'évolution climatologique passée a été réalisée par Valérie Masson-Delmotte, ingénieure au CEA, pour FUTURA SCIENCES en 2004... Il devrait répondre à certaines de nos interrogations, et surtout à celles de mon petit-fils qui s'interroge énormément sur "c'était comment avant" ?

Pour Edouar6...

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L'apport de cette discipline scientifique récente (l'analyse des glaces obtenues par carottage dans les calottes polaires (Antarctique, Groenland) et dans les glaciers) s'est révélée déterminante pour la compréhension du climat de la Terre et de son évolution sous l'influence des facteurs naturels et anthropiques.

Les calottes de glace, qui forment nos grandes réserves d'eau douce, constituent des archives uniques de l'environnement passé. Dans les régions les plus froides, les neiges, préservées et accumulées parfois depuis des centaines de milliers d'années, conservent la mémoire des conditions climatiques de leur époque.


Pour comprendre les mécanismes climatiques, comme le lien entre climat et cycle du carbone, à l'aide des glaces, il faut comparer les mesures provenant de différents sites. On distingue alors mieux les effets locaux dus à la température et aux précipitations. On met en évidence la composante régionale qui raconte d'où sont venues les neiges, de quoi était faite l'atmosphère. On identifie les impacts hémisphériques ou planétaires des éruptions volcaniques, de l'activité solaire ou de l'émission anthropique des gaz à effet de serre.


Figure 1 : Sites des forages couvrant au moins les derniers 20 000 ans en Antarctique. Le site de Vostok a fourni des échantillons remontant à 400 000 ans ; au-delà, on atteint un lac sous-glaciaire, puis le socle rocheux sousjacent.

Pour obtenir ces précieuses informations, on commence par effectuer des carottages dans les calottes de glace polaire et dans les glaciers, tropicaux et tempérés, de très haute altitude. Un système de forage extrait des morceaux de glace de près de deux mètres de longueur sur une dizaine de centimètres de diamètre.

Les analyses des échantillons de glace se situe donc largement en aval d'opérations logistiques et techniques délicates, lesquelles mobilisent des équipes de plusieurs dizaines de personnes sur le terrain :

- repérages,
-transport du matériel et des hommes,
- installation du camp,
- carottage,
- transfert d'échantillons gelés depuis les sites de carottage jusqu'aux laboratoires),


Figure 2 : Sites des forages couvrant au moins les derniers 20 000 ans au Groenland.

Ces opérations ont commencé dans les années 1960. Mais étant lourdes et coûteuses cela explique pourquoi très peu de forages glaciaires ont été menés à bien à ce jour, en comparaison des forages en milieu océanique ou continental (lacs, tourbières).


Au centre de l'Antarctique et du Groenland, les forages durent plusieurs années mais atteignent des profondeurs de plus de trois kilomètres. En revanche, une campagne de carottage est réduite à quelques jours pour les glaciers de haute altitude, dont les épaisseurs ne dépassent pas 100 à 200 mètres.


Figure 3 : Analyses in situ. Dès la remontée de la carotte, les analyses (non destructives) commencent dans la tranchée scientifique creusée à même la glace (ici à GRIP, au Groenland).
Images FUTURA SCIENCES


Après le forage, les cylindres de glace sont découpés sur le site ("tranchée scientifique"). Une première série de mesures, non destructives, sert à déterminer la stratigraphie de la glace. Ainsi, la conductivité électrique d'une carotte indique la concentration de poussières continentales et d'acides. Elle traduit l'aridité continentale, qui favorise le soulèvement de poussières, et l'intensité du transport atmosphérique, deux facteurs généralement plus importants en période froide.


La carotte est ensuite échantillonnée pour les différents types de mesures. En général, la moitié de la carotte est conservée comme archive en cas de nouveaux développements analytiques. L'ensemble des carottes est ensuite transporté en respectant la chaîne du froid (< – 15 °C), puis stocké dans des chambres froides (– 25 °C) à proximité des laboratoires d'analyse.



