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Comment fonctionne "l'arme" anti-grêlons ?

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Largement utilisés en France, ces appareils émettent des millions de particules d'iodure d'argent dans l'atmosphère.

Samedi 28 juin, dans l'après-midi, les vignobles de la côte de Beaune ont été touchés par des orages de grêle, qui sont tombés notamment sur les communes de "Santenay, Meursault, Volnay, Pommard et Beaune", où poussent de prestigieuses appellations.

 Une personne montre des grêlons en Auvergne, le 3 juin 2012 AFP/ CITIZENSIDE.COM

"C'est une véritable catastrophe. On était parti sur une belle récolte et ça tombe à l'eau", a déclaré le président du syndicat de Pommard, Jean-Louis Moissenet. Pourtant, d'après nombre de viticulteurs, la catastrophe aurait pu être encore pire s'ils n'avaient pas eu recours à des dispositifs anti-grêle. En quoi consistent-il ?

Les plus répandus en France se présentent sous la forme de générateurs de vortex tels que celui-ci :

 Schéma d'un générateur de Vortex. Crédit : ANELFA

Ces générateurs de vortex ou "générateurs de particules glaçogènes" se composent d'une bouteille d'air comprimé qui met sous pression une solution contenant de l'acétone et de l'iodure d'argent. Cette solution est vaporisée grâce à un gicleur jusqu'à une cheminée cylindrique à la base de laquelle se trouve un brûleur.

La flamme, à 800°C, permet alors au mélange gazeux contenant des particules d'iodures d'argent de s'élever rapidement dans les airs. Ces générateurs qui peuvent fonctionner pendant 30 heures libèrent alors, selon les chiffres de l’ANELFA (Association Nationale d’Etude et de Lutte contre les Fléaux Atmosphériques) une quantité massive de particules (2 x 1011 chaque seconde).

Comment ces particules limitent-elles la grêle ? Pour le savoir, il faut d'abord comprendre comment naissent les grêlons. Comme l'explique en détail l'infographie ci-dessous, ces derniers se forment par l'agglomération progressive de gouttes d'eau très froides autour d'un support (en général un petit cristal de glace).

 Infographie : Damien Hypolite / Sciences et Avenir

Plus les courants d'air dans le nuage brassent les grêlons, plus ceux ci agglomèrent des gouttelettes d'eau et donc grossissent. Mais revenons à nos moutons : comment les particules d'iodure d'argent agissent-elles contre les grélons ?

Le principe est simple : chaque particule d'iodure d'argent va constituer un point de fixation pour les gouttelettes d'eau qui constituent le nuage. Ce qui va avoir pour effet de multiplier le nombre de grêlons mais, parallèlement, d'en diminuer la taille, et donc les dommages qu'ils occasionnent. En effet, une poignée de petites billes de glace fait moins de dégâts qu'un grêlon de la taille d'une boule de pétanque.

 Infographie : Damien Hypolite / Sciences et Avenir.

Un tel dispositif ne fonctionne pas en permanence. Il est mis en marche par les viticulteurs uniquement lorsque Météo France fait état d'une alerte grêle.

Il est à noter qu'il est également possible d'ensemencer les nuages avec de l'iodure d'argent à l'aide de petite fusées, ou de le vaporiser directement depuis un avion.

Mais comme l'actualité vient de nous le prouver, l'usage d'un tel dispositif n'est pas une garantie qu'aucun gros grêlon ne va se former. Comment donc juger de son efficacité ?

"Deux éléments le prouvent", affirme Claude Berthet, directrice de l'ANELFA. Le premier est une étude menée sur des données économiques. "Nous constatons qu'à partir de 1964, date à laquelle ces dispositifs anti-grêle sont massivement utilisés, il y a une rupture dans les pertes de récoltes liées à la grêle, dans les zones protégées par les dispositifs" affirme Claude Berthet. Cette étude, publiée dans le Journal of Climate and Applied Meteorology, en 1986, fait état d'une diminution de 41% de ces pertes.

Mais ces données économiques ne sont guère significatives, car elle mettent en jeu un trop grand nombre de facteurs. "Une diminution des indemnisations ne signifie pas forcément qu'il est tombé moins de grêle, rappelle François Bouttier, chercheur à Météo France. Elle peut simplement refléter une modification de la politique conduite par les assureurs".

Qu'à cela ne tienne, l'ANELFA évoque une autre étude publiée dans le même journal, portant, cette fois, sur la mesure directe de la grêle. Elle a permis de mesurer une diminution de 42% des grêlons produits par le nuage lorsque celui-ci est ensemencé.

"L’affinement de la méthode physique a ensuite permis de préciser que l’énergie cinétique de la grêle est diminuée de 48% par un réseau de générateurs à maille de 10 km" précise l'ANELFA sur son site.

Mais là encore, ces données ne sont pas aussi nettes qu'il y paraît. "Cette étude a été menée dans un seul endroit et sur un trop petit nombre d'orages. Les résultats obtenus ne sont donc pas statistiquement très robustes" objecte François Bouttier.

"Les quelques études d'efficacité menées aux États-Unis et en France sur l'efficacité de ce type de dispositif pour réduire la taille des grêlons ne montrent en réalité pas d'effet très significatif. On peut donc questionner la pertinence d'un tel dispositif" conclut le chercheur.

De plus, le principe de fonctionnement de ces appareils soulève également une question cruciale. N'y a-t-il pas un risque à libérer ainsi dans l'atmosphère de grandes quantités de nanoparticules d'iodure d'argent ?

D'autant plus que l'utilisation de ce type de dispositifs est massive. "Il y a environ 800 générateurs de ce type sur le territoire", chiffre Claude Berthet. Or, chacun des ces générateurs émet 8,8 grammes d’iodure d’argent chaque heure. À cela s'ajoutent 740 kilos d'iodure d'argent dispersés chaque année par des avions au-dessus des 66 500 km2 du territoire français concerné.

Mais l'ANELFA se veut rassurante. "Les publications scientifiques montrent clairement qu’aucun effet nocif sur l’environnement lié à l’utilisation d’aérosols à base d’iodure d’argent pour ensemencer des nuages n’a été observé, ni envisagé d’être observé" affirme l'association dans un communiqué.

Certes, reconnaît l'ANELFA dans ce document, l'iodure d'argent est toxique pour les micro-organismes et les poissons. Mais à cet argument, l'association objecte que, dans les conditions réelles, les nanoparticules se lient à d'autres composants pour former de nouvelles molécules moins toxiques.

En outre, l'ANELFA rappelle que le ministère de la santé américain a fixé à 50 microgrammes d'argent par litre, le seuil de toxicité pour l'eau de consommation humaine. Et, d'après les chiffres cités par l'ANELFA, ce seuil serait en moyenne inférieur à 0,01 microgramme par litre dans les eaux de surface.  

Mais en réalité, la communauté scientifique n'est pas aussi catégorique quant à l'innocuité de ces produits. Les nanoparticules aéroportées posent un problème de santé du fait de leur capacité à pénétrer profondément dans les voies respiratoires, puis à migrer dans l'organisme, rappellent en préambule des chercheurs de l'Université Virgina Tech, aux États-Unis, dans une étude publiée en 2012 dans le Journal of the Air and Waste Management Association.

Cette étude conclut que les effets sur l'environnement à court et long terme de ces nanoparticules sont en réalité mal connus.

Sciences et avenir 1/7/2014

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