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La déforestation s'accélère dans l'est du Cameroun... en cause l'huile de palme

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Le potentiel des nouvelles lois régissant l'utilisation des ressources forestières au Cameroun permettrait d'envisager l'enrayement de la perte rapide de la forêt, dans un pays à large biodiversité... Mais les changements pourraient, au final, ne pas être la réponse qu'il faut pour sauver les dernières forêts du Cameroun

Niché dans le nord-ouest du bassin du Congo, le Cameroun accueille un important éventail de biodiversité, tels que les chimpanzés (pan troglodytes ellioti), les éléphants de forêt (Loxodonta cyclotis), espèces faisant, hélas, partie des espèces menacées.

Pépinière de palmiers à huile dans la zone de concession d'Herakles Farm. Photo: ©️ Greenpeace / Alex Yallop.

Mais comme les pays, hors Afrique, commencent à stopper l'hémorragie de la déforestation en ralentissant ou en cessant l'exploitation de la forêt, les investisseurs étrangers sont à la recherche de nouveaux domaines pour l'extension de cultures lucratives... Et au sommet de la liste se place le palmier à huile.

Son expansion en Afrique (dont, l'arbre est originaire), fait dire au primatologue et conservationniste : Joshua Linder " que cette culture va se répandre en force".

Le Cameroun est à la maison d'une pléthore d'espèces telles que les éléphants de forêt (Loxodonta cyclotis) et de nombreux primates différents. Photo par Amcaja.

A la fin des années 1980, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont commencé à travailler avec les dirigeants du Cameroun pour le développement du pays. "Dans un pays comme le Cameroun où il n'y avait quasiment pas d'industrie, c'était de mettre l'accent sur l'exploitation des ressources naturelles",  a déclaré Samuel Nguiffo, un avocat de l'environnement et fondateur et directeur du Centre pour l'environnement et le développement.

Alors ils ont changé les lois forestières pour encourager l'investissement privé dans, entre autres, la conversion des forêts avec des espèces à croissance rapide : le palmier à huile. Mais depuis 1994, les difficultés se multiplient entre les investisseurs et les communautés qui perdent leurs terres et les écologistes qui voient s'évaporer le riche habitat de la non moins riche biodiversité du pays à cause de ces investisseurs. Et ces derniers, eux-mêmes, se plaignent d'impôts trop élevés.

"Après 20 ans de mise en oeuvre, les services de foresterie du Cameroun ont montré leur incapacité à gérer convenablement les intérêts contradictoires autour de la forêt", dit NGuiffo Mongabay.com. De la gestion inefficace est née la perte de la forêt et FORMA alert montre l'accélération des taux de déforestation au Cameroun.

Forma Alerte utilise un algorithme des données des satellites de la NASA qui permettent d'identifier les denses domaines de la forêt tropicale qui ont "probablement" perdu leur couverture forestière. Ce qui est unique avec ces alertes, c'est qu'elles mesurent les possibles déforestations presque aussitôt qu'elles surviennent.

Selon les données de Global Forest Watch, le Cameroun a connu une légère hausse de ces alertes au cours des dernières années, de 75% en 2012 et 67% en 2013, par rapport aux niveaux de 2010. Cette année, cependant, les alertes sont en augmentation de près de 65% par rapport à l'an dernier. Après une légère baisse  l'année dernière, les alertes FORMA se poursuivent donc à la hausse en 2014.

Graphique par John C. Cannon, courtoisie Global Forest Watch.

Cela dit, les modifications des lois forestières du Cameroun sont supposées donner aux collectivités locales la propriété des terres "appelées maison" et ainsi maximiser les avantages économiques et la protection de l'environnement. Mais Nguiffo, dit : "en réalité, elles vont faire peser sur les communautés, le lourd fardeau de prouver la propriété des terres avant que ses membres puissent récolter et vendre les produits qui viennent de la forêt". "De plus, de la manière dont ces lois sont maintenant écrites, elles vont probablement favoriser l'investissement extérieur non contrôlé dans la conversion facile des forêts en terre agricoles".  "C'est une étape importante du retour de la législation forestière", a-t-il ajouté. Bien qu'il soit encore temps pour les parties prenantes de peser sur la révision, NGuiffo doute que la loi intègrera des changements significatifs pour la conservation, avant qu'elle ne soit votée au parlement à la fin de 2014.

Cela laisse aux entreprises la faculté de mettre au point leur propre "règles" ou être tenues par des normes édictées par des commissions indépendantes comme la RSPO (la table ronde sur l'huile de palme durable). Selon Nguiggo, alors que cet organisme international a développé des points importants, à l'avant-garde des discussions sur la culture du palmier à huile, elle n'a pas beaucoup de pouvoirs pour faire appliquer ses recommandations et ses normes.