FUTURA SCIENCES 2004

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Les mesures «destructives» classiques, réalisées en laboratoire, portent sur la phase solide (glace) ou la phase gazeuse (bulles d'air ou hydrates gazeux). Les cristaux de glace, par leur taille, dressent déjà un tableau qualitatif du climat passé ; en particulier, la température de la glace influence leur vitesse de croissance. Mais les données quantitatives sont apportées par les compositions chimique et isotopique de la glace.


La composition isotopique de la glace détermine la température. Pour l'expliquer, partons d'une eau océanique qui s'évapore. Les molécules légères demandent moins d'énergie que les lourdes pour s'évaporer. En conséquence, la masse d'air humide est enrichie en isotopes légers alors que la mer s'enrichit en isotopes lourds.

Cette masse d'air, transportée vers les pôles, se refroidit au cours de son voyage et son eau se condense au fur et à mesure. Sa vapeur s'enrichit d'autant plus en isotopes légers, les lourds étant préférentiellement emportés dans les pluies.

La relation entre teneur isotopique et température est liée à la pression de vapeur saturante de l'eau et de ses isotopes qui dépend de la température. Plus la température du lieu de condensation est basse, plus le fractionnement est important : plus la vapeur s'appauvrit en isotopes lourds et la phase solide s'enrichit en isotopes lourds. Arrivées à destination, les neiges qui tombent sur les pôles renferment de 3 à 5 % d'oxygène-18 (18O) en moins que la source océanique.



Les mesures actuelles fournissent la relation existant entre la température atmosphérique et la composition isotopique et définissent donc un thermomètre isotopique.


Au final, la composition isotopique de la neige des calottes polaires dépend linéairement de la température de l'air au moment de la précipitation neigeuse : le principe, extrapolé, donne accès aux températures du passé.

L'excès en deutérium défini par d = δD - 8* δ18O signe la température de la région océanique où s'est produite l'évaporation initiale des masses de vapeur d'eau parvenant aux pôles. - Image / Graphique : Futura Sciences

En effet, les coefficients de fractionnement à l'équilibre pour le deutérium et l'oxygène-18 ont un rapport d'environ 8, qui contraint au premier ordre un facteur 8 entre les compositions des précipitations dans ces deux isotopes (pente de la droite dite «des eaux météoriques», mesurée à l'échelle planétaire dans les précipitations échantillonnées par l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique).


Au second ordre, dans les processus de fractionnement hors équilibre (évaporation à la surface de l'océan, formation des cristaux de glace), apparaît un fractionnement cinétique supplémentaire dû aux différences de diffusivité des divers isotopes.

Cet effet de second ordre justifie la définition de l'excès en deutérium. À l'évaporation, ce fractionnement cinétique appauvrit moins la vapeur formée en deutérium qu'en oxygène-18, et dépend des conditions d'évaporation : température de surface, mais également humidité relative de l'air et vitesse du vent.

Les modèles de distillation et les modèles de circulation générale de l'atmosphère incluant les isotopes stables de l'eau montrent que le signal de l'évaporation dans l'excès en deutérium est conservé le long de la trajectoire des masses d'air jusqu'aux pôles.


Au second ordre, le fractionnement isotopique n'est pas exactement le même pour l'hydrogène et l'oxygène, et l'excès en deutérium dépend de la température de la source océanique des neiges polaires.



