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France : le goéland brun et l'effaroucheur

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C’est un crime peu banal pour lequel les juges du tribunal correctionnel de Lille (Nord) rendront leur délibéré mardi 4 février. La victime, occise d’un coup de fusil de chasse, est en effet… un goéland brun, un oiseau marin plus familier des côtes atlantiques que des salles d’audience. Et l’accusé, un « effaroucheur » de l’aéroport de Lille-Lesquin, dont la mission quotidienne est de lutter contre le « péril aviaire ». Autrement dit, d’empêcher les volatiles de toutes sortes de finir pulvérisés dans les réacteurs ou écrasés sur la carlingue des avions, permettant ainsi aux passagers de goûter à un décollage ou un atterrissage réussi...

 Goéland brun by Andreas Trepte  CC-BY-SA-2.5


Près de 700 collisions avec des animaux, dont 15 % qualifiées de « sérieuses », sont en effet enregistrées chaque année en France par la Direction de l’aviation civile (lire encadré "700 incidents par an en France"). Mais Christophe D., 43 ans, a, pour une fois, mal choisi sa victime à plumes : il est aujourd’hui accusé d’avoir aligné dans son viseur le digne représentant d’une espèce protégée.

L’affaire remonte à novembre 2012. De permanence sur le tarmac ce jour là, Christophe D. est appelé à intervenir 15 minutes avant l’atterrissage du vol 717 transportant près de 300 passagers. Problème : des oiseaux ont été repérés aux abords de la piste. Suivant un protocole précis et réglementé (lire l'encadré), l’effaroucheur va tout tenter pour faire fuir les squatteurs : des avertisseurs sonores vrillent leurs oreilles, puis des fusées crépitantes et détonantes explosent les unes après les autres. Tous les oiseaux s’envolent à tire d’ailes… Sauf un ! Un goéland s’obstine à revenir se poser sur la piste. Les minutes passent…

  By Larus fuscus mer Baltique.Ludovic Péron CC by SA-3.0, 2.5, 2.0, 1.0


« Juste avant l’atterrissage de l’appareil, ce professionnel prend alors la seule décision qui s’impose  pour la sécurité des passagers : il sort son fusil de chasse et tire sur le volatile » explique Me Jean-Yves Moyart, l’avocat de Christophe D. Sauf que l’effaroucheur, qui dispose légalement d’un permis de chasse dans le cadre de ses fonctions, n’a – en la circonstance - pas le droit de faire usage de son arme : l’oiseau récalcitrant est un goéland brun, une espèce protégée.

«Nous sommes autorisés à éliminer uniquement les espèces courantes, comme les pigeons ou les étourneaux, et disposons de quotas pour certaines espèces plus rares mais nous ne pouvons en aucun cas tuer un spécimen d’une espèce protégée» explique Jérôme Guillessou, responsable de l’équipe de 15 effaroucheurs qui veille en permanence sur les pistes de l’aéroport Charles-de-Gaulle (Paris).

 By Varola7845 5may2013


Christophe D., lui, plaide sa bonne foi… et sa mauvaise vue : «À aucun moment il n’a reconnu un goéland brun, très similaire au goéland marin ou cendré que l’on rencontre beaucoup plus souvent sur les pistes et qui ne dispose d’aucune protection particulière. C’est d’ailleurs uniquement lors de l’autopsie de l’animal que l’espèce a été caractérisée» poursuit Me Jean-Yves Moyart.

Un argument auquel la Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui avait appuyé la plainte administrative déposée contre l’effaroucheur, a été sensible : aucun représentant ne s’est présenté lors de l’audience au tribunal. Le goéland brun fera-t-il condamner l’effaroucheur ? Rien n’est moins sûr. Le Parquet ayant requis une dispense de peine, Christophe D. devrait écoper d’un simple rappel à la loi. Reste une question qui restera à jamais sans réponse : pourquoi ce goéland brun têtu a-t-il obstinément refusé de quitter les lieux ? «Il lui manquait une patte, avance l’avocat. C’est peut-être pour cela qu’il cherchait à se poser coûte que coûte...»




Pour lutter contre la présence de mammifères (sangliers, chevreuils…) et d’oiseaux sur les pistes des aéroports, les effaroucheurs - seuls professionnels autorisés à s’approcher à 90 mètres de pistes - disposent d’un arsenal complet.

A commencer par les mesures préventives, comme l’explique Jérôme Guillessou, responsable de l’équipe des effaroucheurs de Charles-de-Gaulle (Paris) : « Nous éliminons les points de nourriture potentiels, comme les décharges, et les points d’eau. Nous laissons l’herbe monter jusqu’à 20 centimètres afin de gêner certaines espèces dont les individus ont besoin de se repérer entre eux sur le terrain».

Côté technique, des moyens pyrotechniques sont d’abord mis en oeuvre  - fusées crépitantes, fusées CAPA longue portée (250m) - puis des torches lasers pour gêner visuellement les oiseaux la nuit ou en lumière déclinante.

Des moyens acoustiques sont ensuite déployés, des 4x4 ou des mâts équipés de haut-parleurs diffusant des cris de détresse propres à certaines espèces : « C’est très efficaces pour les étourneaux ou les goélands, mais pas pour les pigeons ou les rapaces qui ne communiquent pas ainsi entre eux» poursuit Jérôme Guillessou.

Le tir au fusil, s’il n’est pas rare, reste un dernier recours. Chaque intervention fait l’objet d’un rapport circonstancié auprès de la direction générale de l’Environnement.


 

By Richard Diepstraten 30june2010


A propos du goéland brun : Observé en France sur les côtes atlantiques, et parfois méditerranéennes, le goéland brun ([b]Larus fuscus) [/b]est une espèce migratrice partielle dont certains individus sont sédentarisés. Son territoire s’étend désormais jusqu’au Nord-Pas-de-Calais, ce qui explique sa présence sur l’aéroport de Lille-LesquinLa population française représente actuellement environ 8% de la population mondiale, entièrement européenne, estimée à 267.000 - 316.000 couples. Quelques uns ont même choisi de vivre… à Paris !

S et A 30jan2014

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