"Un conseil de certifcation existe bien en théorie", dit Linder. Mais souvent, il ne parvient pas à contrôler les entreprises qui ont signé cette norme de durabilité qui peut même être un "véhicule de greenwashing". Il souligne que des entreprises, comme Herakles Farm, un investisseur américain accusé par Greenpeace et d'autres groupes de surveillance de l'environnement, font preuve de mépris à l'égard du droit camerounais. Par ailleurs, "des investisseurs étrangers, dans d'autres pays, se sont rendus coupables d'utiliser le label RSPO comme un outil de publicité, tout en ne respectant pas les recommandations pour la protection des forêts existantes", ajoute Linder. "Dans les faits, ce label indique aux consommateurs la mauvaise histoire de ces sociétés".

Campagne camerounaise montagneuse, une grande partie de ce qui a été déboisé. Photo de Trees for the Future

Par exemple : la RSPO préconise l'utilisation des terres "dégradées pour les plantations de palmiers à huile... Mais ne parvient pas à donner une définition cohérente de ce qui signifie ce terme [dégradé]. "L'ensemble de la norme RSPO repose sur cette définition [des terres dégradées], ce qui rend la norme RSPO un peu stupide", a ajouté Linder. 

"Ce que l'on peut dire sur les forêts du Cameroun : c'est qu'il y a beaucoup d'animaux menacés endémiques et beaucoup de forêts qui ne sont, ou n'ont été, en aucune manière dégradées", a ajouté Linder. Pour les scientifiques, le terme «dégradé» signifie qu'il n'est plus le riche habitat qu'il était autrefois. Mais certaines entreprises appliquent le terme avec beaucoup de liberté...  

Linder craint que les investisseurs dans l'huile de palme se tournent vers les forêts équatoriales de l'Afrique, après avoir épuisé celles de l'Asie du sud-est. La crainte est une "nouvelle vague" de l'expansion des plantations de palmiers à huile dans la riche jungle du Cameroun et le développement d'Herakles Farm pourrait être un signe avant-coureur des choses à venir. Dans un rapport de 2013, il a écrit dans la revue Primates africains, les menaces que cette vague pourrait faire courir à la diversité des primates.

En l'absence d'une politique nationale forte, d'une gouvernance dirigée vers le contrôle de l'expansion du palmier à huile (ce que Linder soutient si c'est fait dans le "droit chemin" en raison de son vaste potentiel économique), son développement mal conçu menacera alors de détruire plus que la forêt où se trouveront les plantations. Les alertes FORMA montrent qu'actuellement la perte des forêts survient en-dehors des limites des concessions dédiées au palmier à huile (voir carte).

Linder a souligné que les plantations de palmiers à huile amènent en même temps une foule de travailleurs à bas salaires. Et cela génère de la déforestation supplémentaire, car ils ne manquent pas de défricher des terres pour construire des maisons à la périphérie des plantations...

 FORMA alertes a identifié des domaines probables de perte de forêts dans le sud du Cameroun entre 2009 et 2014. Elles montrent la tendance de la déforestation au-delà des abords des plantations des palmiers à huile (consulté le 23 juin 2014).  F Carte de Global Forest Watch.

Par ailleurs, potentiellement dévastateur est le goût de la viande de brousse qu'ils  apportent avec eux : la chasse aide les travailleurs et leurs familles pour s'alimenter et compléter leurs revenus. Ces nouvelles grandes populations ne manqueront pas d'épuiser rapidement la faune des forêts environnantes : les primates et d'autres espèces vivant dans la forêt. Linder a rapporté que ses dernières sorties dans le parc national de Korup, adjacent au site d'Herakles Farms, il lui a été plus difficile de trouver des primates indigènes dans la forêt qui est par ailleurs «merveilleusement en grande partie intacte".

Linder est également tout à fait conscients des responsabilités détenues par les chercheurs ayant accès à ces zones pour informer le public sur ce qui se passe à la suite du développement agricole pour l'huile végétale la plus populaire au monde. Plutôt que de simplement servir d'"historiens de la diminution de la nature", dit-il, les scientifiques et les écologistes ont le devoir de prendre la parole à propos de la destruction de l'environnement qui passe souvent inaperçue.

Mais au lieu de simplement faire la critique des politiques camerounais, ils peuvent travailler avec le Le gouvernement du pays à rédiger des rapports, informer les dirigeants des ministères, et même de contribuer à changer les lois et les politiques régissant l'utilisation de la forêt.

Compte tenu de la perspective de l'évolution du droit de la foresterie au Cameroun, il semble que c'est peut-être le bon moment pour ce genre d'engagement de la communauté scientifique. "Vous n'avez pas toujours besoin de faire des vagues», a déclaré Linder...  "Vous pouvez aider bâteau à rester sur l'eau, mais ramer dans la bonne direction".

Mongabay 25/6/2014

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