FUTURA SCIENCES 2004

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L'atmosphère transporte des poussières, du sel marin et divers composés chimiques, qui se mélangent aux précipitations neigeuses et finissent enfermés dans les glaces. Ces impuretés nous délivrent également des messages importants.
Un exemple : l'océan, les volcans et les activités humaines émettent des composés soufrés dans l'atmosphère ; là, ces composés s'oxydent et se transforment en gouttelettes de sulfates ; les aérosols ainsi constitués sont incorporés aux neiges ; leur concentration et leur composition isotopique nous renseignent sur l'origine du soufre qu'ils contiennent.
Relation entre température et séparation isotopique : La relation empirique entre température de condensation etcomposition isotopique des précipitations est en accord avec les calculs théoriques de distillation (modèles de Rayleigh) et résulte de la dépendance à la température des coefficients de fractionnement (rapport entre teneur isotopique du condensat par rapport à la vapeur). Graphique : FUTURA SCIENCES

De même, le strontium et le néodyme des poussières piégées dans les glaces identifient leur source continentale. Par sa composition isotopique, le plomb nous raconte de quel type d'essence il est issu. Le béryllium-10 (10Be) produit par les rayons cosmiques dans la haute atmosphère sert à dater la glace, à suivre les variations de l'activité solaire et à retracer les modifications du champ magnétique terrestre.


Pour des sites où l'accumulation de neige dépasse la dizaine de centimètres par an, l'analyse des impuretés révèle des variations saisonnières qui permettent de compter les couches annuelles et de réaliser des mesures très détaillées. La glace polaire demeure, toutefois, un matériau extrêmement pur dans lequel la teneur des impuretés dépasse rarement le millionième de masse de glace. Cela impose des conditions analytiques d'une grande propreté pour éviter toute contamination des échantillons (travail en salle blanche), ainsi que l'usage de techniques très pointues (chromatographie ionique, spectrométrie de masse…) sur quelques millilitres d'échantillon.



FUTURA SCIENCES

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L'air[ fossile piégé dans les carottes de glace est un moyen unique pour accéder directement aux atmosphères[/size] du passé.




Il nous renseigne sur l'évolution des gaz à effet de serre (principaux gaz à effet de serre : le dioxyde de carbone CO2, le méthane CH4, et le protoxyde d'azote N2O). On peut ainsi quantifier l'impact de l'activité humaine par rapport aux teneurs naturelles, préciser la relation entre gaz à effet de serre et climat, et évaluer les interactions climatiques avec les cycles bio-géochimiques.


Les molécules des gaz à effet de serre séjournent longtemps dans l'air avant d'être détruites (durée de vie de quelques années pour le CO2, de dix ans pour le CH4). Ces temps de séjour, très supérieurs au temps caractéristique de mélange de l'atmosphère, conduisent à des concentrations en gaz à effet de serre remarquablement homogènes sur le globe. Les profils des gaz à effet de serre dans les carottes de glace permettent donc de dater, par comparaison, ces dernières à différents endroits.


L'analyse isotopique de ces gaz infirme également sur leur origine et affine donc notre compréhension du cycle du carbone. Enfin, le monoxyde de carbone (CO) retrace l'évolution de la capacité oxydante de l'atmosphère, qui affecte par exemple le temps de séjour du méthane dans l'air. Par ailleurs, les isotopes de l'oxygène atmosphérique, sensibles aux processus de respiration et de photosynthèse, donnent une estimation de la productivité biologique.


À une profondeur de 50 à 100 mètres, la neige se transforme en glace à cause du tassement des couches neigeuses amoncelées année après année. La porosité de la neige permet la circulation de l'air dans le névé, mais quand la glace atteint une densité de l'ordre de 0,8, les pores se ferment et des bulles d'air se retrouvent isolées les unes des autres. Environ 10 % du volume de la glace naturelle sont ainsi constitués de gaz. L'air diffusant rapidement au sein du névé, l'air et la glace prélevés à une même profondeur ne sont pas forcément contemporains.


La différence d'âge s'élève à plusieurs milliers d'années à Vostok, où le taux d'accumulation est faible. C'est une source d'incertitude non négligeable qu'il faut prendre en compte lorsqu'on analyse l'ensemble des informations pour en déduire les conditions climatiques.


