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Le destin des croûtes océaniques dans les profondeurs de la Terre

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Pour mieux comprendre ce qu'il advient des plaques océaniques lorsqu'elles s'enfoncent dans les profondeurs de la Terre, des scientifiques du CNRS et de l’ESRF ont recréé au laboratoire les conditions de températures et de pressions qui règnent à la limite entre le noyau et le manteau. Leurs résultats apportent une explication nouvelle aux anomalies sismologiques, montrant que des morceaux de plaques atteindraient de grandes profondeurs où leur basalte fondrait.

 En haut à gauche de ce schéma, la croûte océanique plonge dans le manteau et atteint la partie externe du noyau, au niveau de la couche D'', une région où se déroulent des phénomènes encore mal connus. Des fragments de plaques océaniques viendraient y fondre, relâchant des liquides très riches en silice (SiO2). ©️ D. Andrault et al. 2014

La Terre est une planète active. La chaleur qu’elle renferme encore en son sein provoque des mouvements de convection responsables de la tectonique des plaques. Cette énergie provient de la chaleur accumulée pendant l’accrétion planétaire, mais aussi de la chaleur latente de cristallisation de la graine, au centre de la Terre, ainsi que de la désintégration radioactive. Pourtant, les températures à l’intérieur de la Terre sont mal connues. Grâce aux mouvements de convection, du matériel chaud remonte vers la croûte et du matériel froid plonge vers les profondeurs de la Terre. Ainsi, lorsque le manteau ascendant s'approche de la surface, il commence à fondre à l’aplomb des dorsales océaniques. Du basalte s’épanche alors et forme le fond des océans, ce qu’on appelle la croûte océanique.

Le devenir de cette croûte et de la lithosphère océanique qui la supporte est de retourner dans le manteau à la faveur de la subduction. C’est pour cela que l’on trouve à la surface de la Terre des continents vieux de plusieurs milliards d’années alors que la croûte océanique la plus ancienne n’a que 165 millions d’années. La température à proximité de la frontière noyau-manteau, dans une région nommée D” et située de 2.600 à 2.900 km de profondeur, s'élève très rapidement. Probablement de 1.000 °C sur quelques centaines de kilomètres, ce qui est considérable par rapport au gradient de température observé dans le reste du manteau. Des auteurs ont suggéré que cette élévation de température pouvait provoquer la fusion partielle du manteau terrestre.

Mais cela explique mal certaines observations géophysiques. En particulier, le fait que les anomalies de vitesses de propagation des ondes sismiques soient très localisées géographiquement et que leur amplitude corresponde mal au manteau partiellement fondu. D'autre part, les observations montrent clairement l'absence de poches de liquide dans cette région. Or, si le manteau entre en fusion, des veines de liquide devraient se former et se réunir pour créer des poches.

 La ligne de lumière ID27, de l’ESRF, a permis en 2013 de préciser la température du noyau terrestre (entre 3.800 et 5.500 K), par analyse à l'aide d'un puissant faisceau de rayons X de grains de fer comprimés entre des diamants (au centre du cylindre de cuivre) et chauffés par laser. ©️ Blascha Faust, ESRF

Ces contradictions pourraient être expliquées par les résultats, publiés le 23 mai 2014 dans Science, par des scientifiques du laboratoire Magmas et Volcans (CNRS/IRD/Université Blaise Pascal, à Clermont-Ferrand) et de l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility). L'équipe du professeur Denis Andrault a recréé les conditions extrêmes qui existent dans la Terre profonde afin d’étudier la fusion des basaltes océaniques. Elle a soumis quelques échantillons microscopiques de roches à des pressions atteignant 135 gigapascals et des températures extrêmes, et ont observé leurs structures à l’aide du faisceau de rayons X extrêmement brillant de l’ESRF. Conclusion : à la pression régnant à cette profondeur, les basaltes ont une température de fusion d'environ 4.000 K (kelvins), inférieure d'approximativement 350 K à celle du manteau terrestre formé de péridotite.

Les anomalies sismiques pourraient donc provenir de la fusion de morceaux de plaques océaniques basaltiques subduites jusqu'à ces profondeurs, au hasard des mouvements de convection dans le manteau profond. Cela confirmerait des hypothèses sur le devenir de certaines plaques qui atteignent les plus grandes profondeurs et la fusion des basaltes expliquerait bien le caractère irrégulier dans la localisation des anomalies sismiques. La descente des plaques jusqu'à proximité de la frontière noyau-manteau est également bien compatible avec les données préexistantes.

 Schéma simplifié d'une zone de subduction par  DjAreku CC BY-SA 3.0

Les auteurs ont aussi montré que la fusion des basaltes génère des liquides très riches en silice (SiO2). Le manteau étant lui-même saturé en oxyde de magnésium (MgO), la rencontre de ces liquides avec le manteau produirait une réaction rapide entraînant la formation d’une phase solide appelée pérovskite (MgSiO3). Ce minéral est un composant majeur du manteau. Ceci expliquerait pourquoi aucune poche de liquide n'est détectée par la sismologie dans le manteau très profond : la formation de veines de liquide serait rapidement suivie par leur solidification.

Si c'est bien le basalte, et non le manteau, qui fond dans la région D" et provoque ces anomalies sismiques, la température à l'interface entre le noyau et le manteau serait alors comprise entre 3.800 et 4.150 K, supérieure à la température de fusion du basalte et inférieure à celle du manteau. Si l'hypothèse est juste, ce serait la détermination la plus précise de la température à l’interface noyau-manteau disponible aujourd'hui.


Futura Sciences 28/5/2014

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