L'évolution des gaz à effet de serre, enregistrée dans les bulles d'air, devra être recalée dans le temps sur celle de la température, mesurée dans la glace. Certains gaz (azote, gaz rares) ont une composition atmosphérique stable à l'échelle de plusieurs cycles climatiques. Leur diffusion, dans la partie poreuse de la calotte, est affectée par les variations de température qui se produisent à la surface des calottes ou par celles de l'accumulation des neiges. Il en résulte des fractionnements thermiques ou gravitationnels sur leurs isotopes. Les mesures isotopiques permettent donc aussi d'estimer les variations passées de température, d'accumulation, ainsi que les différences d'âge entre les gaz et la glace.


Ils aident aussi à recaler dans le temps les résultats provenant des carottes de glace et ceux provenant de sédiments marins. Car la datation de la glace est très délicate !



FUTURA SCIENCES 2004

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Les échelles de temps couvertes par les carottages dépendent du taux d'accumulation de la neige (quantité nette de neige restant à la surface au bout d'une année) ainsi que de la vitesse d'écoulement de la glace. C'est au centre de l'Antarctique, à Vostok, l'un des endroits les plus secs et les plus hostiles de la planète (2 cm de précipitations par an, température moyenne annuelle de – 55 °C), que l'on a extrait la glace la plus ancienne, datant de 400 000 ans. Au contraire, certains forages des glaciers tropicaux ne couvrent que les derniers siècles, mais avec une résolution temporelle de l'ordre du mois.


Plusieurs sites permettent de remonter depuis le climat actuel jusqu'au maximum de la dernière période glaciaire, il y a 20 000 ans, ce qui aide à corréler les carottes entre elles.


Image FUTURA SCIENCES


Mais comment dater la glace ? On a vu que, parfois, les impuretés identifient des couches annuelles. La radioactivité (activité bêta ou gamma) des essais nucléaires atmosphériques (1954-1958 et 1965-1966) ou de l'accident de Tchernobyl (avril 1986) reste mémorisée dans la glace et constitue ainsi un marqueur stratigraphique. Les éruptions volcaniques, connues par ailleurs et repérées dans les glaces par les poussières et les acides qu'elles ont émis, définissent aussi des références.


La teneur en 10Be de la glace dépend uniquement du taux d'accumulation de neige sur le site si le champ magnétique terrestre et de l'activité solaire sont restés constants. La comparaison du 10Be aux profils de 14C mesurés dans les cernes d'arbres, bien datés, détermine une échelle absolue d'âge pour la glace. On peut estimer les taux d'accumulation à partir des isotopes de l'eau, et puisque la glace flue, on calcule des modèles d'écoulement de la glace. Enfin, on corrèle les données provenant des glaces avec celles tirées des sédiments marins.



FUTURA SCIENCES 2004

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À l'aide de cette panoplie d'outils, de nombreuses études ont montré qu'en Antarctique centrale, les isotopes de l'eau peuvent quantitativement être utilisés comme indicateurs de la température du passé.

Seul le carottage de Vostok permet de couvrir quatre cycles climatiques (Un cycle climatique est défini par la succession d'une période interglaciaire et d'une période glaciaire.), soit environ 400 000 ans. L'un des résultats phares du projet Vostok (cf. figure 4) est le parallélisme des variations de la température de l'air et de la teneur atmosphérique en gaz à effet de serre.

Ce résultat, combiné avec une approche de modélisation, suggère qu'environ la moitié de la variation climatique glaciaire- interglaciaire trouverait son origine dans l'effet radiatif des gaz à effet de serre, amplifié par d'autres rétroactions du système climatique comme l'étendue des glaces de mer, la réponse de la végétation, l'humidité de l'air…


Les aérosols de Vostok sont plus abondants durant les périodes glaciaires. Cette augmentation résulte d'une aridité continentale plus prononcée, de vents plus soutenus et d'un transport méridien accentué par suite d'un gradient de température plus intense entre les tropiques et les pôles.


Au Groenland, deux équipes, européenne (GRIP) et américaine (GISP2), ont creusé la calotte jusqu'au socle rocheux. Les séries obtenues (cf. figure 5) ne permettent pas encore d'affirmer que les précédentes périodes chaudes, interglaciaires, comme celle que nous vivons, connaissent un climat stable.

En revanche, elles ont montré l'incroyable instabilité du climat en période glaciaire, période marquée par une succession de variations climatiques rapides s'effectuant en quelques dizaines d'années.

Ces variations climatiques s'accompagnent d'événements abrupts en méthane, indiquant qu'elles concernaient une vaste étendue géographique incluant potentiellement les régions tropicales.


Dans les glaces groenlandaises, plus acides et plus riches en impuretés qu'en Antarctique, le CO2 des bulles d'air réagit avec la glace ; il ne retrace donc pas directement l'évolution de l'atmosphère.







Figure 4 : Quatre cycles climatiques archivés dans les glaces de Vostok. Sont représentés, de haut en bas,la composition isotopique en deutérium (δD), la concentration en dioxyde de carbone (CO2), la concentration en méthane (CH4), la teneur en calcium (Ca) et l'excès en deutérium (d) en fonction du temps, depuis il y a 400 000 ans jusqu'à nos jours.





Les mesures couvrent quatre cycles glaciaire-interglaciaire. Le dernier épisode chaud s'est produit il y a 125 000 ans. Le dernier maximum glaciaire a eu lieu il y a 20 000 ans. Un cycle dure environ 100 000 ans, δD et d signent les température du passé, les épisodes chauds correspondant aux pics de δD. Les époques glaciaires sont marquées par des précipitations très pauvres en deutérium ; elles apparaissent en creux.

Les concentrations en gaz à effet de serre, obtenues à partir des bulles d'air fossile, sont données en ppm (parties par millions) ou ppb (parties par milliards).

Elles sont élevées lors des périodes chaudes et basses pendant les épisodes froids. La teneur en calcium, exprimée en nanogrammes par cm3, est un indicateur de la quantité de poussières ; elles sont plus abondantes pendant les périodes glaciaires.



Par ailleurs, les profils de température passée varient selon la méthode utilisée : ainsi, le réchauffement glaciaire-interglaciaire est évalué à 10 °C par les isotopes de l'eau et 20 °C par deux autres méthodes (fractionnement des gaz dans le névé, inversion du profil de température mesuré dans le trou de forage).





Figure 5 : Un cycle glaciaire à GRIP. Mêmes définitions que pour la figure 4 mais ici l'échelle horizontale de temps ne couvre que 140 000 ans. δ18O, de même que δD, sert à connaître la température du passé. Noter la forte instabilité du climat pendant la période glaciaire.



Graphiques Futura Sciences


En fait, les modèles de circulation générale de l'atmosphère ont élucidé cette divergence en montrant que la répartition saisonnière des précipitations a changé depuis 20.000 ans. Les précipitations sont actuellement plus importantes en hiver (biaisant le thermomètre isotopique vers le froid) alors qu'elles sont plus importantes en été (biaisant vers le chaud) pendant une période glaciaire. Les isotopes de l'eau sous-estiment donc le changement moyen annuel de la température dans cette région.


De même, les aérosols des glaces groenlandaises apportent des résultats différents de ceux de l'Antarctique, en particulier à cause de la proximité du Groenland avec les continents voisins, qui réduit le temps de transport. Les émissions biogéniques d'ammoniaque ou de composés organiques volatils se sont accrues durant la période interglaciaire actuelle, comparée à la dernière glaciation, car les grandes calottes glaciaires nord américaine et eurasienne, en fondant, ont laissé place aux forêts boréales. De plus, à travers ces données, les feux de forêt boréale semblent moins fréquents du début de l'Holocène (il y a 10 000 ans) à nos jours.



FUTURA SCIENCES 2004

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L'un des grands apports scientifiques de l'étude des glaces concerne la quantification de l'impact de l'activité humaine sur la composition de l'atmosphère. Le résultat le plus marquant porte sur les teneurs en gaz à effet de serre.

L'analyse conjointe des carottes groenlandaise et Antarctique a démontré sans ambiguïté que, depuis environ 150 ans, les teneurs en CO2, CH4, et en N2O ont constamment augmenté, pour atteindre désormais des valeurs respectivement supérieures de 30 %, de 150 % et de 15 % aux teneurs pré-industrielles.

D'autres polluants montrent un comportement différent en Antarctique et au Groenland. Ainsi, les sulfates, issus de l'évolution atmosphérique des produits soufrés de la combustion du charbon et du pétrole, augmentent au Groenland d'un facteur 3 à un facteur 5, en deux paliers centrés sur les années 1900 et 1950.

[b]Depuis 1980, ces teneurs semblent décroître, reflétant les mesures prises pour limiter les émissions industrielles de dioxyde de soufre.
En revanche, en Antarctique, les teneurs en sulfate ont peu varié depuis 100 ans, ce qui traduit très probablement l'éloignement des sources et le court temps de résidence du sulfate dans l'atmosphère (quelques jours).


Les glaces du Groenland révèlent également un impact de l'activité humaine bien plus ancien que la révolution industrielle.[i] En effet, on y détecte un net pic de plomb durant le développement des civilisations gréco-romaines, il y a 2 000 ans.
Les activités minières et la sidérurgie étaient alors suffisamment développées pour engendrer une pollution atmosphérique de l'hémisphère nord. Toutefois, ce pic de plomb est mineur par rapport aux teneurs modernes, qui se sont accrues d'un facteur 20 entre le XIXe siècle et 1970.


L'actuelle baisse des teneurs fait suite à la récente mise en service de pots catalytiques nécessitant l'emploi d'essence sans plomb, mais ces teneurs restent encore environ deux fois supérieurs aux teneurs pré-industrielles.



FUTURA SCIENCES 2004
[/i][/b]

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Les glaciers tropicaux et les glaciers des latitudes tempérées permettent de compléter les données glaciologiques. Certains éléments enregistrés dans la glace polaire présentent un temps de séjour très limité dans l'atmosphère, produisant ainsi des disparités spatiales prononcées. De même, les variations de température ou d'accumulation reconstruites en région polaire ne peuvent pas être extrapolées aux régions de plus basse latitude.

Enfin, les glaciers tropicaux et tempérés, proches des sources anthropiques de polluants, donnent accès à des pollutions non mesurables dans les régions polaires. Pour toutes ces raisons, des campagnes de forage sont aussi mises en place sur ces glaciers.


La logistique est souvent difficile à mettre en œuvre car les glaciers utilisables à des fins glaciologiques doivent être les plus froids possibles, ce qui implique d'aller à très haute altitude dans les chaînes montagneuses.



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Les vingt dernières années ont vu l'obtention de résultats spectaculaires permettant de documenter les variations naturelles et anthropiques du climat et de l'environnement, à partir de carottage dans les régions polaires et les glaciers continentaux. Si ces résultats ont amélioré notre compréhension du système climatique, la complexité de ce système nous pose encore de multiples questions.

De grandes opérations de carottage dans les glaces, auxquelles sont associés les laboratoires français (LSCE, LGGE) sont en cours ou prévues. Elles visent à éclaircir des aspects spécifiques du système climatique :

- la variabilité régionale, avec le programme européen EPICA en Antarctique (Dome Concordia ; Dronning Maud Land) ;

- la stabilité du climat de l'hémisphère nord au cours du dernier âge interglaciaire, avec une campagne danoise au Groenland à laquelle collaborent Européens, Japonais et Américains (North GRIP) ;

- la variabilité récente du climat et de l'environnement en Amérique du sud, grâce à une série de forages réalisés dans les Andes par l'Institut de recherche pour le développement (IRD).

Et pour les enfants désireux de mieux comprendre l'évolution du climat jusqu'à nos jours, l'auteur de cet article touffu et parfois ardu, je vous l'accorde, a écrit le livre "Le Climat de nos ancêtres à nos enfants"... Collection Minipommes / Editeur Le Pommier (Prix : 8€)


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